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il faut la coller & la foutirer après vingt-quatre heures de repos. Dans cet état la liqueur eft trop douce pour qu'on en puiffe faire ufage comme boiffon ordinaire: il convient de lui laiffer éprouver pendant quelque tems la fermentation infenfible, ainfi qu'on le pratique pour le vin & le cidre. Si on met cette liqueur en bouteille avant la fermentation infenfible, après quelque tems de féjour elle mouffe & pétille à l'inftar du vin de Champagne. La couleur de ce vin eft plus ou moins ambrée comme celle du cidre (1).

Je dois faire obferver que pour obtenir de bon vin, le choix des cannes n'eft pas indifférent: celles qui font dans les conditions les plus propres pour donner du fucre font, à n'en pas douter, les meilleures pour donner un vin de bonne qualité.

J'ai mis à fermenter le fuc de cannes récoltées dans un marais fangeuxs ces cannes étoient trop mauvaifes pour qu'on pût les exploiter, même pour faire du fyrop. Ce fac a très-bien fubi la fermentation vineuse, mais lorfqu'elle a été combée, la liqueur avoit un goût de fange déteftable, Ce fait démontre que le vin de canne, comme le vin de raifins & le cidre, a non-feulement la faveur propre à la canne, mais encore celle relative aux circonftances où elle fe trouve, par rapport à la nature, à la pofition & à la fituation du fol où elle croît (faveur connue fous le nom de goût de terroir).

Le corps muqueux dans le fuc exprimé de la canne fermentée le trouve dans une condition telle qu'il peut éprouver la fermentation vineufe avec le plus grand fuccès, même dans les plus petits vases. J'en ai fait dans des dames-jeannes & même dans une caraffe qui contenoit au plus deux pintes.

Comme il n'eft pas poffible de foutirer la liqueur contenue dans une dame-jeanne, que le mouvement occafionné par l'introduction de l'air lorfqu'on veur la décanter, élève dans toute la maffe du fluide la lie qui s'étoit dépofée au fond, il faut, lorfque la fermentation est tombée au point convenable, coller la liqueur avec un auf, & après vingt-quatre heures de repos, la filtrer & la mettre en bouteilles. C'est ainsi que j'ai procédé dans mes premiers effais. En joignant au fuc exprimé de la canne fermentée le fuc d'un fruit tel que l'ananas, le citron, la gouyave, l'abricot, &c. on obtient un vin qui a la faveur & le parfum du fruit que l'on a employé. On peut donner au vin de canne avec le fuc du fruit de Ja raquette fauvage une couleur rouge plus ou moins forte, très-agréable. Soumis à la diftillation, le vin de canne donne une affez grande quantité d'eau-de-vie.

(1) Ce vin, comme nos vins légers & comme les cidrés, ne pourroient foutenir la traverfée fans s'altérer; mais il feroit peut-être poffible de remédier à cet inconvénient.

La nature bien loin d'avoir privé, comme on l'avoit cru jufqu'à ce jour, les zones torrides de fruits propres à faire une boiffon vineufe & abondante, capable de tempérer l'ardeur qu'éprouvent les habitans de ces contrées brûlantes, les a enrichis de la canne à fucre qui leur préfente, dans fon fel effentiel, l'aliment le plus pur, &, dans fon fuc fermenté la fource d'une boiffon auffi falutaire qu'agréable.

SUITE DES NOUVELLES RECHERCHES
SUR LA NATURE DU SPATH-FLUOR;
Par M. MONNET.

