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qu'il avait besoin de ses princes, leur envoyait un officier enrôleur avec une lettre, pour demander qu'ils assemblassent leur conseil ou leur divan et qu'ils missent en délibération ce qui était contenu dans cette lettre; eh bien, ces négociations réussissaient toujours et cela lui coùtait à peu près une centaine de louis à chaque mission. L'exemple de ce grand prince doit vous persuader de la nécessité que ces ministres, qui Vous desservent au lieu de vous servir, soient rappelés le plus tôt possible, et que vous déclariez à Sa Majesté ce vœu de la nation. (Bravo! bravo! Vifs applaudissements.)

M. Isnard (1). Messieurs, l'intérêt, la dignité de la nation exigent que nous adoptions les mesures proposées par M. Daverhoult et amendées par le rapporteur du comité diplomatique. Le véritable intérêt national est de raffermir enfin la Constitution sur sa base, de faire cesser l'état d'inquiétude, d'indécision, de dépense, de discrédit, qui mine la France, et rend tous les citoyens malheureux; enfin, de ramener bientôt la tranquillité publique, non pas cette tranquillité éphémère et factice qui n'est, dans le drame de la Révolution, que le repos de l'entr'acte, mais cette tranquillité solide et durable qui ne commence jamais que là où finissent les événements.

Or, tout cela ne peut s'obtenir qu'en combattant au plus tôt les ennemis qui nous tourmentent. Quand même les émigrés ne songeraient pas à nous attaquer, il suffit qu'ils soient rassemblés d'une manière hostile, et que ce rassemblement nous retienne dans l'état que j'ai dépeint, pour qu'il nous importe de les dissiper par les armes et de marcher au dénouement. Le projet de décret qui vous est proposé tend à le hâter: il est donc utile sous ce rapport.

Ce n'est pas assez que d'en venir aux prises avec l'ennemi, il faut que toutes nos démarches tendent à assurer nos succès; et le projet de décret de M. Daverhoult se rapporte encore à ce but.

En effet, puisqu'il est démontré qu'il nous faut combattre, n'est-il pas de notre intérêt, quels que soient nos ennemis, quelles que soient leurs alliances secrètes, d'entrer dans la lice avec une fierté courageuse? Tout combattant qui montre de la crainte, rehausse le courage de son adversaire et s'avoue presque vaincu; mais celui qui le provoque avec fermeté, en impose à l'ennemi, et la victoire, compagne du courage, se plaît à le favoriser. (Applaudissements.)

M. Daverhoult nous propose d'inviter le roi à parler avec autorité à tous les petits princes d'outre-Rhin chez qui se forme le rassemblement des émigrés. L'intérêt national commande cette mesure, parce que de deux choses l'une ou les émigrés ne sont soutenus que par les princes qui leur donnent asile, ou bien d'au tres puissances du premier ordre sont dévices. à nous faire la guerre. Dans le premier car parti que nous avons à combattre est si tal qu'il convient d'exiger impérativeme persion des émigrés. Dans le second mesure proposée est encore convende que la fermeté de nos résolutions cont nous faire bientôt connaitre toute que nous aurons à combattre e avantageux que de les exécuter le plan qu'elles meer leur mine dans le momen leur politique... Et qu'o

I

(1) Bibliothèque nationale. As in plomatie, no 9.

réclamant avec fermeté, des princes étrangers, ce qu'exige le droit des gens, nous pouvons, par cette conduite, indisposer tout le corps germanique, et provoquer l'agression des puissances supérieures. Non, Messieurs, ce que nous demandons étant juste, ne changera rien aux résolutions des autres gouvernements; ces résolutions sont indépendantes du décret que vous allez porter; c'est l'intérêt et la politique qui les a inspirées, parce que ce sont ces efforts qui font tout mouvoir dans les cours. Tout prince qui sera persuadé qu'il lui convient de vous faire la guerre, vous la fera; les prétextes ne manquent jamais aux rois qui veulent combattre; notre Révolution lui en fournirait mille. Notre démarche, loin de faire déclarer les grandes puissances contre nous, sera propre les déterminer à la neutralité; et peut-être, telle qui médite de nous combattre, parce qu'elle croit que nous ne pouvons pas nous défendre, fera des réflexions nouvelles lorsqu'elle verra que nous osons attaquer. C'est ainsi que, sous tous les rapports, la mesure proposée me paraît utile; mais si elle est conseillée par l'intérêt public, elle est commandée par ce que nous devons à la dignité de la nation.

