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Dans les nitrières artificielles nous voyons fe produire par le concours de l'air atmosphérique & de l'air putride, 1°. l'acide nitreux, 2°. l'acide marin, 3°. l'acide vitriolique, 4°. & 5. les deux alkalis fixes, & 6o. vraisemblablement la magnéfie; dans les plantes il fe produit les trois acides minéraux, les deux alkalis fixes, l'acide phofphorique (chez les cruciferes) le foufre, du fer, de l'or, de la manganèfe, &c. Ainfi on retrouve dans ces opérations de la nature une partie des fubftances qu'on regarde comme élémentaires; favoir, 1°. le foufre bafe de l'acide vitriolique, 2°. le phofphore bafe de l'acide phofphorique, 3°. le principe muriatique bafe de l'acide marin, 4°. & 5o. les deux principes des alkalis fixes, 6°. le fer, 7°. l'or, 8°. la manganèfe, 9°. le charbon.

Or, d'où feroient venues ces fubftances élémentaires? Elles n'exiftent point dans l'air de l'atmosphère. Cela eft prouvé & avoué. On peut prendre des précautions pour s'affurer qu'elles ne fe trouvent point d ns les terres où on fera végéter les plantes. D'ailleurs, on n'a qu'à les élever dans l'eau pure ou même de l'eau diftillée, comme j'ai fait. On peut auffi s'affuret que ces fubftances regardées comme élémentaires n'exiftent point dans les terres expofées à la nitrification, ni dans l'air atmofphérique & l'air putride (excepté l'air fixe qui fe trouve dans l'air putride). Il faut donc convenir que toutes ces fubftances ne font point élémentaires, mais compofées de principes qui fervent à la végétation & à la nitrification; favoir, des différentes espèces d'air, du feu, de la lumière, de la matière de la chaleur, de l'eau, &c.

Quant à la matière charbonneuse, on pourroit dire qu'elle vient de l'air fixe qu'on a cru long-tems fe trouver dans l'air atmosphérique ; mais je n'y en ai jamais pu trouver. J'ai pris une grande cloche tubulée de la contenance de quatre pintes. J'y ai adapté un fiphon recourbé, qui plongevit dans un vafe où il y avoit demi-once d'eau de chaux; en plongeant la cloche dans une cuve pleine d'eau, j'ai fait paffer tout l'air à travers l'eau de chaux qui n'en a point été troublée. J'ai introduit dans la cloche un demi-pouce d'air fixe, c'eft-à-dire, environ de la masse totale, & j'ai répété l'expérience; l'eau de chaux a été troublée. M. Fontana a fait un grand nombre d'expériences qui lui ont donné les mênies

résultats.

D'ailleurs, j'ai voulu répéter les expériences qu'on apporte pour prouver que le charbon eft une fubftance élémentaire. Elles m'ont paru ni exactes ni concluantes. De l'efprit-de-vin mis dans une cornue & expofé au feu, s'évapore en entier fans laiffer de réfidu. Ce même efpritde-vin brûle fans donner de réfidu charbonneux. L'acide vitriolique peut auffi être diftillé fans avoir de réfidu ni de charbon. Mais fi on mêle cet efprit-de-vin & cet acide vitriolique & qu'on diftille ce mêlange, on obtient différens produits, particulièrement de l'éther, & on a un réfidu charbonneux très-fixe au feu. Qu'on brûle l'éther, on obtient auffi une

fuie ou réfidu charbonneux. Voilà donc du charbon obtenu de deux fubitances, d'où on ne pouvoit pas en tirer auparavant. Quel changement ont-elles éprouvé ? L'acide vitriolique s'eft combiné avec l'efpritde-vin pour former l'éther, & ces deux fubftances ont formé le charbon. Toutes les huiles mêlées avec les acides donnent de pareils réfidus

charbonneux.

