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donnaient le titre de nobles à ceux qui les possédaient, et qui cependant avaient pour objet des fonctions utiles, des magistratures nécessaires de l'ordre social. »

Séance du 9 mai (11 floréal).

Robespierre fait, au

nom du comité de salut public, un rapport sur les rapports des idées religieuses et morales avec les principes républicains, et sur les fêtes décadaires.

Séance du 26 mai (7 prairial). — Discours de Robespierre sur les deux tentatives d'assassinats dont il avait été l'objet de la part de l'Admiral et de Cécile Renault'. « Ce sera un beau sujet d'entretien pour la postérité, c'est déjà un spectacle digne de la terre et du ciel, de voir l'Assemblée des représentants du peuple français, placée sur un volcan inépuisable de conjurations, d'une main apporter aux pieds de l'éternel auteur des choses les hommages d'un grand peuple, de l'autre, lancer la foudre sur les tyrans conjurés contre lui, fonder le première république du monde, et rappeler parmi les mortels la liberté, la justice et les vertus exilées! (Applaudissements.) Ils périront, tous les tyrans armés contre le peuple français! elles périront, toutes les factions qui s'appuient sur leur puissance pour détruire notre liberté ! Vous ne ferez pas la paix, mais vous la donnerez au monde, et vous l'ôterez au crime. Cette perspective prochaine s'offrait aux regards des tyrans épouvantés, et ils ont délibéré avec leurs complices que le temps était arrivé de nous assassiner, nous, c'est-à-dire la

1. Ladmiral avait projeté d'assassiner Robespierre. Il l'attendit des journées entières dans les couloirs du Comité de salut public. Le hasard lui ayant dérobé sa victime, il se retourna contre Collot d'Herbois, qui n'échappa à ses tentatives que par la courageuse intervention du serrurier Geffroy. Quant à Cécile Renault, c'était une jeune fille de dix-sept ans, qui s'était présentée chez Robespierre et avait éveillé les soupçons par són obstination à vouloir lui parler. On trouva sur elle deux petits couteaux, mais rien ne prcuve qu'elle cût l'intention d'un crime.

Convention nationale... Mais s'ils ont cru que pour anéantir votre énergie ou pour changer vos principes, il suffit d'assassiner ceux à qui vous avez spécialement confié le soin de veiller pour le salut de la république, ils se sont trompés... Quand nous serons tombés sous leurs coups, vous voudrez achever votre sublime entreprise, ou partager notre sort; ou plutôt, il n'y a pas un Français qui ne voulût alors venir sur nos corps sanglants jurer d'exterminer le dernier des ennemis des peuples! (L'Assemblée entière se lève par un mouvement spontané pour témoigner son approbation.) Cependant, poursuit Robespierre, leur délire impie atteste à la fois leurs espérances er leur désespoir. Calomnies, trahisons, incendies, empoisonnements, athéisme, corruption, famine, assassinats : ils ont prodigué tous les crimes! Il leur reste encore l'assassinat, ensuite l'assassinat, et puis encore l'assassinat! Réjouissons-nous donc, et rendons grâces au ciel, puisque nous avons assez bien servi notre patrie, pour avoir été jugés dignes des poignards de la tyrannie! Mais les destinées de la République ne sont pas encore entièrement affermies et la vigilance des représentants du peuple français est plus que jamais nécessaire. J'ai parlé de la vertu du peuple, et cette vertu, attestée par toute la révolution, ne suffirait pas seule pour nous rassurer contre les factions, qui tendent sans cesse à corrompre et à déchirer la république. Pourquoi cela? C'est qu'il y a deux peuples en France : l'un est la masse des citoyens, pure, simple, altérée de la justice et amie de la liberté; c'est ce peuple vertueux qui verse son sang pour fonder la république, qui impose aux ennemis du dedans et ébranle les trônes des tyrans; l'autre est ce ramas d'ambitieux et d'intrigants; c'est ce peuple babillard et charlatan, artificieux, qui se montre partout, qui persécute le patriotisme, qui s'empare des tribunes et souvent des fonctions publiques, qui abuse de l'instruction que les avantages de l'ancien régime lui ont donnée, pour tromper

l'opinion publique; c'est ce peuple de fripons, d'étrangers, de contre-révolutionnaires, d'hypocrites, qui se place entre le peuple français et ses représentants, pour tromper l'un et pour calomnier les autres, pour entraver leurs opérations, pour tourner contre le bien public les lois les plus utiles et les vérités les plus salutaires. Tant que cette race impure existera, la république sera malheureuse et précaire. C'est à vous de l'en délivrer par une énergie imposante et par un concert inaltérable. » La Convention décrète par acclamation que « le discours du citoyen Robespierre sera inséré dans le Bulletin; il sera imprimé aussi sous la forme ordinaire et traduit dans toutes les langues. Il en sera donné six exemplaires à chaque membre de la Convention 1»>

