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un burin rhomboïdal auquel au lieu de donner en l'aiguifant une feule face platte comme on le fait d'ordinaire, on en auroit donné deux adic, dont la commune fection ac iroit du talon à la pointe du burin: ils font couchés fur la pierre qui leur fert de matrice, de façon à présenter tous, ou l'arète a b, ou l'une des deux faces du prifme qui lui font contigues, aucun d'entr'eux ne permet de voir bien à l'aife le côté ƒg, & un feul offre la pyramide à ses deux extrémités.

Le granit dans lequel on retrouve ces criftaux enfevelis, eft un composé de quartz prefque transparent, de fchorl noir ftrié & lamelleux ou hornblende & de pierre de corne tendre & fufible, d'un gris verdâtre & d'un tiffu légèrement feuilleté ; c'eft dans cette pierre de corne que fe montrent les cristaux en question; il faut quelquefois l'aide de la loupe pour les découvrir, d'autres fois ils font très-apparens, & leur furface polie, avec la couleur d'hyacinthe pâle qui les caractérife, les fait reconnoître au premier coup-d'œil.

En les traitant au chalumeau, j'ai obtenu les résultats suivans :

Les fragmens placés à l'extrémité d'un tube de verre à la manière de M. de Sauffure, mais non point enfoncés dans le verre ou étendus fur fa furface, comme le pratique M. Dodun (1), on voit fur le fragment une ébullition manifefte, mais qui semble n'attaquer que la furface, car après le refroidiffement le morceau n'eft que verni & affez peu défiguré, on apperçoit dans l'émail qui le couvre, quelques traces des bulles qui ont crevé dans le refroidiffement & laiffé des creux circulaires : ces fragmens ne décrépitent point, & fe foudent bien au verre.

Un fragment mis dans la cuiller d'argent à côté d'un bouton de fel de foude en fufion, en eft d'abord faifi & difparoît, mais après le refroidiffement, on le retrouve intact ou à-peu-près au centre du bouton.

Un fragment de ce même bouton mêlé d'alkali minéral & du cristal en queftion expofé à la flamme au bout du tube de verre, s'y réfout en une maffe fpongieufe ou fcorie verdâtre.

On obtient le même résultat avec le borax dans la cuiller, mais le fragment du bouton mêlé de cristal & de borax étant enfuite expofé à la Aamme fur le tube de verre, paroît s'y étendre mieux & fe transformer en un verre verdâtre ; le fel microcofmique ne l'attaque ni dans la cuiller, ni fur le verre, où le criftal s'eft verni fimplement comme il le fait fans fondant.

(1) Je ne fuis point étonné qu'en procédant comme l'a fait M. Dodun (Journal de Phyfique, juillet & août 1787) il ait obtenu au fimple chalumeau à bouche la fufion des fubftances regardées comme les plus réfractaires; je ferois bien plus étonné qu'il ne les eût pas fondues, car en les pulverifant comme il l'a fait & enseveliffant les fragmens dans le verre u-même, ce n'eft point une fufion per fe qu'on produit, c'est une fufion favorifée par le contact immédiat des fondans les plus puiffans entre lefquels on fait que le verre occupe une des premières places.

Les acides ne produifent à froid aucune effervefcence fur cette fubftance, & les criftaux ne fubiffent de même aucune altération par l'ébullition dans l'acide nitreux. Leur petite quantité & la rareté du morceau m'ont empêché de pouffer plus loin Tanalyse, mais l'ensemble de ces propriétés paroît rapprocher cette pierre du genre argillo-muriatique, fi fertile en efpèces, mais dans lequel les criftallifations font plus rares que dans bien d'autres, ce qui joint à la parfaite régularité de celle-ci, peut la rendre plus intéreflante.

Je trouvai dans les débris que charrie le glacier appelé des Boffons une très-belle criftallifation de cette fubftance couleur d'olive que notre célèbre: Naturaliste, M. de Sauffure, annonce comme une variété de feld-fpath (Voyages dans les Alpes, §. 714) elle eft entre-mêlée dans mon échantillon d'une très-belle amianthe foyeufe, & la bafe de cette amianthe & de ces mêmes criftaux eft une fubftance d'un blanc verdâtre qui offre l'apparence de la cire blanche, & fe comporte au chalumeau comme les criftaux eux-mêmes, donnant un verre plein de bulles. La criftallisation. reffemble fort pour l'apparence à celle de la mine de fer fpathique.

