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d'on voudra virer au vent, on placera la vergue dans la direction de l'avant à l'arrière, & on orientera les voiles felon ce qu'indiquera la direction du vent, par rapport à la route du vaiffeau.

Il me femble qu'une chaloupe voilée de cette manière pourroit être d'un fervice facile, & aifée à maneuvrer. Car les voiles pouvant fe hiffer & s'amener féparément, on pourra en porter plus ou moins à volonté. Or, cette chaloupe ayant par-là tout autant de voiles exposées au vent, qui pouffe le bâtiment dans fa route, que fi elles n'en formoient qu'une feule, & la réfiftance de l'air tranquille contre l'avant de ces voiles étant ainfi diminuée, je pense que les avantages de cette chaloupe, par rapport à la marche, feront confidérables, fans parler de l'avantage particulier qu'elle aura de pouvoir mieux pincer le vent.

Puifque nous en fommes fur ce qui regarde les perfectionnemens de la navigation, permettez-moi de vous arrêter un peu plus long-tems par une petite obfervation relative à cette partie.

Dans un de mes voyages je me trouvai à l'ancre dans la baie de Tor, en Angleterre, avec des vaiffeaux marchands, au nombre de dix, qui étoient convoyés par une frégate du Roi, nous attendions un vent favosable pour nous faire faire route à l'oueft; le tems fe mit au beau; mais nous amena une mer extrêmement bouleufe. La frégate ordonna par un fignal de lever l'ancre, & nous appareillâmes tous en même-tems; mais trois des vaiffeaux marchands laifsèrent leurs ancres, leurs cables ayant caffé à l'inftant où on viroit à pique. La nôtre heureufement tint bon & nous la levâmes; mais les chocs terribles que le vaiffeau éprouva avant qu'elle eût été détachée du fond, me firent faire des réflexions fur la caufe qui vraisemblablement avoit fait caffer les cables des vaiffeaux marchands. J'imaginai que ce pouvoit bien être par la manière dont ils fe trouvoient pliés, à l'endroit où ils portoient fur le bord des écubiers, en paffant de la pofition horisontale à la pofition prefque verticale, & même par l'effet de la fecouffe violente & foudaine qu'ils recevoient dans cette pofition, par l'élévation de l'avant, en conféquence de l'action de la lame. Qu'on fuppofe, par exemple, un vaiffeau tellement fur fon ancre que l'avant foit à pique, & que cependant cette ancre tienne encore dans un fond peut-être très inégal; la mer étant calme, le cable encore dehors formeroit une ligne perpendicu laire, ou à-peu-près, en la tirant du bord des écubiers jufqu'à l'ancre mais i l'on fuppofe une groffe mer, l'avant s'enfoncera dans le lit de la lame, au-deffous du niveau, & enfuite remontera autant au-deffus. Dans le premier cas, le cable fe trouvera relâché & plié, à-peu-près comme dans la fig. 5; dans le fecond, il fe trouvera, au contraire, tendu & plié fort près par la fecouffe, comme dans la fig. 6. Or, foutenant alors toute la force avec laquelle le vaiffeau s'élève, il doit ou emporter l'ancre, ou réfifter à l'action du vaiffeau ou se

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rompre. Mais on demandera pourquoi il fe rompt dans les écubiers.

Suppofons qu'un cable de cette efpèce, de trois pouces de diamètre, foit repréfenté dans la fig. 7; fi ce cable doit être plié le long du bord de l'écabier A, il eft évident, ou que les parties du triangle contenues entre les lettres a, b, c, s'étendront confidérablement, & celles-là davantage qui fe trouveront dans l'intérieur de la courbe, ou que les parties entre d, e, f, feront comprimées, ou enfin, que l'un & l'autre effort aura lieu, ce qui arrivera vraisemblablement. Dans ce cas, la partie de la moitié du cordage qui fe trouve en deffous n'étant pas tendue, elle n'exercera aucune force pour réfilter à la fecouffe; d'où il résultera que ce fera la partie de la moitié fupérieure qui foutiendra tout l'effort; le touron de cette partie fupérieure étant plus diftendu, fe rompra le premier, & les autres enfuite; car dans cet état de courbure du cable, ils ne peuvent foutenir tous enfemble l'effort, & ainfi contribuer chacun en particulier à la force du tout, comme ils le font lorfque le cable eft tiré en ligne droite.

Il paroît en conféquence, que pour remédier à cet inconvénient, l'on feroit très-bien de placer au-devant des écubiers, une efpèce de grande poulie de deux pieds de diamètre, fur laquelle on feroit paller le cable; car étant courbé graduellement autour de cette poulie, & tendu par-là plus également, il feroit beaucoup plus en état de foutenir les fecouffes & les faccades, ce qui pourroit conferver l'ancre ; & par ce moyen, dans le cours d'un voyage, fauver même le vaif

feau....

