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L'égalité des droits est établie par la nature : la société, loin d'y apporter atteinte, ne fait que la garantir contre l'abus de la force qui la rend illusoire.

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IV. La liberté est le pouvoir qui appartient à l'homme d'exercer, à son gré, toutes ses facultés. Elle a la justice pour règle, les droits d'autrui pour bornes, la nature pour principes, et la loi pour sauvegarde.

Le droit de s'assembler paisiblement, le droit de manifester ses opinions, soit par la voie de l'impression, soit de toute autre manière, sont des conséquences si nécessaires de la liberté de l'homme, que la nécessité de les énoncer suppose ou la présence ou le souvenir récent du despotisme.

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La loi ne peut défendre que ce qui est nuisible à la société elle ne peut ordonner que ce qui lui est utile.

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VI. Toute loi qui viole les droits imprescriptibles de l'homme, est essentiellement injuste et tyrannique: elle n'est point une loi.

VII. La propriété est le droit qu'a chaque citoyen de jouir et de disposer de la portion de biens qui lui est garantie par la loi.

VII.

Le droit de propriété est borné, comme tous les autres, par l'obligation de respecter les droits d'autrui.

IX. Il ne peut préjudicier ni à la sûreté, ni à la liberté, ni à l'existence, ni à la propriété de nos semblables.

X. Toute possession, tout trafic qui viole ce principe est essentiellement illicite et immoral.

XI. La société est obligée de pourvoir à la subsistance de tous ses membres, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d'exister à ceux qui sont hors d'état de travailler.

XII. Les secours nécessaires à l'indigence sont une

dette du riche envers le pauvre; il appartient à la loi de déterminer la manière dont cette dette doit être ac

quittée. XIII.

La société doit favoriser de tout son pouvoir les progrès de la raison publique, et mettre l'instruction à la portée de tous les citoyens.

XIV.

La loi est l'expression libre et solennelle de la volonté du peuple.

XV. Le peuple est le souverain : le gouvernement est son ouvrage et sa propriété, les fonctionnaires publics sont ses commis.

XVI. Aucune portion du peuple ne peut exercer la puissance du peuple entier; mais le vœu qu'elle exprime doit être respecté comme le vœu d'un portion du peuple qui doit concourir à former la volonté générale.

Chaque section du souverain, assemblée, doit jouir du droit d'exprimer sa volonté avec une entière liberté : elle est essentiellement indépendante de toutes les autorités constituées, et maîtresse de régler sa police et ses délibérations.

Le peuple peut, quand il lui plait, changer son gouvernement et révoquer ses mandataires.

XVII. - La loi doit être égale pour tous.

XYIII. - Tous les citoyens sont admissibles à toutes les fonctions publiques, sans aucune autre distinction que celle des vertus et des talents, sans aucun autre titre que la confiance du peuple.

XIX.

Tous les citoyens ont un droit égal de concourir à la nomination des mandataires du peuple et à la formation de la loi.

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XX. Pour que ces droits ne soient point illusoires, et l'égalité chimérique, la société doit salarier les fonctionnaires publics, et faire de sorte que les citoyens qui vivent de leur travail puissent assister aux assemblées

publiques, où la loi les appelle, sans compromettre leur existence ni celle de leurs familles.

XXI. - Tout citoyen doit obéir religieusement aux magistrats et aux agents du gouvernement, lorsqu'ils sont les organes ou les exécuteurs de la loi.

XXII. Mais tout acte contre la liberté, contre la sûreté ou contre la propriété d'un homme, exercé par qui que ce soit, même au nom de la loi, hors des cas déterminés par elle, et des formes qu'elles prescrit, est arbitraire et nul; le respect même de la loi défend de s'y soumettre, et si l'on veut l'exécuter par violence; il est permis de le repousser par la force.

XXIII. Le droit de présenter des pétitions aux dépositaires de l'autorité publique appartient à tout individu. Ceux à qui elles sont adressées doivent statuer sur les points qui en sont l'objet, mais ils ne peuvent jamais ni en interdire, ni en restreindre, ni en condamner l'exercice.

XXIV. La résistance à l'oppression est la conséquence des autres droits de l'homme et du citoyen,

Il y a oppression contre le corps social, lorsqu'un seul de ses membres est opprimé.

