Page images
PDF
EPUB

portion j'y ai fait paffer de l'air pur; il n'y a également point eu d'abforption. Ainfi l'air pur & l'air nitreux avoient donc été entièrement altérés, & changés en air phlogiftiqué.

2°. De l'air phlogistiqué par le charbon, dont une mefure essayée avec une d'air nitreux avoit donné un réfidu de 1,97, agité long-tems dans de l'eau diftillée, & qui avoit bien bouilli, effayé de nouveau avec l'air nitreux, donna pour réfidu 1,62. Il avoit donc été beaucoup amélioré. 3°. Mais pour porter plus de précifion dans cette expérience, j'ai faturé d'air nitreux une portion d'air atmosphérique. J'ai introduit deux pouces cubiques de cet air dans un flacon contenant deux pintes d'eau distillée & qui avoit bien bouilli. Je l'ai agité pendant plufieurs heures : j'en ai enfuite introduit une mesure dans l'eudiomèrre & deux d'air nitreux. Il y a eu une abforption confidérable, & les trois mefures ont été réduites à 2,55. J'ai fait paffer une feconde mefure d'air nitreux; mais il n'y a point eu d'abforption.

4°. J'ai pris deux mefures de l'air inflammable retiré du fer & de l'acide vitriolique, & qui brûlés dans l'eudiomètre de Volta avec une mefure d'air pur avoient donné pour réfidu 0,28. J'en ai fait paffer dans un grand flacon plein d'eau, & je l'ai tenu ainfi deux mois. Je l'ai enfuite effayé de nouveau avec l'eudiomètre de Volta, en faifant détoner deux mefures d'air inflammable & une d'air pur. J'ai eu pour réfidu 0,67: 0,62: 0,60 dans différentes expériences.

5°. J'ai mis une once de limaille d'acier bien pure avec un gros de fleur de foufre dans une cornue de la contenance d'une pinte; l'ayant remplie d'eau, j'y ai enfuite fait paffer de l'air pur retiré, du précipité rouge, au point que toute l'eau étoit fortie de la cornue. J'ai laiffé le bec de la cornue dans l'eau. Peu-à-peu l'eau s'eft abforbée; enfin, il n'eft refte qu'environ un quart de l'air au bout d'un mois.

J'ai fait paffer dans l'eudiomètre une mesure de cet air & trois mefures de bon air nitreux. Les quatre mefures ont été réduites à 1,65 une fois & 1,68 une autre. J'ai enfuite effayé d'enflammer le réfidu; mais il a éteint la bougie.

J'avois effayé cet air pur avant que de l'avoir mis dans la cornue. Une mesure de cet air & trois d'air nitreux étoient réduites à 0,30. Cet air avoit donc été fingulièrement vicié par le mêlange.

Toutes ces expériences, dont j'ai un grand nombre que je publierai par la fuite, prouvent, 1o. que l'air pur fe vicie & fe change en air phlogistiqué; 2°. que l'air inflammable fe vicie & fe change en air phlogiftiqué; 3°. que l'air phlogiftiqué s'améliore & fe change en air pur, & qu'ainfi ces airs ne font que des modifications les uns des autres.

On a dit dans la nouvelle doctrine que l'air inflammable & l'air pur mêlés s'absorboient & fe changeoient en eau comme par la combuftion. J'ai mêlé en conféquence deux mefures d'air inflammable retiré du fer &

de l'acide vitriolique, & une d'air pur retiré du précipité rouge, le tout à l'appareil au mercure. Je les ai mis dans un flacon bien defléché & rempli de mercure. Au bout d'un mois, il y a eu une légère abforption; mais il n'a point paru d'eau dans le flacon.

J'ai enfuite fait détoner ces deux airs dans l'eudiomètre de Volta: le réfidu de trois mefures a été 0,35, tandis qu'auparavant le mêlange il avoit été 0,24

Si l'air pur & l'air inflammable ne font que des modifications l'un de l'autre, comment leur combuftion pourroit-elle produire de l'eau? à moins qu'on ne dife avec M. de Volta que ces airs eux-mêmes ne font que de l'eau unie à d'autres principes. L'air pur, fuivant lui, n'est que de l'eau unie au principe de la chaleur, & l'air inflammable l'eau unie au phlogistique. Mais l'eau en vapeurs, fur-tout à l'état d'incandescence, eft de l'eau unie à la matière de la chaleur, & n'eft point de l'air pur. Il paroît donc que l'air eft une de ces fubftances dites élémentaires pour nous, qu'il contient en diffolution une très-grande quantité d'eau, laquelle il abandonne lorfqu'il fe combine; que dans la combuftion de l'air de l'air inflammable ces airs fe combinent pour former de nouveaux compolés, & que l'eau qui leur étoit adhérente fe dégage. La grande quantité de la matière du feu que contiennent ces airs, fur-tout l'air inflammable, peut faire concevoir comment avec autant d'eau ils ont néanmoins fi peu de poids.

