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J'ai enfuite approché de la plante ces mêmes corps électrifés légèrement, en les tenant à une certaine distance. Les feuilles ont obéi doucement, & n'ont point tombé.

Enfin, ces mêmes corps électrifés fortement, en touchant les feuilles de la plante ou en étant approchés affez près, les ont fait tomber & fermer, comme fi on les avoit fecouées fortement.

Il paroît donc, qu'ainfi que l'a dit M. Ingen-Houfz, l'électricité n'agit fur la fenfitive que comme force mécanique,

De la Chimie. Nous avons vu que le Naturalifte fe borne à décrire les corps par leurs caractères extérieurs, & que le Phyficien cherche à reconnoître les loix des forces qui les animent & des mouvemens auxquels ils obéiffent: le Chimifte va plus loin encore. Il s'efforce par des analyfes favantes de découvrir les différens principes de ces corps. Telles font les lignes de démarcation de ces trois feiences. Le Philofophe qui veut pénétrer dans le fanctuaire de la nature doit les pofféder également

toutes trois.

La Chimie a auffi été enrichie de quelques faits nouveaux cette année. L'acide phofphorique que nous avons vu le retrouver dans la fidérite contenue dans le fer callant à froid & dans plufieurs mines de plomb, a encore été démontré dans beaucoup d'autres fubftances. M. Weftrumb a prouvé qu'il fe trouvoit dans le bleu de Pruffe & l'alkali phlogistiqué, dont il a toujours retiré de la fidérite.

M. Van-Bochaute avoit prouvé que le même acide phosphorique fe retrouvoit toujours dans la fubftance animale, c'eft-à-dire, la partie glutineufe des végétaux & les fubftances animales. M. Berthollet a confirmé ces expériences, & a de plus fait voir qu'il le trouvoit souvent à nud dans l'urine & dans la fueur.

M. Margraf l'avoit auffi retiré des plantes cruciferes. Ainfi voilà donc l'acide phofphorique qui fe retrouve dans un grand nombre de fubftances.

Mais cet acide appartient-il exclufivement aux êtres organifés comme on l'avoit cru autrefois? Et tout celui qu'on retire du règne minéral viendroit-il primitivement des autres règnes? Il eft certain que dans cette quantité de débris d'êtres organifés que l'on rencontre dans les terreins calcaires, il doit y avoir une grande quantité d'acide phosphorique qui par conféquent porrra s'unir au fer, au plomb & aux autres corps. D'un autre côté on ne peut guère douter qu'il ne fe reproduife journellement chez les êtres organifes. Ainfi il fe pourroit bien que celui qui exift: dans les minéraux y eût été apporté. Il fe peut cependant auffi qu'il y en ait eu de produit.

M. Schéele, dont la Chimie ne fauroit trop regretter la perte, a prouvé que l'acide d'ofeille étoit le même que l'acide faccharin, & qu'il fe trouvoit dans un grand nombre de végétaux. Il a trouvé un nouvel acide dans les fruits, que M. de Morveau a appelé malufien, parce

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qu'on le retire plus abondamment des pommes. M. Schéele a auffi retiré de la rhubarbe & de plufieurs autres végétaux une terre particulière qui eft un fel.

M. de Laumont a apporté des Pyrénées une nouvelle espèce de noix de galle très-groffe, qui paroît pouvoir remplacer celle du Levant. Il l'a recueillie dans la Navarre & le Béarn fur les branches d'un chêne blanc, nommé tauffin, à feuilles velues en deffous, fouvent profondément découpées. Ce chêne a la propriété de repouffer des rejets fur racines loin de fa fouche.

La platine que M. le Blond nous a appris fe retirer des fables auriferes au Choco, est toujours mêlangée avec un fable ferrugineux que j'ai prouvé être un véritable éthiops. Il paroît qu'il n'y a que l'action des volcans abondans dans ces contrées qui ait pu ainfi calciner ce fer. Il fe trouve d'ailleurs une portion de fer mêlangée le plus fouvent avec la platine, co qui contribue fans doute à la rendre fi réfractaire.

Cette fubftance avoit été néanmoins fondue par MM. Levis, Margraf, Macquer, Baumé & le Baron de Sickingen: ce dernier en avoit fait couler des maffes confidérables & l'avoit laminée. M. Achard l'avoit fondue par le moyen de l'air pur. Le même Chimifte étoit enfuite parvenu à la fondre plus facilement par l'arfenic, & M. de Morveau par le fel arfenical. M. Crell & M. Kohl font parvenus à la fondre en la mêlant avec le fpath fluor. M. Daumi avoit auffi un procédé particulier pour la fondre. M. l'Abbé Rochon en a travaillé pour faire un miroir de télefcope. MM. Tillet & Lavoifier ont auffi des expériences particulières fur cette matière. M. le Duc d'Aumont eft également parvenu à la fondre par un procédé, dit-il, plus fimple que ceux qu'on a employés.

