2 Février, on fit un nouveau rapport de l'affaire, il dura cinq heures, et le procureur du roi conclut encore à la mort. M. de Corméré, frère de l'accusé, ayant eu le courage de l'informer de la nature des conclusions, sa sécurité n'en fut point altérée. Il compa roît pour la seconde fois devant le tribunal assemblé, persiste dans ses dénégations, somme ses juges d'admettre ses faits justificatifs. On lui répond qu'ils ont été rejetés par un premier jugement. Il s'explique avec chaleur sur ce refus; et, après plusieurs difficultés, obtient la permission de consigner sur les registres ses protestations et ses demandes, les dicte au greffier, et déclare à ses juges, en se retirant, qu'il les rend responsables de ce déni de justice. Son conseil et M. de Corméré, son frère, plaident successivement sa cause. Les juges vont aux opinions, et après un délibéré de six heures, l'arrêt fatal est prononcé, et l'accusé condamné à faire amende honorable, et à être pendu. Pendant qu'on procédoit au jugement, une multitude altérée de sang, faisoit retentir les airs d'affreuses menaces et demandoit sa condamnation. On prétendit dans le tems, que cette haine du peuple influa sur son sort, et que ses juges, déjà entachés d'aristocratie, n'osèrent l'absoudre, et le sacrifièrent à leur propre sûreté. Mais il n'est pas vraisemblable qu'un tribunal, quelle que fût d'ailleurs son opinion sur la situation politique de l'empire, pût être influencé par une tetreur aussi lâche, ez que des magisrats n'eussent pas su mourir plutôt que d'égorger un innocent. Il paroît que des considérations d'un ordre supérieur déterminèrent la conduite de ces juges que nous ne prétendons cependant pas approuver, parce que l'exacte observation des formes dans les jugemens criminels, est essentiellement liée avec la liberté publique et particulière, et qu'on ne peut leur donner atteinte sans la mettre en danger. Mais M. de Favras étoit-il innocent? Oui, aux yeux de la loi, puisqu'aucun de ses délits n'étoit légalement constaté; mais non, aux yeux de la raison, puisqu'il est impossible de douter qu'il ait existé un complot, et que cet accusé n'en fût un des agens. Toutes les probabilités se réunissent pour faire croire que ce complot fût connu dans ses détails, et que le nombre et l'importance de ceux qui y trem : pèrent, engagea à répandre des ténèbres sur leurs trames et à les envelopper de nuages. Aussi voyons-nous qu'on s'occupa d'effacer les traces qui auroient pu conduire jusqu'à eux, et qu'on ne donna aucune suite à la désertion et à la révolte des trois cents soldats du centre. Quoi qu'il en soit, le jugement du châtelet nous semble aussi inconséquent, qu'opposé à tous les principes. Car il étoit absurde de condamner M. de Favras comme chef d'une conjurarion ni sen rang, ni sa - fortune, ni son crédit sur le peuple, ne pouvoient lui permettre d'aspirer à ce titre. On ne change pas la face d'un empire avec cont louis et deux recruteurs. L'on ne pouvoit non plus le condamner comme complice, puisque la conspiration n'étoit pas légalement prouvée, et que dans cette supposition même, on auroit encore dû le conserver pour remonter jusqu'à la source. Il est plus probable que ses juges, moralement convaincus de sa complicité avec les factieux, et du danger qu'il y auroit de donner trop de publicité à des attentats qui auroient pu effrayer ou révolter le peuple par le nombre et le rang des coupables, se crurent autorisés par les circonstances à im→ moler cette victime à la sûreté et peut-être à la fureur publique. M. de Favras parut dans ces momens si terribles pour la nature, tel qu'il s'étoit montré pendant l'instruction de son procès. Le 19 Février, il étoit dans sa chambre, coëffé et habillé, le dos appuyé contre sa cheminée, avec l'air d'un homme bien éloigné par la pensée du sort qui l'attendoit, lorsque vers onze heures du matin, on vint lui dire de descendre. De légers soupçons parurent alors lui venir, et il fit quelque difficulté. Entre les deux guichets, on lui demanda sa croix de Saint Louis; il remit le ruban ponceau qu'il portoit à sa boutonnière, entre les mains d'un sergent-major de la garde nationale qui accompagnoit l'huissier, et déclara qu'il n'avoit pas actuellement en sa possession la croix de l'ordre de Saint-Louis. Il fut ensuite mené à la chambre de la question, où le bourreau et ses valets se jetèrent sur lui pour le garro ter. A cette vue, son courage parut l'abandonner un instant. M. Suleau, alors prisonnier au châtelet, le soutint dans ses bras. Il triompha bientôt de ce moment de foiblesse, et sembla n'avoir payé ce léger tribut à la na türe humaine, que pour s'élever ensuite au dessus de l'humanité. Son rapporteur lui dit : Votre vie est un sacrifice que vous devez à la tranquillité et à la liberté publique. Je n'ai d'autres consolations à vous donner que celles que vous offre la religion ; je vous invite à en profiter. Il lui proposa un confesseur - De vous? lui répondit-il avec indignation, de vous? un confesseur! de votre choix! il me seroit suspect. Je demande le curé de Saint Paul. Il resta fort long-tems enfermé avec lui, il pria en grace qu'on lui laissât les mains libres on le lui refusa. Sur les trois heures, partic pour se rendre au lieu du supplice. Il étoit lié sur un tombereau, nus pieds et que tête, en cheveux longs, vêtu d'une chemise blanche par-dessus ses habits, avec un écriteau devant et derrière, portant ces mots: conspirateur contre l'état. A côté de lui étoit une torche ardente; le bourreau derrière. Une garde nombreuse formoit une haie serrée sur son passage. Lorsqu'il sortit du châtelet, on battit des mains, et cette scène barbare se répéta encore sur le pont Notre-Dame. La joie du peuple ne parut ni l'irriter ni l'affli |