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vipère féparée du tronc eft encore dangereufe, les efprits animaux у font en action pendant plufieurs heures ; Fontana a obfèrvé que le cœur arraché conferve long-tems fon battement, & que la tête peut encore mordre (1). Il en conclut que la vie n'eft pas, dans certains animaux, tellement liée avec la circulation du fang & des humeurs, qu'elle ne puiffe fubfifter indépendamment de cette fonction.

Le porte-feuille intéreffant de M. l'Abbé Dicquemarre eft rempli de faits curieux fur l'organisation & la vie des infectes marins. L'ortie de mer, dont il donne la defcription dans le Journal de Physique de décembre 1784, n'a que la confiftance d'une forte gelée, fa longueur eft depuis quelques lignes jufqu'à quatre pieds de tour. Ses parties divifées donnent toujours des fignes de vie; quand elle est à moitié dévorée par un plus grand animal, la partie qui n'eft pas avalée redouble d'efforts pour échapper à la deftruction. I.e palmifere, l'anémone de mer, ne font pas moins remarquables; les parties coupées confervent le mouvement. Les anémones d'eau douce dont M. Muller a fait connoître plus de trente-une efpèces, offrent le même phénomène (1). Il l'a auffi obfervé dans des vers inteftinaux.

Il est trop facile de s'égarer en voulant rendre raifon de ces prodiges, pour que j'ofe tenter de le faire en ce moment: les plus habiles obfervateurs fe font contentés de les décrire, & ils n'ont propofé leurs conjectures qu'avec la modeltie du doute. Dans l'étude de la nature, il faut commencer par obferver; ce n'eft que par des expériences fuivies & des médi tations profondes qu'on parvient quelquefois à expliquer. Je n'ai rapporté ces faits connus parce qu'ils ferviront à prouver la réalité de celui que je vais communiquer ; & fi on connoît des effets étonnans, des effets qui paroiffent oppofés aux idées que nous nous fommes formées de l'organifation & de la vie des êtres, on doit voir avec moins de furprise de nouveaux phénomènes non moins finguliers.

En cherchant à découvrir combien de tems certains infectes pouvoient vivre fans prendre de nourriture, j'ai eu occafion de remarquer que plufieurs d'entr'eux bleffés griévement & fermés avec d'autres de la même efpèce parfaitement fains, ne périffoient pas plutôt que ces derniers, exception néanmoins faire d'un dérangement extraordinaire ou d'une deftruction prefque totale de la machine.

Pour vérifier ce fait intéreffant, j'ai foumis divers infectes à des expériences. Ceux fur lefquels j'ai opéré étoient tous des coléoptères; ainfi je ne puis, quant à préfent, tirer des conféquences que pour cette claffe, quoiqu'il y ait apparence qu'on pourroit les appliquer également à d'autres. Je vais rapporter mes effais fur les hannetons.

(1) Traité du Venin de la Vipère.

(2) Hiftoria Vermium, tom. 1, 17440

Première Expérience. Le 19 avril 1782, je pris dans le même instant huit hannetons très-fains; j'en renfermai trois dans une affez grande boîte couverte d'un crible pour y laiffer entrer Fair ; je fermai le quatrième dans un bocal de verre bien bouché.

Je perçai le corps des quatre autres, & en fixai trois fur une petite planche avec une épingle qui les traverfoit. Deux étoient percés par le corcelet, un autre par le ventre, & le dernier fut mis dans la boîte après avoir été griévement bleffé.

Le 21 il en périt un de ceux qui étoient fixés fur la planche, fes efforts l'avoient totalement déchiré. Le premier qui eut enfuite le même fort fut celui qui avoit été fermé dans le bocal, où il vécut néanmoins onze jours; trois heures après, deux de ceux cloués fur la planche furent trouvés

morts.

Le 2 & le 3 mai les quatre qui étoient fermés dans la boîte périrent ; le dernier qui perdit la vie fut celui que j'ai dit avoir percé le 19 avril & griévement bleffé, fans lui laiffer l'épingle dans le corps.

Il réfulta de cette expérience qu'un feul des hannetons fixés fur la planche eft mort au bout de deux jours : ce qu'on peut attribuer au déchirement total de fon corps; que celui qui avoit été fermé fans bleffure dans le bocal a péri avant les autres bleffés, & qu'un de ces derniers a vécu plus long-tems que ceux qui n'avoient abfolument aucun mal.

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Seconde Expérience. Le 20 du même mois d'avril je pris deux autres hannetons, dont l'un fut fixé fur une planche avec une épingle qui lui traverfoit le corcelet, & l'autre fut mis dans une boîte grillée fans être bleffé en aucune manière. Ils vécurent tous deux jufqu'au 4 mai 3 le fecond jufqu'à midi feulement, & le premier jufqu'au foir: celui-ci avoit été pendant ces quatorze jours traversé par une épingle noire; en s'agitant les premiers jours il avoit perdu beaucoup d'humeurs par fa bleffure, & le 4 mai au matin j'avois arraché l'épingle qui s'étoit rouillée dans fon corps, & j'avois déchiré fes antennes.

