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prélevée sur des entreprises particulières au nom de l'autorité publique. Or, il n'y a d'impôts réguliers que ceux qui figurent au budget et qui sont votés par les chambres; il n'importe que celui-· ci résulte d'une loi particulière; chaque année le budget contient dans un article spécial l'énumération de toutes les contributions qui pèsent sur les citoyens en vertu de lois particulières, et leur donne ainsi la sanction légale: celles qui ne sont pas comprises dans cette énumération ne sont pas établies régulièrement et ne peuvent être perçues. Or, l'impôt dont il s'agit n'a été validé par aucun budget, il n'a donc pas d'existence légale.

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64. Vainement on prétendrait que la redevance au profit de l'Opéra est imposée comme une condition des autorisations données aux théâtres secondaires, et qu'en acceptant cette condition, ils ont contracté l'obligation de la payer. Sous le rapport du fait, il ne paraît pas que la condition de payer cette redevance soit insérée dans les autorisations, qui contiennent seulement l'engagement de se soumettre aux lois et réglements. Mais en droit, l'autorité n'a pas le pouvoir d'attacher une semblable condition à la concession de l'autorisation; nous croyons l'avoir déjà démontré ; elle ne serait donc pas obligatoire pour les théâtres, en la supposant insérée dans les autorisations.

65. Cependant la question s'étant présentée, a reçu une solution contraire à l'opinion que nous venons d'énoncer.

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En 1828, quelques uns des théâtres secondaires de Paris ont refusé de payer la redevance de l'Opéra; ils ont attaqué comme inconstitutionnel le décret de 1811, et soutenu que, dans tous les cas, il avait été abrogé par la charte. La discussion portée devant les tribunaux, dont la compétence était fixée par le décret, un jugement du 2 mai 1828 a rejeté la prétention des théâtres secondaires, et décidé: « que le décret du 13 août 1811 exécuté comme loi de l'état, depuis trois ans, l'époque de la restauration; exécuté, sans réclamation, pendant treize années depuis cette époque, n'avait fait que rétablir une redevance créée dans l'intérêt des beaux-arts, pour indemniser le premier théâtre de France du préjudice que lui avait fait éprouver l'ouverture des théâtres secondaires; qu'une pareille redevance établie en faveur d'un théâtre qui n'était pas une propriété de l'état, et dont le produit n'entrait dans aucune caisse publique, ne portait aucun des caractères qui constituent un impôt ; qu'enfin les tribunaux n'avaient point à apprécier les motifs qui avaient pu déterminer le rétablissement de cette indemnité; que, dès qu'elle ne constituait pas un impôt, le décret qui l'avait rétablie n'était point annulé par l'art. 48 de la charte; qu'il rentrait au contraire dans l'application de l'art. 68, qui en maintenait l'exécution jusqu'à ce qu'il y eût été légalement dérogé. »

Les théâtres secondaires ont interjeté appel de cette décision, et reproduit la plupart des moyens

invoqués devant les premiers juges. Mais le 18 août 1828 la cour a confirmé le jugement: «Consi« dérant qu'aux termes des décrets des 8 juin 1806 << et 13 août 1811 qui ont acquis force de loi, les << théâtres secondaires de la capitale n'existent «< qu'en vertu de l'autorisation du gouvernement; <«< que cette autorisation a été accordée ou renou«velée à certaines conditions, notamment à celle « de payer une redevance à l'Académie royale de << Musique; qué l'obligation qui en résulte, inhé << rente à l'existence des petits théâtres, a été par «eux acceptée et exécutée avant et depuis la res<< tauration; que librement contractée au profit « d'un établissement particulier, elle constitue une «< convention privée et non pas un impôt ; qu'ainsi << elle n'a pu être annulée par Part. 48 de la charte << non plus que par les lois de finance postérieures. >>

66. Nous ne pouvons admettre les motifs qui ont dicté ces deux décisions les théâtres se→ condaires s'étant pourvus en cassation, la question est encore indécise; elle sera bientôt discutée de nouveau, et nous ne pouvons croire qu'elle ne soit pas résolue dans le sens de notre opinion. Elle pourra d'ailleurs être engagée par d'autres entreprises, et ce premier procès a eu l'avantage de faire reconnaître que de pareilles difficultés étaient du ressort des tribunaux, et qu'elles devaient être jugées en audience publique lorsque le droit est contesté en lui-même; du moins cette garantie appartiendra toujours aux théâtres qui voudront refuser la taxe de l'Opéra.

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$ III.

- Droit des grands théâtres de Paris sur leur répertoire.

67. Aux termes de l'art. 4 du décret du 8 juin 1806, les répertoires de l'Opéra, de la ComédieFrançaise et de l'Opéra-Comique devaient être arrêtés par le ministre de l'intérieur « et nul autre », ajoute l'article « ne pourra représenter à Paris des

pièces comprises dans les répertoires de ces trois «grands théâtres, sans leur autorisation, et sans « leur payer une rétribution qui sera réglée de « gré à gré, et avec l'autorisation du ministre. » - Le réglement ministériel du 25 avril 1807, reproduisant cette disposition, donne aux théâtres secondaires la faculté de jouer quelques pièces des répertoires des grands théâtres, « mais seulement

avec l'autorisation des administrations de ces << spectacles, et après qu'une rétribution due aux << grands théâtres aura été réglée de gré à gré, «< conformément à l'art. 4 du décret du 8 juin, et « autorisée par le ministre de l'intérieur. >>

68. Ces dispositions semblent reconnaître aux grands théâtres de Paris un droit de propriété sur toutes les pièces de leurs répertoires, puisqu'elles stipulent une indemnité à leur profit dans le cas où les pièces seraient jouées sur des théâtres secondaires. Mais nous pensons qu'on ne peut admettre cette opinion: les ouvrages dont les auteurs sont encore vivants leur appartiennent et sont régis par les principes que nous exposerons plus tard; ceux qui sont tombés dans le domaine public ne sont la propriété d'aucune entreprise

de théatre, sans en excepter même celles dans le répertoire desquelles ils se trouvaient compris. Le gouvernement n'a pas pu avoir l'idée d'aliéner à leur profit une propriété publique, et dans aucun cas il n'en aurait eu le droit.

69. On ne doit donc voir dans ces dispositions qu'une de ces mesures réglémentaires que l'autorité s'est attribué le droit de prendre à l'égard des théâtres, et à ce titre elles n'ont rien d'irrévocable et peuvent toujours être modifiées. Elles pourraient donc être réformées par l'administration, et les grands théâtres ne seraient point recevables à s'en plaindre. Considérées sous ce point de vue, elles rentrent sous l'empire des règles admises pour la fixation des genres, et doivent être soumises aux principes que nous avons exposés sur ce point.

SÍV. Droit de certains théâtres aux bals masqués. Cl

70. Une disposition analogue à celles dont nous venons de parler avait été insérée dans le décret de 1806, relativement aux bals masqués. Aux termés de l'art. 6, POpéra était le seul théâtre de Paris qui pût en donner. L'administration a reconnu que, comme nous l'avons dit, une semblable disposition était purement réglémentaire, et aujourd'hui plusieurs théâtres de la capitale sont admis à donner des bals masqués. C'est une extension du privilége, un retour au principe de la libre concurrence, et l'Opéra n'a point songé, que nous sachions, et dans tous les cas ne serait pas fondé

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