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que

rulent découvrent de toutes parts. Les filons les plus riches font dans le quartier qu'on appelle Lafrau. On y apperçoit des petites veines d'un ou deux pouces de diamètre, formées par des prifmes de manganèse prefque toujours hexaëdres; leur arrangement eft exactement le même celui des colonnes balaftiques ; & fi l'arrangement fymmétrique de ces dernières a obtenu de la part des Naturaliftes le nom de Chauffée des géants, la difpofition de ces prifmes de manganèfe, mérite tout au plus celui de Chauffée des pigmées. On y apperçoit encore des veines plus larges d'une espèce de manganèfe pulverulente très-noire & d'une fineffe extrême; on trouve dans celle-ci des boules de ce minéral très-dures, formées par la réunion de plufieurs rayons qui, comme dans la pyrite globuleufe, vont de la circonférence au centre. On y diftingue encore des noyaux d'ochre jaune très-pure, ce qui confirme que le fer eft prefque inféparable de ces efpèces de mine.

L'exploitation de cette mine n'eft point difficile ; elle fe préfente au bas d'une montagne plantée en châtaigner, où le terrein n'eft point précieux; la nature du granit, pulvérulent même dans la profondeur, exclut l'ufage de la poudre; la difpofition des lieux ne néceffite ni excavation ni travail perdu; la direction des filons eft horifontale, & on ne doit craindre aucun inconvénient de la part des eaux; en outre la charrette vient charger fur la mine elle-même; il eft difficile par conféquent de trouver une pofition plus heureuse.

On apperçoit dans ces montagnes de granit, fur-tout près du Ruiffeau de l'Hermite, d'autres veines de manganèfe qui coupent le granit en divers fens, & accompagnent prefque par-tour des couches minces d'un kaolin grisâtre, dont j'ai fait faire les effais les plus heureux pour la compofition de la porcelaine; mais ce kaolin ne m'a pas paru affez abondant pour engager à une exploitation avantageufe.

Tel eft l'expofé fidèle que je puis vous donner fur cette mine de manganèfe: tour m'annonce que cette découverte ne peut qu'être avantageufe; la nature d'un terrein généralement imprégné de ce minéral me fait croire que cette mine fera abondante; la qualité m'en paroît d'ailleurs excellente d'après des expériences que j'ai faites à ce fujet je vous en envoie une quantité fuffifante pour pouvoir en juger par vous

même.

J'ai l'honneur d'être, &c.

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MÉMOIRE

Relatif à la formation des corps, par la fimple aggrégation de la matière organisée;

Par M. REYNIER.

J'AI déjà, dans des Mémoires antérieurs à celui-ci, cherché à établir deux propofitions, qui me paroiffent vraies, & dont la démonftration doit avoir la plus grande influence fur nos connoiffances de la nature des êtres organifés: l'une eft que les êtres organifés peuvent fe reproduire par des graines fécondes, fans le concours des fexes; la feconde, que ces êtres peuvent fe former par la fimple aggrégation de la matière organifée. Quoique j'aie donné plufieurs preuves en faveur de ces deux principes, celle qui eft le fujet de ce Mémoire ne me paroît pas inutile: on ne peut trop multiplier les faits qui les prouvent, puifque leur vérité entraîne néceffairement la chûte du fyftême de MM. Bonner, Spallanzani, &c. Car, dès que l'aggrégation fortuite des molécules fimilaires produit des formes & des corps déterminés, leurs germes ne préexistoient pas, il peut s'en former journellement des nouveaux; & tout le fyftême de ces favans fe détruit."

D'autres faits m'avoient déjà paru contraires à l'emboîtement des germes, & le détruire d'une manière très-complette: la formation des mulets, & celle des nouvelles efpèces, ainfi que la dépendance où les êtres organifés font du climat, étoit difficile à concevoir en admettant des germes exiftans depuis la naiffance de l'univers. Dans l'acte de la fécondation, le mâle, ou l'organe des végétaux qui en fait les fonctions, modifie feulement le germe qu'il développe & ne peut agir fur tous les autres germes fucceffits: dès-lors ce mulet, étant fécond, ne devroit produire que des individus femblables à la femelle qui lui a donné l'être, au lieu qu'il en produit de femblables à lui. Cette difcuffion étant acceffoire au fujet du Mémoire, il eft, je crois, inutile de la pouffer plus

loin.

Comme les exemples que j'ai donnés, pour prouver la formation des êtres organifés par la juxta-pofition de la matière organifée, peuvent en toute rigueur être fujets à quelques objections, j'ai cru néceffaire d'en offrir un plus convaincant, que m'a fourni depuis peu la clavaire des infectes. Je ferai fuivre quelques difcuffions relatives à ce fait & les déductions que je crois pouvoir en tirer, après avoir donné la description de cette plante.

