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de leur asservissement; bientôt à cette cause se joignit le système VII Epoque. de terreur qui, tenant tout divisé, détruisant toute confiance mutuelle, livra chaque individu isolé, à l'attaque et à la merci de l'association qui s'emparait du pouvoir. Après le 31 mai, la grande masse de la convention ne fut plus qu'une représentation sans caractère et sans intégrité nationale; quelques individus se réservèrent le privilége exclusif de donner à la tribune le signal des décrets à rendre; les lois se firent sans opposition, on ne discuta plus; chacun se crut obligé d'opiner sous peine de la vie, chacun trouva son excuse dans la faiblesse des autres, et sa justification dans la servitude générale; le peuple se plaignait de ses représentants qui le laissaient sous un joug de fer; et les représentants se plaignaient du peuple qui les laissait sous la hache des bourreaux. Au mépris de la vie se joignit bientôt le mépris de soi-même; une existence douloureuse ne parut plus valoir la peine d'être disputée; le stoïcisme fut la seule arme que l'on opposa à la tyrannie; on dédaigna de se défendre, et l'on réserva le courage pour mourir sans faiblesse et pour tomber avec dignité; il semblait que le régime qui gouverna alors la France, fût un fléau céleste auquel la vertu ne croyait pas devoir se dérober; les victimes se regardaient comme des hosties propitiatoires, dont le nombre était compté, et que des ordres suprêmes avaient désignées d'avance; on ne vit dans les juges que les exécuteurs des sentences portées par un tribunal invisible, et l'on attendit que la divinité, quelle qu'elle fût, apaisée et satisfaite, retirât son bras vengeur; l'excès du mal en fit seul espérer le terme.

Parmi ceux en qui il restait du courage et du talent, les uns, emportés par le caractère ou par la jeunesse, voulurent partager une honorable proscription; et, prolongeant la crise par une lutte inégale trouvèrent bientôt les honneurs de l'échafaud; d'autres que la maturité de l'âge ou l'expérience révolutionnaire avaient instruits, se rangèrent sous le passage d'un torrent que rien Tome II.

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VII Epoque. ne pouvait contenir, et, tâchant de s'effacer dans l'obscurité et de se perdre dans la foule, échappèrent aux recherches, et réservèrent, pour des temps meilleurs, leur existence et leurs

moyens,

HUITIÈME ÉPOQUE.

Invasion de la France par les armées coalisées. Dampierre général en chef. Le camp de Famars forcé par les ennemis. Dampierre tué. Custines général en chef. Siege et prise de Mayence, de Condé, de Valenciennes. Affaires du Calvados. Charlotte Corday. Mort de Marat. Etablissement du grand livre des créanciers de la république. Toulon livré aux Anglais. Jugement et exécution de Custines. Bataille de Hondtschoote. La terreur à l'ordre du jour. Décret d'accusation contre 53 membres de la convention. Nouveau calendrier. Siége et prise de Lyon. Exécutions révolutionnaires. Affaires d'Italie. Mort de Marie-Antoinette d'Autriche. Exécu→ tion des 21 membres de la convention. Exécution de Philippe d'Orléans. Exécution du général Houchard. Les églises fermées. Exécution du général Biron. Affaires de la Vendée. Conjurations dans les prisons. Exécutions journalières par 20, 30, 48, 54,63. Grande diversion de l'armée du Nord. Prises de Furnes, Menin, Courtrai. Décret de l'existence de l'Etre suprême. Exécution des fermiers généraux. Décret qui défend de faire des Anglais prisonniers de guerre. Affaires d'Espagne. Fête en l'honneur de l'Etre suprême. Peine de mort contre les ennemis du peuple. Bataille de Fleurus. Conquête des Pays-Bas. Décret d'accusation de Robespierre. Neuf Thermidor.

E

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Le règne de la terreur était commencé; la France était devenue VIII Epoq le domaine des fanatismes, de l'intrigue, de la corruption morale et politique; les factieux étaient les maîtres des personnes et des

VIII Epoq.

