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partie opulente du clergé contre les amis de la révolution, et rallia à cette cause un grand nombre d'ecclésiastiques dont l'orgueilleuse avarice frémissoit au titre de salarié, dont le patriotisme calculé sur l'intérêt, n'avoit pu survivre à la dîme, et qui n'ayant apporté à l'Assemblée Nationale que de petits motifs de vengeance, et non le noble courage de la liberté, se hâtèrent de retourner aux pieds de leurs anciens oppresseurs, et de redemander et reprendre les chaînes de la fière prélature, pour sauver le produit de leurs bénéfices.

Une seule considération, celle du respect pour la propriété, suspendoit la décision de l'Assemblée, et lui avoit fait repousser avec une sorte d'indignation, toute motion tendante à cet objet, tant qu'elle avoit pu se flatter de pouvoir fermer d'une autre manière la plaie profonde de l'état, et qu'on ne l'eut pas complettement rassurée sur l'atteinte qu'elle craignoit de porter au premier de tous les droits politiques. Jamais question ne fut plus clairement discutée, jamais cause ne fut plus foiblement défendue que celle de la propriété des titulaires ecclésiastiques sur leurs bénéfices.

attaquer

Suivant les uns, ils appartenoient à l'église ; au clergé de France, suivant les autres ; sclon quelques-uns, aux institutions partielles qui en jouissoient. La plupart écartant le point de droit, s'attachoient à prouver l'insuffisance de cette ressource pour les besoins actuels, et à les calculs que l'on présentoit sur la valeur de ces biens; d'autres insistoient sur l'atteinte que la reli-, gion recevroit de l'aliénation des domaines ecclésiastiques, et soutenant que leur possession étoit tellement liée avec l'existence politique du clergé, et celle-ci avec celle de la religion, qu'on ne pouvoit séparer ces trois objets, montroient assez que ce prétendu zèle pour les choses célestes ne servoit qu'à colorer un grand attachement pour les choses terrestres, et que leur christianisme étoit moins fondé sur les dogmes de l'évangile, que sur la considération et les richesses dont leur état leur promettoit la jouissance. Les principaux défenseurs de cette cause réunissant leurs efforts, osèrent enfin aborder la question en elle-même, et soutinrent que la nation ne pouvoit réclamer aucun droit sur des immeubles qu'elle n'avoit point acquis, qu'elle

n'avoit jamais possédés même comme corps politique; que les droits du clergé sur ces biens reposoient sur la même base que ceux des laïques sur les biens séculiers: titre et possession; que le titre étoit légitimement fondé sur des actes de donation, et que la possession étoit constante; en un mot, qu'un titre plus sacré lui assuroit sa qualité de propriétaire, puisqu'une grande portion de ses biens étoit le fruit de son acquisition et de son économie. Ils allèrent plus loin, et substituant à la force du raisonnement l'audace des assertions, ils avancèrent que les corps peuvent s'établir sans le concours de la loi, et par la seule volonté des individus auxquels il plaît de former une aggrégation politique; qu'aucun corps ne peut exister sans propriété, et qu'aliéner celle de l'église, c'étoit tuer le corps du clergé pour s'emparer de ses do

maines.

Les individus et les corps, leur répondit-on, diffèrent essentiellement par la nature de leurs droits, et par l'étendue d'autorité que la loi peut exercer sur ces droits. Les individus existent indépendamment de la loi et antérieusement à elle : ils ont des droits personnels

résultans de leur nature et de leurs facultés la loi reconnoît et propropres, droits que tège, mais qu'elle ne peut détruire parce que ce n'est pas elle qui les a créés : tels sont la propriété et la liberté; ils ne s'associent point pour les acquérir, mais pour en jouir dans toute leur plénitude. Les corps au contraire n'ont d'existence morale que par la loi, car il est évident qu'ils ne peuvent point être des élémens de l'ordre social, puisqu'ils n'exis tent pas au moment où la société se forme; ils n'ont ni droits, ni propriété avant la loi qui les leur donne; ils en reçoivent tout, jusqu'à leur existence : ils ne sont que par ce qu'elle veut qu'ils soient. Ils ne sont donc que comme elle veut et qu'autant qu'elle de yeut. Des individus peuvent bien se réunir à leur gré; mais ce n'est point la réunion matérielle des individus qui constitue une aggrégation politique. La société entière peut seule conférer ce caractère, et à moins de supposer que quelques individus sans titre et şans délégation particulière peuvent faire des loix, il est absurde de soutenir qu'ils puissent former des corps, ou que des corps puissent se former d'eux-mêmes. Mais si la société

seule a le droit d'établir et de ne pas établir les corps, elle a celui de les supprimer, et il y en a cent exemples; si elle a le droit de les établir et de les supprimer, elle a celui de les modifier à son gré; elle a celui d'étendre ou de restreindre la jouissance des effets civils qu'elle juge à propos de leur accorder; elle a celui d'examiner jusques à quand et jusqu'à quel point il est bon de la leur conserver. Or la faculté d'être propriétaire étant au nombre des effets civils, la loi a pu la conférer ou l'interdire, et la nation pouvoir, sans injustice, en 1789, priver le clergé du droit de posséder des propriétés, comme elle a pu en 1749 le priver de la faculté d'en acquérir. La même raison qui fait que la suppression d'un corps n'est pas un homicide, fait aussi que la défense de posséder n'est pas une spoliation. Si les corps peuvent être détruits, leur propriété peut l'être et leurs droits périssent avec eux. Mais à qui appartiendront leurs biens? Ce ne peut être aux corps, puisqu'ils n'existent plus; ce ne peut être aux membres qui les composoient, puisque leur propriété étant collective est anéantic par le fait même de la dissolution

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