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pendant la clarification, il en étoit refté environ fix cens grains en

diflolution.

Le fucre rend donc la chaux infiniment plus foluble à l'eau qu'elle ne l'est naturellement, & conféquemment fon acide ne forme point avec elle un fel infoluble comme l'acide faccharin.

Mais ce qui eft à remarquer dans cette opération, c'est que la chaux ainfi unie au fucre refte dans fon état de caufticité; en effet, une goutte de cette liqueur teint en verd le firop de violette, & fon goût eft brûlant comme celui d'une forte eau de chaux.

Cet état de la chaux prouve qu'elle ne trouve dans le fucre aucun principe dont elle puiffe fe faturer. L'acide propre du fucre n'eft donc point l'acide faccharin.

La chaux dans cette combinaison, eft précipitée par l'acide faccharin lui-même, nouvelle preuve que cet acide n'eft point celui qui eft principe conftitutif du fucre; elle eft auffi précipitée par l'air fixe.

J'ai cherché à retrouver la chaux dans les différentes fortes de fucre qui font dans le commerce, & j'ai reconnu fa préfence:

1o. Dans le fucre brut; 2°. dans la matière colorante que je dégage de ce fucre avant de le raffiner; 3°. dans le fucre brut terré (1); 4°. dans la mélasse résultante du raffinage de ce dernier fucre, quoiqu'en moins grande quantité que dans celle qui provient de la purgation du fucre brut; 5. dans tous les fucres raffinés avec de l'eau de chaux.

J'ai fait à Paris dans le laboratoire de M. Pelletier, Pharmacien trèsdiftingué, en présence de M. d'Arcet, de l'Académie des Sciences & de M. de la Métherie, Docteur en Médecine & Rédacteur de ce Journal, la diffolution de deux onces de fucre raffiné à Orléans avec trois onces d'eau diftillée, & une femblable diffolution de deux onces de fucre raffiné fans eau de chaux. Elles ont été dépofées chacune dans un verre; nous avons mis dans un troisième verre trois onces d'eau diftillée, & nous avons enfuite versé sur chacun des trois une égale quantité de firop de violette. Nous avons reconnu que la diffolution du fucré raffiné à Orléans verdiffoit fenfiblement le firop, pendant que celle du fucre raffiné fans chaux étoit abfolument femblable au verre dans lequel il n'y avoit que de l'eau diftillée & du firop de violette.

Partant de ce premier fait, nous avons répété les deux diffolutions. ci-deilus, & nous y avons verfé quelques gouttes d'acide faccharin. Celle du fucre raffiné à Orléans a donné un précipité confidérable, pendant que l'autre eft demeurée dans le même état.

(1) Je dis fucre brut terré, parce qu'on pourroit ne pas la retrouver dans beaucoup de fucres-terrés en Amérique; plufieurs habitans fe fervant d'alkali végétal au lieu de chaux. La leffive alkaline leur fait obtenir leurs fucres terrés plus blancs; mais elle nuit beaucoup à la clarification, qu'elle rend très-difficile.

Enfin, nous avons diffous dix livres de fucre d'Orléans dans deux pintes d'eau diftillée ; nous avons jeté dedans un gros de criftaux d'acide faccharin, & nous avons obtenu un dépôt confidérable de fel faccharin calcaire (1).

Il réfulte de ces expériences, que le fucre raffiné par le procédé ordinaire eft bien loin de la pureté qu'on devroit attendre d'un auffi grand travail, & qu'on ne peut s'empêcher de defirer dans la plus agréable & la plus précieuse production du règne végétal; c'eft cette confidération qui nous a engagés, mon frère & moi, à changer en entier une manipulation qui remplit auffi peu fon but, & à trouver les moyens de fournir du fucre parfaitement pur.

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« On donne, fuivant M. Prozet, une cuite plus forte au fucre gras, » (c'est-à-dire, au plus commun) (2) qu'à ceux qui font plus fecs: parce » que la préfence des matières mucides trompe toujours à l'épreuve, & qu'alors au lieu d'obtenir une maffe concrète, on s'expoferoit à » n'avoir qu'une criftallifation partielle. Si le Raffineur ajoute-t-il) ne cuifoit fon fucre de manière à faire évaporer toute l'eau de la diffolution, au lieu de la maffe confufe qu'il defire, il n'auroit que des cristaux » parfaits, & d'une forme déterminée, tels qu'on les voit dans le fucre appelé candy ».

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On eft certainement forcé de conclure d'après ce paffage que le Raffineur évapore ordinairement toute l'eau de la diffolution, pour obtenir les maffes de criftallifation confufes connues fous le nom de pains de fucre. Mais fi telle eft fon évaporation ordinaire; pourquoi la cuite des fucres gras doit-elle être plus forte? L'eau de la diffolution une fois évaporée, l'action du feu ne peut porter que fur le fucre à nud, & doit néceffairement développer l'acide auquel M. Prozet attribue tant de mauvais effets.'