M. DE LA MÉTHERIE m'ayant invité fort obligeamment par la note qu'il a mife à la fin de mon dernier Mémoire fur le fpath-fluor cahier du mois de mai, page 348), à examiner encore ce qui réfulteroit de la combinaison des acides marin, phofphorique & arfenical, avec cette fubstance, attendu que Schéele avance que ces fels acides en dégageant un acide tout pareil à celui qui réfulte de la combinaifon de l'acide vitriolique fur ce même fpath, par où il prétend faire voir l'identité de fon prétendu acide fpathique, quelque répugnance que j'aie de revenir encore fur cette matière, que je crois fuffifamment connue par tous ceux des Chimiftes qui ont de la logique & du fens commun, & quelque peine que j'aie encore de faire voir le peu de fondement des affertions de Schéele, je vais le fatisfaire, du moins en grande partie. Je n'avois pas attendu, à la vérité, cette invitation pour examiner ce dont il s'agit. J'avois même marqué à M. de la Métherie que j'avois porté mon examen fur le fpath-fluor bien au-delà de ce que je dis dans mon dernier Mémoire, & que j'avois le moyen d'en faire un troifième fi je voulois. Mais comme j'avois eu occafion auffi de voir que beaucoup d'autres objets que ce Chimifte fuédois a traités fe font trouvés tout différens de ce qu'il en dir, j'avoue que je craignois de compromettre fa gloire, & que j'ai déchiré le journal de mes expériences à cet égard, & dans la crainte auffi, que des perfonnes mal intentionnées ne me taxaffent de témérité ou de quelque chofe de pire, d'ofer contredire un fi grand Chimifte fur des points qui ont fondé juftement fa réputation. Il me fuffit de dire que depuis une année à-peu-près ayant établi mon laboratoire à la campagne, que là rantôt feul & tantôt en compagnie, ayant les Mémoires de Scheele fous les yeux & plufieurs autres livres de Chimie nouveaux, j'ai répété & suivi avec beaucoup de foins les expériences & les raifonnemens qui y font préfentés, & que j'ai eu le malheur d'y voir plus de faux que de vrai. Ce

qui m'a fait refouvenir de ce qu'a dit l'illuftre de Voltaire, qu'on feroit un gros livre des menfonges & des chofes hafardées en littérature; j'ai dit en moi-même qu'on en feroit un tout aufli gros des menfonges & des chofes hafardées en chimie. On a peine pourtant à croire que fur des chofes de faits, il puiffe y avoir quelque comparaifon à faire avec ce qui réfulte de l'efprit feul: rien enfin n'eft plus vrai, & c'eft ce qui m'a attrifté; car où prendre donc la vérité fi ce n'eft dans les faits? C'est appaTemment-là la cafe de la mauvaise humeur que M. de Morveau me reproche (Opufcules de Bergman, tome premier, page 358); car je ne m'en connois pas d'autres. Si f'étois auffi fujet à la mauvaise humeur que cet illuftre Ecrivain le dit, je n'aurois pas laiffé paffer une fi belle occafion que celle qu'il fournit lui-même, dans l'adoption qu'il fait de toutes les idées nouvelles en chimie & de tous les poms & furnoms anti-techniques, je n'aurois pas laiffé paffer, dis-je, une fi belle occafion fans montrer cette humeur. Il doit voir au contraire en moi une humeur pacifique, de laiffer envahir le domaine de la chimie par de nouveux venus, qui auroient peut-être befoin encore d'étudier les Stahl & les Margraf, fans rien dire. Malheureusement encore la mort vient toujours trop tôt terminer les difputes; elle a trop tôt moiffonné Bergman & Schéele, & c'eft une raifon de plus pour me taire fur ce qui concerne ces célèbres Suédois, que je regretterai toujours malgré leurs erreurs.

Mais un de ceux qui s'intéreffent à cette question, de favoir s'il y a ou non un acide dans le fpath-fluor, me demande pourquoi je n'ai pas fait voir ce qui réfulte de la combinaifon du prétendu acide fpathique avec les métaux: Comme c'eft, dit-il, là-deffus en partie que Scheele a prétendu établir les caractères de fon prétendu acide de Spath, vous avez cu tort de négliger de parler de ce dernier objet dans vos dernières recherches. Je vais lui répondre par la même occafion, ce qui s'accorde avec la demande de M. de la Métherie, & ce fera la dernière fois que je parlerai fur cette matière.