pur &

Quand j'appelle fubftances élémentaires le feu, l'eau & l'air, je ne veux pas dire que nous les obtenions dans cet état de fimplicité. L'eau & l'air font toujours unis avec une très-grande quantité de feu. L'eau contient toujours beaucoup d'air & l'air beaucoup d'eau. Peut-être même que l'air & l'eau ne peuvent pas être l'un fans l'autre, ni fans le feu; de même que le feu n'eft peut-être jamais fans air, peut-être même fans eau. Mais, comme l'art manque d'inftrumens pour arriver à ces dernières combinai fons, l'expérience ne peut plus nous conduire. Ainfi il ne refte plus que la voie du raifonnement: voici ceux qui me déterminent. L'eau liquide au point de la congelation, contient beaucoup moins de feu qu'à l'inftant qui précède l'ébullition, & elle n'eft pas moins eau dans un cas que dans un autre. L'air pur expofé au froid le plus vif, contient moins de feu que lorsqu'il l'eft à une grande chaleur, & cependant il n'eft pas moins air. Cet air dépouillé d'humidité, autant que l'on peut, n'ett pas moins air, que lorfqu'il en eft très - chargé. L'eau dont on a dégagé tout l'air que l'art peut lui enlever, n'en eft pas moins eau qu'auparavant; de mêine que le mercure rendu folide par le froid, ou le mercure liquide, ou le mercure réduit en vapeurs par un affez grand degré de chaleur, eft toujours du mercure. Ainfi, en fuppofant le feu, l'air & l'eau dépouillés de tout autre corps, nous les aurions dans cet état de fimplicité que j'appelle fubftances élémentaires. Certainement ils ne font jamais dans cet état de

fimplicité. Mais on fait cette fuppofition pour les autres corps. Par exemple, on dir: le mercure dépouillé de tout autre corps eft du mercure pur, quoiqu'on fache bien que le mercure contient toujours une plus ou moins grande quantité de teu ou de chaleur. Ainfi j'appelle également le feu l'air & l'eau, fubftances fimples, en les fuppofant dépouillés de tout autre corps. Au refte, je ne tiens nullement au mot fubftances élémentaires. Il me fuffit d'avoir dit ce que j'entends par ce terme des compofés, , que pulle expérience ne me paroît prouver jufques ici fe décompoJer, en avouant néanmoins que ces corps font toujours unis les uns avec les autres.

Quant à la terre, je n'ofe encore m'expliquer. Plus nous faifons de progrès dans l'analyfe, plus s'étendent nos notions fur cette substance; car, I. fi tous les métaux (où on admettoit autrefois beaucoup de terres) ne font que des acides, comme il paroît, & que ces acides ne foient compofés que d'air, d'eau & de feu, ou que ces métaux foient des élémens eux-mêmes, nous ne pouvons plus y admettre d'élémens terreux, II. Si la terre pefante eft une terre métallique, comme tout paroît le prouver, elle va encore rentrer dans cette claffe.

III. La terre calcaire ne peut guère non plus être regardée comme élément: car 1°. elle a beaucoup de rapports avec la terre pefante, qui, comme nous avons vu, ne paroît point élément. 2°. Elle fe rapproche encore davantage des alkalis par fa caufticité, fa qualité de verdir fes fucs, &c. Or, les alkalis volatils paroiffent compofés d'air, d'eau & de feu, puifqu'on peut les réduire totalement en fubftances aériformes, & les alhalis fixes paroiffent pouvoir paffer à l'état d'alkalis volatils. 3°. La terre végétale eft une terre calcaire & elle paroît fe produire dans la végétation, par exemple, dans les plantes que l'on élève avec l'eau diftillée.

IV. La magnéfie eft dans le même cas que la terre calcaire, & paroît fe compofer journellement dans les nitrières & dans les végétaux.

V. Le diamant fe confume tout par la combuftion, & cette combuftion donne fans doute un nouvel être, un nouvel acide, que j'appelerai acide adamantin, mais qu'il n'a pas encore été poffible de contenir faute d'inftrumens pour opérer cette combuftion.

VI. Les terres filiceufes & argileufes nous font encore plus inconnues. Mais nous voyons le filex fe décompofer par l'action de l'air, & paffer à l'état d'argile & de marne. Ce qui a fait croire à beaucoup de favans que la terre élémentaire étoit la terre calcaire : & fi cette terre calcaire, comme nous venons de le voir, a tant de rapports avec les alkalis, en qui on ne peut guère reconnoître que des airs, de l'eau & du feu, dès-lors nous ne pourrions plus affurer qu'il exiftât un élément terreux.

