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de fpéculation, vérités de fait; vérités naturel-
les, vérités furnaturelles ; vérités fenfibles qui se
connoiffent par les fens, vérités intellectuelles
qui fe découvrent par la raifon, vérités teftimo-
niales qui s'acquierent par le témoignage. Il y a
également différentes voies à prendre pour y
parvenir. La raison me conduit à la connoiffan-
ce des vérités naturelles qui font de fpéculation:
elle y décide en maîtreffe & en juge; mais elle
n'eft
que fubordonnée dans les vérités furnatu-
relles, fur lesquelles il ne lui eft permis de rai-
fonner, que d'après les principes révélés.

Nihil in Ecclefia Catholica falubriùs fieri po- S. Aug tuit, quàm ut rationem precedat auctoritas.

X X.

La raison corrige les erreurs des fens : fi je les croyois je penferois que les couleurs font dans les corps, les fons dans les cloches, les odeurs dans les objets extérieurs; mais la raifon m'apprend que ce ne font que différentes fenfations de mon ame. La foi redresse de même les égaremens de ma raison, en fuppléant aux lumieres qui lui manquent.

XXI.

Les fens me menent à la raison; la raison me conduit à la fois quand la raifon parle, les fens

de mo ribus

Eccle

fiæ Cat.

cap. 2.

5. Aug.

fè táifent; que la raifon garde donc le filence quand la foi prononce; tout fera dans l'ordre. La foi eft au-deffus de la raison, comme la raifon eft au-deffus des fens.

Ancilla ratio ad fidem dirigit.

XXII.

Non, la raison & la foi ne font point ennemies; mais elles fe prêtent du fecours, & s'entrai dent mutuellement, comme les filles d'un même pere. La foi éclaire la raifon, & empêche fes égaremens. La raifon diffipe les nuages qu'une Philofophie orgueilleufe forme pour obfcurcir la foi. C'est elle qui met au grand jour les délires de la nouvelle Philosophie, & le ridicule de tous fes fophifmes.

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Telle propofition prife théologiquement, eft véritable, dira-t-on ; mais elle eft fauffe, prise philofophiquement. Maniere de parler abfurde, puifqu'elle fuppofe des vérités contradictoires. On ne fçauroit trop la profcrire des académies chrétiennes. La raison, qui eft, ou qui doit être le flambeau du Philofophe, ne fçauroit être con

Horat

de Arte Poëtica

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traire à la foi: Dieu auteur de l'une & de l'au

tre,

ne peut

fe contredire.

Cùm verum vero minimè contradicat, omnem

Concil.

affertionem veritati illuminata fidei contrariam, Lateran omnino falfam effe definimus.

XXIV.

fub Leo ne decimo.Seff

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Portons chaque question au tribunal qui en doit juger. C'est une folie de porter au tribunal des fens, ce qui eft du reffort de la raison ; c'en est une autre de porter au tribunal de la raison, ce qui eft de la jurifdiction du témoignage. Il eft dangereux de fe tromper fur le choix du tris bunal où l'on doit plaider: on s'expofe à bien des peines inutiles, & fouvent funeftes. La méthode de juger des chofes de Dieu, par ce qui se passe fous le foleil, a précipité l'homme dans mille erreurs. C'est elle qui a produit l'idolâtrie. Un Roi, a dit l'homme en lui-même, ne sçauroit gouverner feul une grande monarchie, quelque étendue de génie qu'il puisse avoir : il est d'ailleurs indigne de la majesté du trône, d'entrer dans une infinité de petits détails inséparables du gouvernement : il faut donc qu'il commette des Miniftres, des intendans, des Magiftrats qui gouvernent fous fon autorité. Il en est fans doute de même de la divinité à l'égard de l'univers. Le grand Dieu (Jupiter) a sous lui des divinités inférieures, auxquelles il a confié différen

Tertull.

tes parties de fon gouvernement. Il a prépoféľuй à la mer, comme Neptune : un autre aux vents, comme Eole; Pluton aux enfers, Cérès aux moiffons, Bacchus aux vendanges, Mars à la guerre.... C'eft la même méthode qui a enfanté le Matérialisme. L'homme de boue n'a obfervé dans le monde, que des objets qui frappoient fes fens : il a conclu auffitôt que tout étoit matiere, fans excepter Dieu luimême. De pareils écarts n'auroient jamais paru, fi les queftions qui regardent le culte religieux, avoient toujours été portées à un tribunal compétent, qui eft celui du témoignage, ou de la révélation.

Sic plerique difponunt divinitatem, ut imperium Apolog fumma dominationis penès unum, officia ejus penès ed. Rig. multos velint.

pag. 20.

CHAPITRE XIX.

Des Efprits forts.

I.

Es Efprits forts font communs, & ne le are

2 font pas tout dépend de l'idée qu'on attache à ce nom. Si vous entendez par efprit fort un homme qui doute ou affecte de douter des principes

principes les plus autorifés; qui débite d'un ton hardi les paradoxes les plus inouïs fans les profeffer; qui attaque les faits les mieux démontrés; qui fe fait un devoir philofophique de renoncer-au fens commun, pour n' n'être pas confondu avec la multitude; j'avoue que les efprits forts font très-multipliés aujourd'hui. Quel eft l'état qui en manque? Le beau fexe même, que la fatyre a toujours caractérisé par la foiblefse, fe glorifie de ce vain titre : Madame eft un esprit fort. Quel compliment! qu'il eft doux à entendre pour une femme mondaine! ... Mais fi vous détachez du titre d'efprit fort cette idée, pour y fubftituer celle que la raifon y a toujours attachée, vous conviendrez que tous ces prétendus elprits forts ne font ainfi nommés que par ironie, & qu'ils ne font en effet que des efprits foibles. I I.

Qu'est-ce qu'un efprit fort dans le fens de la raison? C'est un homme vrai dans le choix des principes d'où il part, conféquent dans les conclufions qu'il en tire, fupérieur aux préjugés dans fes jugemens, inflexible aux impulfions féduifantes de la cupidité, inacceffible à l'efprit du parti; qui, attaché dans chaque fcience à la méthode qui lui eft propre, ne va pas en étourdi examiner par les fens, ce qui doit être examiné par la raifon, ni difcater par la raifon ce qui doit être difcuté par le témoignage; qui fçait ignorer ce qu'il ne lui eft pas permis de

Y

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