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d'ames; que ceux qui seroient pourvus l'avenir d'archevêchés et d'évêchés, ne pourroient jouir des revenus qui y sont actuellement attachés que jusqu'à concurrence des sommes qui seroient incessamment déterminées par l'Assemblée Nationale, sans néanmoins que les titulaires d'archevêchés et évêchés dont les revenus seroient inférieurs auxdites sommes eussent droit de prétendre à un supplémeut; que dans les vingt-quatre heures de la publication de ce décret, le juge ordinaire du chef-lieu de chaque bénéfice, autre que les cures et maisons employées actuellement au soulagement des malades et à l'éducation publique, apposeroit le scellé sur les chartriers, manuscrits, bibliothèques des dits bénéfices; exceptant néanmoins de cette disposition les titres et papiers nécessaires. pour la perception des cens, rentes et revenus, lesquels seroient par le procès-verbal du juge, laissés à la charge et garde du titulaire ou des syndics et procureurs des maisons; l'Assemblée Nationale se réservant de déclarer par qui et de quelle manière il seroit procédé à la levée desdits scellés et à l'inventaire qui devra suivre,

Une chose vraiment remarquable, c'est que dans cette grande discussion sur les domaines ecclésiastiques, les défenseurs de cette cause ne nommèrent pas un seul pape, une seule décrétale, une seule bulle; et que ses adversaires voulurent à peine effleurer l'histoire de ses usurpations. Mais ce qu'ils ne crurent pas devoir répéter par des considérations estimables sans doute, doit être mis au grand jour par la grande considération de la vérité. Pour embrasser la question toute entière, il faut nécessairement parcourir le tableau des divers périodes de la fortune du clergé et des moyens par lesquels il l'avoit acquise.

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L'église chrétienne ignorée, pauvre, per sécutée, offrit pendant trois cents ans le modèle d'une politique céleste et du seul gouvernement peut-être qui n'ait eu pour objet que l'avantage des gouvernés, sans aucun égard à celui des chefs. Mais à peine commença-t-elle à acquérir quelque puissance sous les empereurs chrétiens, qu'elle perdit bientôt du côté des vertus ce qu'elle avoit gagné du côté des richesses. Ses ministres tourmentés de la soif de l'or, abusoient pour

l'assouvir, de l'ascendant que leur donnoit leur caractère. Il fallut que l'autorité impériale vînt au secours des familles qu'ils dépouilloient, et Valentinien fut obligé de rendre une loi qui déclarât nuls tous legs faits par des femmes à des ecclésiastiques et à des moines. En vain plusieurs princes voulurent la faire exécuter ou la renouveler, le clergé sut lasser leur patience ou effrayer leur foiblesse à l'aide des armées de mendians qu'il tenoit à sa solde, et se maintenir à force de séditions dans ses pieux brigandages, jusqu'à ce qu'Isaac Comnène, plus ferme ou plus heureux, le laissant crier tant qu'il voulut à l'impiété, au sacrilège, réduisit les moines à leur strict nécessaire et appliqua leur superflu au profit et aux besoins de l'état. Lorsque les Francs, devenus maîtres des Gaules, embrassèrent le christianisme, les prêtres trouvèrent bientôt le moyen d'entrer en partage avec les vainqueurs et de se faire adjuger la meilleure part des dépouilles. On croyoit en ces siècles grossiers que l'avarice étoit le premier attribut de la divinité, et que les saints trafiquoient avec les hommes. de leur crédit et de leur protection. De-là le

bon mot de Clovis, que S. Martin ne servoit pas mal ses amis, mais qu'il se faisoit payer trop cher de ses peines.

Les prêtres ne manquoient pas de propager cette doctrine, et à force de mettre sous les yeux des puissans et des riches la rigueur des jugemens de Dieu dans un autre monde, ils parvinrent à s'emparer de presque tous leurs biens dans celui-ci. Ils se seroient rendus maîtres de la France entière, si Charles-Martel ne les eût arrêtés dans le cours de leurs conquêtes, et ne les en eût dépouillés pour enrichir son armée. Ils le damnèrent après sa mort pour effrayer ses successeurs, et applanirent le chemin du trône à Pepin-le-Bref son fils, dans l'espoir qu'il les remettroit en possession de ce qu'ils venoient de perdre.

La cérémonie du sacre que ce prince institua pour légitimer son usurpation aux yeux de ses sujets, augmenta encore la puissance d'opinion du clergé. Le prince recevant la couronne de la main des évêques, ceux-ci crurent ou firent croire que c'étoit eux qui la donnoient au nom du ciel. L'impôt de la dîme répara bientôt la perte de leurs domaines; et l'usage si commode pour les pécheurs

de

de s'affranchir des austérités de la pénitence en cette vie, et de la crainte de l'enfer dans l'autre, en transférant à l'église la propriété de ses biens dont on se réservoit la jouissance pendant sa vie, et de dépouiller ainsi ses héritiers et ses enfans pour gagner le paradis, fit passer une seconde fois dans leurs mains presque tous les trésors de l'état.

Leur audace s'accrut avec leur pouvoir par l'établissement de la féodalité. Les prélats, devenus chasseurs et guerriers, joignirent toute la férocité de ces siècles barbares à l'orgueil pontifical, et portant successivement le casque et la mître, la crosse et l'épée, tuoient, massacroient, égorgeoient de la même main dont ils venoient de bénir le peuple au nom d'un Dieu de paix. Admis à raison de leurs fiefs dans le gouvernement > ils crurent aussi-tôt avoir comme évêques ce qu'ils n'avoient que comme seigneurs, et s'arrogèrent le droit de juger les rois, nonseulement dans le tribunal de la pénitence, mais encore dans les conciles. Ils osèrent déposer Vamba et Louis-le-Débonnaire, et prétendre à une suprématie universelle. De-là la confusion des deux puissances et la doc

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