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trine des deux 'glaives que des torrens de sang répandus en Europe pour des querelles sacrées démontrèrent être si terribles dans des mains sacerdotales.

Dépouillé de ses biens par les invasions des Normands qui avoient juré aux prêtres chrétiens une haine implacable, dépouillé d'une partie de la puissance à laquelle il s'étoit élevé en suivant le systême d'usurpation de la cour romaine, le clergé de France sur trouver de nouvelles sources de richesses. Fort de la crédulité humaine, de l'ignorance générale, des espérances, des terreurs et des ténébres de la superstition, il trafiqua des clefs du paradis et de l'enfer, ouvrit le premier à ses bienfaiteurs et le dernier à ses ennemis, promit dans un autre monde le centuple de ce qu'on lui auroit donné dans celui-ci, et vendant le ciel pour acheter la terre, canonisa le crime même pourvu qu'il fût libéral, dévoua à l'anathême ceux qui attaquoient ses possessions et les consacra à Dieu pour les mettre hors de l'atteinte des hommes. Une tradition généralement répandue du second avénement de J. C., mille ans après son ascension, et de la fin pro

chaine du monde annoncée dans toutes les chaires de vérité, causa une consternation universelle. On s'empressa d'acquérir des trésors pour l'autre vie en faisant don aux églises de biens désormais inutiles: Appropinquante mundi termino, disent presque toutes les chartes de donation. Cependant la fin da monde n'arriva point, et tous ces biens demeurèrent au clergé qui en accrut la valeur par les priviléges de tout genre dont il s'environna (a) et l'habileté avec laquelle il sut en étendre les limites et les défendre.

(a) De ce nombre est l'incroyable prérogative, qu'il s'étoit attribuée de ne point contribuer aux charges de l'état. Ce n'est que depuis l'an 1600 qu'il payoit sa part des subsides, encore étoit-ce à titre de don gratuit. C'étoit en d'autres termes un secours généreux, une espèce d'aumône qu'il vouloit bien accorder à la nation: car il ne lui devoit rien apparemment pour la protection qu'elle lui assuroit. Si dès cette époque, il eût été imposé seulement sur le même taux que la noblesse, les finances publiques, suivant le calcul de M, Dupont, auroient été riches, en 1789, de deux milliards sept cent cinquante millions. Une autre observation non moins juste de ce député, c'est que ce corps n'a jamais payé que par des emprunts. Le

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Osoit-on contester quelques-uns de ses prétendus droits, s'opposer à quelques-unes de ses usurpations? Le téméraire étoit excommunié; des villes entières, souvent même un royaume étoient mis en interdit, les égli◄ ses étoient fermées, le service divin interrompu, il n'étoit permis ni de se faire la barbe, ni de se saluer. Pour frapper plus vivement les esprits et exciter le peuple à la sédition par des craintes religieuses, les prêtres portoient au milieu d'un champ les croix, les vases sacrés, les ornemens, les reliques des temples qu'ils desservoient, formoient autour une enceinte de ronces et d'épines et s'en alloient à pas précipités, les mains vées vers le ciel comme pour conjurer la fou dre. La frayeur et la superstition les rappeloient bien vîte, et leur faisoient offrir plus qu'ils n'avoient demandé. Ce ne fut que dans le concile de Lyon, sous Grégoire X, vers 1274, que cet usage fut aboli.

clergé passé a engagé le clergé présent, celui-ci a engagé le clergé futur. En continuant ce régime, les dettes auroient enfin égalé les propriétés, et il、 auroit fallu que la nation finît par payer elle-même les frais du culte divin.

S'ils n'essayèrent plus de s'emparer du souverain pouvoir comme ils avoient fait sous Louis le Débonnaire, ils parvinrent à s'attri buer une jurisdiction vraiment monstrueuse, et à attirer à eux seuls la connoissance de toutes les affaires. Parce qu'il y avoit peu d'actions et de conventions humaines qui ne fussent susceptibles de péché, ils prétendoient que tout étoit de leur compétence à raison de péché, dont personne de bon sens, disoit le pape Innocent, ne peut ignorer que la connoissance appartient à notre ministère. Le mariage étant regardé comme un sacrement, toutes les causes matrimoniales furent portées devant eux. Ils jugèrent presque toutes les conventions civiles, sous prétexte qu'elles étoient accompagnées d'un serment. Tous les testamens étoient de leur ressort, parce qu'ils devoient contenir des legs à l'église, et tout homme qui avoit l'insolence de mourir sans faire un de ces legs qu'on appelle pieux, étoit déclaré déconfès, c'est-à-dire, sans religion, sa damnation étoit présumée, il étoit privé de la sépulture, son testament étoit cassé, l'église en faisoit un pour lui et s'adjugeoit ce que le mort auroit dû lui donner.

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Ce n'est pas tout encore, ils mirent un impôt sur les cadavres, il fallut leur payer le droit de pourrir en terre bénite (a); et

(a) Cet abus scandaleux fut aboli par le parlement dans le seizième siècle. Il se perpétua cependant jusqu'à nous sous le nom de taxe des erterremens, et l'on ne put mourir sans payer aux prêtres une rétribution à laquelle furent assujettis les protestans eux-mêmes, quoique le clergé cathclique les privât autant qu'il étoit en lui des honneurs funèbres. Ce n'étoit que par grace que l'indigence obtenoit une sépulture qu'elle ne pouvoit acheter, et cette grace ne s'obtenoit pas toujours. Un exemple de cette révoltante inhumanité arrivé pendant la révolution souleva tout Paris, et l'indignation du peuple qui a aboli tant d'abus, nous délivra encore de celui-ci. Vers la fin de Septembre 1789, mourut sur la paroisse de Saint-Jacques-la-Boucherie un honnête ouvrier, nommé Claude Perrot; il étoit veuf et laissoit deux enfans, dont l'un étoit encore à la mammelle. Quelques parens pauvres, de bons voisins se réunissent pour acheter une bierre, et demander un enterrement gratuit : il est refusé. Le peuple indigné va chercher la bierre et la porte à l'église. Le suisse veut la repousser et demande ce qu'on veut qu'il fasse de cette charogne. Peu s'en fallut que cette réponse barbare ne lui coûtât la vie, il ne la dut qu'aux efforts d'un bon citoyen qui parvint, avec beaucoup de peine, à obtenir de la mul

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