Troifième Expérience. Je réitérai le 10 mai mes épreuves fur huit autres hannetons. Dès le lendemain j'en trouvai deux morts, dont l'un fixé fur la planche & l'autre fermé dans la boîte grillée. Les bleffés vécurent à-peu-près autant que les autres; mais au bout de quatre jours aucun des huit n'étoit vivant. J'attribue cette différence de durée de leur vie avec celle des précédens, à l'épuisement où les avoit jetés leur accouplement, & j'ai remarqué qu'après cet acte leur fin étoit toujours prochaine.

Quatrième Expérience. Le premier mai 1783, de fept hannetons pris fur le même arbre, trois furent fixés avec une épingle fur une planche; trois fermés dans la boîte grillée, & le dernier violemment bleffé. Celui-ci périt après vingt-quatre heures; trois jours enfuite j'en perdis un de la boîte, les autres vécurent onze jours; mais un de ceux qui étoient cloués fur la planche furvécut aux autres pendant plufieurs heures.

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Cinquième Expérience. Le 2 du même mois j'en foumis feize à ma curiofité, dont huit furent mutilés ou blessés griévement, & huit fimplement renfermés dans ma boîte.

Deux des bleffés moururent les premiers, mais les jours fuivans entraînèrent plusieurs de ceux qui ne l'étoient pas. Le 13 il en périt fix, dont deux feulement étoient mutilés. Le dernier de ceux-ci mourut le 18, & il ne refta après lui qu'un feul de ceux de la boîte, ainfi en total les bleffés vécurent plus long-tems.

Sixième expérience. Le 16, nouvelle épreuve fur trois hannetons, dont un fut bleffé fortement par une épingle, un autre cloué comme ceux des précédentes expériences, & le dernier confervé fans atteinte. Celui-ci mourut le premier, puis le cloué, enfin le bleffé.

Septième & huitième Expérience. En 1784 & 1785, j'ai répété les mêmes expériences de diverfes manières, & il en eft conftamment réfulté que le plus grand nombre des infectes fouffrans & mutilés n'a pas péri avant ceux qui ne l'étoient point. Je ne rapporterai pas mes obfervations en détail pour éviter une ennuyeufe prolixité ; j'ai infifté fur les premières afin d'en rendre l'effet plus fenfible, & de mettre les Naturalistes plus à portée de faire les mêmes effais J'ai auffi foumis des scarabées de plufieurs autres espèces, des bupreftes, des hydrophiles, &c. & j'ai vu que ceux auxquels j'avois enlevé ou coupé des membres ont communément autant vécu que les autres.

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Ces expériences exigent beaucoup d'attention: répétées par fonnes qui n'en feroient point détournées par des occupations d'un autre genre, elles pourroient être infiniment variées ; mais il ne faudroit point être étonné de ne pas obtenir toujours les mêmes résultats; on fent que le tempérament, l'âge, le fexe, les forces des individus éprouvés, doivent y apporter bien des différences. Les inftrumens qu'on emploie, leur forme, leur matière, y contribuent auffi beaucoup; car j'ai remarqué qu'il fe formoir du verd-de-gris autour des épingles avec lesquelles je fixois les Hannetons fur la planche, ce qui pouvoit avancer beaucoup leur mort. Pour établir un fait il fuffit que la maffe des expériences préfente un réfultat uniforme; quelques exceptions dues à la conformation particu lière de l'infecte ou à d'autres circonftances, ne peuvent détruire les conféquences qu'on eft dans le cas de tirer du plus grand nombre des obfervations.

Les infectes que j'ai examinés sont si vivaces qu'ils femblent ne point périr de leurs bleffures, mais fimplement d'inanition comme ceux qui n'avoient aucun mal. Ainfi il eft conftant que, toutes chofes égales d'ailleurs, il faut un effort proportionnellement plus confidérable pour détruire un infecte qu'un grand animal. On eft obligé de le fracaffer pour le faire périr, & les bleffures les plus graves ne font prefque rien pour lui. Nous avons vu uh hanneton vivre quatorze jours percé

d'ane épingle plus groffe que fa cuiffe, & fi on veut prendre l'homme pour terme de comparaison, on verra que ces quatorze jours dans la vie du hanneton font comme un grand nombre d'années dans celle de l'homme, & que ce dernier ne vivroit pas un inftant s'il étoit percé d'une barre de métal groffe comme fa cuiffe qui le fixeroit fur un corps folide.