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choses, et l'étranger était le maître des factieux; on ne délibérait plus que sur l'usage qu'on ferait du pouvoir absolu de l'anarchie; la vengeance voulait du sang; l'avidité, de l'or; l'ambition, du pouvoir; l'étranger voulait des provinces. Seul il fut trompé; parce que le civisme, la valeur et la liberté, n'eurent bientôt d'asile que dans les camps; là du moins la vertu eut un refuge, et put se faire des devoirs. L'homme de guerre, voyant devant soi l'ennemi de son pays, fut dispensé de porter ses regards en arrière sur les crimes qui le dégradaient plus encore qu'ils ne le dévastaient; le bruit des armes l'empêchait du moins d'entendre les cris des victimes, et la présence des armées étrangères arrêta seule une réaction des armées républicaines sur l'intérieur.

Les dangers les plus menaçants et les plus prochains étaient sur la frontière du Nord. Après le départ de Dumourier, Dampierre avait pris le commandement de ses troupes. Tandis qu'une armée combinée de Prussiens et d'Impériaux menaçait d'une invasion les départements du Rhin, faiblement défendus par l'armée de Custines, retirée derrière les positions défensives qu'offraient encore les lignes fortifiées et les obstacles naturels; une autre armée, composée d'Impériaux, de Prussiens, de Hollandais et d'Anglais, assiégeaient les frontières du Nord, qui n'avaient pour défense que des places fortes, la plupart mal pourvues, et une armée presque désorganisée par les revers, et plus encore par les vices d'administration militaire, et par le défaut d'ordre et de discipline. La vue de l'ennemi la contenait seule; divisée par des partis et par des opinions, cette armnée en paix se fut dissoute.

Dampierre la plaça d'abord au camp de Famars, puis sous le canon de Bouchain, ayant devant elle la Scelle et l'Escaut, et une retraite assurée au camp de César, ancien Castrum des légions romaines que sa position et ses antiques remparts, encore debout rendent un poste muni par l'art et par la nature. L'armée commandée par Dampierre ne consistait alors qu'en 22 mille hommes effectifs.

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Les armées combinées de Prusse et d'Autriche occupaient une VIII Epoq. ligne de positions en avant de Mons et de Tournay, depuis Mau- 6,7 avril. beuge jusqu'à Menin. Elles entrèrent sur le territoire de la république, menaçant à la fois Lille, Valenciennes et Maubeuge. Cette armée, aux ordres du prince de Saxe-Cobourg, était d'environ 60 mille hommes, y compris les corps commandés par le général Clairfait et le prince de Hohenloë. Condé fut investi, et l'invasion s'exécuta sur tout le front de cette ligne.

Les républicains revenus du premier étonnement qu'avait causé la défection du général et le désordre qui en fut la suite, reprirent bientôt une contenance qui annonça la résolution de défendre ses postes. Plusieurs combats furent livrés avec des succès balancés. A Fresne, à Curgi, à Vicogne et dans la forêt de Normale; malgré plusieurs désavantages dans ces combats de détail, Dampierre remarcha en avant, et rentra au camp de Famars pour se rapprocher de Valenciennes menacé; et peu de jours après, les Français reprirent 15 avril. un moment l'offensive, et s'emparèrent des postes importants d'Orchies et Lanoy.

En même temps se formait une autre armée d'invasion vers les villes maritimes. Les Anglais avaient débarqué environ 10 mille hommes qui, réunis à Ostende aux troupes hollandaises commandées par le colonel Mylius, étaient destinés à agir sur l'extrême frontière du Nord, vers Dunkerque. On opposait à ce corps d'armée un rassemblement qui se formait au camp sous Cassel.

Le sort de Condé investi, et assiégé, était devenu le point central des opérations. Tant que les ennemis n'étaient pas maîtres d'une place forte, la frontière n'était pas entamée, et les deux armées étaient encore chacune sur leur territoire, ayant l'Escaut entre elles. Dampierre avait reçu des renforts. Quelque ordre était rétabli dans son camp, et sa résistance étonnait l'ennemi qui ne s'y était pas attendu. Dans un conseil de guerre tenu à Valenciennes, une attaque générale, pour dégager Condé, fut résolue et fixée au 1.er mai, Une colonne à la droite fut dirigée par le chemin de Va

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