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tion du directeur, ainsi que la loi le prescrit en matière de bail et de louage d'ouvrage pour le propriétaire ou le maître qui ont contracté? Nous penchons pour l'affirmative. La position est absolument la même. Dans le cas d'un engagement dramatique, il s'agit, comme dans les cas de bail et de louage d'ouvrage, d'un contrat de location, dans lequel le comédien s'engage à donner ses services au directeur; à l'égard du comédien, il nous parait que le directeur doit jouir du même avantage que le propriétaire de la maison à l'égard du locataire, et le maître à l'égard du serviteur. Sans doute il pourra se faire que le comédien soit lésé par cette disposition, mais il était maître d'éviter cet inconvénient en rédigeant son engagement par écrit, et il doit s'imputer les suites de sa négligence. D'ailleurs, s'il a quelque moyen de prouver quelles ont été ses conventions, il pourra offrir de le faire. L'affirmation ne devra être accordée au directeur qu'en l'absence de toute preuve propre à éclairer la justice.

Dans ces sortes de contestations, après les explications des parties et les justifications qu'elles auront pu faire, les tribunaux pourront toujours déférer le serment d'office sur le fait qui restera douteux. Si les allégations de la partie à laquelle il sera déféré paraissaient exagérées, le jugement pourra fixer le montant de la somme jusqu'à laquelle l'affirmation sera admise (Code civil, art. 1366, 1369).

224. Non seulement le serment pourra être dé

féré sur les conditions de l'acte d'engagement en lui-même, mais encore sur les à-comptes que le directeur alléguera avoir payés, à moins toutefois qu'il ne fût dans les usages de l'entreprise de prendre quittance des paiements ou de les faire émarger sur un livre de paie.

225. Il existe des administrations théâtrales où l'entreprise accorde aux comédiens des augmentations de traitement postérieurement à l'acte d'engagement. Cette obligation consentie après le traité ne s'y trouve point mentionnée, elle est annoncée au comédien, soit par lettres, soit même verbalement, et il n'intervient aucun acte de celui-ci pour donner son acceptation. Cependant l'irrévocabilité de cette concession ne saurait être mise en doute. Le consentement du comédien à l'engagement n'a pas besoin d'être constaté. On ne peut jamais douter qu'il n'ait été donné. Dans ce cas, on doit considérer les parties comme s'étant soumises réciproquement à une nouvelle condition, qui remplace la condition insérée au contrat d'engagement, et qui doit avoir la même force d'exécution. S'il était constant que l'usage de l'administration est de procéder ainsi, le comédien pourrait, en cas de dénégation, demander à faire la preuve de la nouvelle convention intervenue. Ce ne serait point prouver contre le contenu en l'acte d'engagement, puisque le fait allégué serait intervenu à une époque postérieure et n'attaquerait pas la première convention en elle-même. Les annonces écrites qui auraient été faites de l'aug

mentation serviraient de preuve, et dans le cas où il n'en existerait point, on pourrait exiger la communication des livres et registres de l'entreprise pour y trouver des traces du fait. Avec ces éléments, appuyés au besoin par la preuve testimoniale, comme complément du commencement de preuve par écrit, on arriverait certainement à la constatation de la vérité.

226. L'acte d'engagement est obligatoire pour les deux parties pendant toute sa durée selon les conditions qu'il renferme. En cas de doute, l'interprétation doit avoir lieu en faveur du comédien, qui est la partie obligée. Ainsi le veut l'art. 1162 du Code civil.

227. Il est d'usage dans presque toutes les entreprises de théâtre de faire signer aux comédiens des actes d'engagement imprimés qui contiennent une longue série d'obligations, stipulées presque toutes en faveur du directeur contre le comédien. Le plus souvent ces actes sont signés aveuglément, sans avoir égard à toutes les clauses qu'ils renferment, et même à la suite d'accords entièrement contraires à quelques unes de ces clauses. Il est évident que, dans ce cas, le contrat ne renferme point les véritables conditions de l'engagement. Mais la loi défend de faire aucune preuve contre et outre le contenu aux actes, et quelque injuste que puisse être l'exécution d'une convention inexactement rédigée, il serait trop dangereux de la considérer comme dénuée de force et d'en livrer l'existence à l'arbitraire des tribunaux, pour qu'il

soit possible d'admettre que dans l'absence de preuves contraires, quelques unes des clauses pourraient être mises au néant. Mais si l'exécution du contrat avait déjà reçu une exécution contraire à certaines conditions de style, cette circonstance pourrait être invoquée pour servir à l'interprétation de l'acte.

228. Tels sont les principes généraux qui doivent être suivis quant aux engagements, à leur exécution, et au mode de les interpréter; examinons maintenant les droits et les obligations qui en résultent pour les comédiens.

S II.

Des droits qui résultent pour le comédien de l'acte d'engagement. 229. L'obligation principale contractée par le directeur envers le comédien consiste dans les appointements stipulés à son profit: l'acteur a droit d'en exiger le paiement au taux et aux époques fixés par la convention, ou réglés par l'usage du théâtre. Si les appointements consistent dans une part sociale, le sociétaire comédien doit toucher aux époques fixées par l'acte de société.

230. Il est quelquefois stipulé dans les contrats d'engagement que les appointements courront seulement du jour du début de l'acteur. Une sem→ blable clause ne peut point donner au directeur le droit de suspendre indéfiniment le paiement, en retardant les débuts: si l'acteur engagé avait sujet de craindre un semblable calcul, il devrait envoyer au directeur une sommation de le faire débuter, en déclarant qu'il entend qu'en cas de réfus, les

appointements commencent à courir du jour de cette mise en demeure. En cas de difficulté, la question serait soumise aux tribunaux, qui devraient apprécier les circonstances, et donner cours au traitement de l'acteur du jour où le directeur aurait été en mesure de faire faire le début. Une semblable clause n'a qu'un but, c'est de ne point laisser au comédien la faculté de réclamer ses appointements avant d'avoir joué, et de lui imposer la nécessité de remplir ses obligations aussitôt qu'il peut le faire. Mais s'il est juste qu'il ne lui soit point permis de retarder l'exécution de ses promesses, la même raison d'équité veut que le directeur ne le puisse pas davantage. C'est d'après cette considération que doivent être jugées les discussions qui s'éleveraient en semblable occurrence.

231. Une question grave, déjà agitée plusieurs fois, consiste à savoir si la maladie du comédien, suspendant son service, doit aussi suspendre ses appointements.

Nous voyons dans le Répertoire de Jurisprudence que cette question a été agitée, en 1784, devant la cour des plaids communs d'Angleterre.

Mistriss Yates s'était engagée pour jouer pendant un an sur le théâtre de Covent-Garden moyennant 1,000 livres sterling que le directeur de ce spectacle avait promis de lui payer. Mais elle avait été presque toujours malade pendant la durée de son engagement, et le directeur refusait en conséquence de lui payer 850 livres sterling qui lui restaient dues. Elle l'a cité devant la cour des piaids

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