Page images
PDF
EPUB

la matière animale ne differe de la végétale, que par l'excès de feu qu'elle contient, plufieurs molécules peuvent paffer à ce dernier état, dans les nuances qui déterminent la fermentation: & ces molécules ayant une tendance à s'unir, effet de la forme que l'organifme leur a imprimée, elles fe réuniffent, s'agglutinent entr'elles, & forment un corps qui a tous les caractères d'un végétal. Mais toutes les molécules de l'animal ne peuvent prendre ce caractère; car la fermentation diffout les aggrégats & fepare les principes, anéantit par conféquent la nature chimique, effentielle à la confervation des formes. Ce font uniquement les molécules qui, par des circonftances difficiles à connoître, ont fubi une perte de feu, fans que leur nature ait été fenfiblement altérée. Or, il eft facile de concevoir cette irrégularité, dans la décompofition des différentes molécules, puifqu'il eft connu, en fuite d'expériences très-exactes, que la putréfaction n'a pas une marche uniforme (1).

Il eft conftant que la matière organique a une tendance à s'unir, qui eft un effet de l'impreffion des moules où elle s'eft préparée. Non-feulement la formation des germes & des embrions, qui fe produifent par la réunion des molécules, établit cette vérité, mais auffi la formation des poils, à qui on ne peut raifonnablement fuppofer un germe; car cette production acceffoire des végétaux eft entièrement dépendante du climat, comme j'espère de le démontrer dans mon traité fur fon influence: au point qu'un même individu, tranfporté dans des pofitions différentes, en prend, ou les perd, fuivant la nature des lieux (2).

Il falloit un exemple auffi frappant, que celui de la clavaire des infectes, pour mettre en évidence la vérite de cette hypothèse; mais la poffibilité d'une telle formation des êtres organifés une fois admife, les preaves fe multiplient à l'infini. Les moififfures, les biffus, les conferves, Ja famille nombreufe des champignons, les tremelles, les noftocs, les lichens, les lenticules, les marchants, les riccies, &c. plantes dont la reproduction & les organes fexuels ont échappé aux recherches des plus infatigables Botaniftes, ou du moins fur lefquels on n'eft pas d'accord, ont une femblable origine. Quelques-unes peuvent peut-être fe repro

» de chaux introduite dans la cloche, a été précipitée, & le reftant étoit moins pur que l'air commun. L'air pur a donc été changé, partie en air fixe, partie en air phlogistiqué ». Effai analytique fur l'air pur, par M. de la Métherie, page 260.

(1) Voy. Effai pour fervir à l'Hiftoire de la Putréfaction. Cet Ouvrage contient une multitude de preuves en faveur de cette opinion.

(2) M. Defay, qui a fait des expériences relatives à cet objet, & l'a traité complettement dans fon Mémoire fur l'ufage & les fonctions des épines, que PAcadémie d'Orléans pofsède, regarde auffi les poils comme un effet de la furabondance des fucs nourriciers; mais il croit en même-tems qu'ils font des organes excrétoires.

duire par des efpèces de graines non fécondées, comme les marchants (1); mais, comme tout eft nuancé dans la nature, & que des gradations réuniffent les extrêmes, ou plutôt forment une férie immenfe dont les paffages fe diftinguent à peine; il eft poffible, que plufieurs de ces plantes ne peuvent pas fe reproduire, que d'autres le peuvent dans quelques circonftances, d'autres plus fréquemment encore, & que les gradations fe terminent enfin à celles qui ne fe reproduifert que par le concours des fexes. Cette hypothèse étant admife, éclaircira mille faits inconnus, ou dont on ignoroit les caufes ; le premier pas dans les fciences eft ordinairement fuivi d'une courfe rapide.

Comme on ignore complettement la nature & les fonctions des bulbes, qui couvrent la fommité de la clavaire des infectes, & que leur manière d'y adhérer pouvoit faire foupçonner qu'elles font des graines ou des cayeux, destinés à perpétuer l'espèce, j'ai facrifié l'un des deux individus, pour des expériences fur ce fujet. J'ai enlevé les bulbes avec la pointe d'un canif, fans les endommager, & les ai femées immédiatement après: une partie le fut, dans une crifalide, que j'avois ouverte au fommet & placée fous de la mouffe humide: une autre partie le fut fur des végétaux décompofés, dans un morceau de tourbe, également humide & couvert de mouffe, que j'avois pris fur le lieu même où j'avois trouvé cette clavaire une troisième partie enfin fut femée fur du terreau humecté. J'eus foin que le foleil ne donnât pas avec trop de force fur les vafes, & que l'humidité, fans être trop forte, fût à-peu-près toujours égale. Aucune des bulbes n'a germé, malgré les précautions que j'ai prifes; ainfi elles ne font pas des graines: cependant la démonftration n'eft pas complette, à caufe de la difficulté de réunir toutes les circonftances, qui font peut-être néceffaires pour leur développement. Il eft impoffible de concevoir quelle peut être leur utilité, & les caufes de leur naiffance? font-elles des productions analogues aux épines des végétaux ? font-elles des organes fécrétoires ou abforbans? Le tems ou d'heureux hafards nous en inftruiront.