Enfin, un hafard heureux me préfenta encore dans la même course vers le pied du glacier appellé le Telifre, de la très-belle molybdène formant des nœuds & des filons de deux à trois pouces de largeur dans un granit à petits grains de quartz feld-fpath rougeâtre & quelque peu de mica; elle eft recouverte en quelques endroits d'une fubftance verdâtre demi-tranfparente, ftriée, qu'on prendroit au premier coup-d'œil pour une variété de fchorl ou d'afbefte, mais qui ne fait que fe vernir très-légèrement à la plus forte flamme du chalumeau.

J'ai extrait l'acide de cette molybdène par un moyen bien fimple & qui offre en même-tems un fpectacle affez curieux, c'eft en l'expofant en fragmens au foyer d'une lentille d'un pied de diamètre; le foufre fe diffipe fous la forme d'une épaiffe fumée & l'acide se cristallife en l'air à quelque distance du fragment autour duquel il forme comme une espèce de voûte ou de cage dans laquelle le fragment eft renfermé comme une chryfalide dans fa coque; je recueille ces aiguilles en les balayant avec un pinceau, & le même morceau expofé de nouveau au foyer, préfente le même phénomène jufqu'à fon entière transformation: l'acide obtenu par cette voie eft à l'abri de tout foupçon de contenir l'acide nitreux à moins qu'il ne s'y forme dans l'acte de la combuftion.

M. de Sauffure avoit en quelque forte prédit la découverte de cette molybdène lorfqu'il difoit (Voyages dans les Alpes, §. 718): « Cette réflexion me conduit à croire qu'on trouvera quelque part dans les » montagnes de Chammouny de la vraie molybdène, production très

» rare, &c.

En revenant de Paris au mois de juillet dernier par la route d'Autun, je trouvai dans le voisinage de Saulieu, la grande route comme femée

d'affez beaux échantillons du même feld-fpath criftallifé couleur de brique, que le P. Pini découvrit il y a quelques années dans la vallée de Baveno; j'ai lieu de préfumer que l'existence dans cet endroit de morceaux auffi intéreffans pour les amateurs de lithologie eft ignorée de la plupart d'entr'eux, & que la notice que je faifis cette occafion de leur donner ne leur fera pas indifférente.

Je fuis, &c.

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Vous m'avez fait l'honneur de me dire l'autre jour que vous vouliez écrire à M. de la Mécherie pour lui apprendre que l'araignée de Barbarie décrite par M. l'Abbé Poiret, fe trouve ici. En comparant cette description avec l'infecte dont la découverte vous eft due, j'ai d'abord été dans la même idée que vous, mais bientôt un examen plus fcrupuleux de l'individu que vous avez eu la bonté de me donner, m'a mis à même de reconnoître que fi MM. Fabricius & Poiret ne fe font pas trompés, non-feulement l'araignée de M. l'Abbé Poiret, celle de Fabricius & celle des environs de Lausanne ne font pas les mêmes, mais elles font genres différens, & c'eft fur quoi il eft important d'éclairer le monde favant, afin d'éviter qu'une erreur de fait auffi importante ne fe propage & ne fe multiplie à l'infini comme tant d'autres fur-tout dans cette branche de l'Hiftoire-Naturelle. C'eft pour vous mettre en état de vous convaincre de ces diffemblances par vous-même, que j'ai tranfcrit, Monfieur, de mon journal les obfervations fuivantes.

de

Sur une Araignée nouvelle..

On doit la découverte de cette belle araignée à M. Reynier qui me l'a fait connoître comme étant la même que l'araignée de Barbarie de

M. l'Abbé Poiret (Journ. de Phyf. août 1787, Pl. I, fig. 3) & que j'ai d'abord regardée comme telle. Ces deux infectes au premier coup-d'œil ont en effet de grands rapports entr'eux ; mais examinés attentivement, on reconnoît bientôt qu'ils different par un caractère effentiel, celui des yeux, qui non-feulement diftingue notre infecte de celui de Barbarie, mais le renvoie tout-à-fait à une autre famille. Ses yeux au lieu d'être placés en lunule comme dans l'araignée de M. l'Abbé Poirer, ou

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fur trois lignes ⚫ comme dans celle du cabinet de M. Banks décrite par Fabricius, les a fur deux lignes, fix dans la première inférieure & deux dans la feconde fupérieure qui correfpondent aux deux mitoyens de la première On voit que cette forme d'yeux fe rapproche de celle des yeux de l'araignée de M. Banks, de forte que cette dernière', fi par hafard M. Fabricius s'étoit trompé, auroit plus de rapport avec la nôtre qu'avec celle de M. Poiret. Paffons maintenant à la defcription de celle que nous avons fous les yeux.

