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on trouva le ton de la proclamation trop doux; on contesta même au pouvoir exécutif le droit d'en faire une. On était en effet trop irrité pour se contenter d'une proclamation, et surtout le roi substituât une mesure que pour souffrir inutile aux mesures vigoureuses qu'on venait de prendre.

Une épreuve semblable était au même instant imposée à Louis XVI, et amenait un résultat aussi malheureux. Les premiers troubles religieux avaient éclaté dans l'Ouest;l'assemblée constituante y avait envoyé deux commissaires, dont l'un était Gensonné, si célèbre plus tard dans le parti de la Gironde. Leur rapport avait été fait à l'assemblée législative, et, quoique très-modéré, ce rapport l'avait remplie d'indignation. On se souvient que l'assemblée constituante, en privant les prêtres qui avaient refusé le serment de leurs fonctions, leur avait cependant laissé une pension et la liberté d'exercer leur culte à part. Ils n'avaient cessé depuis lors d'exciter le peuple contre leurs confrères assermentés, de les lui montrer comme des impies dont le ministère était nul et dangereux. Ils traînaient les paysans à leur suite pour leur dire la messe à de longues distances. Ceux-ci s'irritaient de voir leur église occupée par un culte qu'ils croyaient mauvais, et d'être obligés d'aller chercher si loin

celui qu'ils croyaient bon. Souvent ils s'en prenaient aux prêtres assermentés et à leurs partisans. La guerre civile était imminente (4). De nouveaux renseignemens furent fournis à l'assemblée et lui montrèrent le danger encore plus grand. Elle voulut alors prendre contre ces nouveaux ennemis de la constitution des mesures semblables à celles qu'elle avait prises contre les ennemis armés d'outre-Rhin, et faire un nouvel essai des dispositions du roi.

L'assemblée constituante avait ordonné à tous les prêtres le serment civique. Ceux qui refusaient de le prêter, en perdant la qualité de ministres du culte public et payé par l'état, conservaient leurs pensions de simples ecclésiastiques et la liberté d'exercer privément leur ministère. Rien n'était plus doux et plus modéré qu'une répression pareille. L'assemblée législative exigea de nouveau le serment, et priva ceux qui le refuseraient de tout traitement. Comme ils abusaient de leur liberté en excitant la guerre civile, elle ordonna que, selon leur conduite, ils seraient transportés d'un lieu dans un autre, et même condamnés à une détention s'ils refusaient d'obéir. Enfin elle leur défendit le libre exercice de leur culte particulier, et voulut que les corps administratifs lui fissent parvenir une liste avec des notes sur le compte de chacun d'eux.

Cette mesure, ainsi que celle qui venait d'être prise contre les émigrés, tenait au désir qui s'emparedes gouvernemens menacés, et qui les porte à s'entourer de précautions excessives. Ce n'est plus le fait réalisé qu'ils punissent, c'est l'attaque présumée qu'ils poursuivent; et leurs mesures deviennent arbitraires et cruelles comme le soupçon.

Les évêques et les prêtres qui étaient demeurés à Paris et avaient conservé des relations avec le roi, lui adressèrent aussitôt un mémoire contre le décret. Le roi, qui était déjà plein de scrupules, et qui s'était reproché toujours d'avoir sanctionné le décret de la constituante, n'avait pas besoin d'encouragement à ce refus. « Pour celui-ci, dit-il en parlant du nouveau projet, on m'ôtera plutôt la vie que de m'obliger à le sanctionner. >> Les ministres partageaient à peu près cet avis. Barnave et Lameth, que le roi consultait quelquefois, lui conseillèrent de refuser sa sanction; mais à ce conseil ils en ajoutaient d'autres que le roi ne pouvait se décider 'à suivre : c'était, en s'opposant au décret, de ne laisser aucun doute sur ses dispositions, et, pour cela, d'éloigner de sa personne tous les prêtres qui refusaient le serment, et de ne composer sa chapelle que d'ecclésiastiques constitutionnels. Mais, de tous les avis qu'on lui donnait, le roi

n'adoptait que la partie qui concordait avec sa faiblesse ou sa dévotion. Duport-Dutertre, garde des sceaux et organe des constitutionnels auprès du ministère, y fit approuver leur avis; et lorsque le conseil eut délibéré, à la grande satisfaction de Louis XVI, que le veto serait apposé, il ajouta comme avis, qu'il serait convenable d'entourer la personne du roi de prêtres non suspects. A cette proposition, Louis XVI, ordinairement si flexible, montra une opiniâtreté invincible, et dit que la liberté des cultes, décrétée pour tout le monde, devait l'être pour lui comme pour ses sujets, et qu'il devait avoir la liberté de s'entourer des prêtres qui lui convenaient. On n'insista pas; et, sans en donner connaissance encore à l'assemblée, le veto fut décidé.

Le parti constitutionnel, auquel le roi semblait se livrer en ce moment, lui prêta un nouveau secours; ce fut celui du directoire du département. Ce directoire était composé des membres les plus considérés de l'assemblée constituante. On y comptait le duc de Larochefoucault, l'évêque d'Autun, Baumetz, Desmeuniers, Ansons, etc. Il fit une pétition au roi, non comme corps administratif, mais comme réunion de pétitionnaires, et provoqua l'apposition du veto au décret contre les prêtres.

« L'assemblée nationale, disait-il, a certaine

ment voulu le bien; nous aimons à la venger ici de ses coupables détracteurs; mais un si louable dessein l'a poussée vers des mesures que la constitution, que la justice, que la prudence, ne sauraient admettre... Elle fait dépendre, pour tous les ecclésiastiques non fonctionnaires, le paiement de leurs pensions de la prestation du serment civique, tandis que la constitution a mis expressément et littéralement ces pensions au rang des dettes nationales. Or, le refus de prêter un serment quelconque peut-il détruire le titre d'une créance reconnue? L'assemblée constituante a fait ce qu'elle pouvait faire à l'égard des prêtres non assermentés; ils ont refusé le serment prescrit, et elle les a privés de leurs fonctions; en les dépossédant, elle les a réduits à une pension. . . . ..... L'assemblée législative veut que les ecclésiastiques qui n'ont point prêté le serment, ou qui l'ont rétracté, puissent, dans les troubles religieux, être éloignés provisoirement, et emprisonnés s'ils n'obéissent à l'ordre qui leur sera intimé. N'est-ce pas renouveler le système des ordres arbitraires, puisqu'il serait permis de punir de l'exil, et bientôt après de la prison, celui qui ne serait pas encore convaincu d'être réfractaire à aucune loi?.......... L'assemblée nationale refuse à tous ceux qui ne prêteraient pas le serment civique la libre pro

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