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tion*, un troisième député de Zélande arrive, désapprouve celui de ses collègues qui avait opiné pour l'avis, et se joint à l'autre pour demander ad referendum. La députation d'OverYssel annonce qu'elle vient de recevoir de ses commettans l'ordre exprès de prendre également ad referendum. Ainsi quatre provinces demandaient ad referendum. La Gueldre seule et Amersfort persévéraient dans leur première opinion, et le président n'en conclut pas moins, comme la veille, en faveur de l'avis, à la minorité de deux contre quatre.

Une résolution prise à la minorité, sans le moindre scrupule, sans le plus petit ménagement, était jusqu'alors un fait sans exemple dans l'histoire de la république, et par cela seul nous devions le citer. Nous le devions encore pour montrer combien cette assemblée des états-généraux, si majestueuse, si auguste dans les belles époques de la république, était déchue de son ancienne dignité; et comment, privée volontairement du soutien de la pro

* Dans la constitution de ce temps, une résolution, après avoir été débattue et arrêtée, devait, pour avoir force de loi, être soumise à une seconde délibération, à de nouveaux débats, où on résumait ce qui s'était déjà dit, en ajoutant ce qui se pouvait dire encore. Ce second examen s'appelait la résomption; et c'est lorsqu'une résolution avait passé à la résomption, qu'il n'était plus possible de revenir contre.

vince de Hollande, conjurée, en quelque sorte, contre la liberté, en faveur du despotisme, livrée à la seule impulsion du fanatisme gueldrois, c'est-à-dire d'un très petit nombre de régens aristocrates, elle était devenue un foyer de passions haineuses, d'où le bien général ne pouvait plus sortir, et ne présenta depuis que des scènes de désordre et de confusion, jusqu'au moment où la liberté hollandaise, frappée à mort, la volonté des états - généraux, comme provinciaux, vint se perdre et s'abîmer sous la domination d'un seul.

Ce fut dans ces circonstances que Guillaume fit paraître un manifeste, dont la violence mit le comble au courroux et à l'indignation publique contre lui dans la province de Hollande. C'était ce même exposé, faux et insidieux, de l'état des choses, soutenu par les expressions les plus injurieuses contre les citoyens les plus connus par leurs vertus et leur patriotisme; l'affectation de faire envisager sa cause comme soutenue par la partie la plus saine et la plus nombreuse de la nation, lorsque dans la rigueur de la vérité elle n'avait pour défenseurs que quelques aristocrates faciles à compter, et la populace des villes, qui même ne lui était pas partout dévouée; l'aveu (assez curieux) qu'il avait fait récemment de grands efforts

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pas

pour se rétablir dans toute son autorité, que ses partisans avaient poussé fort loin cette affaire, et qu'il se croyait sur le point de réussir, lorsque les révolutions d'Amsterdam et de Roterdam avaient fait avorter ses desseins et détruit ses espérances; des plaintes amères sur ces révolutions, sur les mesures prises dans l'affaire d'Utrecht par les citoyens patriotes, auxquels les épithètes injurieuses n'étaient pas épargnées; une déclaration dont le sens était qu'il regardait ces citoyens comme des tyrans et des ennemis contre lesquels il ne craignait de se montrer prêt à mettre en œuvre tous les moyens qu'il croira propres à détruire ces funestes nouveautés, qui ne tendaient qu'à assurer la ruine entière de la république, ajoutant qu'il allait, pour cet effet, seconder les bonnes dispositions de la Gueldre et de l'Utrecht; enfin, une exhortation à tous et à chacun d'entrer dans ses vues, avec l'assurance que, si l'on voulait lui rendre le commandement de la Haye, le réintégrer dans ses fonctions de capitaine-général, casser et annuler toutes les résolutions prises contre lui, il consentirait à revenir à la Haye, où il aviserait aux moyens de rétablir la tranquillité générale.

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La première idée qui se présente à l'esprit,

est de chercher à quel propos ce manifeste était lancé dans le public, et quel effet le prince avait pu s'en promettre. Voici la réponse à cette question.

Le chevalier Harris avait fait à Nimègue un voyage pendant lequel la cour stathoudérienne avait arrêté un plan de mesures dont ce manifeste faisait partie. Il devait paraître aux états, comme il parut en effet le 30 mai. Le 31, il devait être connu à Amsterdam, et le 1er juin devait éclater dans cette ville une émeute terrible pour l'appuyer. Des mesures collatérales avaient été prises à la Haye, où l'on vit à la même époque le peuple qui se portait en foule à une auberge de la ville pour y signer une requête en faveur du stathouder, qui aurait été présentée aux états. On remarqua, de plus, que le chevalier Harris, qui était parti de Nimègue, sans doute pour prévenir le soupçon d'avoir ourdi le complot, était venu précisément le 1er juin, quoiqu'il eût annoncé son retour pour une époque plus reculée. Cette coïncidence était très remarquable, et paraissait indiquer clairement que ce ministre, après avoir préparé les événemens, avait quitté la scène pour y reparaître au dénoue

ment.

Tout cet échafaudage s'écroula sur lui

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même. La populace stathoudérienne d'Amsterdam, sans attendre le moment qui lui avait été indiqué, commença, dès le 30 mai, à insulter les patriotes dans les rues; et, bientôt après, l'émeute éclata d'une manière terrible. Mais la populace patriote, très nombreuse à Amsterdam, attaqua vigoureusement et repoussa les stathoudériens, qui se replièrent sur le quartier de la ville appelé le Cattembourg. C'est le séjour des matelots, des ouvriers de l'amirauté, etc., et c'était là le grand foyer de l'insurrection. Ils levèrent le seul pont qui établissait la communication avec la ville, et se mirent en devoir de le défendre. En un înstant, les cordes qui tenaient le pont suspendu furent coupées; le pont retomba et le passage fut forcé. D'autres patriotes se jetèrent dans des barques, et, descendant le canal, allèrent attaquer le Cattembourg d'un autre côté; en sorte que les stathoudériens, se voyant enveloppés et mis en pleine déroute, se sauvèrent de toutes parts et rentrèrent dans leurs foyers. Mais la populace patriote, une fois mise en mouvement, se rendit très difficile à contenir. Dans ces temps de trouble et de révolution, c'était le propre de la populace hollandaise des deux partis, lorsqu'elle était mise en action, de se livrer aux désordres et aux excès

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