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Description.

Nous croyons qu'on peut nommer cette araignée la plus belle en effet de nos environs, ARANEA pulchra media maxillofa, corpore ovato oblongo, thorace villofo pilis albis, abdomine pedibufque nigris, fafciis flavis pulcherrimis ornatis. Cette araignée (du moins les individus que j'ai vus) eft beaucoup moins groffe que notre grande araignée des jardins (Aranea diadema, Linn.). Pour en donner les dimensions avec exactitude, il faudroit la voir vivante, parce qu'elle fe gâte & s'altère beaucoup après fa mort. Son corcelet écailleux & dur, eft couvert au-deflus d'un poil lanugineux blanc, & armé en devant de deux pièces noires, longues & fortes, comme la tarentule. Rien n'eft plus digne de remarque dans cet infecte, que la conformation de fes yeux. Ces yeux font placés beaucoup plus en devant de la tête qu'ils ne le font communément, & immédiatement au-deffus des mâchoires; ils font réunis par un appendice en forme de bourelet, dur, écailleux, noir, & ces yeux auffi noirs, luifans & opaques, ne femblent eux-mêmes que des protubérances de l'appendice dont nous parlons, à l'exception des deux yeux latéraux de la première. ligne, tranfparens, d'un rouge d'efcarboucle qui femblent (comme on. le voit dans la figure ci-deflus) n'en former qu'un feul avec les deux yeux noirs qui le précèdent, & paroiffent comme des rubis enchâflés dans de l'écaille. On diroit que la nature ayant deftiné cet infecte à vivre dans les broussailles, ait voulu armer fa tête pour la galantir des corps durs qu'il peut rencontrer en marchant. L'abdomen ou le ventre tient au thorax par un péduncule court & affez mince; il eft ovoïde un peu oblong en-deflus; il eft falfié de belles bandes tranfverfes dont les couleurs font très-vives

chez l'infecte vivant, mais perdent beaucoup de leur éclat après la mort ; la première bande la plus courte contre le thorax eft blanche, fuit une bande noire, enfuite une bande jaunâtre mêlée de blanc, encore une bande noire, puis enfin cinq à fix bandes jaunes plus minces, entrecoupées de bandes noires affez larges; quelques-unes de ces bandes jaunes font ondées & découpées à leurs bords. Les côtés du ventre ( qui eft comme velouté par-tout) font d'un fauve très-brun, & le deffous noir; coupé de deux bandes jaunes longitudinales ondées, entre lefquelles il y a auffi quelques taches jaunes irrégulièrement difpofées. Les mammelons de la filière font gros & faillans, ce qui doit faire croire que le fil tiflu par cette araignée doit être auffi fort & d'auffi bonne qualité que celui de l'araignée de Barbarie., Les anthènes font très-courtes, couvertes d'un poil gris Les jambes font noires, couvertes d'un duvet gris à peine fenfible à l'œil & de grands poils noirs, & ornées de bandes jaunes fur ce fond

noir.

J'ai l'honneur d'être, &c.

Au Château de Vernand, ce 28 Septembre 1787.

LETTRE

DE M. DE LUC,

Sur les Obfervations faites par M. DE SAUSSURE fur

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PERSONNE

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I 1..

la cime du Mont - Blanc.

'Windfor, ce 8 Octobre 1787.

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ONNE n'a pu prendre un intérêt plus vif que moi aux obfervations que M. de Sauffure a faites fur le Mont Blanc & au fuccès de la perfévérance de de célèbre Phyficien à efcalader la plus haute des montagnes de notre hémisphère : j'étois sûr qu'il en refulteroit de nouvelles additions aux remarques importantes que nous lui devons déjà fur les rochers des Alpes ; remarques confirmées par nombre d'obfervations que j'ai faites dans diverfes autres chaînes de montagnes, depuis la publication de mes Lettres fur l'Hifloire de la Terre & de l'Homme. Je ne doutois point non plus, que cet intrépide voyageur ne rapportât des régions où il vouloir s'élever, des faits très importans pour la météorologie; en attendant que l'aéronautique' perfectionnée y porte plus directement de bons obfervateurs. Mon espérance elt réalifée; & j'ai de plus la fatisfaction de voir, que les nouvelles obfervations météorologiques de M. de

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