Le charbon ordinaire n'eft également qu'un mêlange d'acide & d'huile, (qui ont réagi l'un fur l'autre par l'action du feu ) avec les terres, les fels & les fubftances métalliques qu'il contient ordinairement. Cet acide & cette huile contiennent beaucoup d'air inflammable, d'air fixe, d'air phlogistiqué, &c. qu'on retire en les diftillant feuls, ou lorfqu'ils font combinés dans le bois ou ailleurs. Quand on diftille le charbon dans les vaiffeaux fermés, une partie de cette huile & de cet acide qui s'y trouve encore eft décompofée, & fournit cette grande quantité d'air fixe, d'air inflammable, d'air phlogistiqué qu'on obtient. Mais enfin, lorfque le feu a été à une certaine violence, ces airs réfiftent à fon action dans les vaiffeaux fermés, comme l'air inflammable du foufre, du phosphore, des métaux, &c. l'air fixe du fer, du zinc, l'eau de criftallilation dans un grand nombre de fels, de pierres, &c. réfiftent à la plus grande action du feu. Le rubis, par exemple, expofé au plus grand feu conferve fa tranfparence, par conféquent fon eau de criftallifation, La même chose a lieu pour les airs que contient le charbon lorfqu'il a été exposé à un grand degré de feu,

Mais fi on le brûle avec le concours de l'air pur, il arrive pour lors la même chofe que dans la combuftion du foufre, du phofphore, des métaux dans ce même air pur, Le charbon eft détruit, on a de l'air fixe, de l'air phlogistiqué, & de l'eau comme avec la combuftion de l'air pur & de l'air inflammable. L'air pur a donc été ici absorbé en grande partie par fa combuftion avec l'air inflammable, d'où il eft résulté de l'eau & de l'air phlogiftiqué. Mais la portion d'acide & d'huile qui s'eft décomposée a fourni aufli de l'air phlogiftiqué & de l'air fixe. Ainfi une portion de ces airs fixe & phlogistiqué n'eft que dégagée, tandis qu'il y en à une autre de produite.

On retrouve donc dans cette analyfe du charbon, une portion d'air phlogistiqué, laquelle contrarie entièrement les idées qu'on s'eft formées fur cette fubftance, qui dans fa cornbuftion avec l'air pur ne devroit donner que de l'air fixe ou acide charbonneux, Comme cette expérience eft décifive, j'ai voulu la bien conftater,

1°. J'ai rempli une petite cornue de verre lutée, de charbon de hêtre bien fait. J'ai diftillé à l'appareil au mercure, ayant laiffé paffer une certaine quantité d'air, environ une pinte, qu'on pouvoit foupçonner mêlangé avec celui de la cornue, quoique très-petite, j'ai pris celui qui a faccédé, l'ai bien agité dans l'eau de chaux qui a été précipitée; trois

mefures introduites dans l'eudiomètre ont perdu 1,03 par cette agitation. J'en ai enfuite fait paffer une mesure dans l'eudiomètre de Volta avec une mefure d'air atmofphérique. L'étincelle électrique n'a pu l'enflammer. J'ai ajouté une feconde mesure d'air atmosphérique. La détonation s'eft faite, & les trois mesures ont donné pour réfidu 2,10 une fois & 2,06 une autre. Ces réfidus bien agités dans l'eau de chaux pour les dépouiller de la portion d'air fixe ont éré réduits, le premier à 2,05 & le fecond à 2,01. Une mefure d'air inflammable retiré récemment du fer & de l'acide vitriolique détonés avec deux d'air atmosphérique dans le même tems, donnèrent pour réfidu une fois 1,72 & une autre fois 1,70 (1). Cette différence dans les réfidus ne peut venir que d'une portion d'air phlogistiqué que contient l'air inflammable retiré du charbon.

Ayant laiffé paffer encore beaucoup d'air, j'effayai celui qui vint fur la fin au plus grand feu. Une mefure de cet air lavé dans l'eau de chaux détona avec une mesure d'air atmosphérique, ce qui indiquoit qu'il étoit plus par que le premier.