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La Clavaire des infedes (a), Planche I, fig. 4, de grandeur naturelle avec la crifalide dont elle fort (Fig. 5) vu à la loupe.

Cette clavaire eft haute d'un pouce au plus: elle eft mince vers le bas; mais elle s'épaiffit infenfiblement, jufqu'à fon extrémité supérieure qui a un diamètre double ou environ: fa chair eft molle & caflante, mais plus ou moins élaftique; elle ne préfente aucune fibre bien marquée lorfqu'on la rompt. Cette plante eft d'une couleur de fafran, plus foncée à la partie fupérieure, mais avec des reflets orangés vers fa bale: toute fa partie fupérieure eft couverte de petires afpérités, qui lui donnent l'apparence d'une lime; Linné, qui voyoit en grand toutes les petites chofes, la compare à une maffue garnie de nœuds; de-là le nom de militaire qu'il lui donne. Ces afpérités, vues avec une forte loupe, paroiffent de petits cones, fort pointus, durs & luifans comme de la corne à leur fommet, & relevés de quelques côtes peu marquées. J'en ai détaché quelques-uns, pour un ufage dont je parlerai plus bas : ils étoient applatis, & fimplement adhérens à la furface de la clavaire; mais ce qui eft fingulier, c'eft qu'ils avoient un rétréciflement confidérable en-dessous, de forte qu'ils ne touchoient le corps de la clavaire que par une très-petite partie de leur base.

Cette clavaire croît, fuivant les Auteurs qui l'ont décrite, dans les bois & les tourbières : je l'ai trouvée fur une crifalide, & tout me porte à croire, qu'elle y naît toujours, & que ces Botaniftes, s'étant bornés à l'arracher, l'ont féparée de l'infecte dont elle fortoit. Plufieurs obfervations, que j'ai faites depuis quelques années, non-feulement fur les clavaires connues, mais aufli fur des espèces nouvelles dont je donnerai la defcription, me prouvent qu'elles ne fe développent que fur les réfidus. des êtres organifés, & même que leur forme eft une fuite des matières qui les ont produites: j'étendrai cette idée dans un autre Mémoire.

Ayant trouvé, l'automne paffée, deux individus de la clavaire des infectes, au pied d'une haye qui bordoit une tourbière, près du village de Scherpenzeel en Gueldre; je crus l'occafion favorable pour examiner, avec foin, la manière dont elle fe forme. La clavaire perce la coque de poils & la crifalide, & fort immédiatement du corps de la chenille: on voit diftinctement que les deux enveloppes ont été ouvertes par ce corps, & que la déchirure s'eft faite au moment, & à mefure, que la plante s'eft

(1) Clavaria militaris Linn. Ed. Reinh. P. 4, pag. 620. Clavaria militaris crocea Vaill. Bot. Par. T. 7, f. 4. Cette plante paroit auffi avoir beaucoup d'analogie avec la clavaire, nommée ici improprement mouche végétale d'Amériques & avec celle nommée mouche végétale d'Europe, décrite dans le Journ. de Phyf aoút 1771, Pl. 2, fig、 5, 6, qui eft le même que la Clavaria 2204, Hall, S. Hele.

développée : cette circonftance étoit trop effentielle, pour que j'aie négligé de m'en affurer. Car fi la clavaire avoit été fimplement adhérente aux coques, on auroit pu foupçonner, que fa graine avoit été portée par les vents, ou par quelqu'animal, & dépofée fur cette crifalide; mais puifqu'elle les perçoit, & fortoit du corps même de la chenille, cette fuppofition ne peut avoir lieu.

Dès qu'on admet, que tout corps organifé naît d'un germe, il faut, dans ce cas-ci, ou que le germe ait pénétré la coque & la crifalide, ou qu'il exiftât dans le corps de la chenille avant la métamorphofe. La première de ces deux fuppofitions tombe d'elle-même, puifque les enveloppes n'ont aucune ouverture, & qu'on ne peut raisonnablement. accorder à ce germe la force de les ouvrir. La feconde n'eft pas mieux fondée; car comment un germe abforbé par la chenille auroit-il pu se conferver fain dans fon eftomac, & remonter enfuite dans la tête pour s'y développer: fi on obferve quelquefois des graines, qui paffent dans l'eftomac des animaux fans fe détériorer, c'eft qu'une enveloppe coriace ou ligneufe les garantit de l'action diffolvante des fucs gaftriques; mais eft-il vraisemblable que la graine d'une clavaire foit couverte d'une telle enveloppe. D'ailleurs, cette prétendue graine a jufqu'à préfent échappé aux recherches des Botaniftes les plus exacts. On ne peut fuppofer que la clavaire des infectes, que j'ai observée, doit fon origine à des graines, que de ces deux manières, qui toutes deux font également deftituées de vraisemblance, & qui ne peuvent être admifes qu'au moyen d'une multitude de fuppofitions gratuites. Mais des fuppofitions trop multipliées, ou qui exigent le concours de circonftances difficiles à réunir & même du hafard, au lieu d'éclaircir l'étude de la nature, la couvrent de nuages & d'incertitudes. La clavaire des infectes tire donc fon origine du corps mème de la chenille, & cette vérité, que la juxta-pofition de la matière organifée produit des êtres, déjà prouvée par mille faits, l'est ici avec la dernière évidence. Un coup-d'œil, fur la nature de la matière organisée & de ce qui la conftitue, doit précéder tout autre détail.

