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à la main, ayant vingt-deux lignes chacun d'ouverture, pendant que ceux de M. Bouguer, avec treize lignes feulement d'ouverture, n'étoient que médiocres; enfin, je ne penfe pas exagérer en publiant que je ne crois pas que depuis Campani, perfonne ait fait des verres de cette efpèce avec tant d'ouverture, fi parfaitement bons; car les Tables des groffiffemens des lunettes ne portent qu'à vingt ou vingt-une lignes les ouvertures des meilleurs objectifs de douze pieds de foyer, & les miens en portoient facilement vingt-deux; mais comme je ne pouvois leur en donner qu'environ dix-neuf, nous fûmes obligés d'en couper environ trois lignes.

Le P. Gaudibert enchafla enfuite ces objectifs dans des bouts de tuyaux de cuivre, les tourna & les ferti: lui-même; or, le tout eft auffi bien exécuté qu'il auroit pu l'être en Angleterre.

Mon nouveau binocle fupporte aifément des oculaires de dix-fept à dixhuit lignes de foyer; il groffit quatre-vingt-dix-huit à quatre-vingt-dix-neuf fois avec la plus grande netteté & la plus grande clarté ; je vois jupiter parfaitement terminé, fes bandes & pareillement fes fatellites très-brillans.

Je ne parlerai point ici des observations que j'ai faites en grand nombre fur les taches; celles que j'ai également faites fur quelques-unes de ces étoiles nommées affez imparfaitement étoiles doubles, & fur quelques nébuleufes, parce que je me propofe de les vérifier encore; je me contenterai d'ajouter à ce que j'ai déjà dit de l'effet de mon binocle une expérience que j'ai faite qui m'a paru curieufe, & que j'ai pris plaifir à répéter plufieurs fois fur le foleil; c'eft qu'en féparant ou détachant les deux images, ce que je faifois en écartant un peu les tuyaux les uns des autres du côté des oculaires, je voyois en effet ces deux images dont l'une débordoit l'autre elles me paroiffoient égales en intenfité, & dans l'état à-peu-près que je les voyois lorfque je les regardois féparément avec une feule lunette; mais lorsqu'au moyen de ma vis, fans quitter les yeux du binocle, je parvencis à réunir les deux images en une feule,' j'éprouvois dans cet inftant de réunion une impreffion, ou fenfation fubire & fingulière d'augmentation de lumière, de clarté, de netteté & même de groffiffement apparent tout-à-la-fois, qui produifoient dans mes yeux l'effer d'une espèce d'éclair fubit auquel on ne s'attend pas. Ce qui acheva de me convaincre que ma vifion étoit beaucoup plus parfaite en me fervant de mes deux yeux, qu'en ne regardant qu'avec un feul,

Nous nous étions propofé de reconftruire encore une fois ce binocle, en le faifant achromatique; je me flattois d'un effet encore plus confidérable, & que j'en tirerois un plus grand parti pour les obfervations; car le P. Gaudibert réuffiffoit également bien dans les lunettes achromatiques; mais malheureufement la mort l'a enlevé aux arts, il y a environ dix-huit mois, dans le tems qu'il s'occupoit déjà du choix du flints-glass pour la conftruction du nouveau binocle; & je regarde cette mort comme

une

une vraie perte que la Dioptrique a faite : s'il ne furpaffoit pas, : il égaloit au moins à l'âge de quarante-trois ans, où il eft mort, nos meilleurs Opticiens. Pleinement fatisfait de mon fecond effai, j'ai fait garnir mon binocle en cuivre par les deux bouts, & fait faire également en cuivre les porte-oculaires, je leur ai donné huit pouces & plus de longueur, pour n'avoir aucun jeu à craindre dans l'emboîtage; à la place de collets de bois, j'en ai fait faire en cuivre avec des vis, & de petits reflorts à ceux des deux bouts, au moyen defquels & des vis; je peux rapprocher ou écarter à volonté les bouts des tuyaux les uns des autres de la plus petite quantité poffible. Mes objectifs ayant donc près de dix-huit lignes & demie d'ouverture chacun, j'ai par ce moyen une double ouverture qui équivaut à une feule d'environ vingt fix lignes; mais l'ouverture des lunettes achromatiques ordinaires dont nous nous fervons aujourd'hui eft beaucoup plus grande, puifqu'elle va à trente-huit ou trente-neuf lignes. Cependant ces lunettes ne groffiffent que quatre-vingt-feize & cent fois, comme fait mon binocle; mais, autant que j'en ai pu juger jufqu'à ce moment, mon binocle dans fon état actuel fair auffi bien fur jupiter que font la plupart de ces lunettes, & je pourrois encore augmenter fon pouvoir amplifiant. Un bon binocle peut donc donner de l'avantage. C'eft avec le fecours de ce binocle que j'ai vu avec la plus grande fatisfaction, la fortie de mercure de deffus le foleil le 4 de mai dernier 1786.