Le Français est devenu le peuple le plus marquant de l'univers: il faut que sa conduite réponde à sa nouvelle destinée. Esclave, il fot intrépide et grand; libre, serait-il faible et timide! (Applaudissements.) Sous Louis XIV, le plus fier des despotes, il lutta avec avantage contro une partie de l'Europe: aujourd'hui que ses tres sont déchaînés, craindrait-il l'Europe entièr

Traiter tous les peuples en frères. leur repos, mais exiger d'eux les mêmes e ne faire aucune insulte, mais n'en s n'en pardonner aucune; ne tirer l la voix de la justice, mais ne qu'au chant de la victoire Amm renoncer à toute conquête, mjes conque voudrait le congue engagements, mais força les leurs; généreux. ma ses actions, mais territ geances enfin, tor mourir, à dispatc globe plutôt que je crois, que, a i devenu libr Ce peuple + cable. E

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craignez, au contraire, qu'il ne se plaigne que vos décrets ne correspondent pas à tout son courage. (Applaudissements.)

Si la guerre dont on nous menace n'était relative qu'à des intérêts pécuniaires, nous pourrions alors attendre les événements, et faire de très grands sacrifices pour épargner le sang des citoyens; mais, dans la circonstance actuelle, toute idée de capitulation serait un crime de lèse-patrie. (Applaudissements.) Qui sont en effet les adversaires qui nous menacent? Ce sont les ennemis de notre Constitution sacrée. Que prétendent-ils? lls veulent, par la faim, le fer et le feu, nous ravir la liberté, augmenter la prérogative royale, ressusciter les parlements et ramener la noblesse. Quoi! nous ravir la liberté, cet héritage céleste, plus précieux que la vie? Augmenter la prérogative du roi! Et, que voudraient-ils done y ajouter?... Quoi! ressusciter les parlements, ces corps orgueilleux, sanguinaires, qui achetaient le droit de vendre la justice!... Ramener la noblesse! Ce seul mot doit indigner tout homme qui apprécie la dignité de son être. Ramener la noblesse! Ah! plutôt s'ensevelir mille fois sous les décombres de cette enceinte. Mais non, dussent tous les nobles de la terre nous assaillir, ce temple ne s'écroulera pas; du haut de cette tribune, nous électriserons tous les Français; les plus froids s'embraseront des flammes de notre patriotisme; tous, versant d'une main leur or, et tenant le fer de l'autre, combattront cette race orgueilleuse et la forceront d'endurer le supplice de l'égalité. (Applaudissements.) L'égalité et la liberté sont devenues aux Français aussi nécessaires que l'air qu'il respire. Souffririez-vous, Messieurs, que quelque puissance au monde les lui ravit?

Non, nous ne tromperons pas ainsi la confiance du peuple. Elevons-nous, dans cette circonstance, à toute la hauteur de notre mission. Parlons à nos ministres, à notre roi, à l'Europe, le langage qui convient aux représentants de la France. Disons aux ministres que, jusqu'ici, la nation n'est pas très satisfaite de leur conduite (Applaudissements.);... que désormais, ils n'ont qu'à choisir entre la reconnaissance publique, ou la vengeance des lois; que ce n'est pas en vain qu'ils oseraient se jouer d'un grand peuple; et que par le mot responsabilité» nous entendons « la mort». (Nouveaux applaudissements dans la salle et dans les tribunes.)

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Disons au roi qu'il est de son intérêt, de son très grand intérêt, de défendre de bonne foi la Constitution; que sa couronne tient à la conservation de ce palladium disons-lui qu'il n'oublie jamais que ce n'est que par le peuple et pour le peuple qu'il est roi; que la nation est son souverain, et qu'il est sujet de la loi. (Applaudissements.)