Ayant bien lavé dans l'eau de chaux cet air, qui a été diminué d'un tiers, & en ayant mêlé deux mefures avec une mefure d'air pur retiré du précipité rouge, le réfidu après la détonation a été une fois 0,70, & une autre fois 0,69. Ces réfidus agités de nouveau dans l'eau de chaux ont été réduits à 0,66 & 0,65. La détonation faite avec une mesure du même air pur & deux d'air inflammable tiré récemment du fer & de l'acide vitriolique, le réfidu a été une fois 0,26 & une autre 0,24. Ces expériences répétées plufieurs fois ont toujours donné des résultats approchans.

La cornue retirée du feu, j'en ai plongé le charbon dans l'eau diftillée, & l'ai mis auffi-tôt dans une autre cornue auffi petite que la première, qui a été auffi-tôt expofée au feu. Ayant laiffé paffer les premières portions d'air jufqu'à ce que tout l'air de la cornue fût cenfé être forti, j'ai fubftitué une autre cloche dont j'ai enfuite effayé l'air. Introduit dans l'eau de chaux il l'a précipité, & il n'a perdu que 0,19 de fon volume. Deux mefures détonées avec une d'air pur ont donné pour réfidu 0,77: 0,80, ce réfidu agité dans l'eau de chaux a été réduit à 0,73: 0,76. Une mefure du même air pur, & deux de l'air inflammable retiré du fer & de l'acide vitriolique avoient donné pour réfidu o 25. Plufieurs effais ont donné des réfultats analogues. On fait que les expériences eudiométriques préfentent toujours quelques variations.

Ces expériences, dont j'ai un grand nombre, & que j'ai répétées avec des cornues de grès, prouvent que l'air inflammable retiré du charbon contient, 1°. environ 0,33 d'air fixe; 2°. qu'il contient plus de 0,25 d'air

(1) Une mesure d'air atmosphérique ne peut pas faire détonner toute une mesure d'air inflammable; car ces deux mefures donnent pour réfidu 1,25, tandis que deux mefures d'air atmosphérique & une d'air inflammable ne donnent que 1,72 où 1,70.

1

phlogistiqué; 3°. que dans fa détonation avec l'air pur il eft produit environ 0,06 d'air fixe. Il eft vrai qu'il peut en être absorbé l'air au moment de la détonation.

par

Les cornues de verre caffées étoient à l'intérieur d'un très- beau noir & toutes bourfoufflées, quoique la furface intérieure n'eût pas fouffert.

3°. J'ai mis un de ces charbons fortis de la cornue & encore tout enflammé fous une cloche pleine d'air pur dans un bain de mercure. Le charbon a brûlé pendant un certain tems, & a fini par s'éteindre. Les vaiffeaux refroidis, il y avoit eu plus du tiers de l'air abforbé, & les parois de la cloche étoient un peu humides. Cet air lavé dans l'eau de chaux l'a précipité, & a été diminué de 0,36, quelquefois 0,50. Ceci dépend de la forme de la cloche. Lorfqu'elle eft étroite & allongée, l'air fixe produit retombant fur le charbon l'éteint avant que tout l'air pur foit confumé. J'en ai mêlé une mefure avec trois de bon air nitreux, dans une grande cloche, & puis introduit dans l'eudiomètre. Les réfidus dans différentes expériences ont été 2,10: 1,46: 1,34: 1,27. Ceci dépend de la quantité d'air pur qui n'a pas été confumé par la forme du vaiffeau, tandis qu'une mesure de ce même air pur & trois d'air nitreux on donné 0,28: 0,26.

J'ai fait détoner une mefure de ce même air pur où avoit brûlé le charbon avec deux mefures d'air inflammable retiré du fer & de l'acide vitriolique. Le réfidu a été 1,55 & 1,24. Ce même air inflammable & de l'air pur avoient donné 0,24.