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16°. Après m'être procuré de nouveau une bonne quantité du prétendu acide du fpath au moyen de l'acide vitriolique, j'en ai mis deux oncesfur deux gros de limaille de fer, à-peu-près, bien nette. J'ai vu auffi-tôt cet acide attaquer fenfiblement ce métal. La diffolution s'en étant faite radicalement au moyen d'un peu de chaleur, j'ai noyé le tout dans quatre onces d'eau diftillée à-peu-près, & j'ai filtré. Il eft refté fur le papier un réfidu beaucoup plus volumineux que je ne l'ai eu en me fervant de T'acide vitriolique pur pour faire cette diffolution; ce que j'ai attribué â la terre fpathique qui s'eft précipitée: cela étoit d'ailleurs vifible par la couleur blanchâtre de ce réfidu. La liqueur évaporée fpontanément, m'a laiffé de très-beaux criftaux de vitriol en tout femblables à ceux que m'a fournis la même quantité d'acide vitriolique pur, qui a diffous la même quantité de limaille de fer,

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17°. J'ai répété la même expérience fur le cuivre avec la même quantité de notre acide prétendu fpathique: excepté que comme l'acide vitriolique affoibli par de l'eau, ne peut diffoudre aifément le cuivre en métal, je me fuis fervi d'un précipité de cuivre obtenu par l'alkali fixe ou vitriol bleu du commerce, & j'ai obtenu pareillement de vrais criftaux de cuivre d'un beau bleu.

18°. Je répétai la même chofe avec de la fimaille de zinc, & j'en obtins pareillement fans peine le même sel que fournit ce demi-métal diffous par l'acide vitriolique pur.

19°. Comme il me reftoit encore beaucoup de cet acide fpathique, je m'avifai de le combiner entièrement avec de la terre calcaire. On fait que Schéele prétend que de cette manière on régénère le fpath-fluor; pour moi je ne vis en cette occafion, qu'un vrai gyps; & quoique mêlé avec une partie de la terre du fpath qui s'étoit précipitée pendant la diffolution de la terre calcaire, il forma un bon plâtre, lorfqu'il eut été Jégèrement calciné.

20°. Après cela j'ai pris de nouveau quatre onces de fpath-fluor bien pur; l'ayant pulvérifé, je l'ai introduit dans une nouvelle cornue de verre, & j'ai verfé deffus fix onces de bon efprit de nitre, non fumant. Ayant placé ce vaisseau au bain de fable, & y ayant adapté un ballon proportionné, & lutté les jointures, j'ai chauffé le bain de fable. Je vis tout de fuite, qu'il n'y a pas la plus petite reflemblance entre la manière d'agir de cet acide fur ce fpath & celle de l'acide vitriolique fur ce même fpath. Il ne s'en éleva aucune vapeur blariche, & il ne fe forma dans le ballon ni dans fa voûte de la cornue aucune pellicule, aucune pouffière blanche; lorfque la cornue fut bien chaude, l'efprit de nitre paffa dans le ballon avec l'odeur qui lui eft propre. Sur la fin de la diftillation, qui fut pouffée jusqu'à l'entière deffication de la matière, le réfidu ne parut nullement gonflé, comme il l'eft toujours lorsqu'on a employé de l'acide vitriolique. Ayant déluté les vaiffeaux, je trouvai dans le ballon mon efprit de nitre, avec tous les caractères qui lui font propres, & ne paroiffant n'avoir changé en quoi que ce foit. L'ayant pefé, il fe trouva du poids jufte que j'en avois employé. Je croyois en conféquence que cet acide n'avoit rien enlevé du fpath; mais en ayant féparé une partie, & verfé deffus de l'aikali fixe en liqueur jufqu'au point de faturation, j'en ai obtenu un précipité blanc. Ce qui m'a fait juger que cet acide avoit aufli emporté une portion de la terre du fpath, mais en bien moindre quantité que l'acide vitriolique, puifqu'il confervoit toutes fes propriétés, tandis que l'acide vitriolique s'y trouve en quelque forte changé ou plutôt déguifé. Je jugeal enfin que la terre du Tpath compenfe dans le poids de cet acide la perte qui s'en étoit faite dans la diftillation. La liqueur faturée de cet acide par l'alkali fixe, me laissa un vrai nitre, qui détona fur les charbons ardens comme à l'ordinaire. Mais pour