Disons à l'Europe, que les Français voudraient la paix; mais que si on les force à tirer l'épée, ils en jetteront le fourreau bien loin, et n'iront le chercher que couronnés du laurier de la victoire; et que, quand même ils seraient vaincus, leurs ennemis ne jouiraient pas du triomphe, parce qu'ils ne régneraient que sur des cadavres (Applaudissements.); disons à l'Europe que nous respecterons toutes les Constitutions des divers Empires; mais que, si les cabinets des cours étrangères tentent de susciter une guerre des rois contre la France, nous leur susciterons une guerre des peuples contre les rois. (Applaudissements.)... Disons-lui que 10 millions de Français, embrasés du feu de la liberté,

armés du glaive, de la raison, de l'éloquence, pourraient seuls, si on les irrite, changer la face du monde et faire trembler tous les tyrans sur leurs trônes. Enfin, disons-lui que tous les combats que se livrent les peuples, par ordre des despotes... (Applaudissements.)

N'applaudissez pas, Messieurs, n'applaudissez pas; respectez mon enthousiasme, c'est celui de la liberté !

Disons-lui que tous les combats que se livrent les peuples, par ordre des despotes ressemblent aux coups que deux amis, excités par un instigateur perfide, se portent dans l'obscurité; le jour vient-il à paraître, ils jettent leurs armes, s'embrassent et se vengent de celui qui les trompait. (Bruit et applaudissements.)... De même, si, au moment que les armées ennemies lutteront avec les nôtres, le jour de la philosophie frappe leurs yeux, les peuples s'embrasseront à la face des tyrans détrônés, de la terre consolée et du ciel satisfait. (Vifs applaudissements.)

Je conclus par demander que l'Assemblée adopte à l'unanimité le projet de décret proposé: je dís à l'unanimité, parce que ce n'est que par cet accord parfait des représentants de la nation que nous parviendrons à inspirer aux Français une entière confiance, à les réunir tous dans un même esprit, à en imposer sérieusement à tous nos ennemis, et à prouver que lorsque la patrie est en danger, il n'existe qu'une volonté dans l'Assemblée nationale. (Vifs applaudissements prolongés dans la salle et dans les tribunes.)

Plusieurs membres : L'impression du discours et l'envoi aux 83 départements !

M. Basire jeune. J'appuie l'impression, mais je demande la question préalable sur l'envoi aux départements.

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'envoi aux départements, mais ordonne l'impression du discours de M. Isnard.)

Un membre: L'envoi aux puissances étrangères! (Cette motion n'a pas de suite.)

Un membre: A demain la suite de la discussion!

M. Aubert-Dubayet. Le projet de décret de M. Daverhoult, amendé par le comité diplomatique, aurait dù servir de frontispice à toutes les lois que vous avez déjà portées. En conséquence, je crois la lumière universellement répandue. Je m'oppose à l'ajournement de la discussion et je demande que la discussion soit fermée et qu'on décrète sans désemparer. (Appuyé! Aux voix! aux voix!)

(L'Assemblée ferme la discussion à l'unani

mité.)

M. le Président. Vous avez permis à vos présidents, lorsqu'ils ont des objets à proposer à l'Assemblée, de se faire remplacer. Je vais prier M. Lacépède de prendre ma place; je vais monter à la tribune pour faire lecture d'un projet de message au roi." (Oui! oui!)

M. Viénot-Vaublane, ex-président, quitte le fauteuil.

M. Lacépède, président, le remplace.

PRÉSIDENCE DE M. LACÉPÈDE, président.

M. Viénot-Vaublane. Messieurs, le projet du comité diplomatique porte une députation au roi. Je crois que vous jugerez convenable que cette

députation puisse l'exprimer d'une manière authentique. J'ai pensé qu'un message, une adresse, comme vous voudrez le nommer, pourrait remplir ce projet. Je vous demande une simple lecture, non pas que je pense qu'elle puisse être adoptée; mais vous jugerez peut-être à la simple lecture du travail informe que je vais vous présenter, que cette mesure pourrait être jointe au décret. (Lisez! lisez!) Le voici :

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A peine l'Assemblée nationale a-t-elle porté ses regards sur la situation du royaume, qu'elle s'est aperçue que les troubles qui l'agitent encore ont leur source dans les préparatifs criminels des Français émigrés.