Ces expériences, dont je puis certifier les réfultats, aux petites différences près que préfentent toujours les expériences eudiométriques, ain que les différentes espèces de charbon, & que j'ai répétées plufieurs fois, démontrent, 1°. que dans la combuftion du charbon avec l'air pur on n'obrient pas feulement de l'air fixe, mais encore beaucoup d'air phlogiftiqué; 2°. que dans la diftillation du charbon, foit feul, foit plongé dans l'eau diftillée, on obtient une certaine quantité d'air fixe, d'air phlogistiqué & beaucoup d'air inflammable, Cependant l'eau dans la nouvelle théorie étant compofée de 0,87 d'air pur, & de 0,13 d'air inflammable, & l'air fixe de 0,72 d'air pur, & de 0,28 de charbon, on devroit avoir dans la diftillation du charbon plus d'air fixe d'air inflammable.

que

Mais l'air phlogifiqué qu'on obtient en fi grande quantité du charbon, foit dans fa diftillation, foit dans fa combuftion avec l'air pur, ne peut nullement fe concilier avec la nouvelle théorie. Car il ne fauroit venir de la décompofition de l'eau, qui dans ces principes ne contient que de l'air inflammable & de l'air pur; ni de celle du charbon, qui eft regardée comme fubftance élémentaire. Cet air phlogiftiqué obligera donc encore à une nouvelle modification dans la doctrine, comme l'air fixe retiré des

métaux

métaux a forcé de reconnoître du charbon ou un principe inflammable étranger dans ces fubftances,

Ces mêmes expériences prouveront démonftrativement, 1°. que ce n'eft point le charbon qui fe trouve dans l'acier, le fer, le zinc, &c. puifque ces métaux ne donnent point d'air phlogiftiqué, mais feulement de l'air inflammable mêlé d'air fixe; 2°. que le charbon ne fe trouve également pas dans les pierres calcaires, les mines fpathiques, &c. puifque ces fubftances ne donnent point d'air phlogistiqué.

J'ai diftillé dans une femblable cornue demi-once de bois de hêtre. J'ai eu, 1°. de l'eau, 2°. de l'acide, 3°. de l'huile, 4°. de l'air inflammable, de l'air fixe, & de l'air phlogistiqué. Cette huile & cet acide mis dans une autre cornue, ont donné de l'air fixe, de l'air inflammable & de l'air phlogistiqué. On ne fauroit donc douter que le charbon ou la fubftance charbonneuse n'est autre chofe qu'une portion d'huile & d'acide qui ont réagi l'un fur l'autre, & qui eft unie avec des terres, des fels & des parties métalliques.

La nature des différens charbons confirme encore ce que nous difons. Le charbon végétal brûle avec facilité, tandis que le charbon des fubftances animales, de la fubftance glutineufe, brûle difficilement, parce que l'acide du premier eft un acide végétal qui fe décompofe, & que le fecond contient de l'acide phofphorique qui eft fixe au feu. Le réfidu charbonneux de l'éther vitriolique eft auffi très-difficile à être incinéré, à cause de la fixité de l'acide vitriolique qu'il contient.

J'ai introduit du foufre & du phofphore fous des cloches pleines d'air pur au-deffus du mercure, & les ai enflammés par le moyen d'une verge de fer échauffée. La combuftion achevée, & l'air étant lavé dans l'eau j'ai effayé cet air avec l'air nitreux. Il s'eft trouvé à-peu-près auffi pur qu'auparavant.

D'après tout ce que nous venons de dire, on voit qu'il eft difficile de regarder le foufre, le phosphore, les métaux & le charbon, comme des fubftances élémentaires. Mais doit-on aufli mettre l'air inflammable & l'air phlogistiqué au nombre des élémens? Parmi les fubftances aériformes je ne regarde comme fubftance dite élémentaire que l'air Voici une partie des faits fur lefquels je me fonde,

pur.

1o. J'ai pris une mefure de cent parties d'air pur & trois mefures d'air nitreux, que j'ai mêlangé, fuivant la méthode de M. Ingen-Houfz, dans une grande cloche, en agitant promptement, puis faifant paffer le réfidu dans l'eudiomètre il n'eft refté que 0,28. Une mefure du même air pur & trois du même air nitreux introduits lentement dans le tube de l'eudiomètre, & n'étant point agités, après quarante huit heures de repos ont donné un réfidu de 0,80 J'ai partagé ce réfidu en deux portions: dans l'une j'y ai tait paffer de l'air nitreux, il n'y a point eu d'abforption; ce qui annonce que l'air pur avoir été entièrement dénaturé. Dans l'autre

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