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22°. Quoi qu'il en foit, j'étois fur le point de continuer ces expériences de comparaison, avec le prétendu acide arfenical & l'acide phosphorique, & le tout pour fatisfaire M. de la Mécherie, quoique je me rappelaffe fort bien que ces acides, ne produifent fur le fpath aucun effet à-peu-près, lorfqu'ayant voulu nettoyer mes cornues & en enlever les réfidus avec de l'eau chaude, & que les ayant voulu verfer féparément dans des capfules. de verre, je m'apperçus avec grand plaifir, qu'il s'y trouvoit deux matières fort diftinctes, une légère qui furnageoit facilement dans l'eau, & l'aurre. pefante qui fe précipitoit conftamment au fond. Ce premier apperçu m'ayant fixé, je décantai avec les précautions convenables, & j'obtins: une poudre légère, que je regardai comme une portion de la terce fubtile du fpath, qui n'avoit pu être enlevée par l'acide, faute fans doute d'en avoir employé une affez grande quantité. Après quoi, il me resha une poudre pefante, que je connus tout de fuite pour être quartzeuse ou un fable fin quartzeux. Ne pouvant attribuer ce fable ni au verre de mes cornues, qui, dans ces opérations, ne font jamais rongées, comme il arrive dans la diftillation de l'acide vitriolique fur ce même fpath, ni au quartz, que par négligence j'aurois pu laiffer dans le fpath, parce que d'une part j'étois très-sûr d'avoir nettoyé fort exactement mon fpath, &. que d'une autre la quantité en étoit trop confidérable pour pouvoir. Pattribuer avec raifon à cette caufe feule, je le regardai fans difficulté comme une des parties conftituantes du fpath-fluor, d'autant plus que je l'avois preffenti dans mon premier Mémoire, & que je fais entendre aufli dans le dernier que la terre fubrile du fpath, celle qui eft fufceptible de s'élever avec les acides, n'en eft qu'une des parties conftituantes, dont il est peut-être poffible de l'épuifer. Je veux dire à force de faire diftiller des acides fur cette matière.

23°. Cette nouvelle voie pour connoître enfin la compofition entière de notre fpath étant ouverte, je ne pensai plus à autre chole: & je me mis auffi-tôt à répéter mes expériences; mais confidérant que des deux diftillations, celle qui avoit été faite avec l'acide de nitre, m'avojt préfenté, les deux matières dont je parle plus diftinctes & plus nettes, en un mot, mieux séparées l'une de l'autre, & confidérant d'ailleurs l'acides nitreux comme l'agent qui pénètre mieux le tiffu des fubftances minérales que tout autre, je crus devoir m'en tenir à celui-ci pour avoir la démonftration claire & nette de ce que je cherchai. Je pris en conféquence deux onces de notre fpath le plus pur que je pus me procurer, & l'ayant réduit en poudre la plus fine que je pus, je l'introduifis dans une cornue trèspropre ; je verfai deffus une demi livre de bon efprit de nitre, & ayant fait bouillir promptement ce mêlange, je le laiffai fe réfroidir peu-à-peu fur le bain de fable, jufqu'au lendemain, que je recommençai ma diftillation vivement. C'étoit afin de bien rompre & pénétrer les parties du fpath. J'eus en effet un réfidu qui me donna beaucoup plus de fable fin bien

net & bien moins de cette terre fubtile. La quantité de ce fable répondit à la moitié à peu de chofe près de la totalité du fpath employé.

24. Cependant craignant toujours de me faire illufion, je crus devoir effayer ma terre fubtile, pour voir fi véritablement elle étoit ce que je penfois, c'est-à-dire, la même terre qui eft fufceptible de s'élever avec les acides. A cet effet je la divifai en deux parts. J'en essayai une avec de F'acide du nitre, & l'autre avec de l'acide vitriolique. L'un & l'autre acides en enlevèrent une portion de terre ; & ce qui refta au fond des cornues, étoit brunâtre, & précipitoit fortement la leffive du bleu de Pruffe noirciffoit même avec la noix de galle, lorfque l'excès d'acide qui y étoit étoit faturé par de l'alkali fixe. Peut-être y avoit-il encore dans ces petits réfidus quelques petites parties du fpath non décompofé; cette perfée me portoit à recommencer mes opérations, pour voir fi en effet je ne parviendrois pas à en enlever encore de la terre du fpath, mais j'étois déjà laffé de ces opérations répétées tant de fois, & je n'en conclus pas moins que le fpath-Auor étoit un compofé de cette terre fubtile qui est toute particulière (1), de quartz & d'une portion très-petite de chaux de mars. Voilà ma tâche remplie, ceux qui n'en feront pas contens, peuvent confidérer le fpath-fluor, comme bon leur femblera, & y admettre même un acide s'ils veulent, je ne ferai plus tenté de les contredire.

EXTRAIT DES REGISTRES DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, Du 4 juillet 1787.