Leur audace est soutenue par des princes allemands qui méconnaissent les traités signés entre eux et la France, et qui affectent d'oublier qu'ils doivent à cet Empire le traité de Westphalie qui garantit leurs droits et leur sûreté.

« Ces préparatifs hostiles, ces menaces d'invasion commandent des armements qui absorbent des sommes immenses que la nation aurait versées avec joie dans les mains de ses créanciers.

« C'est à vous, Sire, de les faire cesser: c'est à vous de tenir aux puissances étrangères le langage qui convient au roi des Français. Dites-leur que partout où l'on souffre des préparatifs contre la France, la France ne peut voir que des ennemis; que nous garderons religieusement le serment de ne faire aucune conquête; que nous leur offrons le bon voisinage, l'amitié inviolable d'un peuple libre et puissant; que nous respecterons leurs lois, leurs usages, leurs Constitutions; mais que nous voulons que la nôtre soit respectée. Ditesleur enfin que si des princes d'Allemagne continuent de favoriser des préparatifs dirigés contre les Français, les Français porteront chez eux, non pas le fer et la flamme, mais la liberté. C'est à eux à calculer quelles peuvent être les suites du réveil des nations. (Bravo! bravo! Vifs applaudissements.)

་་

Depuis deux ans que les Français patriotes sont persécutés près des frontières, et que les rebelles y trouvent des secours, quel' ambassadeur a parlé, comme il le devait, en votre nom ?... Aucun.

Si les Français, chassés de leur patrie pour la révocation de l'édit de Nantes, s'étaient rassemblés en armes sur les frontières, s'ils avaient été protégés par des princes d'Allemagne, Sire, nous vous le demandons, quelle eût été la conduite de Louis XIV? Eût-il souffert ces rassemblements? Eût-il souffert les secours donnés par des princes qui, sous le nom d'alliés, se conduisent en ennemis? Ce qu'il eût fait pour son autorité, que Votre Majesté le fasse pour le salut de l'Empire, pour le maintien de la Constitution. (Bravo! bravo! Vifs applaudissements.)

"Sire, votre intérêt, votre dignité, la grandeur de la nation outragée, tout vous prescrit un langage différent de celui de la diplomatie. La nation attend de vous des déclarations énergiques auprès des cercles du Haut et du Bas-Rhin, des électeurs de Trèves, Mayence et autres princes d'Allemagne.

"Qu'elles soient telles, que les hordes des émigrés soient à l'instant dissipées. Prescrivez un terme prochain, au delà duquel nulle réponse dilatoire ne sera reçue; que votre déclaration soit appuyée par les mouvements des forces qui vous sont confiées, et que la nation sache quels sont ses amis et ses ennemis. (Applaudissements.)

Nous reconnaîtrons à cette éclatante démarche le défenseur de la Constitution.

« Vous assurerez ainsi la tranquillité de l'Empire, inséparable de la vôtre; et vous hâterez ces jours de la prospérité nationale, où la paix fera renaître l'ordre et le règne des lois, où votre bonheur se confondra dans celui de tous les Français. (Vifs applaudissements.)

M. Daverhoult. Je demande qu'on mette le message aux voix.

M. Isnard. Je demande l'impression du message après la présentation au roi.

M. Cambon. Dans cette adresse, il y a une expression qui est rappelée dans le projet du comité diplomatique et qu'il est important d'y insérer. Je prierai M. Viénot-Vaublanc de le faire. Cette disposition est relative aux agents du pouvoir exécutif auprès des cours étrangères. Plusieurs membres : Cela y est! cela y est! D'autres membres Aux voix la députation! M. Delacroix. Je crois que c'est le décret qu'il faut mettre aux voix. (Dui! oui!)

:

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D'autres membres Non! non! députation est le terme !

