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Fréquemment dans leur centre un noyau de pierre qui s'est comporté en raifon de fa nature plus ou moins fufible ou apyre.

Dans la feconde claffe, j'appelle produits fecondaires, d'autres boules qui, quoiqu'elles figurent des noyaux dans l'épaiffeur des bafaltes en partie décomposés, ne font cependant que les reftes ou les portions de laves qui ont échappé jufqu'à ce moment à la deftruction fous les prétendues couches concentriques qui les enveloppent en tout ou en partie Celles-ci ne fauroient en impofer à l'obfervateur fcrupuleux: elles ne font autour du faux noyau que les traces des décompofitions, que des efpèces d'efcarres qui fe font faites à différentes époques dans une maffe de lave, de furface en furface, de la circonférence au centre d'une feule, de plufieurs, ou d'une infinité de groffes, de moyennes & de petites boules.

Il eft rare que ces boules n'aient à leur furface quelques traces de décompofition, telles que les taches effleuries dont j'ai parlé; ces boules font pefantes, folides, en raifon fur-tout de la forme qu'elles ont acquife. Quand on parvient à les éclater on reconnoît dans leur caffure le grain du bafalte confervé intact; enfin, l'on voit que ces prétendus noyaux ont appartenu à des maffes de laves avec lefquelles ils ont compofé un enfemble homogène, lors de la fufion, puis du refroidiffement de ces mêmes laves, & jufqu'à ce qu'elles aient enfin cédé partie par partie aux impreffions de l'air & des terreins humides. J'ai dit que quelques laves fe gercent ou s'exfolient par couches épaiffes ou fucceffives d'années en années, que d'autres s'ufent à peine de fiècle en fiècle par furfaces fuperficielles.

Ma collection des matériaux volcanifés de l'Auvergne n'étant pas à beaucoup près auffi complette qu'il eft poffible qu'elle le devienne, je n'ai pu faire pour le moment l'énumération que d'une partie des fortes out des variétés de chacune des deux claffes de bafaltes en boules que j'ai déterminées dans ce réfumé, & auxquelles je crois que tous les bafaltes de cette nature pourront être rapportés.

PASSAGE

DE COLONNES OU PRISMES DE BASALTE VOLCANIQUE A L'ÉTAT DE BOULES (1);

LE

Par M. BESSON.

E Puy-de-la-Veille eft une montagne volcanifée oblongue, courant du nord au midi, entre Clémenfat & Chidrac, à mille toifes environ de

(1) Ce Mémoire a été remis à l'Administration des mines en 1785.

ce dernier endroit, & à plus de deux lieues nord-oueft d'Iffoire, ville en Auvergne.

La base ou le pied de cette montagne eft un granit par couches, ou fecondaire & fort micacé : une pierre calcaire coquillière pofe fur les granits; des bancs calcaires mêlés d'argile rougeâtre & verdâtre furmontent celle-ci ; il règne en général autour de la montagne des tufs argileux mêlés en différentes proportions de matières calcaires qui compofent des marnes variées, difpofées par bancs & par couches, depuis un pied jufqu'à dix d'épaiffeur. On trouve dans ces marnes des portions de laves, de fcories, de pierres-ponces & d'argile cuire ; des amas de pouzzolane & autres matières volcaniques font tantôt infiltrés d'argile, & tantôt par des matières calcaires, qui leur fervent de ciment. Le mêlange de toutes ces matières hétérogènes, que je nomme tuf volcanique, forme des efpèces de brêche, de poudingue, & de grès groffiers; dans ce dernier cas l'infiltration calcaire remplace & reffemble aux grains du quartz par la blancheur & la difpofition des grains de fpath: les fpaths y font criftalifés, quand les interstices ou les cavités ont été affez grandes. Les différens côtés de la montagne ont des mêlanges divers.

Au nord de la montagne font des pouzzolanes rouges infiltrées par la matière calcaire; on voit dans la fracture de leurs maffes chaque grain ou morceau de pouzzolane enveloppé par du fpath calcaire cristallin : cet efpèce de tuf eft plus folide & plus compacte au nord-oueft. Au couchant de la montagne le tuf eft gris ou noirâtre ; il y en a de jaunâtres & de verdâtres qui font plus argileux: on y trouve auffi du bois dans différens états de dureté, quelquefois fe brifant facilement entre les doigts comme certains bois foffiles, mais qui fe durciffent enfuite après l'évaporation de leur humidité; un espèce de tuf plus noir eft affez dur & affez lié pour être débité & employé comme moëllon & pierre de taille. Au levant de la montagne les tufs contiennent plus de matière calcaire, & on y voit des petites géodes ou des cavités remplies d'un spath cristallifé en aiguilles & en faisceaux.

