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quelques obfervations fur la manière dont les mines de fer marécageuses fe font formées & fe forment journellement, je rechercherai comment l'acide phofphorique que l'on y rencontre a pu s'y combiner, & je développerai les raifons pour lefquelles on trouve quelquefois du phosphate de fer dans des fers obtenus de mines en roches qui ne contenoient aucune apparence de phosphore ni d'acide photphorique.

J'ai obtenu des pruffiates en faifant fondre de la potaffe avec différentes fubftances végétales calcinées jusqu'à confiftance de charbon, telle que la pomme de terre, d'après les expériences de M. Geoffroy; les agarics ou champignons de bois, d'après M. Goettling; de la fuie de cheminée d'après M. Model; du charbon de bois, d'après M. Schéele; & enfin, comme M. Spielmann dit avoir obtenu la matière colorante du bleu de Prufle en fondant l'alkali fixe avec du bitume; j'ai eflayé fi le charbon de terre en produiroit auffi, & j'ai été affez heureux pour trouver qu'une efpèce de charbon que j'avois rapporté des mines de Fiefne, près Valenciennes, en produifoit plus abondamment que le fang de bœuf calciné.

J'ai obtenu du phosphate de fer des bleus de Pruffe formés avec les matières colorantes de toutes ces fubftances.

Je dois obferver ici qu'en projetant du muriate ammoniacal (sel ammoniacal) fur le mêlange de charbon de bois & de potafle en demifufion, , que le muriate fe décompose inftantanément, que l'on fent une odeur vive de gaz acide muriatique; que le gaz hydrogène ( air inflammable), partie conftituante de l'ammoniaque (alkali volatil), s'enflamme. La décompofition de l'ammoniaque dans le muriate ammoniacal & l'inflammation du gaz hydrogène font des fignes prefque certains pour déterminer fi la potaffe en fufion avec le charbon de bois produira du pruffiate; car j'ai conftamment obfervé que, lorfque l'inflammation n'avoit pas lieu après la projection, & que conféquemment on fentoit une vive odeur d'ammoniaque, la diffolution alkaline n'avoit prefque point la propriété de précipiter le fer en bleu de Prufle. L'inflammation plus ou moins grande étoit toujours en rapport avec le bleu de Pruffe précipité.

Tous les bleus de Prufle que j'ai obtenus foit avec les matières animales, les matières végétales ou les matières minérales, m'ayant produit du phofphate de fer, j'étois naturellement porté à conclure que tous les bleus de Pruffe que j'avois formés contenoient de l'acide phofphorique, & que cet acide en petite quantité ne nuifoit point à leur formation. Mais à quoi cet acide étoit-il dû? c'étoit la feconde question que je me propofois de déterminer.

PREMIERE PARTI E.

Il paroifloit naturel de croire que le phofphate de fer obtenu du bleu de Pruffe du commerce dût fa formation à l'acide phosphorique contenu

dans

dans les fubftances animales que l'on emploie ordinairement pour faire la matière colorante, depuis qu'une foule d'expériences nous avoit fait connoître la préfence de cet acide dans l'urine, les os, les cornes, le fang, &c. que M. Maret l'a trouvé dans la viande de bœuf, que M. Crell l'a retiré du fuif, M. Hahkwitz des excrémens des animaux, &c. &c. Mais n'ayant encore fur les fubftances végétales que quelques expérier ces de M. Bertholet fur l'acide phofphorique contenu dans les graminés & dans quelques autres plantes qu'il regarde comme compofées de fubftances animales, je ne me fuis pas encore cru fuffifamment in truit pour pouvoir conclure la combinaifon de l'acide phofphorique dans le charbon de bois, dont cependant le bleu de Pruffe formé de la matière colorante qui en avoit été obtenue m'avoit produit ainsi qu'à M. Weftrumb du phosphate de fer. C'eft pourquoi j'ai cru devoir chercher l'acide phofphorique dans cette fubftance.

Pour cela j'ai fait fondre du charbon de bois avec de la potaffe, & j'ai fait fupporter à ce mêlange un degré de chaleur fuffifant pour faire dégager toute la matière colorante ; j'ai diffous & filtré ce mêlange, j'ai faturé d'acide nitrique la liqueur qui étoit paflée par le filtre, j'ai fait bouillir cette liqueur faturée afin d'en dégager le peu de gaz acide carbonique (air fixe) qui auroit pu y rester uni; j'ai versé cette liqueur fur de l'eau de chaux; & j'ai eu un léger précipité de phosphate calcaire. J'ai fait la même expérience fur le charbon de terre, & j'ai eu le même résultat.