J'ai fait cette obfervation en baffe-Normandie, à un petit quart de lieue de la ville de Coutances, & à deux lieues & demie au plus du bord de la mer. J'avois emporté avec moi, outre ce binocle, deux excellentes pendules à fecondes, & mon quart de cercle de trois pieds de rayon, qui après avoir fervi à M. l'Abbé de la Caille dans tous fes voyages pour fes obfervations, eft paflé dans mes mains, a voyagé avec moi dans les mers de l'Inde, & en eft également revenu. Cet inftrument, fait par Langlois en 1742, eft excellent. Plus de deux cens obfervations. faites à des points tout-à-fait différens, qui m'ont fervi à déterminer les réfractions & la diftance des tropiques entr'eux par des hauteurs prifes du côté du nord & du côté du fud; toutes ces différentes obfervations, dis-je, s'accordent à un tel degré de précifion, que la latitude de Pondicheri déduite des obfervations de l'étoile polaire, s'accorde à trois à quatre fecondes près fecondes près avec la latitude de la même ville, déduite de l'obfervation de la diftance des tropiques entr'eux. Depuis plus de douze ans que je fuis de retour, j'avois toujours defiré de répéter en France, avec ce même quart de cercle, les obfervations que j'avois faites en trèsgrand nombre à Pondicheri fur les réfractions aftronomiques à l'horifon de la mer, parce que je penfois qu'il feroit très curieux & très-intéreflant de vérifier fi les phénomènes que j'avois obfervés dans la zone torride. au lever du foleil à l'horifon de la mer, & dont j'ai rendu compte dans

le premier tome de mes Voyages, avoient également lieu dans les zones tempérées, ou fi les différences étoient bien fenfibles; mais jufqu'à ce moment, les circonstances ne m'ayant pas paru favorables, j'avois été contraint d'y renoncer.

Un Miniftre qui femble avoir été réservé à nos jours pour en faire une époque de l'encouragement des fciences.& des arts, a bien voulu accueillir mon projet.

M. le Baron de Breteuil m'obtint dans le mois d'avril 1786, l'approbation de Sa Majesté pour répéter fur nos côtes maritimes occidentales les obfervations aftronomiques que j'ai faites dans l'Inde.

Mes préparatifs étant déjà tout fairs, je partis en conféquence, pour me trouver fur les lieux à tems pour l'observation de mercure. Le tems fut très-inconftant; la veille de l'obfervation fur un jour très-pluvieux, accompagné d'un très-grand vent de fud-ouest,

Le 4 de mai, jour de l'obfervation, on ne voyoit encore nulle apparence de beau tems à fept heures du matin ; il pleuvoit, & on ne voyoit que quelques éclaircis de place en place.

Cependant un quart-d'heure avant l'obfervation le ciel fe trouva balayé aux environs du foleil, & j'apperçus mercure fort diftinctement par le plus beau ciel du monde, un gros paquet de taches, & une grosse tache ifolée auffi groffe que mercure.

Je jugeai donc le premier contact de mercure au bord du foleil à 8 h. 19' 17" de tems vrai, à ma pendule qui a marché fort uniforménient. Je jugeai mercure à moitié forti à 8 h. 25'7" à ma montre, qui retardoit de 4' 8" fur ma pendule.

Enfin, je jugeai la fortie totale de mercure à 8 h. 22' 45" de tems vrai à ma pendule. Après cette obfervation, dont je fupprime ici les réfultats, j'allai fur les bords de la mer chercher un lieu commode pour m'y établir. Je m'arrêtai quatre lieues environ au nord de Grandville, & à deux & demie au plus à l'oueft précisément de l'endroit où j'avois obfervé le paffage de mercure. Ce fur-là où je m'établis dans un lieu nommé le havre de Reneville, d'où je découvrois de deffus une très-petite hauteur un vaste horifon du côté de la mer depuis environ le fud-oueft jufqu'au nord-eft; j'y ai paffé une grande partie de l'été dernier : j'y ai completé mon travail pour cette faifon; & comme il entre dans mon projet, de répéter ces obfervations pendant un de nos hivers, je me propofe d'y retourner à la fin de l'automne prochain pour y paffer une partie, de l'hiver fuivant, c'est-à-dire, tout le tems qu'exigera cette feconde partie de mon travail. A mon fecond retour j'aurai l'honneur de faire part à cette illuftre affemblée des résultats de mes obfervations, & de leur comparaifon avec celles du climat de l'Inde.

A l'Obfervatoire Royal, le 31 de Mars 1787.

DESCRIPTION

DE L'O CRIÈRE DE MORAGNES,

Extraite d'un Voyage minéralogique fait en 1786, par
M. GOURJON DE LAVERNE, Elève du Corps Royal

des Mines.