L'ACADEMIE ayant chargé MM. le Roy, Briffon, Lavoifier; Monge, Berthollet & de Fourcroy, d'examiner un nouveau genre de feux produits par la combuftion des gaz inflammables, & exécutés par M. Diller, Phyficien hollandois, & dont il defire d'offrir le fpectacle au Public, nous avons d'abord affifté à ce fpectacle, & nous avons fait enfuite l'examen des procédés imaginés & exécutés par ce Phyficien.

Le réfultat de nos obfervations nous ayant bientôt convaincus que la pratique de ces procédés & les différens moyens qui les conftituent annonçoient dans leur auteur une fuite de recherches très étendues fur les

(1) J'ai raffemblé toutes les connoiffances que j'ai pu acquérir fur cette terre, & celles que le célèbre M. Achard nous a procurées de fon côté, & j'en ai formé un Mémoire particulier que j'ai envoyé à l'Académie de Turin pour mon contingent, qui le fera imprimer vraisemblablement pour l'un de fes premiers volumes.

propriétés & fur la manipulation de diverfes efpèces d'airs ou fluides élastiques inflammables: nous avons cru ne pas devoir nous borner à préfenter dans ce rapport de fimples conclufions fur l'agrément & le peu de danger de ce fpectacle, auxquels notre miffion paroiffoit particulière. ment deftinée. Nous devons dire que l'enfemble du fpectacle propofé par M. Diller conftitue un art nouveau, même affez compliqué, où des expériences phyfiques très-agréables font dirigées par des moyens de mécanique ingénieux, où fe trouvent réunis & comme oppofés les uns aux autres, l'appareil le plus compliqué en apparence, & l'exécution la plus fimple, les matériaux les plus inflammables & la combuftion la plus tranquille.

Pour préfenter à l'Académie une efquiffe de cet art créé en quelque forte par M. Diller, nous croyons devoir le partager en différens autres arts plus fimples dont l'exécution fucceffive conftitue les feux qu'il defire de faire connoître au Public. Les différens airs ou gaz inflammables employés par ce Phyficien; l'art de les contenir dans les réfervoirs particuliers, celui de les faire paffer enfemble, féparément & à différentes dofes dans des tubes à l'aide de diverfes communications établies entr'eux; la mécanique employée pour donner les formes & les mouvemens les plus compliqués aux canaux dans lefquels ces gaz circulent & d'où ils s'échappent par une quantité plus ou moins confidérable d'ouvertures; les modifications que M. Diller a fu produire dans la couleur, l'intensité l'étendue des flammes à l'aide du mêlange ou de l'ifolement des gaz, du plus ou moins de rapidité de leur mouvement; enfin, la variété du fpectacle qui résulte de tous ces arts réunis: tels font les objets dont nous croyons devoir expofer les détails à l'Académie afin qu'elle puifle juger quelle étendue & quelle exactitude ce Physicien a mife dans fon travail. 1°. Trois espèces de Gaz inflammables non détonnans employés par M. Diller.

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M. Diller emploie trois différens airs ou gaz inflammables qu'il défigne par la couleur de leurs flammes; l'air blanc, l'air bleu & l'air verd. Il ne fait point ufage du gaz inflammable préparé avec le fer, parce que la combustion de celui-ci donne, comme nous en avons jugé nousmêmes par comparaifon, une flamme beaucoup moins belle que ceux dont il fe fert. Sans nous faire un mystère de fes recherches, M. Diller ne nous a point dit par quels procédés il retiré les trois fluides élastiques dont nous venons de parler, mais il ne nous a point laiffé ignorer que ce n'étoit point avec le fer qu'il les préparoit, & que la diverfité de la couleur des flammes dépendoit du mêlange de différens gaz les uns avec les autres. Nous avons reconnu dans chacun de ces gaz brûlés à l'extrémité du même tuyau, la couleur qui les diftingue, la beauté & l'uniformité de leurs flammes, la modification qu'elles reçoivent par la rapidité que l'on

imprime, à ces gaz en comprimant plus ou moins fortement les velfies qui les contiennent. Nous avons fur-tout été frappés de l'éclat & de l'intensité de la flamme produite par l'efpèce de gaz qu'il appelle air blanc, & qu'il propofe pour l'ufage des phares; mais la propriété la plus fingulière, & en même tems la plus précieufe que M. Diller nous a fair connoître dans ces trois gaz, c'eft de ne point detonner avec l'air atmosphérique; nous avons multiplié les expériences fur ce fait qu'il étoit important de vérifier, & nous avons reconnu, comme M. Diller nous l'avoit annoncé, 1o. que ces trois gaz ne, detonent point avec différentes proportions d'air atmof phérique; 2. que le mélange de cet air avec ces gaz ne fait que diminuer: la beauté & Tintenfité de leurs flammes; 3°. qu'on peut d'après cela les étendre, pour ainsi dire, d'une affez grande quantité d'air atmosphérique, fans leur ûter leur combustibilité, & que cette addition modifie leurs flammes en affoibliffant la nuance, de forte que M. Diller en a fait un de fes procédés les plus utiles; 4°. que le gaz inflammable préparé avec, le fer perd même par une petite addition de ces gaz fa propriété de détoner avec l'air atmosphérique, They are