(L'Assemblée adopte, à la presque unanimité, le projet de décret de M. Daverhoult, au bruit des acclamations des tribunes et des applaudissements de l'Assemblée.)

(L'Assemblée adopte ensuite, à l'unanimité, le message lu par M. Viénot-Vaublanc et ordonne qu'il sera dans le jour porté au roi.)

M. Isnard. Je demande l'impression du message et l'envoi aux 83 départements, après qu'il aura été présenté au roi.

(L'Assemblée adopte la motion de M. Isnard.) (La séance est levée à quatre heures.)

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

Séance du mardi 29 novembre 1791, au soir. PRÉSIDENCE DE M. VIÉNOT-VAUBLANC, ex-président, ET DE M. DUCASTEL, ex-président.

PRÉSIDENCE DE M. VIENOT-VAUBLANC. La séance est ouverte à six heures.

L'ordre du jour est la discussion du projet de décret présenté par le comité de la Trésorerie nationale, à la séance du 19 novembre, et relatif aux comptes à rendre par les ministres.

M. Cambon, au nom du comité de la Trésore

rie nationale (1). Messieurs, vous avez chargé votre comité de la trésorerie nationale d'examiner un projet de décret qui vous a été présenté, tendant à demander aux ministres l'exécution de l'article 7 de la section IV du chapitre II de la Constitution.

Vous l'avez aussi chargé d'examiner si les ministres sortant de place, soit par démission ou par révocation, doivent être tenus de rendre compte au Corps législatif de leur administration et de l'emploi des sommes affectées à leur département.

Enfin, vous l'avez chargé d'exécuter le décret du 1er mars dernier, qui ordonnait au comité des finances de présenter à l'Assemblée constituante l'état de la radiation des traitements, et qui avait dû être faite d'après les décrets des 4 janvier dernier et 18 décembre 1790.

Le comité, après avoir examiné ces différents objets, m'a chargé de vous présenter le projet de décret suivant :

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de la trésorerie nationale, décrète ce qui suit :

Art. 1er.

Les ministres présenteront à l'Assemblée, d'ici au 15 décembre prochain, l'aperçu des dépenses à faire pour l'année 1792, dans leur département.

«lls rendront compte, dans le même délai, de l'emploi des sommes affectées à leur département pour l'année 1791, d'après les décrets de l'Assemblée nationale constituante, en fournissant un état détaillé de la nature et des sommes des ordonnances qu'ils auront expédiées jusqu'au 1er décembre prochain pour en autoriser le payement.

«Ils indiqueront, dans le même délai, les abus qui auraient pu s'introduire dans les différentes parties du gouvernement.

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n'auraient pas prêté le serment civique dans le délai prescrit.

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Votre comité n'a pas cru devoir vous proposer actuellement l'impression des comptes demandés aux ministres il a pensé que vous deviez examiner auparavant s'ils rempliraient les vues indiquées par la Constitution."

(Ce projet de décret est adopté.)

Un membre: Je demande que l'on nomme les commissaires qui porteront au roi le message et le décret que vous avez rendu, ce matin, sur les émigrés.

M. Gossuin. Je demande que M. ViénotVaublanc, rédacteur du discours au roi, soit de la députation, et porte la parole au nom de l'Assemblée. (Applaudissements.)

Plusieurs membres: Appuyé! appuyé!

M. Grangeneuve. Je m'oppose à ce mouvement d'une juste admiration qui fait désirer à plusieurs des préopinants que M. Vaublanc, auteur de l'adresse lue ce matin à la tribune, soit compris parmi ceux qui doivent composer la députation. Vous avez établi que l'on suivrait l'ordre alphabétique de la liste des députés pour toutes les députations qui seront faites au roi. Si vous changez cet ordre, vous attribuez un privilège à celui qui vous lit une bonne adresse à la tribune.

Plusieurs membres: Eh bien, c'est sa récompense!

