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SECONDE PARTIE.

DES THEATRES

DANS LEURS RAPPORTS PRIVÉS.

TITRE PREMIER..

Caractère des entreprises de théâtre. Conséquences.

195. D'après l'art. 632 du Code de commerce les entreprises de spectacles publics sont commerciales.

Il résulte de cette disposition:

1° Que les entrepreneurs sont justiciables des tribunaux de commerce.

2° Qu'ils sont soumis à la contrainte par corps pour les engagements qu'ils contractent.

3° Qu'en cas de cessation de paiement ils peuvent être déclarés en faillite.

4° Que, si l'entreprise est exploitée par une société, cette société devra être formée selon les règles tracées par le Code de commerce, et par le décret du 12 février 1814.

196. Mais il ne faut pas confondre la société qui serait formée pour l'exploitation du théâtre avec celle que le directeur pourrait contracter,

sans

les actionnaires, avec un tiers qu'il appellerait au partage des produits de la direction. Cette dernière société, établie sans raison sociale, serait toujours commerciale, mais elle ne devrait pas être soumise à la publication et aux affiches prescrites aux sociétés en nom collectif. Le tribunal de commerce de Paris l'a ainsi jugé le 22 octobre 1827, entre les sieurs Montgenet et Crosnier.

197. Le caractère commercial attribué aux entreprises de spectacles a des conséquences fort étendues. La loi a accordé aux commerçants des faveurs que la nature de leurs opérations rendait nécessaires, mais elle y a joint des garanties exigées par l'intérêt public. Ainsi, le négociant qui tombe en faillite peut être poursuivi comme banqueroutier frauduleux et exposé à des peines afflictives et infamantes pour des faits qui ne seraient point punissables à l'égard des autres citoyens. Les négociants doivent tenir des livres en règle, où ils portent toutes leurs opérations; les billets par eux souscrits sont présumés de droit avoir rapport à leur commerce, et, comme tels, ils entraînent toujours la contrainte par corps, à moins qu'il ne soit prouvé qu'ils sont étrangers au négoce de celui qui les a signés. Les entrepreneurs de spectacles publics doivent se pénétrer de toutes ces obligations, et ne point perdre de vue les dangers auxquels ils peuvent s'exposer.

198. Lorsque l'entreprise est formée par une société, tous les sociétaires, s'ils sont en nom collectif, demeurent solidairement responsables

des engagements de la société. Dans les associations en commandite, les commanditaires qui font des actes de gestion deviennent également responsables solidairement de toutes les obligations sociales. Ainsi, un commanditaire dans une entreprise de théâtre ne pourrait pas être directeur sans s'exposer à payer toutes les dettes de la société, si elle faisait de mauvaises affaires. Cependant il pourrait être employé par la société pour des services étrangers à l'administration en ellemême et au maniement des fonds. Ainsi, il pourrait être acteur, musicien, préposé aux répétitions. Ces fonctions ne devraient point être considérées comme des actes de gestion.

199. Les sociétés formées sans acte écrit, et qui consistent dans une exploitation en commun, avec partage des produits selon des proportions déterminées, entraînent aussi la responsabilité solidaire contre tous ceux qui y prennent part. Ainsi, dans les sociétés de comédiens, qui se forment souvent, soit en cas de faillite du directeur, soit pour exploiter un arrondissement où il n'existe point de troupe privilégiée, tous les acteurs sociétaires sont également tenus des obligations prises par la société. Peu importe qu'ils aient une part plus ou moins grande dans les bénéfices, ils sont toujours responsables de l'intégralité des dettes. Ils pourront par suite être poursuivis sur tous leurs biens personnels, qui deviendront le gage des créanciers de l'entreprise.

200. Dans tous les cas que nous venons d'indi

quer, les associés devront d'autant plus se tenir sur leurs gardes qu'ils seraient engagés par les signatures que leur gérant ou directeur aurait données, et qu'ils ne seraient pas recevables, sauf le cas de fraude de la part des tiers, à contester soit le mérite, soit l'importance de la dette, parce que la société et conséquemment tous les associés se trouvent liés par les actes faits en leur nom. Les comédiens ne sauraient donc apporter trop de précautions dans la formation de sociétés pareilles, et dans le choix de leurs directeurs, régisseurs.ou gérants.

201. Une autre conséquence du caractère commercial des entreprises de théâtre se trouve dans la nécessité de soumettre à des arbitres le jugement de toutes les contestations qui s'élèvent entre les associés les pouvoirs, la compétence de ces arbitres, et le mode de procéder devant eux, sont fixés par la loi, et peuvent être modifiés par des conventions particulières.

202. Ces divers principes sont applicables à toutes les entreprises de théâtre, sauf les exceptions relatives à l'Académie royale de Musique et aux théâtres royaux de Paris, dont la position toute spéciale sera exposée dans un titre particulier.

TITRE DEUXIÈME.

Des divers intéressés dans les théâtres proprement dits.

CHAPITRE I.

Des directeurs.

203. Les directeurs sont préposés à l'administration du théâtre dans ses rapports avec l'administration publique; ils préparent les représentations, déterminent les répertoires, surveillent ou font surveiller les répétitions. Sous ce rapport, leurs droits et leurs obligations ont été précédemment indiqués. Il convient à présent de les considérer dans leurs intérêts pécuniaires, dans leur capacité privée, relativement à la gestion et à l'entreprise confiée à leurs soins.

204. Si le directeur est propriétaire de l'entreprise, c'est-à-dire s'il la fait valoir pour son compte personnel, à ses risques et périls, avec ses propres fonds, ses droits n'ont pas besoin d'être expliqués; il a tous ceux d'un chef d'établissement, il possède les mêmes pouvoirs que le négociant qui dirige sa maison de commerce; n'ayant à répondre de ses actions qu'à lui-même, son intérêt est la seule règle de sa conduite.

205. Mais si l'entreprise est exploitée par une société de quelque nature qu'elle soit, le directeur n'est plus qu'un simple gérant, qualité à laquelle il peut joindre celle d'associé, s'il a versé

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