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Comment ces infectes peuvent-ils foutenir de fi terribles dérangemens? Cette force étonnante vient fans doute du foible degré de leur fenfibilité, de la nature particulière de leur organisation, & de la qualité de leurs humeurs. Leurs organes paroiffent peu propres à recevoir des impreffions bien vivés. On a obfervé qu'ils font dans un état de féchereffe confidérable, qu'ils ont peu de parties charnues, & que leurs fibres ne font point humectées comme celles des grands animaux. On eft tenté de croire que l'infecte ne forme ni plainte, ni cris de douleur; les fons qu'il fait entendre femblent n'être occafionnés que par la perre de fa liberté. Une mouche fans tête effaye de voler, un fcarabée percé ne s'agite que la même manière qu'il le feroit s'il étoit fimplement attaché par une patte. Cela prouve qu'il eft bien difficile de connoître chez les infectes le centre du mouvement vital, & que leur organisation differe prodigieufement de celle des grands animaux. Dans ceux-ci tous les nerfs aboutiffent au cerveau comme le fang aboutit au cœur; mais le principe de la vie & du fentiment femble être également répandu dans tous les organes des infectes. Suivant les Naturaliftes, leurs fibres n'ont aucun point de réunion, & elles fe terminent toutes à la partie pour laquelle elles font deftinées. Qu'on arrache la tête, le ventre', le corcelet, les pattes, toujours des fignes de vie.... La partie féparée du tronc en donne auffi plus ou moins, comme on l'a pu voir les détails inférés au commencement de ce Mémoire. On pourroit donc conclure que la partie offenfée eft la feule qui fouffre, & que tous les organes jouiffent d'une vie particulière ; le polype, les infectes marins, le mille- pieds à dard, &c. confirment bien puiffamment cette conjecture.

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D'un autre côté les matières vifqueufes qui rempliffent les corps des infectes peuvent empêcher que les bleflures ne leur foient bien funeftes; elles fe coagulent fur les bords des parties attaquées, empêchent la propagation de la fenfation ou garantiflent les parties effentielles, & préviennent les accidens qui accompagnent les bleffures dans les autres animaux. Leurs vaiffeaux peuvent auffi fe contracter avec force, & être bientôt en état d'arrêter l'écoulement des liqueurs. Le phénomène de la durée de leur vie eft peut-être aufli dû à une agitation ou une fièvre violente occafionnée par le dérangement de leur économie. En effet nous voyons des fiévreux fe foutenir pendant plufieurs jours fans manger, tandis qu'un homme bien portant ne pourroit tenter impunément une pareille abftinence. Au furplus je laiffe à des hommes plus éclairés le foin d'approfondir & de rechercher les caules de cette force inconnue qui

prolonge paisiblement la vie des infectes mutilés. La nature tient encore fon voile étendu fur ce phénomène comme fur celui de leurs métamor phofes ou de leur renaiflance; je crois devoir me borner à indiquer un nouveau champ aux Naturaliftes & à rapporter mes obfervations. Il en réfulte que des bleffures énormes qui feroient périr fur le champ les plus grands animaux, ne paroiffent point avancer la mort de certains infectes, que dans cet état ils ne meurent généralement pas plus vîte que ceux qui ne font point bleffés, & même qu'ils leur furvivent quelquefois.

ESSAI

De l'application de la force centrifuge à l'afcenfion de l'eau ;

Par M. PAJOT DES CHARMES.

SOIT une roue à palettes renfermée dans un tambour, de manière qu'elle puiffe y tourner fans toucher à fes parois; fi l'on adapte un tuyau vertical & en tangente, à une ouverture faite à ce tambour, & fi, à l'aide d'une fimple manivelle, l'on imprime un mouvement rapide à ladite roue, l'eau enlevée par chaque palette, chaffée par la force centrifuge de cette roue en circulation, & pouffée continuellement par l'effort des jets d'eau qui fe fuccèdent, tendra à s'échapper par le tuyau, & arrivera toute écumante à fon extrémité fupérieure.

Si l'on fixe un canal à-peu-près horifontal, à une ouverture faite à l'extrémité fupérieure du tambour, & fi la roue eft muc avec la même rapidité que pour le cas ci-deffus, on verra également l'eau parvenir dans le canal, mais avec plus de facilité & d'abondance.

Lors de l'expérience qui a été faite, l'eau fut élevée, dans le tuyau, à un pied au-deffus du tambour, & l'ouverture par laquelle elle montoit étoit d'un pouce fur fix lignes.

La largeur du canal horisontal étoit d'un pouce. Il exiftoit un jour de cinq lignes entre les parois de la roue & celles du tambour qui la renfermoit, & quatre lignes de diftance entre l'extrémité des palettes de ladite. roue & la circonférence du tambour. La roue avoit un pied de diamètre y compris fes palettes qui étoient au nombre de vingt, & chacune avoit un pouce de longueur fur autant de largeur. Mieux conftruite, cette machine a monté trois pintes d'eau par minute, & la vîtefle de la roue étoit de foixante-dix à quatre-vingts toiles environ, dans le même tems. Avec plus d'exactitude dans l'exécution, elle auroit eu probablenient plus d'effet.

Explication

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