Le défaut de mot propre m'a engagé à me fervir du terme de matière organifée, pour exprimer la matière qui conftitue les êtres organifés. Elle fe nuance de plufieurs manières, fuivant les proportions de fes conftituans, & fuivant qu'elle a plus ou moins été élaborée par le travail de la vie; car, le mucilage, la gelée, la limphe, la partie fibreuse du fang, & la matière glutineufe, ne font que différentes gradations de cette même substance. Lorfque les organes abforbans des êtres ont faifi quelque molécule analogue à leur nature, ou qu'ils ont réuni & combiné les divers élémens: cette matière s'élabore, leur devient fimilaire, & prend une forme, ou une tendance à la recevoir, qui lui eft imprimée par le moule intérieur; ou elie fe loge dans les mailles vuides, & fert à la réparation de cet être ; ou elle lui eft furabondante, & devient la fource de fa réproduction ; ou

enfin,

1

enfin, elle forme des parties acceffoires, comme les épines, les poils, &c. toujours plus abondantes vers les organes de la génération, parce que les molécules fuperflues s'y précipitent. Ainfi la matière organifée ne fe prépare qu'avec lenteur, & n'acquiert qu'après plufieurs nuances fon degré de perfection: le mucilage paroît en être le premier état; il est le plus abondant dans les productions les plus fimples, comme les végétaux: la matière glutineufe paroît être l'extrême oppofé, & fe trouve plus abondamment dans le régne animal, quoiqu'on l'ait auffi reconnue dans les plantes: il ne paroît cependant pas probable qu'elle s'y forme uniquement, comme M. Van-Bochaute le fuppofe (1), & que les animaux la féparent des alimens qu'ils prennent: j'admettrois plus volontiers, que les animaux, outre le gluten des végétaux qu'ils s'affimilent, donnent au mucilage le caractère de gluten par le travail de leur organisation.

&

Il eft vraisemblable que la différence entre les modifications de la matière organifée, n'exifte que dans la quantité de feu qu'elles contiennent, que le travail de l'organisation ne la modifie que de cette manière puifque le gluten abonde dans le règne animal, & ne fe trouve qu'en petite quantité dans le végétal. Tout nous démontre la furabondance, l'excès même de feu dans les aniniaux ; l'alkali volatil & l'acide phofphorique comparés à la foude & aux acides végétaux, l'acte de la vie animale comparé à celui de la vie végétale, donnent un degré de vraisemblance à cette idée. En effet, la vie animale fe décharge, par l'acte de la refpiration, d'une partie de feu qui lui feroit nuifible; au lieu que la feconde abforbe les airs impurs, & les purifie; or, les airs impurs ne doivent leur. viciation, qu'à la préfence de cet élément (2). Ainfi toutes les inductions & les probabilités démontrent que le mucilage ne paffe à l'état de gluten, que par fa combinaison avec une nouvelle portion de feu.

la

Tous ces détails, qui paroiffent, au premier coup d'œil, étrangers au fujet du Mémoire, étoient indifpenfables pour expliquer comment la clavaire des infectes peut en tirer fon origine. Mais dès qu'il est démontré que matière animale & la végétale font de même nature, cette plante n'ayant putirer fon origine d'aucun germe extérieur, il peut être facile de concevoir La formation..

La clavaire des infectes ne naît que fur le corps des animaux privés de la vie, & par conféquent, dans le tems où ils commencent à fubir la fermentation putride. Or, comme toute fermentation ne s'opère que par le dégagement d'une partie du feu effentiel de la substance (3) ; & comme

(1) Journal de Phyfique, février 1786..

(2) Voy. le troifième Livre de mon Traité du Feu, où je donne une théorie des

airs.

(3) a J'ai mis un morceau de chair de bœuf, qui avoit déjà un commencement de putréfaction, fous une cloche pleine d'air pur. L'air a bientôt été diminué. L'eau

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