M. Grangeneuve. C'est une flagornerie!

M. Thuriot. Si, dans ce moment, je considérais M. Vaublanc comme président, j'appuierais les observations de M. Grangeneuve, parce que la Constitution est impérative à cet égard; mais, permettez, Messieurs, vous avez à vous occuper d'une question infiniment simple; celle de savoir si l'homme qui a composé un discours est plus propre à le prononcer avec l'énergie convenable. Or, je soutiens que celui qui a créé, qui a composé l'ouvrage, est celui qui est le plus propre à en faire saisir parfaitement l'esprit. Je conclus que M. Vaublanc ayant écrit le message qui doit être porté au roi, c'est à lui seul à prononcer le discours. (Applaudissements.)

M. Delacroix. Je propose de fermer la discussion.

(L'Assemblée ferme la discussion.)

M. le Président. Je mets aux voix la question de savoir si celui qui a lu le projet d'adresse au roi sera chargé de le prononcer devant lui.

(L'Assemblée décrète que M. Viénot-Vaublanc fera partie de la députation, qu'il portera la parole au roi et qu'il prononcera le discours dont l'Assemblée a adopté le projet.) (Applaudissements unanimes.)

M. Viénot-Vaublanc remercie l'Assemblée, et cède le fauteuil à M. Ducastel, ex-président.

PRÉSIDENCE DE M. DUCASTEL.

Un de MM. les Secrétaires fait lecture d'une pétition des citoyens actifs de la paroisse de Dormoy, tendant à faire transporter le chef-lieu de leur canton, du village de Jouvelle dans celui de Corre, et subsidiairement une autre composition de l'assemblée primaire dont ils font partie, ou leur réunion au canton de Jussey.

(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de division.)

M. Fauchet, président du comité de surveillance, annonce que ce comité est déjà dépositaire de plusieurs dénonciations et demande que l'Assemblée autorise ce comité à prendre deux commis.

(L'Assemblée accorde cette autorisation.)

Un de MM. les Secrétaires lit sur la liste des membres de l'Assemblée, les noms de ceux qui doivent porter le message au roi, et le nom des quatre commissaires chargés de porter à la sanction du roi le décret concernant les troubles excités sous prétexte de religion.

M. Rouyer. Comme je ne doute pas que le roi n'accueille avec transport le vœu qui lui sera manifesté, je fais la motion que les porteurs du message viennent rendre compte à l'Assemblée de leur mission avant la fin de la séance.

Plusieurs membres: Appuyé! appuyé!

(L'Assemblée adopte la motion de M. Rouyer.) Il s'est élevé des débats sur la question de savoir auquel des deux comités, militaire et d'instruction publique, il convient de donner la préférence pour faire des rapports qu'on annonce tous comme urgents.

M. le Président met aux voix cette préférence et l'Assemblée l'accorde au comité milítaire pour présenter 3 rapports.

M. Calvet, au nom du comité militaire, a la parole pour faire un rapport sur une pétition du sieur Jacques-Henri Moreton; il s'exprime ainsi (1):

Messieurs, la pétition du sieur Jacques-Henri Moreton (2), renvoyée à votre comité militaire, est de nature à n'avoir pas exigé de longues discussions. Ce citoyen, après 20 années de services continus, et deux campagnes de guerre, fut destitué du commandement du régiment dé la Fère, en 1788. Une lettre du sieur Brienne, ministre de la guerre, opéra seule cette destitution sans motifs, sans jugement, sans accusation,

sans accusateur.

La cour, l'armée, la France entière, instruites, de cet acte arbitraire, n'eurent qu'une voix; et, quoique tout ployât à cette époque sous le poids du despotisme ministériel, l'injustice faite au sieur Moreton excita de toutes parts les plus vives et les plus pressantes réclamations; plusieurs courtisans refusèrent son régiment qui leur fut offert par le ministre; celui qui l'accepta écrivit au sieur Moreton qu'il ne le regardait que comme un dépôt.

60 bailliages insérèrent dans leurs cahiers, si ridiculement qualifiés de cahiers de doléances, des réclamations favorables à ce militaire, bien convaincus que l'on n'a vraiment une patrie qu'alors que l'injure faite à un particulier est considérée comme une calamité publique.