4. Robespierre avait prononcé la veille aux Jacobins un discours dans le même sens : « Quel homme sur la terre a jamais défendu impunément les droits de l'humanité? Il y a quelques mois, je disais à mes collègues du Comité du salut public: si les armées de la république sont victorieuses, si nous démasquons les traîtres, si nous étouffons le factions, ils nous assassineront; je ne suis point du tout étonné de voir se réaliser ma prophétie. Je trouve même pour mon compte que la situation où les ennemis de la république m'ont placé n'est pas sans avantage; car plus la vie des défenseurs de la liberté est incertaine et précaire, plus ils sont indépendants de la méchancheté des hommes. Entouré de lâches assassins je me suis déjà placé moi-même dans le nouvel ordre des choses où ils veulent m'envoyer; je ne tiens plus à une vie passagère que par l'amour de la patrie et la soif de la justice; et dégagé plus que jamais de toute considération personnelle, je me sens mieux disposé à attaquer les scélérats qui conspirent contre mon pays et contre le genre humain. Plus ils se dépêchent de terminer ma carrière ici-bas, plus je veux me hâter de la remplir d'actions utiles au bonheur de mes semblables. Je lear laisserai du moins un testament dont la lecture fera frémir les tyrans et leurs complices. Cette séance des Jacobins fut signalée par un incident assez singulier. Un membre de la société, du nom de Rousselin, fit la motion de rendre les honneurs civiques au citoyen

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Le 4 juin (16 prairial), Robespierre à l'unanimité est élu président de la Convention, et c'est en cette qualité que le 8 juin (20 prairial), il présida la fête de l'Etre Suprème. Séance du 10 juin (22 prairial). Couthon présente une loi pour la réorganisation du tribunal révolutionnaire, qui supprime les défenseurs officieux. L'ajournement de la discussion sur cette loi est réclamé par Ruamps et Lecointre. « Si une telle loi était adoptée sans discussion, s'écrie Ruamps, il n'y aurait plus qu'à se brûler la cervelle au pied de la tribune. » Robespierre s'oppose à un ajournement « qui compromettrait évidemment le salut de la patrie. Depuis deux mois, la Convention nationale est sous le glaive des assassins, et le moment où la liberté paraît obtenir un triomphe éclatant est celui où les ennemis de la patrie conspirent avec plus d'audace. Depuis plus de deux mois, le tribunal révolutionnaire vous dénonce les entraves qui arrêtent la marche de la justice nationale. La république entière vous dénonce de nouvelles conspirations et cette multitude innombrable d'agents étrangers qui abondent sur sa surface: c'est dans cette circonstance que le Comité de salut public vous présente le projet de loi dont Vous venez d'entendre la lecture. » La Convention court de grands dangers, et l'opposition que rencontre la loi en est le plus puissant indice. « Car, soyez en sûrs, citoyens, partout où il s'établit une ligne de démarcation, partout où il se prononce une division, là, il y a un danger pour la patrie. Il n'est pas naturel qu'il y ait une séparation entre

Geffroy, le courageux défenseur de Collot d'Herbois, dans la fête qui devait être célébrée le 20 prairial. Robespierre dit que c'est à un piége inventé par les partisans de la tyrannie, que cette motion insidieuse a pour objet d'attirer sur les patriotes l'envie et la calomnie, en les accablant d'honneur. En conséquence Rousselin, l'auteur de cette malencontreuse motion, est exclu des Jacobins et traduit devant le tribunal révolutionnaire.

des hommes également épris de l'amour du bien public. Il n'est pas naturel qu'il s'élève une sorte de coalition contre le gouvernement qui se dévoue pour le salut de la patrie. Citoyens, on veut vous diviser; citoyens, on veut vous épouvanter. Eh bien ! qu'on se rappelle que c'est nous qui avons défendu une partie de cette Assemblée contre les poignards que la scélératesse et un faux zèle voulaient aiguiser contre vous. Nous nous exposons aux assassins particuliers, pour poursuivre les assassins publics. Nous voulons bien mourir, mais que la Convention et la patrie soient sauvées. (Vifs applaudissements.) Nous braverons les insinuations perfides par lesquelles on voudrait taxer de sévérité outrée les mesures que prescrit l'intérêt public. Cette sévérité n'est redoutable que pour les conspirateurs, que pour les ennemis de la liberté et de l'humanité. (Applaudissements.) Je demande, reprend Robespierre, que le projet soit discuté article par article et séance tenante. Je motive ma demande par un seul mot: d'abord cette loi n'est ni plus obscure ni plus compliquée que celles que le Comité vous a déjà soumises pour le salut de la patrie. J'observe d'ailleurs que depuis longtemps la Convention nationale discute et décrète sur-le-champ, parce que depuis longtemps il y a dans sa très-grande majorité un assentiment prononcé pour le bien public. (Vifs applaudisse_ ments.) Je dirai donc que des demandes d'attermoiment de la fortune de la république sont affectées dans ce moment; que quand on est bien pénétré des dangers de la patrie et de ceux que courent ses défenseurs, dans quelque lieu qu'ils se trouvent, quelque poste qu'ils occupent, on est plus enclin à porter des coups rapides contre ses ennemis qu'à provoquer des lenteurs qui ne sont que des délais

1. Allusion à son discours du 3 octobre par lequel il sauva soixantetreize députés enveloppées dans la conspiration girondine.

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