Mais le Phyficien qui paroît avoir le plus perfectionné ce travail eft M. Chabanon, Profeffeur de Phyfique & de Chimie en Espagne. Il la coule en grandes maffes, & l'amène au point d'être travaillée comme l'or & l'argent. Elle eft dans cet état très-flexible, & fe forge comme le fer, c'est-à-dire, qu'en faifant chauffer deux barreaux de cette platine, les appliquant l'un fur l'autre, & les frappant avec le marteau, ils contractent adhérence fans qu'il foit néceffaire d'employer de la foudure. J'ai vu des ouvrages qu'a fait avec cette platine ainfi préparée un Artifte habile de cette Capitale, M. Janneti, lefquels étoient aufli bien travaillés que ceux d'argent. Les bas-reliefs étoient du plus beau fini. Il y avoit une aiguière renflée à la panfe & reftreinte au coller, comme l'auroit pu être une aiguière d'argent. La partie qui étoit matte rapprochoit pour la couleur du mat de l'argent; & le poli tenoit un milieu entre le poli du fer & celui de l'argent. Ce qui eft affez particulier, c'eft que la platine dans cet état est très-molle & très-flexible. Mais M. Chabanon lui donne enfuite une espèce de trempe qui lui rend de la fermeté. Il m'a dit que la gravité fpécifique de la platine amenée à cet état de pureté, eft à celle de l'eau

comme 24 est à 1. Ainfi tout doit faire efpérer que ce métal fera d'une grande reffource dans les arts.

Les favans qui ont entrepris de tout expliquer fans phlogistique, continuent toujours leurs travaux. Je vais préfenter un précis de leur doctrine telle qu'ils l'expofent actuellement.

Ils admettent deux terres élémentaires ; 1o. l'argileuse, 2o. la vitrifiable: quant à la calcaire & à la magnéfie, quoiqu'ils paroiffent auffi les regarder comme élémens, ils ne se font pas encore expliqués à cet égard.

3°. La matière du feu, qu'ils regardent affez volontiers comme la foit fous matière de la lumière, fe trouve dans la plupart des corps, forme de la matière de la chaleur, foit autrement.

l'air pur

Tous les corps contiennent différentes quantités de la matière de la chaleur ou de la lumière, mais aucun n'en contient plus que 4°. L'air pur eft regardé comme une fubftance élémentaire. 5. L'air inflammable eft regardé comme une fubftance élémentaire. 6°. L'air phlogiftiqué ou moffete eft regardé comme une substance 'élémentaire.

L'air fixe eft regardé comme un compofé de 0,72 parties d'air pur, &c de 0.28 de fubftance charbonneufe.

L'air nitreux eft regardé, d'après l'expérience de M. Cavendish, comme un compofé de 7 parties d'air pur, & de 3 parties d'air phlogistiqué.

&

L'eau eft regardée comme un compofé de 0,87 parties d'air pur, de 0,13 d'air inflammable pur; car on diftingue un air inflammable charbonneux ou qui contient du charbon; favoir, celui qui dans fa combustion donne de l'eau & l'air fixe.

7°. Le foufre eft regardé comme une substance élémentaire.

8°. Ainfi que le phofphore, 9°. l'or, 10°. l'argent, 11°. la platine, 12°. le mercure, 13°. le cuivre, 14°. le fer, 150. le plomb, 16°. l'étain, 17°. le zinc, 18°. l'antimoine, 19°. le bismuth, 20°. le cobalt, 21°. l'arfenic, 22°. la manganèfe, 23°. la molibdène, 24°. la tungsthène, 25°. le nickel, 26°. la terre pefante, en la regardant comme une terre métallique.

Tous ces corps élémentaires, le foufre, le phosphore & les métaux, font des fubftances combuftibles qui brûlent avec l'air pur, c'eft-à-dire, que l'air pur fe combine avec elles, abandonne pour lors la grande quantité de chaleur ou de lumière qu'il contient, laquelle forme la flamme. Ainfi la flamme vient uniquement de la matière de la lumière contenue dans l'air pur. Cet air ainfi dépouillé de fa chaleur eft appelé principe oxygine ou acidifiant, parce que le produit de ces combuftions eft toujours un acide. Ainfi le foufre avec le principe oxygine forme l'acide vitriolique; le phosphore avec le principe oxygine forme l'acide phofphorique; les métaux avec une fuffifante quantité de principe oxygine

forment les acides métalliques, & avec une moindre quantité de principe oxygine forment les chaux métalliques.

Lorfqu'on fait diffoudre un métal dans un acide, par exemple, le fer dans l'acide vitriolique affoibli, l'eau contenue dans l'acide fe décompofe. Sa portion d'air pur s'unit au métal & le réduit en chaux, tandis que fa portion d'air inflammable eft rendue libre. Si l'acide vitriolique eft concentré, il fe décompofe lui-même, fournit de l'air pur au métal, & lui il paffe à l'état d'acide fulfureux ou de foutre.

Si on diffout un métal dans l'acide nitreux, cet acide fe décompofe également. Sa portion d'air pur s'unit au métal, & fa portion d'air nitreux fe dégage.