L'oppresseur du sieur Moreton sentit bien que l'opinion qui se prononçait avec tant de force et de concours ne pouvait être méprisée; il ne jugea pas à propos d'y résister, et il écrivit au sieur Moreton « qu'il conservait son activité entière au service, son rang parmi les colonels de l'armée, pour parvenir au grade de maréchal de camp".

Cependant, Messieurs, le sieur Moreton, acca

(1) Bibliothèque nationale: Assemblée législative, L 34, n° 199.

(2) Voir la pétition de M. Moreton. Archives parlementaires 1 Série, t. XXXIV, séance du 6 novembre 1791, page 667.

blé des fâcheuses impressions que sa destitution pouvait avoir fait naître, sollicitait un jugement avec cette chaleur, cette énergie, cette inquiétude que le soupçon d'une tache quelconque inspire à l'honneur effleuré il ne pouvait l'obtenir; et le résultat de cette lutte pénible l'eût probablement laissé sans espoir, quand les beaux jours de la Révolution vinrent luire pour lui comme pour les autres Français.

Le sieur Moreton sollicitait de l'Assemblée constituante la restitution de son régiment; il n'obtint qu'un décret en date du 5 août 1790, qui disait que le roi serait prié de former un conseil de guerre, composé conformément aux ordonnances. Ce conseil de guerre n'a pu se réunir et prononcer le jugement; les membres qui devaient le composer, par uue infinité de prétextes et de détours, ont éludé la commission qui leur était confiée; nous voyons le 5 septembre 1790, le sieur Moreton, présenter encore une pétition à l'Assemblée constituante, et solliciter plus fort, un jugement qu'il ne pouvait obtenir depuis trois mois.

Le jour même où cette pétition fut présentée, l'Assemblée nationale rendit le décret suivant :

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité militaire, décrète que les officiers, qui, sans démission volontaire ou sans jugement, auront été arbitrairement privés de leur état ou suspendus de leurs fonctions, seront censés les avoir toujours exercés; en conséquence, seront replacés aux rang et grade qui leur appartiendraient, s'ils n'avaient pas éprouvé d'injustice. »

Ce décret, Messieurs, résout toutes les difficultés, remplit tous les vœux du sieur Moreton, et juge définitivement sa cause. Il n'y a plus de décision particulière à porter, quand une loi générale a prononcé. L'affaire de Royal-Comtois, celle de MM. Bonnard, officiers de Bretagne, dont l'espèce est absolument semblable à celle du sieur Moreton, se trouvent résolues; par quelle étrange contradiction la sienne ne l'est-elle pas ? Et comment trouvons-nous, en date du 24 septembre, un décret, sur le rapport de M. Chabroud, qui ordonne qu'il sera jugé? Cette loi particulière, postérieure de dix-neuf jours à une loi générale qui n'est qu'une conséquence de la déclaration des droits, est évidemment nulle; c'est l'avis du comité militaire; et il ne doute point que ce soit aussi le vôtre. En vain le rapporteur qui a fait rendre ce décret du 24 a-t-il avancé que le sieur Moreton sollicitait un jugement? le fait est démenti par le pétitionnaire; et le bon sens seul nous guide dans l'accueil que nous faisons à son assertion.

Peut-on, en effet, supposer raisonnablement que le sieur Moreton, quelle qu'ait été sa chaleur à solliciter un jugement avant le décret du 5 septembre, n'ait pas renoncé à ce moyen très douteux de constater son innocence, quand il a pu jouir du bénéfice d'une loi générale et positive? Peut-on supposer qu'il voudra s'exposer à l'arbitraire des hommes quand la loi est pour lui? non, sans doute; aussi, Messieurs, comme l'Assemblée nationale constituante n'a rendu son décret du 24 septembre, que parce qu'elle a pensé que le sieur Moreton voulait être jugé, et qu'aujourd'hui il est démontré, par sa pétition, qu'il ne veut pas l'être, nous avons l'honneur dé vous proposer le décret suivant :

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, considérant que le sieur Jacques-Henri Moreton est dans le cas d'être compris dans la promotion des offi

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