Ces mêlanges de différentes terres, de matières volcaniques, de bois; ces couches horizontales & parallèles entr'elles, annoncent le concours & l'effet des eaux de la mer; ils prouvent que cette montagne brûloit au fein des eaux ; qu'elle s'y eft élevée par accumulation, que l'agitation & le mouvement de la mer, qui battoit le pied de la montagne, y mêlangeoit & confondoit les fubftances qu'elle entraînoit après les avoir détachées des côtes & des pentes environnantes, & les dépofoit au pied de cette montagne. Ces confidérations peuvent auffi expliquer naturellement les différens mêlanges qui fe trouvent déposés aux différens aspects & autour de la montagne ou Puy-de-la-Veille.

Dans un tems plus rapproché, la montagne s'étant trouvée plus élevée au-deffus des eaux, n'offre plus dans fa partie fupérieure de ces couches

& de ces dépôts de matières calcaire & argileufe, on n'y voit que des matières volcaniques. On n'infifte pas fur l'exiftence de la mer dans ce canton, parce que je l'ai fuffifamment établie dans d'autres Mémoires, & que ce n'eft point l'objet principal de celui-ci.

Différens courans de laves font defcendus du haut de la montagne de la Veille, elle en offre plufieurs au couchant & ils fuivent l'inclinaifon de fa pente. Vers le haut on y voit dans différens endroits des groffes colonnes ou prifmes perpendiculaires irréguliers pour le nombre des côtés, d'une hauteur de quinze à vingt pieds, ayant leurs pans fortement prononcés; le diamètre de ces prifmes eft de deux jufqu'à trois pieds. Leur décompofition fe fait d'abord remarquer dans des fentes ou retraits horifontaux, comme on en voit dans certains prifmes naturellement articulés, quoique d'une pâte fort dure: il faut fuivre cette décompofition à mesure qu'on defcend la montagne, elle y eft de plus en plus apparente & marquée; c'eft auffi la marche que je tiendrai dans cette defcription. On obferve que les angles de ces prifmes s'émouffent, fe détruifent & fe perdent que les fentes horifontales, qui d'abord n'étoient qu'appa: rentes à la fuperficie fe creufent de plus en plus; au moyen de ces pertes ou de ces dégradations les prifmes commencent à prendre des formes plus fphéroïdes, plus ovales, ou plus rondes: la même maffe qui avoit deux à trojs pieds de large fe fépare en deux, en fubiffant la même décompofition, & forme deux groffes boules, parce que ce font toujours les parties les plus anguleufes, plus expofées à l'atmofphère, qui s'exfolient & fe détachent de préférence aux autres. Ces deux boules fe partagent enfuite encore par le même mécanifme; l'exfoliation extérieure laiffe quelquefois appercevoir que l'intérieur d'une boule en contient trois & quatre autres, & cela fucceffivement, plus ou moins; il n'y a rien de conftant ni pour le nombre, ni la groffeur de ces boules; les dernières ne font quelquefois pas plus groffes que des œufs & des noix.

Cette exfoliation, ou cette deftruction s'apperçoit de plus en plus en 'defcendant la montagne, comme on l'a dit; davantage dans les ravins & les endroits où le bafalte eft plus expofé à l'humidité. Il refte enfin de la plupart de ces boules un noyau de lave dur, très-compacte, qu'on ne peut rompre qu'à grands coups de marteaux, fi on y parvient : ce noyau eft plus noir que fes enveloppes, qui font grifes, il eft marqué quelquefois de taches blanchâtres ou grifes.

Si on fait attention à ce qu'on a dit fur la compofition de cette montagne, on ne pourra guère attribuer la décompofition de ces bafaltes qu'à la quantité de parties calcaires & argileufes qui ont dû entrer, pour la plus grande partie, dans la formation de ces laves; ces deux terres, jointes enfemble, font les ingrédiens qui compofent la marne, qui a la propriété de fe fondre & de fe décompofer à l'air. Quand on manie fur les lieux les débris de ces boules, on les trouve au tact friables, d'une certaine

douceur ou onctuofité, ce qu'on ne peut attribuer qu'à d'argile. Le peu d'activité du feu, occafionné peut-être par l'eau, n'aura pu donner une dureté, une cuiffon fuffifante à cette efpèce de pâte mêlangée; peut-être auffi qu'une moindre quantité de fer dans cette pâte aura empêché la fufion & la liaifon ordinaire aux laves ; on fait que plus elles font noires, par conféquent chargées de fer, plus elles font dures; c'eft par toutes ces raifons que celles-ci feront attaquables aux impreffions de l'atmosphère, & aux intempéries des faifons qui occafionnent leur décompofition. De plus il eft effentiel d'observer que la pâte de cette lave eft uniforme, paroît moins compofée que les laves ordinaires du pays; avec une moindre quantité de fer, on n'y voit pas des fchorls, des micas, ni des feld-fpaths: quelques grains, de ce qu'on nomme cryfolite, fubftance peu connue, s'y voyent très-rarement; ce bafalte eft donc d'une compofition différente des autres, compofition qui a dû influer fur fa décompofition, & modifier fa manière

d'être.

