été fait sur les anciennes ; ses bénéfices s'accrurent avec son numéraire, et elle jouit d'une prospérité constante, tant que bornée aux opérations de son commerce, elle demeura étrangère aux spéculations d'un gouvernement avide et dissipateur. Mais elle ne put long-tems échapper aux regards d'un ministre qui dévorant et rejetant tour-à-tour les trésors de l'état, étoit toujours aux expédiens au milieu des richesses et ne sembloit attirer à lui tout l'or de la France que pour l'anéantir à force de le disperser. Ce fut au mois de Février 1787, que M. de Calonne qui faisoit affaire de tout, en fit une de la caisse d'escompte et la contraignit de s'associer à la fortune, ou plutôt à la ruine de l'empire par un prêt forcé de soixante et dix millions qu'il sut en tirer, en la menaçant de la création de deux compagnies rivales qui réduiroit à rien ses dividendes, en partageant ses bénéfices. Vingt mille actions nouvelles furent créées sur le pied de quatre mille livres, et le capital de la caisse monta ainsi à cent millions, dont trente furent destinés à son commerce, et soixante et dix déposés au trésor-royal par Tome IV. Σ forme et à titre de cautionnement envers le public. Ce dépôt fut fait en actions dont le trésor royal toucha les fonds; et l'on expédia en conséquence aux actionnaires une quit tance de finance portant promesse d'en payer les intérêts sur le pied de cinq pour cent sans retenue, de six mois en six mois jusqu'au remboursement qui devoit s'effectuer en totalité et en espèces, lors de la cessation du privilége exclusif de trente ans qui devoit leur être accordé aux termes de l'arrêt du conseil du 18 Février 1787; promesse dont les événemens postérieurs empêchèrent l'exécution. Quelque fragile que dût paroître ce gage entre les mains d'un gouvernement obéré et de ministres qui respectoient aussi peu la foi publique, la caisse d'escompte continua de prospérer pendant quatorze mois et de présenter à ses créanciers et à la nation l'aspect d'une grande solidité. Au mois de Février 1788, elle avoit pour cent treize millions de billets en circulation, et plus de cinquante millions en espèces. Au mois de Mars, ses billets montoient à cent vingt mil lions et demi, et son numérajre à cinquantedeux. Au mois d'Avril, les engagemens étoient de cent vingt millions deux cent et quelques mille livres, et les espèces dans ses coffres formoient un capital de cinquante et un million et demi. Enfin, dans les premiers jours du mois de Mai, malgré les inquiétudes que les opérations de l'archevêque de Sens. commençoient à répandre, plus de quarante neuf millions et demi en argent offroient les cinq douzièmes des cent vingt millions de billets au porteur qu'elle avoit en émission. Quoique les administrateurs fussent encore bien éloignés du terme où les réglemens leur prescrivoient de diminuer les escomptes, le seulaspect des affaires publiques les détermina à les ralentir, et à diminuer ainsi le nombre de leurs billets circulans. Mais la diminution de leurs espèces suivit une progression plus - rapide. Le 16 Août, elles se trouvoient au terme au-dessous duquel tout escompte doit cesser. Cependant les administrateurs crurent devoir se contenter de continuer à les réduire ; et du 16 Août au premier Septembre, ils furent en effet réduits à trois millions six cents mille livres. Un respect scrupuleux pour la lettre du réglement auroit cu les plus grands dangers: car la cessation subite da 724 Κέ ν ο ι U TI O N l'escompte eût exposé les principales maisons de banque et de commerce à une faillite presque générale qui les auroit renversées les unes sur les autres, auroit ainsi écrasé les principaux débiteurs de la caisse, ruiné les actionnaires et rendu la propriété des porteurs de billets moins assurée. D'ailleurs la différence de la somme qui restoit en caisse, à la valeur du quart des billets en émission étoit peu considérable, et en moins de douze jours elle s'éleva au-dessus de cette proportion au niveau de laquelle elle se soutint pendant neuf mois. Ce premier échec que le discrédit du gouvernement fit éprouver à la caisse d'escompte, fut encore aggravé par l'impéritie du ministère. Le 19 Août, les administrateurs furent consternés comme tout le public, dè trouver afficher à la porte de leur établissement un arrêt du conseil qui dispensoit la caisse de payer ses billets, à vue, l'autorisoit à les solder en bonnes lettres-de-change, ordonnoit de les recevoir dans tous les paiemens, dans toutes les caisses publiques et privées, et changeoit ainsi un papier monnoic en papier de confiance. Les administrateurs affirmèrent plusieurs fois aux actionnaires qu'ils n'avoient ni solličité, ni prévu cet arrêt. Dans les onze jours qui le suivirent, ils payèrent pour dix millions de billets. Le 30 Août, ils excédoient de cinq cents mille livres, et le premier Septembre, d'un million, là proportion du quart leur masse en circulation étoit réduite de soixante - quatorze à soixante-quatre millions, tandis que leurs fonds de caisse n'étoient baissés que d'environ neufcent soixante mille livres. Tout annonçoit donc qu'ils pour roient bientôt payer à bureau entièrement ouvert. Cependant ils ne repoussèrent pas cet arrêt de surséance, il paroît même qu'il entra dans les considérations qui les déterminèrent à se rendre faciles sur les premiers secours que leur demanda le ministre des finances, et qu'ils profitèrent de ses dispositions, en rendant la forme des paiemens encore plus lente, non seulement en ne les effectuant pas à toute quotité de sommes, mais en ne payant à présentation que mille livres à chaque porteur. C'est ici que commeneent les torts les plus graves de cet éta |