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s'évanouira, & les hommes retomberont dans la barbarie, dont les inftitutions religieufes les ont fait fortir. L'homme fe conduit par les fens; & une Religion purement intérieure ne feroit point proportionnée à fa nature.

X X X.

Toutes les nations s'accordent à rendre à la Divinité un culte fenfible : & quel témoignage que celui du monde entier ! La preuve tirée du confentement de tous les peuples, a toujours paru victorieufe aux yeux des plus grands génies de l'antiquité; ils ont penfé que l'erreur ne pouvoit être univerfelle. Il faut donc un culte extérieur.

X X X I.

La Religion devant être extérieure, doit avoir ́un appareil sensible de rits & de cérémonies qui la caractérisent. C'est la penfée de faint Auguftin. Les hommes, dit-il, ne fauroient fe réunir dans un corps de Religion vraie ou fauffe, s'ils n'ont des fignes ou des facremens visibles & Senec. communs, qui les uniffent entre eux, & les Ep. 117 & lib. 4 diftinguent des autres.

neficiis

de Be- Multum dare folemus prafumptioni omnium cap.4. hominum, apud nos veritatis argumentum eft aliquid omnibus videri.

S. Aug.

lib. 19. contra

Fauf

In nullum nomen Religionis, feu verum, feu tum, c. falfum coagulari homines poffunt, nifi aliquo fi11. pag. gnaculorum vel facramentorum vifibilium confor ed.Ben. tio colligantur.

319 t. 8

CHAPITRE I I I.

De l'Unité de la vraie Religion.

I.

RETENDRE que Dieu foit honoré par toutes les Religions qui font fur la terre, c'est un tolérantisme conçu par le libertinage, produit par l'impudence, détruit par la raison. Il n'y a dans le monde qu'une Religion, comme il n'y a qu'un Dieu, & elle feule eft capable d'honorer l'Etre fuprême.

I I.

Une Religion qui croit toutes les autres permifes n'eft pas une Religion, mais une dérision du culte religieux, parce qu'elle fait de la Divinité une idole, à laquelle tout hommage est égal: Quoi le Payen qui adore plufieurs Dieux, le Juif, le Chrétien, le Mahometan qui n'en adorent qu'un feul; le Chrétien qui rejette Mahomet comme un impofteur; le Mahométan qui l'honore comme le plus grand des Prophêtes; le Juif qui a crucifié Jefus-Chrift comme un blasphémateur, le Chrétien qui le reconnoît pour le Meffie prédit par les Prophêtes & défiré par les nations ; le Déiste qui nie la révélation, le Juif, le Chrétien, le Mahometan qui l'admettent le

Chrétien qui adore Jefus - Chrift comme le Fils de Dieu, confubftantiel à fon Pere; le Socinien qui le met dans la claffe des créatures ; tous enfin offriroient-ils à la Divinité un hommage qui lui fut également agréable? Eloignons de nous cet horrible blafphême. L'Etre fuprême ne peut approuver des cultes qui fe détruifent. C'est un Dieu jaloux.

III.

Le tolérantisme eft pour le peuple ignorant & groffier un monstrueux assemblage de fuperftitions; mais pour ceux qui raifonnent un peu conquemment, c'eft l'anéantiffement de toute Religion : la raison dicte à tous ceux qui lâ confultent, qu'un pareil culte eft illufoire & injurieux à un êcre infiniment parfai:, tel qu'eft Dieu.

IV.

Envain, pour justifier la tolérance, voudroiton l'envelopper fous le manteau de la modération. Elle est, à proprement parler, une charité fans lumiere, une cruelle douceur, une fauffe paix. La Religion n'est pas un fyftême, ni une 'philofophie, fur laquelle il foit permis de varier mais un devoir capital, Malheur à celui qui ne fuit pas la véritable.

V.

Que Rome payenne, au milieu de fes triomphes, introduife dans son sein le tolérantisme ; que, maîtreffe de l'Univers, elle en prenne toutes

les fuperftitions, en raffemblant dans le fameux Panthéon, tous les Dieux de l'Italie, de la Grece, de l'Egypte & de toutes les autres nations; qu'elle exclue de fa tolérance la seule vraie Religion: rien ne doit furprendre : il eft naturel, que les erreurs fe fupportent les unes les autres ; les ténébres fe concilient avec les ténébres : mais que la vraie Religion fupporte toutes les cela implique la vérité eft effentielle

autres,

ment ennemie du menfonge.

Serm.1.

Cùm penè omnibus dominaretur gentibus, om- S. Lea nium gentium ferviebat erroribus: & magnam fi- magnus bi videbatur affumpfiffe Religionem, quia nullam natali refpuebat falfitatem.

VI,

Pourquoi la fecte des efprits forts fe déclare-telle pour le tolérantisme en matiere de Religion? les paffions humaines feules vont refoudre ce problême. Pour tranquilifér fa confcience, on ne veut pas être fans Religion; & pour contenter fa cupidité fans inquiétude, on n'en embraffe aucune en particulier. Un phantôme de religion générale en prend la place, & rend la confcience fourde aux remords qu'occafionneroit l'infraction des devoirs d'une religion particuliere: c'est ainsi que l'artificieuse cupidité conduit l'homme à fes fins.

Les nouveaux Philofophes ne prêchent que la tolérance, & ne veulent pas tolérer la Religion de leur propre pays. Quelle inconséquence !

Apofto lor. Fe

tri &

Pauli.

S. Ath.

Des Docteurs qui renversent d'un côté ce qu'ils tâchent d'édifier de l'autre, ne méritent pas d'être écoutés: on les écoute cependant. O temps! ô mœurs!

VII.

:

Oui, la vraie Religion eft intolérante mais fon intolérance n'eft pas fanguinaire : elle confifte seulement à croire que hors de fon fein il n'y a point de falut à espérer, & à gémir fur le fort futur de ceux qui ne la fuivent pas. La Religion ne fait violence à perfonne; elle fe perfuade: Jaloufe de pofféder les cœurs, elle rejette tout hommage forcé. Qui la professe malgré foi, ne la profeffe aucunement.

Pia Religionis eft proprium, non cogere, fed funin apol. dere.

S. Aug.

ep. 238.

VIII.

Se tromper dans le choix d'une Religion, c'eft le plus grand malheur qui puiffe arriver à l'homme. On ne rejette point la véritable impunément. La vérité, dit un Pere, triomphera de nous, que nous le voulions ou que nous ne le voulions pas. Le plus grand des malheurs de l'homme eft que la vérité triomphe de lui malgré lui-même.

Bonum eft homini ut eum veritas vincat volentem, quia malum eft homini ut eum veritas vincat ad Pafc. invitum: Nam ipfa vincat neceffe eft, five negan, c. 5. n. tema five confitentem.

29.

IX.

La vraie Religion eft le vrai culte du vrai Dieu,

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