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de la communauté; et ceux du clergé en par ticulier n'ayant jamais eu de droits person

nels qu'à la portion de leur revenu nécessaire à leur subsistance, n'en pouvoient revendiquer davantage; c'est donc la nation seule qui peut en être légitime propriétaire.

Passant ensuite à l'examen des titres sur lesquels le clergé établissoit ses propriétés. on y trouvoit de nouvelles preuves du droit incontestable que la nation avoit d'en dis poser. En effet ce corps n'avoit pu entrer en possession de ses biens que de quatre manières différentes. Il les tenoit ou de nos rois, ou des corps et communautés, ou de simples particuliers, ou de lui-même. Dans le premier cas, tout ce que le prince a donné pour remplir une destination publique, est censé donné par la nation même qui, sans la munificence des princes, auroit été forcée de doter elle-même les églises ou leurs ministres: sous ce premier rapport la nation est donc propriétaire et peut reprendre des biens qui n'ont été donnés que par son chef, en son nom et pour elle. Elle ne l'est pas moins sous le second, puisque les communautés, en faisant des donations à l'église, n'ont fait

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que payer leur contingent d'une dette publique ét solidaire entre tous les citoyens du royaume et prévenir un impôt général qu'il eût été indispensable d'établir sans ces pieuses largesses.

Les donations faites par les particuliers paroissoient offrir plus de difficultés. Mais on observoit que les biens donnés à l'église, à quelque titre que ce fât, n'ont pu avoir que ces cinq objets, le service du culte, l'entretien des temples, le soulagement des pauvres, la subsistance des prêtres, et des prières particulières pour les familles des fondateurs. Or, que le clergé fût propriétaire ou non, Fintention des fondateurs n'en seroit pas moins remplie, si les conditions de la fondation étoient religieusement observées. On remarquoit de plus que les titres de fondation ne donnent ni au clergé de France, ni à tel ou tel individu, mais sont géneralement énoncés en ces termes : Je fonde telle chapelle pour le service public de tel canton, etc. Je donne telle somme pour qu'elle soit employée en messes, en prières pour le repos ame, etc. et que par conséquent ces donations ne pouvoient être considérées comme individuelles.

de mon

Individuelles. Que si on les regardoit comme faites à des corps particuliers, lés principes ci-dessus énoncés établissoient les droits im

prescriptibles de la nation auxquels ne peuvent préjudicier des fondations ou autres pa reils actes; ou bien il faudroit dire qu'ils ont la puissance de créer ou de perpétuer des corps politiques dans l'état, contre le vœu de l'état lui-même, de leur donner la capacité de posséder et d'acquérir sans pouvoir être privés de ce droit ou limités dans son exercice, et d'opposer ainsi une barrière invincible à la volonté nationale.

A l'égard des biens que les revenus du clergé lui ont donné la faculté d'acquérir, il est clair que si les acquisitions n'ont pu être faites qu'en détournant les produits des donations, des usages auxquels les avoient affectés les donateurs, elles n'ont pu procurer aucun nouveau droit à l'église; et que si les donateurs sont censés les avoir approuvées, il faut dès-lars appliquer à ces biens ce que nous avons dit des donations directes qu'elle en a reçues.

Il est donc évident que, quel que soit le titre de ces fondations, la nation est restés Tome IV.

B

dans tous ses droits; que la possession du clergé n'étoit que précaire et momentanée ; que ses biens n'ont jamais été une véritable propriété; qu'en les acceptant des fondateurs, c'est pour la religion, les pauvres et le service des autels qu'il les a reçus ; qu'il n'en a été que le dépositaire et l'administrateur. II n'est pas moins évident que l'intention des donateurs ne sera pas trompée par la translation de ces biens en d'autres mains, puisque c'est à condition d'actes publics et nationaux que ces fondations ont été faites, et que la nation en se subrogeant aux donataires, se charge de leurs obligations et ne fait qu'user d'un droit dont personne n'a pu la priver, événement que les bienfaiteurs de l'église ont toujours dû regarder au moins comme possible.

Le mode de possession du clergé n'est pas plus favorable à ses prétentions. Il est prouvé par l'histoire et la jurisprudence, qu'il ne pouvoit ni acquérir, ni aliéner sans le concours et l'autorité de la nation et du roi qui la représentoit; qu'il ne pouvoit sans la même intervention ni emprunter, ni hypothéquer ses biens; que le monarque pouvoit les di

viser ou les réunir ; que c'étoit lui, et par Jui la nation, qui nommoit aux évêchés, abbayes, etc.; que c'étoit donc la nation et non le clergé, qui en étoit de droit le collateur universel, que dans la vacance de ces grands bénéfices, les revenus en étoient portés au trésor de la nation et non au trésor du clergé ; qu'une tradition sacrée qui remonte au berceau du christianisme, énonce que les biens possédés par le clergé, sont le patrimoine des pauvres; enfin que sous toutes les dynasties de nos rois, la nation dans les besoins publics, avoit toujours tourné ses regards sur les biens du clergé comme sur des fonds dont elle pouvoit légitimement disposer. On citoit à ce sujet l'exemple récent des biens des Jésuites, qui ont été dévolus à la nation et non au clergé, sans aucune réclamation de ce dernier, ni des cours de justice. Ainsi chaque fait, chaque loi, déposoit contre les prétentions du clergé, et sa longue jouissance ellemême présentoit dans toutes ses époques les caractères de l'usufruit et non ceux de la propriété.

Les défenseurs du clergé, terrassés par cette série de principes et de conséquences incon

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