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en état d'établir des conjectures qui pourront au moins fervir de fondement à une théorie.

1°. Le fucre eft un fel effentiel qui contient de l'huile & une matière vifqueufe. Il fe bourfouffle continuellement quand on le brûle; preuve qu'il contient beaucoup d'air, indépendamment de fon principe inflammable. Le malt eft une matière faccharine unie à un mucilage vifqueux.

2o. Quand on verfe fur du fucre de l'acide nitreux, celui-ci s'empare de fon principe inflammable, & fe convertit, finon pour le tout, au moins pour une de fes parties conftituantes, en gaz nitreux, & fe diffipe fous cette forme. En renouvellant l'acide, il fe forme une nouvelle quantité de gaz jufqu'à ce qu'enfin le refte du fucre fe convertiffe en cristaux qui ont les propriétés d'un acide fui generis, que Bergman a appelé acide faccharin (1).

3°. En appliquant la chaleur à l'acide du fucre, on a un peu de phlegme, une très-grande quantité d'air inflammable, & d'air fixe qui retiennent leur chaleur latente, & enfin un réfidu brunâtre qui eft évalué le du total. On fuppofe que l'air fixe eft compofé d'air pur uni au phlogistique, & que l'air inflammable n'eft autre chose que le phlogiftique.

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4°. On a découvert que l'eau eft formée de l'union de l'air pur avec le gaz inflammable privés de leur chaleur latente. En effet, fi l'on met ces deux fluides élastiques en contact l'un avec l'autre dans un appareil hydrargiro-pneumatique, ils fe réfolvent en eau, & cette eau fe trouve du même poids que les deux airs réunis. Dans l'opération il se dégage beaucoup de chaleur. Vice versa. Si l'on fait couler de l'eau en petits filets à travers un tube rempli de coupeaux de fer, & chauffé vigoureufement, l'eau, d'après MM.. Wat & Lavoifier, eft décompofée. Le phlogiftique s'échappe avec la matière de la chaleur en forme de gaz inflammable, & l'humidité ou l'eau déphlogistiquée s'unit à la chaux du métal: d'où on la retirera enfuite fous forme d'air pur, ou d'acide aérien, suivant le degré auquel la chaux a été déphlogistiquée. Nous avons obfervé ci-deffus qu'il falloit néceffairement de l'eau pour faire fermenter la matière fucrée.

5. Une liqueur vineufe donne à la diftillation de l'efprit ardent. 6°. Toute la partie inflammable de l'efprit-de-vin fe diffipe dans fa combuftion. L'opération finie, M. Lavoifier trouve que fa partie aqueufe a augmenté en poids, & que feize onces d'efprit-de-vin donnent dixhuit onces d'eau, & cela par l'absorption de l'air qui est décomposé par la combuftion.

(1) Opufcules chimiques de Bergman, 1. V. de l'Acide du sucre.

7°.

7°. Le réfidu d'une liqueur fermentée, dont on vient d'extraire l'efprit ardent par la diftillation, eft acide.

8°. M. Lavoifier a fuppofé que l'air pur étoit le principe oxygine de tous les acides, & que ceux-ci ne différoient entr'eux qu'en raifon de leur base différente unie à cet air pur.

Comme nos expériences ont été faites fur une infufion de malt & avec de l'air fixe employé comme ferment, tâchons d'expliquer les phénomènes & les produits de la fermentation tels qu'ils fe font préfentés.

Le moût de bière ayant été imprégné d'air fixe, & difpofé à recevoir le degré de chaleur qu'il éprouve ordinairement quand on le mêle avec de la levûre, le gaz y refte quelque tems dans un état de stagnation. Mais bientôt par fa tendance à recouvrer fa forme élastique, & aidé par la chaleur, il s'échappe de la prifon où il étoit renfermé. L'effort qu'il fait pour fe dégager brife les particules de la partie mucilagineufe, & développe la matière fucrée. En foutenant cette opération, les parties conftituantes de fa matière font féparées, & les particules de principes conftituans se trouvant ainsi jetées hors de la fphère de leur attraction mutuelle, fe repouffent les unes les autres. Il fe dégage beaucoup de phlogistique avec de l'air pur. La plus grande partie du principe inflammable éprouve une nouvelle combinaison. Se joignant à la portion phlogistiquée de l'eau & lui faifant faire divorce dans la même proportion avec l'air pur, tandis que l'autre, mais qui eft plus petite, s'unit dans fa naissance avec cet air pur pour former de l'air fixe, lequel tendant à fe dégager, emporte avec lui beaucoup de fon enveloppe vifqueufe. Dans cette converfion d'air pur en air fixe, on fent beaucoup de chaleur, & cette chaleur achève la décompofition de la matière faccharine. La matière vifqueufe fe raffemblant à la furface, s'oppose au dégagement d'une trop grande quantité de gaz, & le fait réabforber par la liqueur : ce qui lui donne ce goût piquant & agréable, tandis que le principe inflammable s'accumulant, & fe condenfant auffi dans la même liqueur, en forme l'efprit ardent.

