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Il: se penchoit sur le curé de Saint Paul, et s'entretenoit avec lui d'un air serein et tranquille.

Arrivé devant la principale porte de NotreDame, il descend avec fermeté du tombereau, prend des mains du greffier l'arrêt qui le condamne, le lit lui-même à haute voix, adresse la parole au peuple pour se justifier, et prend le ciel à témoin de son innocence. Il dit ensuite: qu'on me conduise à l'hôtel-de-ville, j'y révélerai des secrets importans. A son retour de Notre Dame, il sembloit pâlir, mais sa contenance étoit toujours la même; le calme et la paix qui paroissoient respirer dans tous ses traits, commandoient le respect et le silence. Arrivé à l'hôtel-de-ville, il demande à faire des déclaraions essentielles, et dicte lui-même au greffier son testament de mort. Nous insérons ici cette pièce, monument unique en ce genre, et qui, d'ailleurs jetre quelque jour sur cette affaire.

1 Teftament de mort de M. de Favras.

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L'an mil sept cent quatre-vingt-dix, le vendredi dix-neuf Février, après-midi : Nous Jean-Nicolas Quatremere, conseiller du roi en son Châtelet de

Paris,

Paris, assisté de Me Jean Drié, greffier-commis, sommes transportés à l'hôtel-de-ville, pour fire mettre à exécution le jugement en dernier ressort -rendu au Châtelet de Paris, la compagnie assem -blée, le jour d'hier, lequel condamne Thomas de Mahy de Favras à faire amende honorable, et à être pendu en place de Grève, etc. Ledit grefer, de retour de l'amende honorable dudit Mahy de Fa vras, nous ayant rejoint dans l'une des salles dudit hotel-de-ville, publiquement, et les portes ouvertes, -Sur ce qui nous a été dit que le condamné avoit - des déclarations à nous faire, nous avons ordonné qu'il seroit amené pardevant nous par l'exécuteur de la haute-justice.

Et nous a dit que, pour l'acquit de sa conscience, il se croit obligé de nous déclarer qu'en ce moment terrible, prêt à paroître devant Dieu, il atteste, en sa présence, à ses juges et à tous les citoyens qui l'entendent, d'abord qu'il pardonne aux hommes qui l'ont inculpé si grièvement et contre leur conscience, de projets criminels qui n'ont jamais été dans son ame, et qui ont induit justice en erreur. Le déni d'entendre ceux qui étoient propres à dévoiler l'imposture et les faux témoins, est peut-être en ce moment un reproche qu'un malheureux con. damné pourroit faire à justice, si mieux éclairée, l'erreur ne se fût pas emparée d'elle; et un jugement effroyable, qui condamne l'innocence n'auroit pas scuillé les lèvres qui l'ont prononcé et les mains qui l'ont signé. Mais un aveu solemnel, qui méritera sans doute à un innocent la compassion d'un peu

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ple qui semble jouir de sa misère et de son infortune, est l'aveu qui va suivre.

Ni en Juillet ni en Septembre, ni en Octobre, quand je me suis adressé à M. le comte de SaintPriest, aucune action de ma part, propos ni projet n'a pu donner licu aux conspirations effroyables qui m'ont été imputées pour enlever le roi, détruire 'Assemblée Nationale, et faire périr trois des prin cipales têtes de l'état. Je jure, au contraire, devant Dieu, que j'ai plusieurs fois blâmé, non pas directement ceux qui ont formé de pareils projets, car je ne les ai pas connus, mais même l'idée de pareils projets, particulièrement de violence contre le roi, convaincu que jamais il ne devoit quitter sa résidence ordinaire, et qu'il auroit fallu l'y maintenir plutôt que de l'en enlever. J'ai professé ouvertement cette façon de penser, par cette considération, et sans aucune intelligence préalable ni préméditée. J'ai consenti, le cinq Octobre, sur la demande de la pluralité de ce qui étoit aux appar. temens du roi, et avant que l'on fût certain si la milice nationale de Paris se rendroit effectivement à Versailles; j'ai consenti, dis-je, à m'adresser à M. de Saint-Priest, pour lors au cabinet du roi, dont il est sorti pour me parler, afin de lui ́demandersi on pourroit user des chevaux des écuries pour enlever l'artillerie d'une multitude armée qui occupoit l'avenue de Paris, et qui menaçoit la tranquillité de Versailles pendant la nuit. Cette demande ne pouvoit avoir son exécution que dans le cas où M, de Saint-Priest y auroit consenti par la permis- ||