Comme les précipités de phofphate calcaire que j'ai obtenu par ce procédé étoient peu abondans, j'ai préfumé qu'il étoit dé à refté fur le filtre, du phosphate calcaire, formé par la terre calcaire du charbon, & je me fuis déterminé à chercher par un autre procédé à dégager la base de l'acide phofphorique des bois avec lefquels on fait ordinairement du

charbon.

J'ai mis dans quatre cornues différentes du bois de chêne, du bois de hêtre, du bois de bouleau & du tilleul fraîchement coupé ; j'ai verfé sur chacun de ces bois de l'acide nitrique étendu d'eau ; j'ai ditillé ce mêlange jufqu'à ce qu'il ne reftâr plus dans la cornue qu'un peu d'aci te, & le bois réduit à l'état de bouillie. J'ai exprimé avec un linge tout l'acide qui étoit uni au bois que j'ai filtré enfuite. J'ai fait évaporer cette filtration jufqu'à ce qu'elle parût fe troubler, je l'ai laiffé refroidir. Il s'eft criftallifé au fond du vase un fel acide qui doit faire l'objet d'un autre Mémoire. Après avoir décanté l'acide de deffus ce fel, j'ai faturé le liquide avec du carbonate de poraffe ( alkali fixe), j'ai fait bouillir la liqueur faturée afin d'en dégager l'acide carbonique (acide méphique), qui pouvoit y être refté, & je l'ai verfé dans de l'eau de chaux; il y eft formé auffi-tôt un précipité abondant de phofphate calcaire. Encouragé par ce réfultat j'ai réfolu de chercher fi je ne pourrois pas obtenir l'acide phofphorique du charbon de bois par le même procédé.

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J'ai mis du charbon de bois dans une cornue avec de l'acide nitrique très-affoibli, j'ai diftillé ce mêlange à un feu lent; il s'eft dégagé une quantité confidérable de gaz nitreux & de gaz acide carbonique. J'ai verfé a plufieurs fois dans la cornue la liqueur qui étoit paffée dans le récipient, & je l'ai rediftillée de nouveau, jufqu'à ce que la liqueur ait pris dans la cornue une couleur brune foncée. J'avois l'attention de ne jamais pouffer la diftillation jufqu'à ficcité, & de l'arrêter lorfque le charbon étoit encore uni à une affez grande quantité de liqueur.

A la dixième diftillation, après avoir verfé dans la cornue le liquide qui étoit paffé dans le récipient, je l'ai fait un peu bouillonner avec le charbon & je l'ai filtré. J'ai fait évaporer cette liqueur dans une capsule jufqu'à ce que, à une température de foixante degrés on apperçoive un précipité. J'ai laiffé refroidir la capfule, & le précipité eft devenu plus abondant. J'ai décanté après le refroidiffement, & j'ai examiné par le moyen ordinaire le précipité qui s'étoit formé. Il étoit criftallifé en aiguille, fixe au feu, ne fe diffolvant que foiblement dans l'eau diftillée, même à la température de l'eau bouillante, fe diffolvant peu dans les acides nitrique & muriatique ; fe décompofant dans l'acide fulfurique (vitriolique), chauffé à la température de l'eau bouillante & formant avec du fulfate calcaire (félénite). Ce fel tenu en diffolution dans une grande quantité d'eau diftillée en étoit précipité par l'acide oxalique (du fucre). Après avoir faturé de potaffe les acides nitrique & muriatique qui avoient diffous une petite portion de ce fel, ces acides faturés avoient la propriété de précipiter de l'eau de chaux un fel tout-à-fait femblable au premier; enfin, ce fel fe comporta comme le phosphate calcaire.

J'ai faturé avec de la potaffe la liqueur que j'avois décantée de dessus le phofphate calcaire criftallifé, & je l'ai vertée enfuite fur de l'eau de chaux; elle m'a produit de nouveau une quantité confidérable de phosphate

calcaire.

M'étant affuré par ces expériences que non-feulement les différens bois que l'on emploie ordinairement pour faire le charbon; mais encore les charbons de bois eux-mêmes contenoient la bafe de l'acide phofphorique, & l'ayant encore trouvé dans le charbon de terre, il étoit tout naturel d'en conclure que le phosphate de fer que j'avois dégagé des différens bleus de Pruffe provenoit de l'union du fer avec la bafe de l'acide phofphorique contenue dans les charbons que j'avois combinés avec l'alkali pour former mes matières colorantes. Il ne me reftoit donc plus pour finir la première partie de ce Mémoire que de déterminer fi cet acide phofphorique étoit abfolument néceffaire à la formation des prufiates.