Mais il eft encore ici tombé en erreur. Le Raffineur n'évapore point en entier l'eau de la diffolution, il ne fait que des évaporations partielles, & jamais d'évaporations à ficcité. Lorfque ce Chimifte examinera les raffineries, il verra que l'évaporation totale de l'eau de la diffolution eft impraticable: que fon premier effet feroit de mettre le Raffineur hors d'état de faire des pains de fucre; que la matière évaporée à ficcité reprend trop rapidement l'état concret par la diminution de la chaleur pour pouvoir être moulée dans les formes ; qu'elle acquiert une dureté telle qu'elle eft impénétrable à l'eau, & ne peut être blanchie par le

(1) Le fucre fur lequel nous avons opéré m'a été fourni par une des premières maifons de commerce de Paris qui m'a certifié l'avoir fait venir d'Orléans.

(2) J'interprète ainfi le mot gras dont fe fert M. Prozet; cette expreffion employée par un Chimifte défigreroit un fucre combiné avec quelques matières huileufes; mais je n'en connois point de tel dans les raffineries.

Π

terrage: que ce qu'il dit du braffage & du mouvage, pour troubler la criftallifation, ne peut avoir lieu que dans un fluide; que c'eft en effet dans un fluide que les criftaux des pains de fucre fe forment & s'arrangent. Il s'appercevra par l'écoulement fpontané du firop qui fort des pains de fucre, que loin d'évaporer en entier l'eau de la diffolution, le Raffineur en laiffe en affez grande quantité, & fouvent trop peu; que plus le fucre eft chargé de matières hétérogènes, comme celui qu'il appelle gras, moins l'évaporation doit en être forte: qu'il n'y a point de raffineries où l'on ne trouble la criftallifarion du fucre, que c'eft une manipulation connue du dernier des ouvriers: il fe convaincra que le fucre n'eft coloré que par la préfence de la matière extractive, & d'une portion de fucre caramélife: que c'ett cette partie colorante qui entretient dans le fucre brut l'état de déliquefcence qui lui eft naturef; que plus le fucre eft blanc, moins il eft fufceptible d'attirer l'humidité de l'air : & que conféquemment avancer que des fucres raffinés plus colorés que d'autres, font moins déliquefcens, c'eft avancer une abfurdité.

Au refte, M. Prozet a parfaitement bien démontré que l'eau dont on fe fert à Orléans ne donne aucun mérite au fucre qu'on y raffine; il a bien fait de détruire une erreur qu'il affure y être accréditée. Le choix de l'eau n'eft cependant point indifférent au Raffineur, il y a des puits qui en fourniffent de très-mauvaise. Tel eft celui de la raffinerie de Bercy qui m'oblige de ceffer d'y raffiner (1).

MÉMOIRE

Sur un Bitume élastique foffile trouvé dans le Derbyshire;

Par M. DE LA MÉTHERIE.

CE E bitume m'a été remis par M. Woulfe pour en faire l'analyse. Il eût été bien à fouhaiter que les occupations de cet excellent Chimifte lui euffent permis de faire ce travail.

Cette fubftance eft de deux fortes; l'une dure, friable, fe brife comme les réfines. Sa caffure eft liffe & vitreuse. L'autre eft molle, élastique

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(1) Il réfulte de l'examen qui a été fait de l'eau de ce puits par M. d'Arcet, nommé expert dans le procès furvenu à ce fujet, qu'elle donne par le feul contact de l'air libre un dépôt ocreux, que ce dépôt traité dans les vaiffeaux clos fournit de l'eau & tous les produits d'une fubftance animale, ou d'une matière en putréfaction : qu'il perd jufqu'à vingt-quatre pour cent de fon poids par la diftillation; que le réfidu reffemble parfaitement à l'éthiops martial, qu'il eft noir, & attirable à l'aimant comme luis que le fucre raffiné avec cette eau a une odeur défagréable, que lorsqu'on en met dans le thé la liqueur devient trouble & d'un rouge brunâtre.

précisément comme le cahout-chou ou gomme élastique. Leur couleur est d'un brun foncé; mais la molle lorfqu'on la coupe eft d'un jaune verdâtre intérieurement. Ces deux efpèces ne paroiffent pas différer, & dans le même imorceau on trouve de l'une & de l'autre. Cette variété dans la confiftance ne me femble pas un caractère affez décidé pour en faire deux efpèces. D'ailleurs, nous allons voir qu'à l'analyfe elles fe comportent de même.