Ainfi il y a une analogie fous certains rapports entre la décompofition de l'eau, & la production de l'air pur par le nitre. Suivant M. Wat, l'acide nitreux s'empare du phlogiftique de l'eau, laquelle fe combine alors avec la matière de la chaleur & s'échappe fous forme d'air pur.

Si l'on vient à boucher le vaiffeau, comme une partie de la matière fucrée n'a point éprouvé de décompofition, la liqueur continue d'avoir un goût douceâtre. Mais la fermentation continuant toujours dans un degré plus marqué, la liqueur perd de fa douceur, & dans la même proportion s'impregne d'efprit ardent, les fécules fe précipitent en forme de lie, & la liqueur eft alors à un point convenable de fermentation & de maturité; elle eft claire (1).

(1) Lorfque le vin fermente, il fe dépofe fur les parois & au fond du tonneau une

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Mais fi la matière du fucre eft trop noyée d'eau, ou le vaiffeau expofé à une trop forte chaleur, la liqueur paffera de la fermentation fpiritueule à la

fermentation acide.

Dans la formation de l'acide du fucre par l'acide nitreux, on fuppofe que ce dernier s'empare du phlogiftique du fucre, & met ainfi à nud l'acide fucré. Ou bien, fi l'on veut s'en tenir à la théorie de M. Lavoifier, une des parties conflituantes de l'acide nitreux produit cet effet, tandis que l'autre, ou l'air pur, s'unit à une base particulière du fucre, & produit l'acide faccharin.

La même chofe arrive dans la fermentation acide. Si le phlogistique ne se trouve pas dans une quantité fuffifante, ou que la force avec laquelle il eft con.biné dans la liqueur foit énervée par une trop longue application de la chaleur ou d'autres caufes, alors il fe fépare des autres parties conftituantes de la liqueur. L'efprit ardent ainfi décompofé s'échappe par degrés. L'eau déphlogifiquée, ou autrement la bafe de l'air pur, fe trouve en excès: ce qui fait que retenant toujours une petite portion du phlogiftique, elle fe combine avec la bafe faccharine, & forme l'acide acéteux.

C'est ainsi que l'on peut établir une analogie entre la fermentation acéteufe, & l'action de l'acide nitreux fur le fucre. Ici le phlogiftique eft féparé avec plus de rapidité; & l'acide qu'on obtient eft appelé l'acide du fucre. Dans l'autre opération les changemens font plus lents. Le phlogiftique ne s'échappe que graduellement; & de ce que les modifications font différentes en raifon de ce qu'il y a une variété dans les caufes, on a, non pas l'acide du fucre, mais du vinaigre: & peut-être eft-il avantageux pour la théorie que j'ai pofée de rappeler que le réfidu d'une liqueur qui a fermenté, & dont on extrait l'efprit ardent, qui ne paroît être autre chofe que de l'eau fuperfaturée de phlogiftique, eft acide.

Comme la fermentation putride n'a pas un rapport auffi direct avec les fubftances fucrées, je n'ai point parlé des phénomènes qui l'accompagnent. Je m'eftimerai trop heureux, fi mon travail peut contribuer à reculer les bornes de la fcience, & encore plus, s'il peut être utile à mes concitoyens. J'ai pour principe qu'un feul fait nouveau vaut mieux que les hypothèses les plus ingénieufes & les mieux travaillées.

matière qu'on nomme le tartre, laquelle, fuivant les nouvelles découvertes, n'eft qu'un alkali végétal uni à un excès d'acide particulier. Comme ce fait n'a pas lieu dans la liqueur du malt, je n'en ai pas fait mention dans ce Mémoire.

MÉMOIRE

POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE LA MARCHANT VARIABLE (1); Par M. REYNIER, Membre de plufieurs Sociétés.

LE hafard m'a procuré l'occafion de vérifier le fexualisme des marchants, & de déterminer par expériences une de leurs manières de fe reproduire. Ce point d'Hiftoire-Naturelle, répandant quelques jours fur le fexualifme des autres plantes congénères, m'a paru aflez intéressant pour le publier. J'ai toujours douté de cette fécondation, & de cette multiplication par le concours des fexes, qu'on attribue aux plantes cryptogamiques: elle me paroiffoit trop difficile à concevoir, pour être admife fans preuve de faits, & les expériences manquoient, ou du moins n'étoient pas concluantes. J'ai déjà réfuté le fexualifme des mouffes, dans un Mémoire inféré dans le fecond volume des Mémoires de la Société des Sciences Phyfiques de Laufanne, & j'ai effayé d'expliquer la formation de leurs rofes, que je regarde comme une monftruofité. Le fexualifme des plantes, foupçonné par Camerarius & Gefner, fut mis en évidence par Vaillant; & depuis lors Linné, dont le génie fyftématique faifoit fans peine des loix générales, admit celui des plantes criptogamiques. Chaque partie momentanée ou peu commune, & chaque monftruofité ou diformation, devint organe fexuel, entre les mains & celles de fes élèves. Les urnes des mouffes & des jongermanes furent des organes mâles; leurs rofes & leurs bourgeons axillaires des organes femelles : les cavités des riccies, les écuffons des lichens, les véhicules des fucus, les tubercules des conferves, parurent leurs parties reproductrices. Cependant aucune expérience ne démontroit la vérité de ces affertions, & aucune obfervation ne pouvoit rendre ce fyftême probable.