Enfin, l'air inflammable qu'on retire des limailles de fer & de zinc par le feu feul, vient de la décompofition d'une portion d'eau qui s'y trouve toujours adhérente.

Cependant pour répondre à mes objections que le fer, le zinc & la plupart des métaux & des chaux métalliques donnent toujours de l'air fixe mêlé avec l'air inflammable, on a été obligé de dire que ces métaux contiennent du charbon. Mais on veut que ce charbon foit étranger à ces fubftances.

27°. Le principe muriatique, bafe de l'acide marin, fera auffi une fubftance élémentaire, ainfi que,

28°. Le principe fluorique, bafe de l'acide fpathique.

29°. Le principe fédatif, base de l'acide du borax.

30°. La fubftance charbonneufe, bafe de l'air acide, fera la trentième fubftance élémentaire dans cette doctrine. Mais ceci nous conduit à l'analyse des substances végétales & animales fuivant ce systême.

Les végétaux font compofés d'eau, d'huiles, d'acides, d'álkalis & de terres. Je ne parle pas des parties métalliques qui s'y trouvent, puisque -nous venons de voir ce qu'on en pense.

Les huiles contiennent 0,85 de fubftance charbonneufe & 0,15 d'air inflammable aqueux, c'eft à-dire, qui provient de la décompofition de l'eau. Car on croit que l'action de la lumière fur les plantes décompofe l'eau. L'air inflammable fe combine pour former les huiles : & l'air pur eft chaffé par les pores de la plante.

Les acides végétaux font compofés d'huiles & d'air pur.

L'alkali volatil eft compofé de trois mefures d'air inflammable & d'une d'air phlogistiqué ou moffete.

Quant aux alkalis fixes, on n'en a pas encore donné l'analyse.

Le grand rôle qu'on fait jouer à la fubftance charbonneuse mérite que nous nous y arrêtions un peu.

Lorfqu'on met des fubftances végétales, par exemple, du bois dans les vaiffeaux fermés, & qu'on les foumet au feu, il paffe, dit-on, de l'eau, puis de l'acide, de l'huile, de l'air inflammable, de l'air fixe, de l'air

phlogistiqué, & il refte une fubftance noire, légère, qu'on appelle charbon. Si on augmente le feu, il paffe encore un peu d'eau qui a une odeur empyreumatique, & les mêmes espèces d'air. En foutenant un feu vif pendant plufieurs heures, on obtient toujours les mêmes airs. Enfin, il ne paffe plus rien. Les vailleaux délutés, on retrouve un charbon plus léger & plus fpongieux.

Ce charbon plongé dans l'eau & remis une feconde fois dans la cornue donne encore beaucoup d'air inflammable, d'air fixe & d'eau; & il a perdu de fon poids.

Ce même charbon mis fous une cloche pleine d'air pur, & étant allumé brûle, l'air pur eft changé en air fixe, dit-on. Le réfidu dépouillé de cet air fixe par l'eau de chaux eft de l'air pur. Voici les confequences qu'on tire de ces expériences dans la nouvelle théorie.

1o. On dit que le charbon eft un être fimple élémentaire, qui en fe combinant avec l'air pur forme l'air acide ou acide charbonneux, lequel contient 0,28 de partie charbonneufe, & 0,72 d'air pur.

2o. Lorfqu'on mouille le charbon & qu'on le diftille, l'eau se décompofe, l'air inflammable s'en dégage, & l'air pur fe combinant avec une portion de charbon qui eft brûlée, forme l'air acide ou acide charbonneux.

3o. Dans la diftillation du charbon ordinaire, l'air inflammable & l'air fixe qu'on obtient font produits par la même caufe, c'est-à-dire, la décompofition de l'eau.

D'où on doit conclure dans cette hypothèse que le charbon doit fe trouver par-tout où il y a de l'air fixe.

1o. Dans les marbres & toutes les terres & pierres calcaires, & en général dans toutes les terres & pierres qui contiennent de l'air fixe. 2o. Dans toutes les mines minéralisées par l'air fixe, comme les plombs blancs, les malachites, les ochres, les calamines, &c. &c. &c. 3°. Dans le fer, l'acier, le zinc, &c. &c.

4. Dans le minium & le plus grand nombre des chaux métalliques. . Dans les alkalis aérés.

6. Dans les alkalis & chaux phlogistiqués.

Dans toutes les fubftances animales & végétales.

8°. Dans la poitrine des animaux, qu'il en traverfe le tiffu des bronches pour venir fe combiner avec l'air pur & le changer en air fixe dans les ramifications de la trachée artère.

Telle eft en abrégé la théorie qu'on a voulu fubftiruer à celle qui étoit reçue. On a appelé cette doctrine antiphlogiftique. Cependant elle n'en eft pas auffi éloignée qu'elle paroît. Car:

1o. Elle reconnoît la matière du feu ou de la lumière dans tous les corps fous forme de chaleur.

2o. Elle admet dans toutes les fubftances animales & végétales deux

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