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rope de renverser un Jugement de reintegrande, & d'en rendre un fecond contraire au premier.

Une ordonnance rendûë fans communication de piéces, pendant les troubles de la guerre, dans le tems de la divifion, & de l'animofité, ne doit point l'emporter fur un Jugement anterieur rendu dans le tems de la Paix, & de la réunion; fur tout lorsque ce n'eft qu'une fuite, & une éxécution formelle des Traités de Paix, & lorfqu'il a été confirmé par les Traités pofterieurs.

Pour obtenir aujourd'hui le retabliffement du Prince d'Efpinoi, il fuffiroit de dire qu'il a été depoffedé pendant la guer

re.

En effêt ce n'eft qu'en 1709. & après la prife de Lille, qu'eft intervenuë la Refolution des Etats Generaux, S'il n'y avoit point eu de guerre, fi la Ville de Lille n'avoit pas été prife par les Armes des Alliés, il eft conftant que le Prince d'Efpinoi auroit continué la poffeffion où il étoit depuis plus de 40. années; & les Etats Generaux n'auroient point donné de Refolution pour le dépoffeder; il eft donc jufte d'obferver à fon égard, ce qui

a

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a été fi juftement pratiqué dans tous les tems, touchant le droit & la poffeffion des particuliers.

Lorfque les Souverains terminent leurs differens, c'eft un ufage inviolablement obfervé de rendre toûjours justice aux particuliers,d'effacer autant qu'il leur eft poffi ble de la memoire des hommes, les in juftices & les violences faites pendant la guerre, & de reparer les torts qu'on a foufferts dans ces tems de défordres & de confufion.

Si l'on doit obferver en general ces juftes maximes, on peut encore moins s'en difpenfer dans l'efpece prefente, où il eft question de l'interêt d'un Mineur, où il est clair que les biens dont il s'agit, font partie des anciens propres de laMaison de Meleun; qu'ils en avoient été enlevés par des confifcations nulles, par des ufurpations odieuses, & retenus par des Actes que tous les Traités de Paix ont perpetuellement réprouvés & anéantis.

Lors qu'après toutes ces difgraces, les veritables proprietaires font rentrés dans leurs biens. Lorsqu'ils en ont été pendant 40. années en poffeffion paifible, fans qu'on y ait donné atteinte dans deux differens P 6 Con

Congrès, eft-il permie d'y revenir, & de les dépouiller une feconde fois? & n'est-il pas fenfible que les anciens ufurpateurs ne tendent qu'à rentrer dans une nouvelle ufurpation?

Si le Prince Ligne avoit expofé dans fa Requête tous les Titres de la Maifon de Meleun; s'il étoit convenu qu'elle n'avoit été dépouillée que par des confifcations nulles & informes, & par des ufurpations faites à l'occafion de la guerre; s'il avoit fait mention des Articles formels de tous les Traités; s'il avoit dit que fa tranfaction avoit été aneantie, & que la chose avoit été examinée contradictoirement, & décidée une feconde fois au Confeil du Roi Tres-Chretien ; auroit-il obtenu la depoffeffion du Prince d'Efpinoi? Non certainement, & delà il refulte d'une maniere évidente, que la Religion des Etats Generaux a été furpri fe.

On leur a diffimulé tout ce qui les auroit déterminés à donner une Réfolution contraire à celle qu'ils ont renduë; on leur a avancé des faits captieux & directement oppofés à la verité. La Requête du Prince de Ligne eft en même tems obreptice &

fub.

fubreptice. Si on ae leur avoit point im pofé, s'ils avoient été mieux inftruits, il eft bien certain qu'ils ne fe feroient point écartés des régles ordinaires, ni des prin cipes de la Juftice, dont ils font fi rem plis. Ils auroient laiffé la poffeffion à celui qui jouiffoit. Un an & un jour fuffifent felon les Loix, il y avoit ici une poffelfion de quarante annéês. La fraude ne doit point être utile à celui qui l'a emplïoec; & l'on a lieu d'efperer que Meffieurs les Plenipotentiaires des Etats Generaux feront les premiers à opiner pour le rétablisfement du Prince d'Efpinoi. Ce ne fera pas rétracter un Jugement; mais ce fera montrer à toute la Terre, que l'on n'en veut rendre que de juftes, & que la guerre entre les Puiffances n'eft point capable d'infpirer la pensée de faire préjudice aux particuliers, contre les principes de la raison & de l'équité.

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Le Prince de Ligne peut-il montrer qu'il lui foit furvenu quelque Titre nouveau depuis la reintegrande accordée au Prince d'Efpinoi? Peut-il alléguer quel que Acte qui n'ait pas été détruit par les Traités de Paix fubfequens? Dira-t-il que les mouvemens inutiles qu'il fe donna àÑi

megue & à Rifwik pour tâcher de rentrer dans fon ufurpation, doivent être regardés comme une interruption legitime? Ces deux derniers Traités ne font-ils pas au contraire de nouvelles confirmations des Traités précédens, & de nouveaux Titres qui s'élèvent contre lui? Ce n'étoit pas la même chofe, lorfque le Prince d'Elpinoi fut remis en poffeffion de fes biens. Les Traités de Paix étoient furvenus depuis les tranfactions. Ils ancantiffoient les Titres & les Actes vicieux des Princes de Ligne: ils rapprochoient les tems qui avoient précédé la guerre, & détruifoient tout ce qui s'étoit fait à cette occafion dans le tems intermediaire. C'étoient des Loix generales, abfoluës, faites par le concours des Puiffances, & ce fut fur ces Titres facrés que le Prince d'Espinoi demanda & obtint fon rétabliffement. On ne peut donc fe dispenser de le lui accorder encore aujour d'hui, fans donner atteinte à tous les Traités de Paix, qui ont été faits depuis plus de cent années.

Mais afin d'ôter tout prétexte de chicaner; il faut reduire la Caufe à une plus grande fimplicité. Qu'on fupprime pour un moment les ordres du Roi Tres-Chre

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