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Les poiffons que j'ai mis dans de l'eau diftillée y ont vécu ; ils ont à la vérité donné d'abord des fignes de mal-aife, mais après avoir nagé quelque tems, ils n'ont plus paru fouffrir. Ils avoient probablement déterminé, par leur mouvement, l'eau à s'unir à la portion d'air néceflaire à la refpiration. Cependant un petit poiffon enfermé dans un flacon bouché, qui contenoit une pinte d'eau diftillée, y a vécu plus de trente heures. Le firop de violette, verfé en petite quantité fur de l'eau diftillée où étoient des poiffons vivans, n'a donné d'abord aucun figne de changement de couleur ; il a feulement un peu verdi dans la fuire, ce qui peut être attribué à la partie alkalefcente de la mucofité dont le corps des poiffons eft enduit, & qui fe mêle toujours à l'eau : ils y ont très-bien vécu. Une goutte d'acide arfenical jetée dans une affez grande quantité d'eau, où j'avois mis un poiffon vigoureux, a fuffi pour le faire mourie dans le moment. Sa gueule étoit fermée, & les opercules des ouïes ramenées fur le corps. Un autre poiffon a vécu fix minutes dans du fuc de citron; les ouvertures des ouïes étoient fermées quand il eft mort. L'eau légèrement acidulée au moyen de l'air fixe, a fait mourir dans quelques minutes un poiffon vigoureux; fa gueule & l'ouverture de fes. ouïes étoient très-béantes. Ceux que j'ai plongés dans de l'eau de chaux, ont, au bout de quelques minutes, rejeté par les ouvertures des ouïes, une fanie affez abondante; ils ont donné quelques fignes de vie après cette évacuation, & font morts bientôt après. On fait que la chaux eft employée à prendre les poiffons dans les étangs, & les anguilles dans les ruiffeaux où il y a peu d'eau, & où il fuffit de jeter quelques pierres de chaux pour les faire mourir. Les pêcheurs emploient plufieurs autres moyens analogues pour prendre, s'il eft permis de s'exprimer ain, les poiffons par la refpiration. Dans les Indes, on emploie à cet ufage le fuc de plufieurs plantes. Dans nos provinces méridionales on fe fert, pour le même objet, du fuc d'une espèce de thytimale (euphorbia characias L.) qui croît abondamment dans les lieux incultes; on en coupe les tiges en plufieurs morceaux, qu'il fuffit de jeter fur l'eau pour faire mourir un grand nombre de poiffons. On fait que ce fuc laiteux peut être répandu fur une grande furface.

MÉMOIRE

MÉMOIRE

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En réponse à celui que M. PROZET, Maître en Pharmacie, Intendant du Jardin des Plantes de la Société Royale de Phyfique, d'Hiftoire-Naturelle & des Arts d'Orléans a fait inférer dans le Journal de Phyfique du mois d'Août 1787, où il examine quelles font les caufes qui ont mérité au Sucre raffiné à Orléans la préférence fur celui des autres Raffineries du Royaume ;

Par M. BOUCHERIE, Raffineur à Bercy, près Paris. SI, comme le dit M. Prozet, les erreurs qui naiffent des préjugés, font celles dont on fe dépouille difficilement, & qui nuifent le plus au progrès des arts, il en eft d'autres qui ne font guère moins dangereuses; ce font celles qui réfultent des affertions d'un homme de mérite en état d'approfondir le fujet qu'il traite, mais qui par une de ces négligences qui n'ont lieu que trop fouvent, ne commence point par s'affurer des faits qu'il établit comme principes. M. Prozet revêtu de titres qui annoncent de grandes lumières, réunit tout ce qu'il faut pour nuire lorfqu'il fe trompe; mais fi fes connoiffances peuvent être dangereufes à cet égard, elles fervent à me raffurer lorfque j'entreprends de le réfuter.

Le titre du Mémoire auquel je réponds fait le procès à toutes les raffineries du Royaume, en faveur de celles d'Orléans; j'ignore quel a été le but de fon auteur en le publiant. Mais on conviendra fans peine qu'un jugement auffi tranchant que le fien, devoit être précédé de l'examen des raffineries contre lefquelles il prononce, de la comparaifon des divers procédés qui y font employés, de la connoiffance exacte des raifons locales qui peuvent déterminer des manipulations particulières ; enfin, de l'étude de l'art en lui-même pour ne point s'égarer en décidant la question. M. Prozet ne me paroît pas avoir pris toutes ces précautions; mais comme ce n'eft point fon jugement que je veux difcuter, mais feulement les principes qu'il avance, j'abandonne volontiers une question qui n'eft d'aucun intérêt dans un Journal de Phyfique.

