Page images
PDF
EPUB

III. De l'Eledricité atmosphérique.

Quand on a lu avec attention le bel Effai fur l'Hygrométrie de M. de Sauffure & fes expériences capitales fur l'électricité atmofphérique contenues dans le fecond volume de fes Voyages dans les Alpes, on reconnoît bientôt le rôle confidérable que l'électricité doit jouer dans les phénomènes météorologiques, & l'indifpenfable néceflité de joindre l'étude de cet agent à celle des autres.

Les expériences de M. de Sauffure démontrent clairement, 1°. que la marche de l'électricité aérienne fuit l'état des vapeurs dans l'air, en forte que l'électricité aérienne eft d'autant plus forte qu'il flotte plus de vapeurs dans l'air; 2°. que les vapeurs font peut-être quelquefois productrices de l'électricité & toujours fes conductrices; 3°. que l'électricité atmofphérique pendant un tems ferein eft toujours pofitive; 4°. que le fluide électrique errant dans l'air ferein fert à former les nuages ou les vapeurs véficulaires dontils font compofés; 5°. que les vapeurs aqueufes de l'atmofphère contiennent le fluide électrique, le tranfportent, s'en déchargent, & le reprennent.

Si l'électricité eft produite par l'évaporation que la chaleur de l'ébullition de l'eau produit, cette manière de l'obtenir dans le cours ordinaire des chofes ne peut avoir lieu que dans les volcans; de forte qu'à moins que les volcans ne produifent une quantité fuffifante d'électricité pour réparer celle qui fe diffipe dans les incendies aériens, il faut qu'il y ait d'autres moyens pour la faire naître. L'eau réduite en vapeurs par la chaleur de l'ébullition n'auroit-elle pas une affinité plus grande avec le. Auide électrique que lorfque fes vapeurs ont une chaleur moindre?

Les vapeurs aqueufes contiennent-elles plus d'électricité dans leur état de vapeurs véficulaires que dans celui de vapeurs élastiques? Cela paroîtroit vrai fi les vapeurs véliculaires ne doivent leur état qu'à l'électricité, comme M. de Sauffure le foupçonne, & comme l'augmentation de l'électri cité atmosphérique quand le ciel fe férénife après la pluie, paroît le juftifier.

Si l'électricité aérienne, lorfque le ciel eft fans nuages, s'annonce toujours comme étant une électricité pofitive, n'eft-ce point parce que la vapeur véficulaire a laiffé errante dans l'air l'électricité qu'elle contenoit avec plus d'abondance que lorfqu'elle s'eft changée en vapeur élastique ? Cette électricité portée dans l'air, eft-elle contenue par l'air fec dans les couches fupérieures de l'atmosphère, en forte qu'elle ne s'échappe pas même au travers des pores de l'air fec quand il eft extrêmement raréfié? Les bornes de l'élévation de l'électricité dans l'air feroient-elles les bornes de l'élévation des vapeurs qui la conduifent: Quand elle ceffe de trouver des vapeurs pour la conduire plus loin, & qu'elle rencontre l'air fec qui ne peut s'en charger, ne refte-t-elle pas attachée aux vapeurs qui l'ont

conduite, & ne fejourne-t-elle pas toujours ainfi dans la partie humide de l'atmosphère ?

L'électricité atmosphérique agit-elle pour produire les différens phénomènes qui en réfultent par la différence qu'il y a dans la tenfion du Auide qui la forme? Si la différence de la tenfion de ce fluide est la cause des différens phénomènes atmofphériques qu'on lui attribue, quelles en font les caufes, les bornes ?

que

L'électricité agiroit-elle feulement lorfque l'équilibre entre les parties du fluide qui la forme feroit rompue? la rupture de cet équilibre dépendroit-elle de la quantité plus grande du fluide électrique dans un lieu dans un autre? Ou bien réfulteroit-elle de l'union de divers corps pour foutirer l'électricité de quelques lieux particuliers? feroit-ce auffi l'effet de la compreffion que ce fluide éprouveroit, ce qui rameneroit le cas précédent?

Si la différence de tenfion ou d'équilibre dans le fluide électrique de l'atmosphère eft la caufe de quelques phénomènes météorologiques, cette différence de tenfion ou d'équilibre eft-elle produite par la différente cor densibilité du fluide électrique que les couches atmosphériques peuvent avoir ? Les couches les plus humides lui donneroient-elles un paffage plus libre, ou l'accumuleroient-elles enfin jufqu'à faturation ? Les couches les plus sèches ferviroient-elles d'obftacles à la fortie de l'électricité, & par conféquent en comprimeroient-elles les parties?

Si cette tenfion ou cet équilibre du fluide électrique a lieu dans l'atmof phère, s'étendent-ils dans toute l'atmosphère, ou bien font-ils bornés à un petit efpace? il est au moins certain que les différentes couches de l'atmosphère ne font ni également ni femblablement électrisées ; il y en a même qui ne le font point du tout.