Je ne dirai pas avec le célèbre Schéele que toutes les terres font des acides, puifqu'il n'y auroit que les terres métalliques qui feroient acides: mais je foupçonnerai que ce que nous appelons terres ne font que des

compofés, dont les uns font acides, & les autres fe rapprochent davantage des alkalis. Au refte, comme je l'ai dit ailleurs, les acides & les alkalis ont les plus grands rapports. C'eft à l'expérience à confirmer ou à détruire ces apperçus. Sans doute de nouveaux travaux répandront quelques lumières fur tous ces objets.

Fautes effentielles à corriger.

Page 4, lign. 8, Aftrologie, lifez: Aftronomie.

Page 15, lign. 15, M. Darca, lifez: M. d'Arceau.

Page 16, lign. 37, & page 22', lign. 20, quarante-cinq pieds, lifez: foixante pieds.

LETTRE

DE M. DE MORVE AU,
A M. DE LA MÉTHERIE:

Sur une Table fynoptique des parties conftituantes de quelques fubftances principales, fuivant toutes les hypothefes.

MONSIEUR,

J'ai l'honneur de vous envoyer la Table fynoptique, Planche II, que vous me témoignez défirer d'après ce que je vous en ai dit dans ma dernière Lettre; l'idée m'en eft venue pendant le dernier cours que j'ai fait au laboratoire de l'Académie de Dijon; comme mon but & celui de mes Confreres étoit moins de commander une opinion & de faire des fectateurs, que de mettre nos auditeurs en état de fe faire à eux-mêmes leur fyftême, nous étions obligés, prefqu'à chaque fait un peu important, de ramener fept ou huit hypothèfes qui fourniffent des explications différentes, & j'avois remarqué que ceux mêmes qui étoient déjà avancés dans l'étude de la Chimie, avoient peine à fe retracer à chaque fois ces diverfes féries analytiques; j'imaginai pour lors de les mettre fous leurs yeux par des emblêmes, à la manière de l'illuftre Bergman, & je compofai ce Tableau qui fut placé le lendemain au laboratoire. Lorfque nous arrivâmes pour la féance, on en avoit déjà faitì l'objet, au point de nous difpenfer d'en donner l'explication, & d'en indiquer l'ufage. En etfet, il fuffit de favoir 1°. que le même ligne répété après le crochet exprime que la fubftance qu'il repréfente eft, dans le fyftême dont il s'agit, réputée fimple ou du moins élément chimique jufqu'à préfent nondécompofé; 2°. que les fignes différens enfermés dans ce crochet indiquent les parties conftituantes de la fubftance représentée par le figne qui

eft à gauche du crochet & qui fe trouve nommé dans la cafe fupérieure. L'ufage que nous avons toujours fait des emblêmes de M. Bergman avoit préparé à l'intelligence de ce Tableau; d'ailleurs les fignes font ici en fi petit nombre, qu'il ne peut être embarraffant de les diftinguer, après avoir lu une feule fois l'explication qui eft dans le bas du Tableau, J'aurois pu comprendre dans ce Tableau un plus grand nombre de fubftances; mais mon objet étoit principalement qu'on pût en faifir l'enfemble d'un coup d'œil, & y retrouver fur le champ ce qu'on défiroit; il falloit pour cela le réduire à ce qui eft le plus effentiel. Quand on connoîtra bien les fyftêmes de compofition des onze fubftances nommées dans la premiere colonne horisontale, on n'aura pas grande peine à fuppléer le refte qui n'en eft, pour ainsi dire, que le développement conféquemment à l'opinion établie.

Je fuis fort éloigné de penfer que même dans le nombre de divisions qu'il comprend, ce Tableau foit auffi parfair qu'il peut l'être; quelquesuns des auteurs dont j'y expofe la doctrine, trouveront peut-être quelques changemens à faire, ou parce qu'ils auront corrigé depuis quelques parties de leurs fyftêmes, d'après des faits nouveaux, ou parce que j'aurai fuppléé, contre leur véritable opinion, ce qu'ils n'auront pas traité ex profeffo; mais tout cela prouve encore l'utilité de ce Tableau & la néceffité de le projetter d'abord en forme d'effai, pour parvenir à le perfectionner. Cette manière de rendre la fcience facilement acceffible, me paroît aujourd'hui du goût de tout le monde, & s'il y a un cas où elle puiffe devenir avantageuse, c'est affurément celui où nous nous trouvons par la multiplicité des vues théoriques que nous offrent les découvertes modernes.

Voilà, Monfieur, ce qui m'engage à vous communiquer ce Tableau tel qu'il a été compofé pour le befoin du moment, & fans y retoucher quoique le dernier volume que M. Priestley vient de publier à Birmin gham eût pu me fournir une nouvelle colonne bien intéressante; mais cela auroit exigé plus de temps que je n'en pouvois donner actuellement à ce travail. Je crois devoir vous prévenir que la doctrine de Scheele, un peu differente de ce que l'on en connoit par fes ouvrages traduits, a été prife dans les derniers écrits qu'il a publiés dans les Annales de M. Crell, Je Luis, &c,

« PreviousContinue »