L'OCRIERE de Moragnes à 6 lieues nord-eft de Bourges, est située aux bois aux états près la motte d'Humbrigny dans un canton marécageux; elle a environ une demi-lieue d'etendue.

Les puits que l'on a ouverts pour en tirer l'ocre, n'ont guère que 20 à 25 pieds de profondeur, für 6 à 7 de largeur. Avant que d'arriver à l'ocre, on rencontre 4 bancs de terres différentes qui la précèdent. Ces bancs font fenfiblement parallèles, leur direction eft de eft-nord-est à l'oueft fud-oueft.

Le premier qui a à peu-près 5 pieds d'épaiffeur eft compofé de plufieurs couches d'un pouce ou deux d'une terre noirâtre entre-mêlée de fable quartzeux; au deffous de ce banc, on trouve une couche de fable homogène jaunâtre qui a trois pouces & demi d'épaiffeur; le troisième banc qui en a 6 eft d'une argile bleuâtre tirant fur le noir; il eft fuivi immédiatement d'un autre banc de terre argilleufe grife mêlée de quartz dont on voit des portions qui paroiffent entrer en décompofition. Ce banc a environ 4 pouces d'épaiffeur, c'eft fous lui qu'on rencontre l'ocre dont l'épaiffeur eft de deux pouces & demi, elle repofe fur un fable fin qui en fait le fond.

J'ignore fi l'on trouve après ce fable des couches d'ocre, plufieurs obfervations que j'ai eu occafion de faire, me font croire que l'on pourroit en rencontrer des bancs, même plus épais que les premiers; mais les ouvriers ne percent point ce fable, ils fe contentent d'y creufer deux ou trois chambres pour détacher l'ocre qui en forme le plafond. Ils continuent d'y travailler, tant qu'un danger preffant ne les oblige point de ceffer de miner ainfi fous terre. On a vu quelquefois des ouvriers y périr victimes de leur imprudence.

L'ocre ne fe trouve point par morceaux féparés, comme on rencontre fouvent la fanguine dans les glaifières, mais elle forme un lit continu dans toute fa longueur, & conferve prefque par-tout fon épaiffeur. L'ocre eft tendre dans la nijne, & fe laiffe facilement couper; elle n'eft jamais mêlangée de glaife ni de fable, ces fubftances ne font qu'y adhérer du côté qu'elles la touchent, ce qui forme une espèce de croute.

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L'ocre eft jaune lorfqu'on la tire de la terre, elle prend à fa fuperficie en fe defléchant, une couleur légèrement brunâtre. Lorfqu'on a foigneufement féparé la glaife & le fable qui peuvent être reftés adhérens, & qu'elle a commencé à fe fécher, on la tranfporte dans des efpèces de hangars ou greniers, & on l'y arrange fur des foliveaux placés à de très-petites diftances. Lorfqu'elle eft parfaitement sèche, on la met dans de vieux futs pour l'envoyer à fa deftination.

Voilà tout l'art qu'on emploie ordinairement dans l'exploitation de l'ocre jaune, fur-tout lorfqu'on fe propofe de la vendre en gros. Les ouvriers donnent quelquefois une petite préparation à celle qui eft pour vendre en détail. Ils en forment après l'avoir pétrie dans leurs mains des parallelipipèdes qui ont 7 à 8 pouces fur toutes les faces. Ils font fécher ces pains, & les mettent enfuite dans des futs femblables à ceux dont on fe fert pour l'ocre en quartiers.

Cette ocre eft vendue dans le commerce à raison de 40 à 50 fols le quintal. On en tranfporte en Angleterre, en Hollande, en Italie; il n'y a qu'en Hollande où les procédés pour la porter à l'état de rouge de pruffe, foient en ufage. Mais un favant chimifte qui dans un de les Ouvrages qui a paru l'année dernière a donné l'analyse de cette ocre jaune, penfe que l'on pourroit aufli la préparer en grand en France, & l'amener à l'état de rouge de pruffe.

Il feroit bien à defirer qu'on fit ufage du procédé qu'il indique, cette préparation deviendroit une fource de richeffes pour le Berri qui abondeen ocrières, & bientôt il enleveroit aux Hollandois le tribut que leur induftrie nous a impofé jufqu'alors.

OBSERVATIONS

Sur les Ecailles de plufieurs efpèces de Poiffons qu'on croit communément dépourvues de ces parties;

Par M. BROUSSONET, de l'Académie des Sciences.

NOUS ous ne connoiffons qu'un très-petit nombre de poiffons privés entièrement d'écailles, peut-être même ces parties fubfistent-elles dans & n'ont-elles échappé jufqu'à préfent aux recherches des Icthyologiftes, que faute d'obfervations plus exactes. Le but de ce Mémoire eft de donner la defcription de quelques-unes de ces parties fur des espèces où l'on avoit affuré qu'elles ne fe trouvoient point.

La pofition des écailles varie fuivant les différentes manières de vivre

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