Nous devons au frère de M. le Roy, qui eft de l'Académie des 'Sciences, la traduction de cette Lettre; & comme il a fait auffi des obfervations fur l'utilité des poulies ou plutôt des rouleaux dont parle M. Franklin, qu'il a bien voulu nous communiquer, nous allons les mettre ici.

Tout ce que vient de dire M. Francklin fur les avantages qu'on pourroit retirer des rouleaux placés aux bords des écubiers pour empêcher le cable de caffer quand on lève l'ancre, eft parfaitement jufte; mais ces rouleaux n'auroient feulement pas cet avantage, ils faciliteroien☛ encore beaucoup cette manœuvre, diminueroient les frottemens, & par une fuite nécellaire, l'ufure des cables. Auffi il y a déjà long-temps qu'on a tenté de les employer, comme je l'appris lorfque j'allai à Breft en 1784, pour y faire placer des paratonnerres d'après les ordres de M. le Maréchal de Caftries.

Frappé du grand & magnifique fpectacle que préfentent le port & la rade de cette ville, je profitois de tous les momens que j'avois de libres pour examiner les différentes manœuvres qui s'y font journel

lement. Une des plus ordinaires, celle de lever l'ancre, attira le plus mon attention. Je fus étonné de voir avec quel défavantage elle fe faifoit, fur-tout lorfqu'on viroit à pique ou que l'avant du vaiffeau arrivoit prefque perpendiculairement au-deffus de l'ancre. Je conçus dans le moment l'utilité dont pouvoient être des rouleaux placés aux écubiers pour rendre cette manoeuvre plus facile, & que par leur moyen, non-feulement on préviendroit le pli que faifoit le cable lorfque le vaiffeau approchoit de la pofition dont je viens de parler, mais encore le frottement exceffif fur le bord des écubiers, & la grande ufure des cables dont j'ai fait mention.

Plein de ces idées, je ne manquai pas d'en faire part à plufieurs Officiers de la Marine fort inftruits; mais ils me dirent qu'il y avoir long-tems qu'on m'avoit prévenu, & qu'ils me feroient voir des vaiffeaux où ces rouleaux étoient établis. Ils m'en montrèrent en effet, en me difant qu'on n'en avoit pas tiré grand parti; mais après les avoir examinés, je ne pus m'empêcher de dire que je n'en étois pas furpris, & que par la manière dont ils étoient adaptés, ils ne pouvoient guère remplir leur objet, En effet, ils étoient d'un fi petit diamètre relativement à celui qu'ils auroient dû avoir, & étoient attachés fi peu folidement, ayant été appliqués après coup, que je demeurai convaincu ou qu'ils ne fervoient pas, ou que, fi cela arrivoit, il étoit difficile qu'ils puffent réfifter à la grande preflion & au frottement qu'ils devoient éprouver quand on lève l'ancre, & en conféquence, qu'ils devoient fouvent être emportés ; j'appris dans la fuite que ma conjecture étoit très-fondée, & que cet accident étoit arrivé plus d'une fois. Mais le peu de fuccès de ces rouleaux ne tenant, comme je l'ai dit, qu'à la manière dont ils étoient adaptés, je demeurai perfuadé que cela ne devoit pas empêcher de tenter d'en faire une meilleure application,

J'avoue qu'elle n'eft pas auffi facile qu'on pourroit le croire d'abord ; car pour donner à ces rouleaux toute la folidité néceffaire, il faudroit qu'ils fuffent établis en conftruifant la partie de l'avant à laquelle ils doivent appartenir; & les efforts confidérables que cette partie a à foutenir demandent qu'elle ait une grande force de bois, & que rien ne diminue la folidité de fon affemblage; d'ailleurs, il faut que ces rouleaux puillent Le prêter à tous les mouvemens du vaiffeau lorfqu'il eft à l'ancre, & il faut encore qu'ils n'empêchent pas de fermer les écubiers dans un gros temps, lorsqu'on eft à la cape. Mais quoiqu'il ne paroiffe pas aifé de parer à toutes ces difficultés, entrevoyant plufieurs moyens de les vaincre, & convaincu des avantages qu'on retireroit d'une application bien faire de ces rouleaux, j'en parlai à M. le Comte d'Hector, Commandant de Breft, & qui, par fon activité & fes grandes connoiffances dans tout ce qui regarde la Marine, anime ce vafte département ; il trouva mes raifons bien fondées, & voulut bien engager plufieurs habiles conftructeurs à

examiner ce qu'on pourroit faire à ce fujet. J'ignore ce qui en eft réfulté ; mais je ne puis que répéter que cet objet eft de la plus grande importance, puifqu'il intérefle une manoeuvre d'où dépend fouvent la sûreté du vaiffeau.

LETTRE

DE M. DE RUPRECHT,

Confeiller des Mines,

A M. DE BORN,

Sur le prétendu Régule d'Antimoine natif de Tranfilvanie; Traduite par M. DE FONTALLARD.

