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en œuvre que des matériaux dont il connût par expérience la force et la solidité. Aussi lorsqu'on l'entendit proposer de chercher dans le changement de la caisse d'escompte en banque nationale des moyens de suppléer à l'excessive diminution de l'impôt, à l'impossibilité des emprunts, et de se procurer cent soixante-dix millions d'extraordinaire que demandoit le service de 1789 et de l'année suivante, on fut presque surpris de la stérilité de son génie et de sa réputation en fi

nances.

Toute la France attendoit un plan général, un plan régénérateur. M. Necker n'osa croire qu'il fût possible de la faire jouir d'un si grand bienfait au milieu des alarmes et du discrédit; il s'attacha, non à inventer un systême complet de restauration, mais à chercher le remède le plus approprié à la difficulté des circonstances, à choisir parmi les inconvéniens celui qui présenteroit le moins de danger; et dans cette crise désespérante, ses yeux durent naturellement se fixer sur un établissement dont l'habitude et les idées reçues faisoient regarder la fortune comme étroitement liée avec la fortune publique, et dont les fonds ali→

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mentoient presque seuls depuis un an, les finances épuisées.

La caisse d'escompte créée en 1776, sous le ministère de M. Turgot, par un simple arrêt du conseil et sans aucun privilége exclusif, à l'effet d'escompter les lettres-de-change, et autres effets commerçables à un taux modéré, avec la permission de faire le commerce d'or et d'argent, et de recevoir les dépôts qui lui seroient volontairement confiés, n'avoit dans son institution aucun rapport avec le service du trésor royal. Dix millions sur quinze qui devoient composer ses premiers fonds, durent y être déposés pour sûreté de ses engagemens. Ces quinze millions furent, peu de mois après, réduits à douze, et formés en commandite par quatre mille actions de trois mille livres chacune. Les conditions imposées aux actionnaires, furent que leurs escomptes ne s'éleveroient jamais au-dessus de quatre pour cent par année, qu'ils s'interdiroient tout autre commerce, ne feroient aucun emprunt portant intérêt, ne contrac teroient aucun engagement qui ne fût à vue et au porteur, que la caisse d'escompte seroit réputée et censée être la caisse personnelle et

domestique de chaque particulier qui y tien droit son argent, et seroit comptable envers lesdits particuliers, de la même manière que le seroient leurs caissiers domestiques.

Cet établissement éprouva peu de faveur les deux premières années de sa création, et trouva autant de difficultés à vendre ses actions, qu'à introduire ses billets dans la circulation. Mais à la fin de 1778, plusieurs des premières maisons de banque de la capitale s'étant réunies pour prendre des intérêts dans cette société, et faire, par son entre mise, une partie de leurs négociations, elle prit alors un essor rapide. Le taux de ses es comptes fut augmenté d'un demi pour cent quoiqu'en tems de guerre; le nombre des administrateurs fut porté à treize, de sept qu'ils étoient; tous ses fonds furent complettés; et ses billets reçus de préférence, à cause de leur extrême commodité, dans presque tous les paiemens considérables, acquirent un degré de confiance qui ne s'est altéré que dans quelques momens de crise.

La première eut lieu au mois de Septembre 1783. La caisse avoit prêté au gouvernement six millions qu'il ne pouvoit lui rendre, et

ce déficit imprévu, joint à la trop grande extension de ses bilets, réduisit tout d'un

nulle

coup son numéraire à la somme presque
de cent trente-huit mille livres. Il lui restoit
cependant assez de piastres pour attendicles
rentrées de son porte-feuille et des fonds que
lui devoit le gouvernement. Mais le minis-
tère n'osa autoriser des paiemens en mon-
noie étrangère; il préféra de donner un arrêt
de surséance et de nommer des commissaires

pour

examiner l'état des affaires de cette caisse. et le rendre public. Cet événement ne fut pas aussi funeste qu'il auroit dû l'être à un établissement uniquement fondé sur la confiance. L'inventaire démontra que son actif surpassoit son passif de Eplus de quatorze millions. Cette vérité bien constatée calma les alarmes du public. Bien- ̧ tôt elle obtint le remboursement des six mil. lions qu'elle avoit avancés au gouvernement, et les fonds qu'elle avoit en porte-feuille étant aussi rentrés, elle créa mille actions nouvelles, fit un appel de cinq cents livres sur les anciennes, et se trouva en état de reprendre ses paiemens à bureau ouvert avant l'expiration du terme fixé par l'arrêt de surséance.

Il fut donc révoqué; mais on lui donna en même-tems de nouveaux statuts pour diriger ses opérations, et de nouveaux réglemens pour modifier son régime intérieur, afin de prévenir le retour des circonstances difficiles qu'elle venoit de surmonter. Par un des articles de ce nouveau régime, il étoit permis aux actionnaires de conserver toujours en réserve un fonds d'environ deux millions cinq cents mille livres, pour subvenir aux pertes imprévues; par un autre, de garder constamment un fonds suffisant d'espèces, afin de se tenir en état de satisfaire à l'obligation étroite de payer les billets à présentation, lequel fonds ne pourroit jamais être moindre

que du tiers au quart de la somme des billets en circulation. Il leur étoit permis encore de restreindre sensiblement les escomptes, dès qu'ils s'apercevroient que le numéraire effectif seroit baissé au-dessous du tiers, et de les cesser entièrement dès que la proportion du numéraire ne seroit plus que du quart de la somme en circulation.

Le capital de la caisse se trouva alors de vingt millions, tant par la création des mille actions nouvelles, que par l'appel qui avoit

été

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