Si l'électricité n'eft pas plus abondante dans l'air raréfié & humide, il faut au moins qu'elle y paffe avec plus de facilité; les machines électriques donnent moins facilement fur les montagnes des marques d'électricité, ce qui ne peut arriver que parce qu'elles ont une quantité moindre de Auide électrique à y prendre. Comme cette tenfion ou cet équilibre du fluide électrique doivent varier fouvent dans l'atmofphère, quelles font les caufes de fon accumulation & de fa deftruction? Seroit-ce feulement le jeu des vapeurs & des nuages qui occafionneroit la différence?!

Les nuages ne s'électriferoient-ils pas comme les corps ifolés en fe chargeant de l'électricité des vapeurs véficulaires qui perdent cette électricité lorfqu'elles fe changent en gouttes? Au moins quand les nuages fe forment, ou quand ils difparoiffent, ils font obferver une électricité pofitive très-fenfible.

L'électricité ne foutiendroit-elle pas les vapeurs élevées par la chaleur ? ou bien la chaleur favorife-t-elle l'évaporation en augmentant l'énergie du fluide électrique ? Mais alors comme la chaleur augmente l'élasticité de Po z que l'électricité est un fluide très-expanfible; ces deux caufes

agiffent

agiffent-elles de concert & féparément, ou par une influence combinée ? Quel eft le degré de chaleur où commence cette opération, certainement elle eft au-deffous du o du thermomètre de Réaumur, puifque la neige & la glace s'évaporent beaucoup; mais comme on obferve alors de l'électricité dans l'air, l'électricité feule auroit-elle produit cette évaporation? L'électricité fondroit-elle même les parties évaporées de la glace pour les diffoudre dans l'air?

Lorfqu'il pleut, on pourroit peut-être juger par la chaleur ou l'électricité qui fe dégagent, quelle eft la caufe qui a foutenu la vapeur dans l'air?

Mais comment les vapeurs perdent-elles leur chaleur & leur électricité: ce problême eft d'autant plus difficile à réfoudre, que l'air eft un mauvais conducteur de chaleur & d'électricité, à moins que l'on n'employe, avec M. Franklin, l'action des montagnes, des forêts, &c. moins électrifées que les nuages.

Quand une fois l'équilibre ou la tenfion du fluide électrique eft rompu dans une partie d'un nuage, cette rupture ne s'étend-elle pas à toutes fes parties?

Je m'arrête: il est fort aifé de propofer des problêmes difficiles; fi j'ai abufé de cette facilité, c'eft pour montrer l'importance de fuivre les belles découvertes que M. de Sauffure vient de faire, & qu'il abandonne malheu reufement pour elles à d'autres Phyficiens.

La fuite au mois prochain.

OBSERVATIONS

SUR LA DURÉE DE LA VIE DE CERTAINS INSECTES,

Par M. RIBOUD, Secrétaire perpétuel de la Société d'émulation de Bourges, des Académies de Dijon, Bordeaux, Lyon, Arras, &c.

Τουτ Tour eft admirable dans la nature; fes ouvrages les plus communs & les plus fimples en apparence, offrent à l'œil obfervateur des merveilles auffi nombreuses que frappantes. Il trouve dans leur étude des jouiffances pures & inconnues au refte des hommes, & la nature fait le récompenfer du culte qu'elle reçoit de lui.

Dans la multitude des êtres qui atteftent fa puiffance, les infectes ne font pas les moins dignes de l'attention du Naturalifte. Leur naiffance, leur organisation, leur ftructure, leurs métamorphofes, leurs travaux, font des fources intariffables d'obfervations & de recherches curieufes. Le

même faififfement, refpectueux s'empare de l'ame du Philofophe, foit qu'il confidère la main de la nature dans un infecte obscur, foit qu'il examine le mécanisme du corps humain : le même fentiment d'admiration le pénètre lorfqu'il obferve la forme & l'existence d'un ciron, comme lorfqu'il porte fes regards fur les globes immenfes & nombreux qui se meuvent dans l'efpace infini.

Les infectes font petits & foibles, ils ont une foule d'ennemis, font expofés à des dangers continuels, & ont beaucoup de peine à parcourir la courte carrière qui leur eft défignée; mais la nature femble avoir voulu les en dédommager par des bienfaits particuliers: ils ont le plaifir d'exifter fucceffivement fous diverfes formes exclufivement affignées aux autres animaux. Tour-à-tour ils habitent l'intérieur de la terre, fa furface & les airs; tour-à-tour vers, polipèdes, oiseaux : un grand nombre goûte fucceffivement les jouiffances attachées à chacune de ces manières d'être. La puiffance qui les a créés femble leur avoir foumis tous les corps, puifque tous leur fourniffent un afyle ou des alimens affurés; après les avoir nourris de matières groffières, de détrimens de végétaux & d'animaux, elle leur deftine l'air le plus pur, le fuc des fleurs, le miel délicat ; après les avoir fait ramper triftement fur la terre, elle leur donne des aîles éclatantes, elle fait les revêtir d'armures folides & brillantes, elle les pare des plus belles couleurs.