MONSIEUR,

C'est le propre de l'humanité de fe tromper: j'avouerai de bonne-foi la faute que j'ai commife, en cherchant, dans ma dernière Lettre, à combattre Jes expériences d'un tiers, & je defire pouvoir lui procurer fatisfaction & juftice. Je fuis trop partifan de la vérité, fur-tout quand il s'agit de la détermination des corps phyfiques qui font encore inconnus, j'ai trop peu d'amour-propre, pour vouloir me refufer à des preuves fondées & rejeter Jes leçons d'un autre, fur un point où mes fens ont pu me tromper & me faire illufion par un accident que je n'avois pas remarqué,

Charmé de la découverte de M. de Muller que vous voulûtes bien me communiquer par votre dernière Lettre, je me décidai à foumettre encore une fois à un examen plus exact le refte de mon régule d'antimoine natif, &, pour comparer & obferver avec précifion, de traiter à chaque expérience le régule d'antimoine que j'avois préparé, avec des flux alkalins, & le bismuth marchand avec les mêmes corps & fous les mêmes circonftances. Pour cet effet, je choifis la voie humide & la voie sèche, parce que je n'avojs comparé, il y a deux ans, que la mine de Fazebay & le régule d'antimoine artificiel. Je trouvai par la voie humide, que le régule fondu avec Je flux de tartre dans la mine de Fazebay (n'ayant pu féparer entièrement ce demi-métal de fa gangue où il n'étoit que difféminé) fe laiffoit diffoudre auli parfaitement que le régule d'antimoine artificiel & le bifmuth dans l'eau régale compofée de trois parties de nitre & d'une partie d'acide marin; & que toute la différence confiftoit en ce que les deux premiers donnoient une diffolution plus couleur d'hyacinthe que le bifmuth.

Dans l'acide marin, même à l'aide d'une longue chaleur d'ébullition, il ne put des trois régules fe diffoudre qu'une très-petite partie, qu'on appercevoir à peine à un trouble fort léger, produit par l'alkali végétal que j'y avois verfé: au refte, les morceaux reftans ayant été pulvérisés, ne changèrent pas leur couleur, ni leur brillant.

Il s'agiffoit maintenant d'employer l'acide nitreux ; & ce fut lui principalement qui me convainquit, à mon grand étonnement, que M. de Muller avoit eu raifon de foutenir (quoique je ne connoifle. les que résultats des expériences qu'il a faites avec ce minéral) la présence du bifmuth, au lieu de celle de l'antimoine qui devoit s'être introduit & mêlé accidentellement dans mes expériences.

Le régule de Fazebay, ainfi que le bifmuth, furent diffous dans l'acide nitreux avec la même force & la même effervefcence; au lieu que le régule d'antimoine ne fut changé qu'en un fel neutre blanc, métallique & difficile à diffoudre, fans que l'alkali, le foie de foufre & d'autres précipitans aient pu précipiter la moindre chofe de fa diffolution limpide. Les deux premières diffolutions au contraire, qui n'affectoient aucune couleur particulière, donnèrent, au moyen de l'eau diftillée que j'y verfai, un précipité blanc, ou ce qu'on nomme blanc d'Efpagne, qui fe fit encore plus promptement quand j'eus verfé quelques gouttes d'acide marin dans la diffolution étendue dans une quantité fuffifante d'eau, propriété qui n'appartient qu'au bifmuth, & qui m'en fit découvrir une autre très particulière; favoir, que les deux diffolutions donnoient une encre de fympathie, qui rendoit vifibles les caractères qu'on écrivoit avec elle, en les expofant à la vapeur chaude d'une diffolution de foie de foufre, & j'obtins un précipité brun-rouge par l'addition d'un foie de foufre : le blanc d'Efpagne du bifmuth étoit feulement d'un blanc plus pur que celui de la mine de Fazebay.

Ce précipité mêlé avec parties égales de foufre, & mis dans un feu capable de le rougir, il parut des fleurs de foufre dans les trois cornues : le bifmuth minéralifé artificiellement & le régule de Fazebay devinrent plus friables qu'auparavant, & reffembloient affez dans la fracture à une mine de plomb fulfureufe & arfenicale. Le régule d'antimoine factice au contraire, reffembloit parfaitement dans fa furface à une mine d'antimoine naturelle en cheveux & arborisée; au bord & à la fracture on appercevoit des aiguilles brillantes.

Les trois régules minéralités ayant été mêlés avec parties égales de fubli mé mercuriel blanc & quelques gouttes d'acide marin, pouffés enfuite au feu jufqu'à rougir, donnèrent, avec un fublimé mercuriel non-décomposé & un peu de cinabre, des réfidus blancs, dont celui de mine d'antimoine factice fit paroître un beurre antimonial : les deux autres, qui fe com portèrent en tout de la même manière, n'étoient que des chaux de bifmuth, qui contenoient encore un peu d'acide marin concentré,

Les

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