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silence à nos rivaux, et prouver ce que nous avons dit plus haut, que de tous les peuples qui ont cultivé les sciences et les lettres, les François sont, après les Grecs et les Romains, celui qui a le plus grossi le trésor des connoissances humaines, et celui qui a le plus fourni de livres classiques à la bibliothèque du genre humain.

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L'ouvrage que nous offrons au public sous le titre d'Etudes d'Histoire, de Philosophie et de Littérature, se compose de leçons de nos grands maîtres dans ces trois langues, et d'exemples extraits de nos livres classiques. Nous l'avons distribué en quatre parties, savoir, l'Histoire, la Philosophie, l'Eloquence et la Poésie. Chacune de ces parties peut être regardée comme la quintessence de tout ce qui a été dit à ce sujet, et en même temps comme un traité élémentaire, à la portée des jeunes gens des deux sexes; et pour le rendre plus digne de ceux auxquels il est spécialement destiné, nous en avons soigneusement écarté tout ce qui auroit pu fausser le goût, blesser la décence et alarmer la pudeur. En un mot, tous les principes de notre ouvrage sont puisés dans les bonnes traditions , et nous ne craignons pas d'assurer que nous n'avons cité, pour exemples, que des fragmens généralement reconnus pour des modèles.

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DE LITTÉRATURE,

DE MORALE

ET DE PHILOSOPHIE.

LIVRE PREMIER.

DE L'HISTOIRE.

Nous commencerons ce livre par établir les règles qui

peuvent servir soit à écrire, soit à étudier l'histoire. « Dans tous les arts, a dit Marmontel, la première règle est d'en bien connoître l'objet; car si l'intention de l'artiste est une fois bien décidée et dirigée droit à son but, elle sera son guide dans le choix des moyens, et dans l'usage qu'il en doit faire. »

L'objet immédiat de la poésie est de plaire et de séduire ; celui de l'éloquence est de persuader; celui de la philosophie est de chercher la vérité dans la nature et

dans l'essence des choses; celui de l'histoire est de les démêler dans les faits dignes de mémoire, et d'en perpétuer le souvenir en ce qu'il a d'intéressant.

De tous les attributs, le plus essentiel à l'histoire, c'est donc la vérité, et la vérité intéressante; mais la vérité suppose l'instruction, le discernement, la justice et la sincérité.... Nous dirons d'abord comment on peut s'assurer de ces qualités dans les traditions et dans les historiens; et, après avoir établi le portrait et le caractère des plus célèbres historiens de l'antiquité, les seuls qui méritent d'être cités comme modèles et comme exemples, nous raconterons quelques-uns des événemens les plus mémorables de l'histoire ancienne et moderne, et nous donnerons le portrait des hommes qui ont le plus influé sur le sort des nations. Des leçons d'abord, ensuite des exemples: tel est le plan que nous suivrons dans les quatre parties de notre ouvrage.

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CHAPITRE PREMIER.

QU'EST-CE QUE L'HISTOIRE?

Le mot histoire paroit avoir été employé chez les an

ciens dans une acception différente de celle des modernes: par ce mot, les Grecs désignoient une perquisition, une recherche faite avec soin; c'est dans ce sens que l'emploie Hérodote. Chez les modernes, au contraire, le mot histoire a pris le sens de narration, de récit d'un fait, vrai. Les anciens cherchoient la vérité; les modernes prétendent la tenir : prétention hardie, quand on considère combien, dans les faits, surtout dans les faits poli tiques, elle est difficile à trouver. Les anciens étoient plus judicieux et plus modestes que nous.

En effet, l'histoire n'est qu'une véritable enquête de faits et ces faits, ne nous parvenant que par des intermédiaires, supposent un interrogatoire, une audition de témoins, une sorte de confrontation des témoignages. L'historien qui a le sentiment de ses devoirs, doit se regarder comme un juge qui appelle devant lui les specta→ › teurs et les témoins du fait, les confronte, les questionne, et tâche d'arriver à la vérité, c'est-à-dire, au fait tel qu'il s'est passé. Or, ne pouvant jamais voir le fait lui-même, ne pouvant en convaincre ses sens, incontestable qu'il ne peut jamais en acquérir de certitude

par

il est

mathématique, qu'il n'en peut juger que par analogie, qu'il n'en aura jamais qu'une certitude morale : et de là, cette nécessité de considérer les faits sous un double rapport, 1°. sous celui de l'événement, 2°. sous celui des témoins.

Sous le rapport de l'événement, les faits n'ont dans la nature qu'une manière d'être, manière constante, invariable et similaire. Si cet événement ne sort pas de l'ordre connu de la nature, s'il est dans la classe des choses possibles, le fait acquiert déjà, pour l'historien, un grand degré de vraisemblance et de probabilité. Mais ceci même introduit une différence dans les jugemens qui peuvent en être portés, chacun jugeant de la vraisemblance et de la probabilité selon l'étendue et l'espèce de ses connoissances; car, pour saisir l'analogie d'un fait non connu, il faut connoître le fait à qui on doit le comil faut en avoir la mesure, il faut savoir en comprendre les différens rapports, en sorte que la sphère des analogies est étendue ou resserrée, en raison des connoissances exactes de celui qui fait cette comparaison; ce qui ne laisse pas que de resserrer le rayon da jugement, eta par conséquent, celui de la certitude, en beaucoup de cas. Mais à cela même il n'y a pas grand inconvénient, car un sage Arabe a dit: qui croit beaucoup est sujet à beaucoup faillir.

parer,

S'il est un droit, c'est sans doute celui de ne pas livrer sa conscience à qui la repousse, c'est de douter de ce qu'on ne conçoit pas. Hérodote nous en donne un exemple digne d'être cité, lorsque parlant du voyage

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