sión du roi; elle étoit tellement innocente, que je ne suis pas en état de nommer un seul de ceux qui m'ont engagé à la faire. Dieu m'entend, et je dis vrai. Certe demande cependant, venue à la suite d'une dénonciation déjà faite à M. le marquis de la Fayette, et par laquelle je lui avois déjà été représenté comme un conspirateur, par un homme dont je n'étois pas connu, paroît être devenue un premier indice de suspicion qui a fortifié cette prévention. Elle étoit mal fondée. Le moment de la demande passé, il n'a plus été question de rien. C'étoient de grands ennemis du bien public, et particulièrement du roi, qui avoient excité cette insur rection du cinq Octobre. Ces ennemis, disoit-on de toutes parts, vouloiene la destruction entière de la famille royale. J'aimois mon roi, je mourrai fidèle à ce sentiment: il m'a vivement affecté. Mais aucun moyen en moi, ni volonté, n'a été d'employer des mesures violentes, contre l'ordre de cho ses nouvellement établi. Je n'ai point de pension, aucune grace personnelle; mes intérêts, ceux qui attendent les miens, sont en pays étrangers : je ne perdois rien avec le nouvel ordre des choses, je ne pouvois espérer qu'y gagner personnellement. Mais le roi conduit à Paris, la faction qui lui étoit contraire, ne perdoit pas de vue que le coup prémédité à Versailles avoit été manqué. Pour y donner de la suite, et dans l'intention de l'effectuer, on a travaillé le peuple, afin d'y fomenter les troubles qui, au mois de Novembre, ont menacé la ville de Paris d'une insurrection nouvelle. A cette occasion, un

grand seigneur, d'une maison qui marche après celle de nos princes, et attaché par état à la cour, ayant desiré me parler, parce que, disoit-il, toutes les trames lui étoient connues, je fus chez lui. Dans la première conversation, il dit que la manière dont j'avois voulu garantir les jours du roi à Versailles, le cinq Octobre, lui avoit donné une haute idée de mon attachement à sa majesté : que si j'ayois quelques moyens de prévenir le coup terrible dont elle étoit menacée, il me prioit de m'y employer, pour préserver les jours du roi, qu'il regardoit dans le plus grand danger, et que si je pouvois connoître le degré des troubles dont le fauxbourg Saint-Antoine paroissoit agité, il me prieroit de l'en informer; qu'étant voisin de ce fauxbourg, j'aurois plus de moyens que lui de savoir ce qui s'y passe. Quelques réflexions de ma part, sur cette inquiétude, le mirent dans le cas de m'assurer qu'il connoissoit la cabale; et enfin, sans rien me demander autre chose que de l'informer de l'état où j'apprendrois être les apparences d'insurrection du fauxbourg Saint-Antoine, il me dit que sachant que je n'étois pas riche, et la recherche de ce connoissement pou vant me devenir dispendieuse, il m'offroit cent louis, pour les instructions que je pourrois lui donner; que ma délicatesse ne devoit pas souffrir de les accepter, qu'il me les donneroit en lieu propre, à lever tous les scrupules: et enfin, pour les lever il m'invita à me rendre chez le roi, le soir du même jour, où il me les remettroit, après que sa majesté auroit donné l'ordre. Je me suis rendu au rendez

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