Plufieurs d'entr'eux préfentent les phénomènes les plus furprenans dans leur manière de fe multiplier ou leur faculté de réfilter à la mort. Perfonne n'ignore que le moyen de reproduire le polipe d'eau douce eft précisément celui qui détruit les autres animaux. Chaque portion retranchée du polype devient bientôt un polype entier & parfait qui peut en reproduire d'autres, Par la même opération (1) quelques-uns fe multiplient par boutures comme les végétaux. D'autres fortent des flancs du polype, & croiffent für lui comme les branches fur le tronc d'un arbre,

Si on divife en plufieurs parties le mille-pieds à dard, chacune devient un infecte complet, on voit naître à chacune une tête & de nouvelles jambes..... Ce qu'il y a de plus fingulier, c'eft que cet infecte multiplie en fe partageant de lui-même. Il s'élève, dit Charles Bonnet, un nouveau dard perpendiculairement fur le mille-pieds, une nouvelle tête fe développe à quelque diftance du bout poftérieur ; celui-ci garni de fa nouvelle tête fe fépare du refte du corps, & d'un feul mille-pieds il s'en

(1) L'herbe fur laquelle on trouve affez fréquemment les polypes en forme de petits globes de vers, eft la lentille d'eau. Elle eft fréquente dans les eaux stagnantes, elle furnage comme une espèce de mouffe verte, & couvre la fuperficie des eaux par une multitude de feuilles très-petites, vertes deffus & noirâtres deffous, luifantes, orbiculaires & d'une forme lenticulaire. Elles font étroitement unies par des filamens menus & blancs, & de chaque feuille part un filet ou une racine qui lui transmet sa

[merged small][ocr errors]

forme deux. Le même Naturalifte décrit plufieurs vers dont les fections font bientôt transformées en animaux entiers.

Si on coupe adroitement le ventre d'une fourmi fans lui bleffer les jambes, elle continue à marcher pendant quelque tems, & à faifir fa proie comme fi elle étoit entière. Les guêpes auxquelles on a enlevé la tête, vivent ainfi plufieurs jours, & on a vu des têtes de ces infectes piquer vivement, quoiqu'elles euffent été détachées de la veille. On a vu des mantes auxquelles on avoit enlevé la tête, s'agiter, courir, s'accoupler même comme fi cette partie du corps ne leur eût pas manqué (1). Le rotifer ou polype à roue décrit par le célèbre Fontana, après avoir refté long-tems defféché & conféquemment privé du mouvement & de la vie, reffufcite, pour ainfi dire, dès qu'on l'humecte avec de l'eau. Ce favant Phyficien connoiffoit beaucoup d'animaux de ce genre, & il fe propofoit de donner à ce fujer an Ouvrage qui auroit traité de la vie & de la mort apparente

des infectes.

On peut conferver plufieurs infectes pendant un tems confidérable fans leur donner de nourriture, & ils n'en font pendant leur jeûne ni moins actifs, ni moins vifs que ceux qui ne fubiffent pas la même épreuve. Boile avoit déjà obfervé ce fait dans les mouches. M. Poiret l'a remarqué dans les mantes, & je l'ai reconnu dans les araignées & plufieurs autres infectes.

Ceux qui vivent dans l'eau, & quelques reptiles ne font pas moins remarquables. La fangfue médicinale vit pendant plufieurs mois fans prendre de nourriture dans un vafe où on a mis un peu d'eau ; la grenouille verte appelée rainette, peut exifter ainfi pendant plus de deux ans, fi on a foin de renouveller l'eau; la falamandre aquatique répare promptement & en entier la perte de fes bras, de fes jambes, de fes mâchoires. J'en ai confervé dans un vafe près d'un mois fans leur donner de nourriture; fa queue donne des fignes d'agitation dans fes plus petites fections plufieurs heures après la mort de l'animal. Le limaçon auquel on a coupé la tête vit plufieurs mois fans cette partie, & l'on affure qu'une nouvelle vient infenfiblement remplacer la première. L'écreviffe & la plupart des crustacées perdent une ou plufieurs pattes & les voient bientôt remplacées par d'autres. Les vers de terre, les ferpens, les lézards, vivent encore affez long-tems quoique coupés en deux parties. La tête de la

ne

(1) La mante, dit M. Poiret dans une differtation qui se trouve dans le Journal de Phyfique, tome 25, eft un infecte qui fe trouve principalement dans nos provinces méridionales. Elle est très-avide de fang & dévore fes femblables. Il en a vu une dévorer la tête d'un jeune mâle qu'il lui avoit livré; celui-ci, quoique décollé, perdit rien de fon feu; il parvint en s'agitant à faifir la femelle, oublia fon reffentiment, & s'accoupla avec elle d'une manière fi complette que les ventres des deux infectes adhéroient fortement l'un à l'autre.

« PreviousContinue »