Un argument qui me paroiffoit très-fort pour m'affurer fi l'acide phofphorique n'étoit pas partie conftituante du bleu de Prusse, étoit d'obtenir une matière colorante tellement purifiée de fon acide phosphorique, que l'on pût avec, précipiter le fer en bleu de Pruffe, fans qu'il

ût poffible de découvrir, par quelque réactif que ce foit, la préfence de cet acide ni dans la matière colorante, ni dans le précipité, ni dans la liqueur furnageante.

Pour obtenir une matière colorante ainfi purifiée de fon acide phofphorique, j'ai fuivi le procédé indiqué par M. Schéele. J'ai fait bouillir du bleu de Pruffe du commerce avec de l'eau & de l'oxide rouge de mercure (précipité rouge). Cette eau a diffous la matière colorante abandonnée à l'oxide de mercure par le fer. J'ai laiflé refroidir & j'ai filtré. J'ai verfé fur du fil de fer contourné dans une bouteille, ce qui étoit paflé par le filtre, & j'ai verfé fur ce mêlange un peu d'acide fuifurique. Après quelques jours de féjour, j'ai distillé ce mêlarge; la matière colorante, un peu d'acide fulfurique & une portioncule d'acide phofphorique font paffés dans le récipient. Pour purifier cette matière colorante de ces deux acides, je l'ai diftillée de nouveau fur de la craie; & la matière colorante que j'ai obtenue après ce long procédé, précipitoit le fer en bleu de Prufle, & ne donnoit plus d'indice d'acide phofphorique, fi toutefois le fer employé n'en contenoit point.

CONCLUSION.

J'ai fait voir dans ce Mémoire, 1°. que les bleus de Pruffe obtenus par tous les procédés connus, & dont la matière colorante n'avoit point été rectifiée, produifoient du phosphate de fer ; 2°. que l'on peut employer avantageufement le charbon de terre dans la fabrication du bleu de Pruffe, puifque celui des mines de Frefne, près Valenciennes, dont j'ai fait ufage, m'a proportionnellement donné plus de bleu de Pruffe que le fang de boeuf calciné; 3°. que toutes les matières connues que l'on fond avec l'alkali pour faire la matière colorante du bleu de Pruffe, & en particulier les bois, les charbons de bois & les charbons de terre, contiennent ou de l'acide phofphorique, ou la bafe de cet acide; 4. que l'on peur obtenir du bleu de Pruffe fans indice d'acide phofphorique, & que la matière colorante ainfi purifiée pourroit fervir de réactif pour reconnoître i les différens fers contiennent ou ne contiennent point d'acide phofphorique.

Je parlerai dans la feconde partie de ce Mémoire de ce qui a r prort à l'acide phofphorique dans les mines de fer marécageufes & dans las différens ters.

LETTRE

DE M. MILLIN DE GRANDMAISON,

de l'Académie d'Orléans,

A M. DE LA METHERIE,

Sur un Mémoire de M. REYNIER, relatif à la formation des corps par la fimple aggregation de la matière organifée, inféré dans le Journal de Physique du mois d'Août 1787.

MONSIEUR,

M. Reynier, dans fon dernier mémoire, établit ces deux principes; 1o. que les corps organifés peuvent fe reproduire par des graines fécondées, fans le fecours des fexes; 2°. que l'aggrégation fortuite des molécules organifées fimilaires, produit des êtres & des formes déterminées. Je n'entreprendrai point le détail de toutes les raifons qui combattent contre ces deux opinions; je m'attacherai feulement à prouver que les obfervations de M. Reynier fur la clavaire des infectes, ne font nullement propres à foutenir le fyftême qu'il embrasse.

Les petites racines de cette clavaire avoient percé les deux enveloppes de la chryfalide, ce qui empêche de foupçonner, dit M. Reynier (1), que fa graine ait été déposée deffus, par quelque circonftance particulière. La conclufion ne me paroît pas jufte; l'infecte étoit mort, il commençoit à fe déforganifer, le tiffu de fes enveloppes devoit donc avoir moins de ténacité, & n'oppofer qu'une très-foible réfiftance. II n'est pas étonnant que les racines de cette clavaire, douées d'une végétation très-active fe foient fait jour au travers, fans que nous foyons obligés de penfer que cette plante ait vraiment pris naiffance dans la fubftance interne de l'infecte; mais en admettant même cette fuppofition, le fyftême de M. Reynier n'en deviendroit pas plus probable.

« Il eft impoffible, dit ce favant, que ce germe exifta dans le » corps de la chenille avant fa métamorphofe (2), puifque fes en

(1) Page 104, 1. 4. (2) Page 104, 1. 8.

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