On trouve cette fubftance dans la province de Derbyshire. Les morceaux font mêlangés avec de la galène & du fpath calcaire. Ainfi il faut en conclure qu'ils ont été trouvés dans une mine de plomb. J'ai fuivi les procédés de M. Berniard dans l'analyfe du cahout-chou (Journal de Phyfique 1781, avril) afin d'avoir des expériences comparatives.

J'ai pris douze grains de celle qui eft folide, & que j'ai groffièrement concaffée. J'ai verfe deffus une once d'efprit-de-vin: il ne l'a nullement attaquée. Au bout de huit jours en ayant verfé dans l'eau, il n'y a point eu de précipité.

Celle qui eft molle n'a pas été plus attaquée par l'efprit-de-vin.

L'éther vitriolique n'a également exercé aucune action fur les deux efpèces.

J'en ai mis douze grains de chacune dans de l'acide nitreux blanc. Il ne les a point attaquées ni n'en a été coloré. Je l'ai fait chauffer jusqu'à l'ébullition. Il a paru quelques bulles à la furface de cette fubftance; mais elle n'a pas été diffoute, & l'acide a confervé fa blancheur, ou au moins n'a été que très-peu coloré.

J'en ai mis douze grains de la sèche dans deux onces d'huile de térébenthine. Au bout de vingt-quatre heures l'huile n'avoit exercé aucure action fur elle.

J'ai pour lors verfé le tout dans une petite cornue, & ai fait bouillir l'huile. Elle s'eft colorée : une partie de la fubftance a été diffoute. Le tout a pris beaucoup de confiftance. J'en ai verfé une partie dans une foucoupe de porcelaine, & l'ayant laiffé refroidir, j'en ai enduit un taffetas ; mais elle étoit encore trop liquide. En conféquence j'ai encore fait bouillir celle qui étoit dans la cornue. Pour-lors la matière a pris une confiftance poiffeufe très-forte. Sa couleur eft celle du fuccin ou ambre foncé tirant fur le rougeâtre.

J'ai caffé le col de la cornue pour prendre de cette diffolution & en enduire un taffetas ; mais elle étoit trop graffe & trop poiffeufe.

La feconde efpèce de bitume, favoir, la molle & élastique, présente abfolument les mêmes phénomènes, traitée de la même manière avec l'huile de térebenthine.

J'en ai mis dans trois onces d'huile d'olives vingt-quatre grains de celle qui eft molle & élaftique, & je l'ai fait bouillir. Elle a été parfaite ment difloute.

J'ai

J'ai pour lors diftillé à feu nud ces deux fubftances. J'en ai pris vingtquatre grains de chacune que j'ai mis dans deux petites cornues.

Dès les premiers coups de feu il s'eft élevé une fumée affez épaiffe. Cette fumée a augmenté: il a paffé des vapeurs blanches qui fe font

condenfées en huile.

La matière dans la cornue eft devenue abfolument liquide comme de l'huile fondue, & ne fe bourfouffloit point.

L'huile a continué de paffer: les vapeurs blanches ont diminué. Enfin, la matière a été réduite en charbon: le dernier coup de feu a été affez vif pour ramollir la cornue; le feu ceffé elle paroiffoit enduite intérieurement d'un vernis noir ayant une zone de bleu.

Il n'a point paffé d'alkali volatil.

L'huile qui étoit dans les vaiffeaux avoit une forte odeur bitumineuse & étoit très fluide.

Ce font les mêmes phénomènes que préfente la gomme élastique. Elle n'eft attaquée ni par l'efprit-de-vin, ni par l'éther vitriolique, ni par l'acide nitreux à froid; mais les huiles la diffolvent. Enfin, à la diftillation elle donne les mêmes produits. D'ailleurs, notre bitume a l'élasticité du cahout-chou. Il paroît donc que c'eft la même fubftance ou au moins une fubftance très-analogue.

Mais la gomme élastique ne se trouve aujourd'hui que dans l'Amérique méridionale. Ceci confirme donc les anciennes révolutions qu'a effuyées le globe.

LET TRE

DE M.

A M. DE LA MÉTHERIE,

Sur l'analyse du Pechftein de Mefnil - Montant.

MONSIEUR,

En donnant au Public par la voie du Journal de Physique, année 1779, l'examen de la pierre ollaire, vulgairement appelée ferpentine, j'ai, à l'imitation de M. Margraff, fait connoître différentes terres ou pierres de notre pays, à la formation defquelles la nature a employé la terre qui combinée avec l'acide vitriolique conftitue le fel de Sediitz ou d'Epfom. J'ai depuis cette époque travaillé fur différentes pierres ou terres des environs de Paris, à deffein d'y trouver la bafe du même fel; mais

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