Il y a oppression contre chaque membre, lorsque le corps social est opprimé.

Quand le gouvernement opprime le peuple, l'insurrection du peuple entier et de chaque portion du peuple est le plus saint des devoirs.

Quand la garantie sociale manque à un citoyen, il rentre dans le droit naturel de se défendre lui-même.

Dans l'un et l'autre das, assujettir à des formes légales la résistance à l'oppression est le dernier raffinement de la tyrannie.

XXV. Dans tout état libre, la loi doit surtout défendre la liberté publique et individuelle contre l'abus de l'autorité de ceux qui gouvernent.

Toute institution quine suppose pas le peuple bon et le magistrat corruptible, est vicieuse.

XXVI. Les fonctions publiques ne peuvent être considérées comme des distinctions, ni comme des récompenses, mais comme des devoir publics. Les délits des mandataires du peuple doivent être sévèrement et facilement punis. Nul n'a le droit de se prétendre plus inviolable que les autres citoyens. Le peuple a le droit de connaître toutes les opérations de ses mandataires; ils doivent lui rendre un compte fidèle de leur gestion, et subir son jugement avec respect. Les hommes de tous les pays sont frères, et les différents peuples doivent s'entr'aider, selon leur pouvoir, comme les citoyens du même État.

Celui qui opprime une seule nation, se déclare l'ennemi de toutes. Ceux qui font la guerre à un peuple, pour arrêter les progrès de la liberté et anéantir les droits de l'homme, doivent être poursuivis partout, non comme des ennemis ordinaires, mais comme des assassins et des brigands rebelles. Les rois, les aristocrates, les tyrans, quels qu'ils soient, sont des esclaves révoltés contre le souverain de la terre, qui est le genre humain, et contre le législateur de l'univers, qui est la nature.

SUR LA CONSTITUTION

CONVENTION. Séance du 10 mai 1793.

L'homme est né pour le bonheur et pour la liberté, et partout il est esclave et malheureux! La société a pour but la conservation de ses droits et la perfection de son être, et partout la société le dégrade et l'opprime! Le temps est arrivé de le rappeler à ses véritables destinées; les progrès de la raison humaine ont préparé cette grande révolution, et c'est à vous qu'est spécialement imposé le devoir de l'accélérer.

Pour remplir votre mission, il faut faire précisément tout le contraire de ce qui a existé avant vous

Jusqu'ici l'art de gouverner n'a été que l'art de dépouiller et d'asservir le grand nombre au profit du petit nombre, et la législation le moyen de réduire ces attentats en système : les rois et les aristocrates ont très-bien fait leur métier; c'est à vous maintenant de faire le vôtre, c'est-à-dire de rendre les hommes heureux et libres par les lois.

Donner au gouvernement la force nécessaire pour que les citoyens respectent toujours les droits des citoyens, et faire en sorte que le gouvernement ne puisse jamais les violer lui-même, voilà, à mon avis, le double problème que le législateur doit chercher à résoudre. Le premier me paraît très-facile : quant au second, on serait tenté de le regarder comme insoluble, si l'on ne consultait que les événements passés et présents sans remonter à leurs causes.

Parcourez l'histoire, vous verrez partout les magistrats opprimer les citoyens, et le gouvernement dévorer la souveraineté les tyrans parlent de sédition ; le peuple se plaint de la tyrannie; quand le peuple ose se plaindre, ce qui arrive lorsque l'excès de l'oppression lui rend son énergie et son indépendance. Plût à Dieu qu'il pût les conserver toujours! Mais le règne du peuple est d'un jour; celui des tyrans embrasse la durée des siècles.

J'ai beaucoup entendu parler d'anarchie depuis la révolution du 14 juillet 1789, et surtout depuis la révolution du 10 août 1792; mais j'affirme que ce n'est point l'anarchie qui est la maladie des corps politiques, mais le despotisme et l'aristocratie. Je trouve, quoi qu'ils en aient dit, que ce n'est qu'à compter de cette époque tant calomniée que nous avons eu un commencement de lois et de gouvernement, malgré les troubles, qui ne sont autre chose que les dernières convulsions de la royauté expirante, et la lutte d'un gouvernement infidèle envers l'égalité.

L'anarchie a régné en France depuis Clovis jusqu'au der

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