Au pied de la montagne, & dans les murailles qui entourent les poffeffions, on voit peu ou point de ces boules, mais beaucoup de leurs noyaux; il y en a de fort gros : ils font bleu foncé ou noirs, durs & compactes, pour ainfi dire inaltérables : les torrens & les eaux qui ont entraîné au loin de cès noyaux ne les ont pas déformés fenfiblement, ils n'en ont reçu qu'une espèce de poli provenant du mécanisme du roulis: ce qui indique encore leur dureté & leur confiftance.

Les terres des environs de la montagne font noires, légères & d'un excellent produit ; c'eft un mêlange de matières volcaniques & de terre végétale qui font les ingrédiens qui doivent former, & forment par-tout les terres du meilleur rapport; qui de tout tems ont fait célébrer les environs de Naples, la Sicile, & la Limagne d'Auvergne, comme des pays des plus fertiles. Ce dernier pays arrofé par des ruiffeaux & des rivières, & particulièrement par l'Allier, qui defcendent de pays volcanifés, ont très-anciennement charrié les détrimens des volcans dans fes plaines, dont le fond & le fol atteftent l'origine, qui font en grande partie compofés de portions de laves roulées qui avec les granits & les quartz provenans de ces derniers, forment la majeure partie des galets dont les champs & les rivières font jonchés.

Je n'entreprendrai pas de donner la théorie de la formation de la lave qui a la propriété de paffer à l'état de boules; je me suis contenté de rapporter ce que j'ai obfervé fur les lieux. Pour pouvoir dire quelque. chofe de raifonnable à ce fujet, je ne dis pas de fatisfaifant ou de vrai, il faudroit avoir le tems de bien méditer les circonftances & les pofitions du local, & avoir des mesures exactes des hauteurs environnantes pour connoître le dépôt des eaux. Comment enfuite pouvoir évaluer les changemens & les dégradations occafionnés par la durée des fiècles qui fe font écoulés depuis que l'Auvergne, ce pays fi élevé, étoit inondé par la mer?

Plus

Plus on a vu, & plus on a examiné la nature même, plus on reconnoît la difficulté de pénétrer fes fecrets, de calculer fes combinaisons, & particulièrement d'évaluer le tems qu'elle a employé à former fes productions, moins on eft difpofé à expliquer fes opérations; à plus forte raifon quand il eft queftion, comme dans le cas préfent, de donner le réfultat de fes grandes révolutions, où l'eau & le feu fe font entre-choqués pour créer & détruire alternativement, & enfuite conjointement. Je ne doute cependant pas, & cela n'eft pas rare, qu'il ne fe trouve des perfonnes qui croiront expliquer tant bien que mal ces phénomènes, fans avoir vu le local & fes circonftances, fans même avoir jamais vu de volcans.

Je me permettrai de leur faire les queftions fuivantes. On voit & on fuit à l'œil au Puy-de-Veille la décompofition de ces prifmes; mais d'où proviennent & comment fe font d'abord formés les noyaux intérieurs qui font dans les boules? Comment fe font enfuite arrangées tout autour les différentes enveloppes, qui font ordinairement fort minces? Comment de plufieurs noyaux déjà enveloppés, s'en forme-t-il après une boule plus groffe, qui prend à fon tour des enveloppes nouvelles? De toutes ces boules comment peut-il s'en former un courant, qui enfuite se sépare, fe fend, prend la forme de colonnes ou de prifmes anguleux pour nous laiffer voir, à la fuite des tems, la décompofition dont on vient de rendre compte. Si on n'admet pas des boules, une première formation quelconque de noyaux, & qu'on veuille fuppofer une pâte, un mêlange affez fluide pour couler du haut de la montagne vers le bas, d'où lui provient la propriété de fe divifer par enveloppes & par couches comme un oignon ? propriété qui n'existe pas dans les laves & tufs volcaniques ordinaires; qu'on ne reconnoît que dans les corps qui fe font visiblement formés par couches & par dépôts, comme dans certains caillous, dans les agathes mêmes, qui malgré leur dureté fe rompent & s'enlèvent par couches fuivant leur formation? &c. &c. Il faut fe borner, on ne peut tout dire : on demande, on exige des folutions, des explications, & non des objections. J'ai vu & obfervé des bafaltes en boules & leurs décompofitions dans beaucoup d'endroits de l'Auvergne; c'eft pour y avoir reconnu des différences & des modifications effentielles & marquées, que je ne hasarde une explication générale, mais fimplement quelques conjectures que m'ont fourni le local & les environs du Puy-de-la-Veille que j'ai eu occafion de pouvoir examiner davantage; de même la vue & l'examen des tufs & des boules, dont il est question, ou un deffin, difent & expliquent plus que les defcriptions qu'on en peut donner. Les difcuffions en Hiftoire-Naturelle ne devroient jamais avoir lieu que les pièces & les échantillons à la main, on éviteroit beaucoup de conjectures & bien des paroles inutiles.

pas

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