J'ai obfervé, pendant trois étés confécutifs, une quantité affez confidérable d'individus de marchant variable, qui croifloient dans un endroit fec & fabloneux, d'une campagne en Gueldre où je paffe les étés. Ces plantes étoient prefque méconnoiffables, à caufe de leur rabougriffement & de leur petiteffe fingulière; elles avoient rarement plus d'un

(1) Marchantia polymorpha, Linn. Syft. Nat. 13, pag. 707. Puifqu'il eft reçu de donner aux plantes le nom des favans, & fur-tout des Botanistes, je ne vois pas pour quelle raifon on les défigure par une terminaifon étrangère. Peut-être feroit-il préférable de laiffer aux plantes leurs noms nationaux, qui nous inftruiroient de leur pays natal.

pouce de diamètre, & leurs feuilles ou divifions étoient affez membreuses, mais très-étroites & plus rapprochées qu'à l'ordinaire. Pendant tout cet efpace de tems, je les obfervai prefque chaque jour, & ne pus appercevoir aucune partie fexuelle; enfin, je découvris, vers le milieu d'août 1786, dans un endroit écarté, une plante mieux développée que les autres, & couverte de ces efpèces de godets que Linné nomme fleurs femelles. M'étant affuré par des recherches exactes, qu'il n'exiftoit point d'autres marchants fleuries, dans les environs à une lieue de diftance, j'ai cru l'occafion favorable pour déterminer par des expériences, fi les germes contenus dans ces godets, font fécondés par eux-mêmes, ou s'ils doivent être fécondés extérieurement.

Je recueillis plufieurs de ces petits corps, & les plaçai dans un vafe fur de la terre humectée; bientôt après le plus grand nombre pouffa ces petites racines particulières aux marchants, & donna le jour à d'autres feuilles vers la fin de l'automne, elles avoient acquis plus ou moins de grandeur (1). Comme j'avois quelques voyages à faire, je finis alors l'expérience, dont les fuites étoient inutiles, puifque les plantes s'étoient développées, & avoient acquis un certain nombre de divifions.

:

Puifqu'il n'exiftoit aucun individu mâle en fleur dans les environs, on peut conclure que ces germes, contenus dans les godets, font fertiles fans fécondation, ou que les godets renferment, dans leur intérieur, des parties fexuelles ; mais toute perfonne, qui les a obfervés avec foin, ne peut admettre une telle fuppofition. Ainfi ces corps ne font pas des graines, fi elles doivent être produites par le concours des fexes; ils font très-analogues aux cayeux des liliacées, & ne different des bourgeons, que parce qu'ils peuvent fe développer fans être adhérens à la plante qui les a produits; & par conféquent les chapiteaux pédunculés que

(1) M. de Necker cite une observation semblable à celle-ci, dont je joins ici les détails. « Voici une obfervation que je tiens de M. Dinckler, Docteur en Médecine » à Elberfeld. J'ai vu, m'écrit-il, la marchantine pluriforme fe régénérer d'elle-même >> fans femence. Je la trouvai garnie de godets qui contenoient de petits corps (phé>> riques de couleur verte. Ils augmentoient fenfiblement en nombre, & le creux des » petits godets s'en rempliffoit de plus en plus. Quelque tems après je les vis difperfés » & fur la motte de terre où la marchantine avoit crû, & fur la plante elle-même, & >> en proportion que j'en appercevois moins dans les godets, j'en voyois un plus grand » nombre & fur la tetre & fur la plante; & cela continua tant qu'il en refta dans les godets. Ceux de ces petits corps qui étoient tombés fur terre, s'y attachoient, & y >> croiffoient promptement. Ils croiffoient moins vite lorfqu'ils s'étoient attachés aux » branches de la marchantine. J'ai joui de ce petit fpectacle jufqu'à ce que des Doccupations de pratique m'ayant forcé de négliger de les arrofer, ces petit corps, qui ne laiffoient pas d'avoir un certain volume, fe defféchèrent tout-à-coup avec » la marchantine elle-même. Je fuis perfuadé que s'il m'eût été poffible de fuivre >> leur arrosement, j'aurois obtenu par ce moyen de nouvelles marchantines » Phyfiologie des corps organifés, par M. de Necker, page 130.

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