m'affuter encore mieux, que la terre qu'avoit enlevée l'acide nitreux du fpath, étoit véritablement la même que celle qu'en enlève l'acide vitriolique, ce qui dans l'hypothèle de Schéele & de tous fes copiftes, ne doit pas être, je précipitai toute la terre de cet efprit de nitre, de la même manière que je viens de dire, & l'ayant lavée & fait fécher fur le filtre, je la traitai avec l'acide vitriolique, & j'en eus le même résultat que j'ai dit dans mon dernier Mémoire (12)

21°. La même opération fut faite avec l'acide marin, & dans les mêmes proportions. L'efprit de fel monta fort clair & blanc comme de l'eau, fentant & ayant d'ailleurs tous les caractères d'un bon efprit de fel ordinaire, c'est-à-dire, non fumant, & qui combiné pareillement avec de l'alkali fixe, laiffa précipiter une terre blanche, & donna un fel tel qu'il a coutume de donner avec cet alkali. Comme je n'employai pas tout cet acide comme j'avois fait de l'acide nitreux fpathique, je le mis dans un flacon, & je vis au bout d'un mois qu'il s'étoit dépofé de la terre fur les parois de ce vafe, ce qui eft peut-être la feule reffemblance qu'il y ait entre cet acide & celui du vitriol qui a été diftillé fur du fpath. Cela me fir regretter de n'avoir pas confervé une portion de l'acide nitreux fpathique, pour voir s'il produiroit le même effet ; en forte que j'en refis de nouveau, & qui confervé de même dans un flacon, y donna une incruftation pareille. J'infifte fur cette bagatelle, parce que j'ai lieu de croire, que c'eft d'après cela que Schéele qui n'y regardoit pas de près, conclut pour l'identité de fon prétendu acide du fpath. Je fuis feulement toujours étonné que ce Chimifte n'ait pas été arrêté par les autres caractères fi différens de ces acides, & fi peu propres à être comparés avec l'acide vitriolique fpathique (r). La grande différence qu'il y a entre l'um & Tautre, eft que ce dernier fe fature en quelque forte de la terre du fpath, te qui l'empêche de paroître avec tous fes caractères propres d'acide vitrioJique, tandis que les acides nitreux & marin ne s'en faturant pas, je veux dire par la diftillation, paroiffent d'abord ce qu'ils font réellement. Au furplus une partie de ces utiles obfervations avoient déjà été faites par Jauteur de la brochure qui a paru fous le nom de Boullanger, & je m'étonne que M. de la Métherie n'en ait pas eu connoiffance, car il n'auroit pas dit dans fa note que l'acide fpathique eft le même en fe fervant de tous les acides, & que c'est l'objection qu'ont toujours faite les Chimifles; car il est sûr qu'il n'y a que Schéele feul qui l'ait dit ou fes adhérens, qui, grands admirateurs de tout ce qui venoit de ce Chimifte, l'ont cru fur fa parole & ne fe font pas donné la peine d'examiner la chofe

eux-mêmes.

(1) Je ne trouve pas de difficulté à employer cette expreffion qui convient, ce me femble, à tous les acides qui ont emporté de la terre du fpath par la diftillation, Dès qu'on connoit ce qu'ils font, il ne peut plus y avoir de l'équivoque.

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