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Le fuc de la canne appelée vefou, demeureroit toujours dans l'état firupeux (fuivant M. Prozet) fi l'art ne venoit au fecours de la nature, » pour débarraffer le fel fucré des matières hétérogènes qui s'opposent à la criftallifation du fucre ».

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Avant de parler du fuc de la canne, M. Prozet auroit dû, finon

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l'examiner, au moins prendre des informations de ceux qui le connoiffent; il auroit appris que loin de « refter toujours dans l'état firupeux » le vefou expofé à l'air perd par l'évaporation l'eau qui tient le fucre en diffolution, & que ce fel criftallife en totalité fans laifler de réfidu ou d'eau-mère; cela a lieu toutes les fois que le vefou est étendu en furface (1), de manière à ce que l'évaporation puiffe fe faire facilement; le vefou abandonné à la nature donne donc du fucre fans le fecours de l'art, & l'état de déliquefcence ne lui eft point naturel.

« M. Prozet s'appuie du fentiment du célèbre Bergman pour attribuer » l'état de déliquefcence « dans lequel le vefou eft toujours (fuivant lui) » à la préfence d'une certaine quantité d'acide propre du fucre qui eft furabondant & libre ».

Je l'ai déjà remarqué, les erreurs des grands hommes font infiniment nuifibles; ici M. Prozer a été féduit par le témoignage d'un des plus fameux Chimiftes modernes, l'illuftre Bergman a trop contribué à l'avancement de la fcience, pour qu'on puiffe lui reprocher une méprise dans laquelle il n'eft tombé que parce qu'il étoit peu à portée de prendre des renfeignemens fur la nature du velou; il eft à croire que l'emploi qu'on fait des alkalis dans les fucreries en Amérique l'a porté à fuppofer l'existence d'un acide en excès dans le fuc de la canne: quoi qu'il en foir, il est de fait qu'il n'en contient point. J'ai démontré cette vérité en 1782 à feu M. Macquer & à M. d'Arcet ; ces deux célèbres Chimistes devant lefquels je fis exprimer des cannes parfaitement fraîches, reconnurent que le vesou ne manifeste ni au goût ni par l'action des réactifs la présence d'aucun acide (2).

Il est donc certain que l'ufage qu'on fait des leffives alkalines dans les fucreries n'a point pour but de faturer un acide en liberté ; l'objet pour lequel on les emploie eft la défécation du fuc de la canne; leur utilité eft généralement reconnue jufqu'ici; mais on ne peut fe diffimuler qu'elles. font en même-tems très-nuifibles, & que c'eft-là un de ces moyens dont on fe fert, parce qu'on n'en connoît point de meilleur. J'en ai propofé un autre dans un Mémoire que je lus à l'Académie Royale des Sciences les feptembre de l'année dernière; c'eft celui au moyen duquel je fuis parvenu à rendre toutes les melaffes criftallifables: il a produit le même effet en Amérique fur cette forte de firop; mais fi les expériences qui me font connues relativement au vefou me donnent un efpoir de fuccès, je dois convenir qu'il n'eft point encore démontré : les travaux de mon

(1) Dans le cas contraire, c'eft-à-dire, s'il y a de la maffe & peu de furface, il prend un mouvement de fermentation qui en fait du vin en peu de tems.

(2) Les obfervations faites par mon frère à la Martinique, & celles de M. Dutrônela-Coûture, affocié à nos travaux fur le fuc de la canne, & qui eft allé établir notre procédé à Saint-Domingue, confirment abfolument cette vérité.

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frère qui s'en occupe avec zèle, avanceront peut-être l'art à cet égard, quel que foit le fruit de ses foins,' il est certain que celui qui procurera aux habitans fucriers le moyen-de fe paffer de chaux & d'alkalis leur rendra un fervice important

Mais fi M. Prozet s'eft trompé relativement au fuc de la canne, comment a-t-il pu donner dans la même erreur pour le fucre brut qui étoit fous fa main & qu'il ne tenoit qu'à lui d'examiner ? Comment a-t-il pu avancera qu'il contient de l'acide faccharin non combiné » ?

Le fucre brut ne contient point d'acide à nud ; je ne puis qu'engager M. Prozet à s'en affurer par lui-même, & il fera bientôt convaincu de cette vérité: je l'engage auffi à fuivre dans les raffineries l'opération de la clarification; il verra que la chaux dont on fe fert n'eft point deftinée à faturer cet acide: fon ufage eft cependant général, & fi le Raffineur ignore pourquoi il l'emploie, il ne fe trompe point fur les bons effets qu'elle lui procure. Le fucre brut eft roux, comme M. Prozet l'obferve très-bien; cette couleur qui eft étrangère au fucre, eft occafionnée dans le brut par le rapprochement de la matière extractive qui existe dans le vefou: elle acquiert encore de l'intensité par l'effet des leffives alkalines & par une portion de fucre qui a été brûlé dans les chaudières de fer dont on fe fert très-mal-à-propos en Amérique; c'eft la préfence de cette matière colorante, qui néceffite l'emploi de l'eau de chaux: elle gêne la cristallisation, & nuit par fa viscoûté à l'écoulement du firop. La chaux agit dans la clarification fur la matière extractive, s'unit à la partie réfineufe, met hors de diffolution une portion de la matière glutineuse, qui remonte avec les écumes, & laiffe le fel fucré plus libre.

