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avilissent la vertu; ils en effacent l'auguste caractère en étouffant le germe dans nos âmes, en ne lui donnant pour mesure et pour base que la sensibilité physique et l'intérêt personnel. Ils rompent les liens de la société, en s'élevant contre toute autorité, en détruisant toute subordination, en ramenant tout à une égalité chimérique. Ils ôtent à l'homme toute sa grandeur et le rabaissent jusqu'à la condition des brutes; ils le privent de toutes ses ressources et de tous les motifs qui peuvent le porter au bien; ils réveillent toutes ses passions ; ils troublent son repos; ils le laissent sans appui, sans consolations dans ses peines et sans espoir dans ses malheurs. O prétendus sages! qui vous donnez pour nos instituteurs et pour nos maîtres, vous êtes donc les ennemis, les tyrans du -genre humain, bien loin d'en être les bienfaiteurs ; et si l'un des caractères de la vérité est d'être utile, vous ne nous offrez donc dans vos rares et sublimes inventions. qu'un amas d'impostures!

Il n'en est pas ainsi de votre loi sainte, ô mon Dieu, elle ne ressemble pas aux rêves de l'impie, et ce ne sont pas des fables qu'elle nous raconte. Et, d'abord, cher Valmont, en éclairant l'homme sur ce qu'il lui importe le plus de savoir, sur son origine, sa destination, sa fin, ses devoirs et ses espérances, la religion chrétienne fixe ses idées, les rend nettes et précises, assure la justesse de ses vues, et donne à son esprit, en le rendant conforme à la simple raison, toute la droiture dont il peut être susceptible. C'est la remarque importante et vraie que tu seras maintenant à portée de faire. Un homme que

l'impiété égare peut avoir l'esprit brillant, et avec d'autant plus de facilité qu'il se permet tout et ne respecte rien ; il peut même avoir un génie vaste et profond, qui embrasse les connoissances les plus étendues, et s'exerce avec succès sur les sciences les plus abstraites, mais presque toujours sur les objets qu'il lui est le plus intéressant de bien saisir et de bien voir; il a l'esprit faux et bizarre, et une manière de penser louche et incertaine. Revient-il à la foi du Chrétien, humble et docile, ses idées sont plus exactes et plus claires, ses principes sont plus constans, ses lumières s'épurent, sa raison s'affermit; et celui-là même, qui n'étoit souvent qu'un esprit dangereux et frivole, devient, par la religion, un esprit droit et vrai, et un homme essentiel.

(L'Abbé GERARD, Égaremens de la Raison, t. 3.)

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CHAPITRE XXXVII

SAINTETÉ DE L'ÉVANGILE.

«LA sainteté de l'évangile parle à mon cœur. Voyez les livres des philosophes avec toute leur pompe, qu'ils sont petits près de celui-là! Se peut-il qu'un livre, à la fois si sublime et si simple, soit l'ouvrage des hommes? Se peut-il que celui dont il fait l'histoire ne soit qu'un homme lui-même ? Est-ce là le ton d'un enthousiaste, ou d'un ambitieux sectaire ? Quelle douceur, quelle pureté dans ses moeurs! quelle grâce touchante dans ses instructions! quelle élévation dans ses maximes! quelle profonde sagesse dans ses discours! quelle présence d'esprit, quelle finesse et quelle justesse dans ses réponses! quel empire sur ses passions! Où est l'homme, où est le sage qui sait agir, souffrir et mourir sans foiblesse et sans ostentation? Quand Platon peint son juste imaginaire couvert de tout l'opprobre du crime et digne de tous les prix de la vertu, il peint trait pour trait Jésus-Christ; la ressemblance est si frappante que tous les SS. PP. l'ont sentie, et qu'il n'est pas possible de s'y tromper.

Quels préjugés, quel aveuglement ne faut-il point avoir pour oser comparer le fils de Sophronisque au fils de Marie? Quelle distance de l'un à l'autre ! Secrate mourant

sans douleur, sans ignominie, soutint aisément jusqu'au bout son personnage; et si cette facile mort n'eût honoré sa vie, on douteroit si Socrate, avec tout son esprit fût autre chose qu'un sophiste.

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Il inventa, dit-on, la morale. D'autres, avant lui,I volent mise en pratique; il ne fit que dire ce qu'ils avoient fait, il ne fit que mettre en leçons leurs exemples. Aristide avoit été juste, avant que Socrate eût dit ce que c'étoit que justice. Léonidas étoit mort pour son pays, avant que Socrate eût fait un devoir d'aimer la patrie. Sparte étoit sobre, avant que Socrate eût loué la sobriété. Avant qu'il eût défini la vertu, la Grèce abondoit en hommes vertueux.

Mais où Jésus avoit-il pris chez les siens cette morale élevée et pure, dont lui seul a donné les leçons et l'exemple? Du sein du plus furieux fanatisme, la plus haute sagesse se fit entendre et la simplicité des plus héroïques vertus honora le plus vil de tous les peuples.

La mort de Socrate philosophant tranquillement avec ses amis, est la plus douce qu'on puisse désirer; celle de Jésus expirant dans les tourmens, injurié, raillé, maudit de tout un peuple, est la plus horrible qu'on puisse craindre.

Socrate prenant la coupe empoisonnée, bénit celui qui la lui présente et qui pleure ; Jésus au milieu d'un supplice affreux prie pour ses bourreaux acharnés. Oui, si la vie et la mort de Socrate sont d'un sage, la vie et la mort de Jésus sont d'un Dieu.

Dirons-nous que

l'histoire de l'évangile est inventée à

plaisir ? Ce n'est pas ainsi qu'on invente, et les faits de Socrate, dont personne ne doute, sont moins attestés que ceux de Jésus-Christ. Au fond, c'est reculer la difficulté sans la détruire; il seroit plus inconcevable que plusieurs hommes d'accord eussent fabriqué ce livre, qu'il ne l'est qu'un seul homme en ait fourni le sujet. Jamais des auteurs juifs n'eussent trouvé ni ce ton, ni cette morale, ét l'évangile a des caractères de vérité si grands, si frappans, si parfaitement inimitables, que l'inventeur en seroit plus étonnant que le héros. >>

(ROUSSEAU. Emile, liv. 4.)

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