ET CONSTITUTION FRANÇOISE CHAPITRE PREMIER. Nécessité d'un ressource extraordinaire pour sauver la France. Aliénation des biens du clergé. Tableau de divers périodes de l'opulence ecclésiastique. Artifices employés par les prêtres pour mettre à contribution la crédulité des peuples. LES Es désordres particuliers qui se renouveloient perpétuellement retardoient les importans travaux de la constitution, et affligeoient les bons citoyens aussi inquiets sur le sort des individus qu'effrayés d'un danger bien plus imminent qui appeloit toutes les forces de l'Assemblée Nationale. Le gouffre immense du deficit s'aggrandissoit de jour en jour et paroissoit prêt à tout engloutir. Le A Tome. IV. peuple écrasé par une longue suite de vexations et de malheurs, loin de pouvoir supporter un accroissement de charges, avoit le plus pressant besoin d'un prompt soulagement. Il falloit donc de nouvelles ressources, et elles étoient toutes épuisées; il falloit du crédit, et il étoit anéanti. Cependant l'infame banqueroute étoit là ; il falloit l'écarter à l'instant même, ou voir frapper de mort le corps politique, et souiller de la tache la plus honteuse la gloire du nom françois. Tous les regards se tournoient vers le clergé dont les immenses possessions se présentoient dans cette tourmente comme le seul abri contre le naufrage. On savoit que dans les différens âgés de la monarchie, si les prêtres avoient plusieurs fois trouvé moyen de conquérir tous les biens de la nation, la nation avoit plusieurs fois aussi trouvé le moyen de les reprendre, lorsque les besoins publics l'avoient exigé. Et certes, jamais circonstance plus critique n'avoit si impérieusement commandé les mesures les plus puissantes et les plus extraordinaires. On hésitoit cependant encore, on étoit épouvanté du grand sacrifice qu'on alloit de proposa mander au nom de la patrie, on l'étoit de la masse d'intérêts particuliers qu'on alloit heur ter, de la masse de préjugés qu'il falloit renverser. Ce fut un évêque qui osa porter le premier coup au colosse sacré : cet évêque, le plus jeune, le plus intrépide et le plus éclairé du collège épiscopal, étoit M. de Talleyrand-Périgord alors évêque d'Autun. Ce prélat citoyen immolant à l'intérêt public et ses avantages présens et ceux que la plus brillante perspective lui offroit dans l'avenir, hautement à l'Assemblée de chercher dans l'aliénation de l'universalité des biens du clergé un remède aux maux du royaume; et développant un vaste systême de finance, montra comment on y trouveroit et un gage pour les créanciers de l'état, et des facilités pour la libération de la dette publique, par l'échange d'une portion de ces propriétés contre les titres des créances nationales, enfin le moyen si long-tems desiré d'abolir les restes de l'odieux impôt de la gabelle, et d'effacer par un remboursement général les derniers vestiges de l'opprobre de la vénalité des charges. Sans vouloir traiter la question de la pro priété des biens ecclésiastiques, M. de Talleyrand disoit que c'étoit un point constant que le clergé n'est pas propriétaire comme le sont les autres propriétaires ; qu'il n'est pas moins sûr la nation a sur tous les corps que qui existent dans son sein, un pouvoir trèsétendu; que si elle ne peut détruire le corps entier du clergé, parce qu'il est nécessaire au culte même dont elle fait profession, elle peut anéantir les aggrégations particulières de ce corps qu'elle juge nuisibles ou simplement inutiles, et que ce droit incontestable sur leur existence entraîne un pouvoir immédiat sur la disposition de leurs biens; qu'elle peut par conséquent s'approprier les biens des divers corps ecclésiastiques qu'elle jugera devoir supprimer, en assurant la sub→ sistance des individus. Il soutenoit encore qu'elle a le même droit sur les bénéfices sans fonctions, également contraires aux principes et à la disposition des fondateurs ; et qu'elle pouvoit faire tourner dès ce moment au profit du trésor public, les bénéfices de ce genre qui se trouvent vacans, et destiner au même usage qui vaqueroient dans la suite. tous ceux Enfin, ajoutoit-il, si l'on consulte les titres de fondation des biens ecclésiastiques, et les diverses loix de l'église qui en expliquent le sens, il est certain que la seule partie des revenus de ces biens, qui appartient réellement au bénéficier, est celle qui est réellement nécessaire à son honnête subsistance; qu'il n'est que l'administrateur du reste; que si la nation se charge de cette administration, et qu'en pourvoyant elle-même à tous les objets auxquels les bénéficiers étoient chargés de pourvoir, tels que l'entretien des hôpitaux, des atteliers de charité, les réparations des églises, les frais de la dette publique, elle assure au bénéficier la subsistance honorable qu'il a été dans l'intention du fondateur de lui accorder; il est certain que dans ce cas, en réduisant les revenus actuels, elle ne touche pas à sa véritable propriété. Certe motion soutenue par M. Thouret, qui l'étendit à tous les domaines de la couronne, et fortement appuyée par MM. Garat, Mirabeau, Barnave et les respectables curés Gouttes et Dillon, vivement combattue par MM. de Montlausier, les abbés Maury et d'Aymar, porta au comble la haîne de la |