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Certe propriété des trois efpèces de gaz inflammables employés par M. Diller dans fes feux eft donc très-propre à écarter toutes les craintes qu'on pourroit avoir fur le mêlange d'air atmosphérique, & d'ailleurs, nous verrons plus bas que la difpofition des machines faites par ce Phyficien, rempliroit feule ce but, quand même les gaz feroient fufceptibles de déroner, il feroit fuperfly d'infifter plus long-tems fur la nature des gaz employés par M. Diller, & dont il deure d'ailleurs fe réferver quelque, tems la préparation. L'Académie fait que les recherches des Phyficiens. modernes & en particulier celles de MM, Priestley, Wolta, de Laffonne & de plufieurs de nous, ont appris à varier par des mêlanges de divers. fluides aériformes, & par la diffolution de différens corps combustibles dans le gaz inflammable fa couleur de ces flammes, & que ce qui appartient à M. Diller dans cette partie de fon travail, confifte principalement dans le choix qu'il a fu en faire, dans les proportions des mêlanges, dans l'art de les extraire, & fur-tout dans celui de les obtenir, toujours uniformes & de la même nature.

2°. Extraction de ces Gaz, & réfervoir où ils font renfermés.

Quoique M. Diller air befoin d'une grande quantité de ces gaz inflammables, l'art qu'il emploie pour les extraire est très-fimple. Des bouteilles ordinaires, un grand nombre de yellies garnies de tubes & de robinets lui fuffifent. La manière de contenir de grandes quantités de ces gaz fans rifque de les perdre, & les moyens de le procurer des réservoirs. légers & commodes au-deffous des machines destinées à offrir le fpectacle de leur inflammation, et auffi un des procédés les plus fimples & les plus ingénieux, imaginés par ce Phyficien. Trois caifles de bois d'environ Fius

quatre pieds & demi de long fur trois de large, de dix-huit pouces de hauteur, bien unies en dedans, forment ces réfervoirs: chacune de ces caifles contient douze veflies très-grandes & préparées par un procédé particulier à M. Diller, de forte qu'elles font imperméables à ce gaz; elles font placées fur deux rangs de fix chacun, & dans une situation telle que leurs fonds fe regardent fans fe toucher & laiffent un espace libre entr'elles au milieu de la longueur des caiffes, tandis que leurs parois latérales fe touchent & fe preffent par leur diftenfion comme f elles étoient collées. L'orifice de chacune de ces veflies eft terminée par un tuyau de cuivre muni d'un robinet; ce tuyau fort par un trou pratiqué aux parois de la caille & s'abouche avec un canal métallique qui fait le tour de la boîte: le même canal circule fans interruption autour des trois caiffes, & reçoit ainfi trente-fix tuyaux qui établiffent une comTM munication immédiate entre les trente-fix veffies & le canal environnant,

On peut donc confidérer ce canal comme le rendez-vous commun de toutes ces vellies. L'ufage bien entendu de chacun de ces grands réfervoirs. particuliers formés par chacune des veflies, eft de permettre à M. Diller. d'en fubftituer une avec beaucoup de facilité, & de ne jamais s'expofer qu'à des pertes de gaz très-peu confidérables; d'ailleurs, les veffies préparées & enduites à la manière de M. Diller font d'une ténacité trèsforte, & ce Phyficien nous a affuré qu'aucune ne s'eft encore trouée, & qu'il ne lui est jamais arrivé de perdre du gaz. Chaque caiffe renfermant douze veffies peut contenir, en calculant la capacité de ces réservoirs membraneux, treize pieds cabes de gaz inflammables. Pour remplir les veffies fuppofées flafques & vuides, M., Diller a pratiqué fur les petits côtés du canal de cuivre recevant les douze tuyaux de chaque caifle, un robinet particulier, ou une efpèce de tuyère dans laquelle il fait paffes, par la preffion le gaz inflammable qu'il a destiné pour chaque caifle; car ce nombre des trois caiffes répond à celui des trois gaz inflammables qu'il emploie. A mefure que les veffies s'empliffent & fe diftendent, elles s'élèvent jufqu'à la hauteur des parois latérales des caiffes, & elles viennent toucher une planche qui forme la couverture de chaque caiffe & qui eft mobile. Cette efpèce de couvercle eft garnie fur fa largeur d'une traverse portant un écrou qui reçoit une vis de preffion. La vis eft terminée par une manivelle, & chacun des pas de cette vis faifant defcendre la planche produit une preffion douce & égale fur les veffies dont le gaz eft peu-à-peu évacué par cette preflion. C'eft à l'aide de ce mécanisme fimple que chaque gaz inflammable eft pouffé dans les appareils dont nous allons parler.

3. Paffage des Gaz un à un, deux à deux, trois à trois dans les appareils.

Les appareils imaginés & exécutés par M. Diller pour faire paffer les gaz

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