Si la chaux opéroit exactement la séparation de la matière colorante, fon emploi feroit infiniment précieux: il ne refteroit alors dans la liqueur clarifiée, que du fucre blanc & de l'eau; mais il s'en faut de beaucoup qu'elle produife cet heureux effet: elle n'attaque que très imparfaitement la matière extractive, & ce qui eft encore plus fâcheux, elle donne de l'intensité à la couleur ; elle a précifément dans les raffineries les mêmes inconvéniens & les mêmes avantages que dans les fucreries de l'Amérique (1),

M. Prozet a été averti de l'action de la chaux fur le fucre: « plufieurs » Raffineurs lui ont dit que la trop grande quantité de cette liqueur lui donnoit une couleur grife dont il étoit impoffible de le priver ».

(1) On voit d'après ce que je viens de dire que tant dans le travail primitif du velou que dans celui des raffineries, tous les inconvéniens naiffent de la matière extractive; c'est par cette raison que dans mon procédé pour le raffinage du fucre je commence par me délivrer d'un ennemi auffi dangereux en purgeant le fucre brut de fa partie colorante avant de le disfoudre; auffi n'ai-je pas befoin d'einployer de l'eau de chaux dans la clarification.

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Cette obfervation est très-jufte: « mais M. Prozet attribue la couleur remarquée par ces Raffineurs au fang dont ils fe fervent clarifier pour » la chaux, fuivant lui, en décompofe la partie colorante, met à nud le » fer qui eft une de fes parties conftituantes; & ce fer très-foluble s'unit aux molécules faccharines dont il altère la couleur ; il en eft fi inti» mement perfuadé, qu'il oferoit aflurer que quel que fût l'excès de » chaux, jamais la couleur n'auroit lieu on fe fervoit d'une autre » matière que le fang pour la clarification du fucre; il feroit en effet bien à fouhaiter (dit-il) qu'on pût y fubftituer une autre fubftan» ce, &c. (1) ».

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On n'eft perfuadé en phyfique que par des faits; fi M. Prozet eût cherché à éclairer fon opinion à cet égard, il auroit reconnu que la couleur dont on lui avoit parlé n'étoit pas produite par l'action de la chaux fur le fang, il n'avoit qu'à diffoudre du fucre très-pur, partie dans de l'eau de chaux, partie dans de l'eau diftillée, il auroit trouvé à un rapprochement égal la diffolution dans l'eau de chaux beaucoup plus colorée que l'autre.

Cette expérience l'auroit vraisemblablement conduit à des obfervations qui lui auroient évité une partie des erreurs dans lesquelles il eft tombé dans fon Mémoire. Une des principales eft qu'il confond toujours l'acide qui eft principe conftitutif du fucre avec l'acide faccharin qui provient de la combinaifon de ce fel avec l'acide nitreux. Parmi tous les moyens dont M. Prozet peut fe fervir pour les diftinguer, je vais lui indiquer quelques expériences qui en démontrent la différence.

Si l'acide propre du fucre eft celui que l'illuftre Bergman nous a fait connoître, il doit former comme ce dernier, un fel infoluble avec la terre calcaire.

Cependant j'ai fait diffoudre quatre livres de fucre pur dans une pinte & demie d'eau diftillée ; j'ai ajouté deux onces de chaux vive en pierre, j'ai mis le tout fur le feu à une légère ébullition, & la chaux a été diffoute.

Pour m'affurer de la quantité de chaux qui étoit en parfaite diffolution, j'ai clarifié la liqueur qui étoit trouble. Lorfqu'elle a été limpide, j'ai reconnu qu'en déduifant du poids primitit de la chaux celle retirée

(1) Je fuis fi bien de l'avis de M. Prozet fur la fuppreffion du fang de bœuf, que j'en ai abfolument banni l'usage dans mon procédé ; mais ce n'eft pas par les raisons qu'il en donne.

Toutes les fois qu'on fe fert de fang pour clarifier, il ne fe fépare que la lymphe coagulable; quant à la partie féreure qui fait la gelée ou le bouillon, elle refte toute entière dans la diffolution avec le phlegme du fang, les alkalis, le fel marin & le fel fébrifuge, qui y font en affez grande abondance. (Analyse du fang, pœ M. Rouelle, Journal de Médecine.)

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