J'ai partagé une ou deux de ces bulbes, pour obferver leur intérieur ; il est plein, & ne préfente qu'une maffe charnue fans tuniques ni fibres; mais ne les ayant obfervés qu'avec une loupe, je puis les avoir mal vus.

Le Licoperdon des tourbières, fig. 6, de grandeur naturelle; fig. 7 ; vu au microscope.

Je joins ici la defcription d'une plante, que j'ai découverte dans ce pays, & qui ne pourroit feule être le fujet d'un Mémoire particulier.

(1) Journal de Phyfique, mars 1787.

Cette plante eft de la famille des licoperdons & reffemble beaucoup, par fa forme, au pourpre (1): elle eft plus petite, de la groffeur de la tête d'une petite épingle, feffile, fphérique ou quelquefois un peu comprimée; fon contour eft fréquemment irrégulier. Ce licoperdon eft compofé d'une peau blanche, liffe & comme vernie dans fa jeuneffe; en vieilliffant, elle devient rabotteufe, inégale, & couverte d'une efpèce de poudre de même couleur. L'intérieur eft une chair fpongieufe, blanche, moins. tenace que celle du licoperdon pourpre; elle fe defsèche infenfiblement, & devient pulvérulente. Je n'ai pu voir dans aucune circonftance, que ce champignon s'ouvre, malgré le foin que j'ai eu d'en cultiver, que j'avois tranfporté chez moi, avec la motte fur laquelle il croiffoit.

On trouve cette plante dans les endroits les plus ftériles des tourbières sèches (2) de la Gueldre; c'eft au mois d'octobre, qu'elle eft la plus commune. Je n'ai trouvé la defcription, dans aucun Ouvrage de Botanique; on doit la confidérer comme un licoperdon, puifqu'elle a dans sa jeunesse une véritable chair, qui fe réduit en pouffière à mesure qu'elle vieillit. Elle differe par conféquent des trichia de Haller, qui ont l'intérieur rempli de poils entrelacés; mais ce caractère eft peu naturel, de l'aveu même de ce savant, vu la difficulté de le déterminer dans les espèces microscopiques.

(1) Lycoperdron Epidendron, Linn. Ed. Reich. P. 4, p. 626.

(2) J'ai donné quelques notions fur cette espèce de tourbière, & fur le premier apperçu de leurs productions, dans un Mémoire que l'Académie d'Orléans possède. Ces tourbières ont depuis un demi-pied, jufqu'à quatre d'épaiffeur; &, foit à caufe de leur élévation, ou du fable qui eft deffous, elles fe defsèchent pendant l'été & font d'une aridité frappante. Leurs productions font peu nombreuses, rabougries, prefque déformées, & d'une teinte gris-bleuatre qui annonce leur état de langueur. Une partie de la haute Gueldre & de la Province d'Utrecht eft couverte de ces tourbières.

Faute d'impreffion à corriger dans mon Mémoire inféré dans le Cahier de Mars 1787.

Page 172, ligne première, étoient affez membreuses, lifez: étoient affez nombreuses. font fécondés par eux-mêmes, lifez: font féconds par euxmêmes,

Ligne 10,

[ocr errors][ocr errors]
[blocks in formation]

Le ver fingulier, (fig. 8) dont vous avez entendu parler, & fur lequel vous me demandez quelques renfeignemens, mérite effectivement votre curiofité & celle des Naturaliftes, quoiqu'il n'ait ni griffes ni cornes, ainfi qu'on fe plaît à le débiter dans le public.

Il faut que vous fachiez d'abord que ce ver fut rendu il y a environ quatre mois par M. le Chevalier de....que j'eus occafion de voir quelques jours après chez M. le Comte de la Cepède, & qui me permit alors d'en publier la defcription; fi j'ai différé de la donner jufqu'à ce moment, c'étoit dans l'intention de la réferver pour la partie de l'Encyclopédie dont je fuis chargé ; mais cette raifon ceffe, puifque vous defirez de ne pas attendre jufques-là.

La perfonne qui a rendu ce ver en étoit tourmentée depuis environ quatre mois, & c'eft à l'effer d'un purgatif qu'on a attribué fon expulfion par les felles; il donna encore quelques fignes de vie peu de tems après fa fortie, & des perfonnes très- dignes de foi nous certifièrent à moi & à M. le Comte de la Cepède, qu'il avoit contracté plufieurs fois fes mâchoires, & qu'ayant été mis à plufieurs reprifes dans de l'eau tiède, il fe plaçoit ordinairement fur le ventre, quelle que fût la fituation dans Jaquelle on l'y plongeoit.

Cependant ce ver n'étoit pas entier, & nous ne connoiffons que Pextrémité antérieure de fon corps.

[ocr errors]

La longueur totale de ce tronçon eft de trois pouces, & fa groffeur eft celle d'une plume à écrire; fa forme n'eft pas exactement cylindrique, mais légèrement comprimée fur les côtés; la rêre qui eft placée au bout antérieur eft encore plus comprimée que le refte du corps, & paroir en même-tems avoir une confiftance plus ferme : elle eft terminée par deux mâchoires fendues tranfverfalement, dont la fupérieure eft légèrement

crochue; leur ouverture eft d'environ une ligne un tiers. Un peu audeffus de l'angle de la mâchoire il y a de chaque côté deux enfoncemens très-marqués, qui correfpondent à la place naturelle des yeux dans les animaux plus parfaits; il paroît même dans celui du côté gauche un point fphérique, qu'on n'apperçoit pas fur l'autre, qui favorife fingu lièrement l'hypothèse des yeux. En préfentant la tête de cet animal à la lumière d'une bougie on diftingue la clarté à travers ces deux points: ce qui vient de ce que la tête étant très-comprimée, elle a encore moins d'épaiffeur dans le fond de ces cavités. A trois lignes de l'angle de la mâchoire, il y a de chaque côté & près du fommet de la tête une ftigmate longitudinale très marquée qui repréfente en quelque manière les ouïes de quelques poiffons, autant par la place que ces ftigmates occupent que par leur forme. Sur le haut de la tête & un peu en avant des ftigmates ce ver a un petit filet cutacé fendu au bout, que j'ai reconnu en l'examinant avec attention avoir été produit par une écorchure qui a déchiré & foulevé la peau dans cet endroit.

Le bout inférieur de cet animal fingulier paroît fendu en deux parties; mais il s'en faut de beaucoup que ce foit-là fa véritable queue, ainsi qu'on l'avoit cru; il eft plus vraisemblable que ce font les boyaux & autres vifcères intérieurs qui s'étant échappés par l'ouverture du tronçon forment cette fingulière bifurcation. Ce qui me porte à le croire, c'eft que le corps a une confiftance plus ferme & une couleur différente de celle des vifcères qui pendent deffous; la couleur du corps eft rougeâtre, tandis que celle des vifcères eft d'un blanc tirant fur le gris: la fubftance du corps étant compacte & homogène, celle des vifcères étant au contraire véhiculeufe & tendineufe, je puis donc conclure avec quelque certitude que nous ne connoiffons de ce ver fingulier que le bout antérieur de fon corps, lequel, à en juger par la groffeur du tronçon, paroît devoir atteindre la longueur du lombric terreftre.

Vous jugerez d'après ce que je viens d'avoir l'honneur de vous dire que cet animal s'éloigne par la forme & l'organisation de fa tête de toutes les efpèces de vers inteftins connus, & qu'il paroît même s'éloigner auffi de cette claffe d'animaux par la ftructure de fon corps qui eft fimple & homogène, tandis que celui des vers inteftins eft ordinairement formé de fegmens annulaires. J'ai trouvé cependant dans le fecond tome des Amanitat. Acad. Linn. pag. 88, la figure du tænia des anciens Auteurs, dont Linneus nie, avec raifon, l'existence telle qu'elle eft représentée, dont la tête a beaucoup d'analogie avec celle de notre animal; fa forme eft à-peu-près la même: on y voit une bouche placée dans la même fituation, quoique moins fendue, les points des yeux, & les ftigmates des côtés: il eft vrai que le refte du corps eft très-différent, puifqu'il eft organifé comme celui du tænia & formé de fegmens applatis; mais il eft très-vraisemblable que dans un tems où l'art de l'observation n'étoit pas

« PreviousContinue »