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Dans celui du Morbihan, l'Orient l'a emporté sur Hennebon.

M. le président a reçu la lettre suivante de M. de la Luzerne : Le roi m'ordonne d'instruire l'assemblée des plaintes de la régence d'Alger, au sujet d'un de ses bâtimens insulté sur les côtes de Provence par des vaisseaux napolitains. L'assemblée a déjà rendu un décret à cette occasion. Comme la demande que fait la régence me paroît juste, je pense qu'il faut y accéder.

L'assemblée a renvoyé cette lettre aux trois comités des rapports, de la marine & du com

merce réunis.

M. Goupil a obtenu la parole, & a dit : Il a été distribué ce matin dans les corridors de cette salle, d'abord gratuitement, puis pour de l'argent, un pamphlet intitulé : Discours du président de Frondeville dans l'affaire de M. l'abbé de Barmond, portant cette épigraphe :

Dat veniam corvis, vexat censura columbas.

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D'où le sieur Lambert, dit Frondeville, croitil avoir le droit de s'assimiler à une pure & innocente colombe ? Ce pamphlet a un préambule qui commence en ces termes : « Ceux qui prendront la peine de lire mon discours devineroient difficilement pourquoi je le fais imprimer si je ne me hâtois de leur apprendre qu'il a été honoré de la censure de l'assemblée nationale c'est en effet le seul mérite que je lui connoisse. » Comment un citoyen qui est magistrat, & qui ajoute à ce titre un titre bien plus précieux, celui de représentant de la nation ose-t-il manquer, à la face de l'univers, au respect qu'il doit à l'assemblée nationale ? Elle ne

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peut pas souffrir d'être ainsi outragée par les attentats de l'incivisme. Je demande que le sieur Lambert dit Frondeville, déclare cathégoriquement s'il a eu part à l'impression ou la publication du pamphlet que je vais déposer sur le

bureau.

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L'ordre du jour, la question préalable, ont été bientôt jetés à la traverse, & écartés de même successivement; enfin le président a été obligé de mettre aux voix la motion, & elle a passé à une igrande majorité.

Alors M. Lambert a paru à la tribune : Je pourrois, a-t-il dit demander la lecture de ce papier, que je suis loin de regarder comme un pamphlet, puisqu'il est signé de moi; mais comme je ne veux pas abuser des momens de l'assemblée, je déclare que j'ai composé le discours tel que je l'ai prononcé, & que j'ai fait imprimer la totalité de la brochure.

Je demande en même temps, a repris M. Goupil, si l'opinant a eu part à la distribution.

J'ai eu part à la distribution, a répondu M. Lambert dans l'assemblée seulement, & pas ailleurs.

Je demande, s'est écrié M. de Murinais, que M. Goupil se présente à la ville, pour recevoir la rétribution due aux dénonciateurs.

Je vous mets à l'ordre, a dit M. le président » pour avoir dit une personnalité.

Alors M. Goupil est remonté à la tribune: Toute insulte faite à l'assemblée est une offense à la majesté nationale. Dire qu'on a été honoré de la censure de l'assemblée nationale, c'est mépriser celle de la patrie, de la nation entiere. Je

que

demande le sieur Lambert soit déclaré coupable, par son aveu, de manquement de respect à l'assemblée nationale, & que par forme de correction il soit condamné à garder prison pendant huit jours.

M. de Bonnay: Je regarde comme un grand malheur l'indifférence de M. de Frondeville sur la censure qu'il a éprouvée. Ce mépris est coupable & je suis bien loin de l'excuser; mais aussi on me permettra de représenter à l'assemblée que s'il est coupable de fronder ainsi l'opinion, & la censure de son corps, l'assemblée nationale ne peut pas adopter le rigorisme de la derniere disposition de la motion de M. Goupil. Il est sans exemple que l'on ait fait la motion d'emprisonner un de vos membres. Je demande donc que cette disposition soit retranchée, & qu'on adopte la premiere.

M. Alexandre de Lameth: Je pense comme le préopinant, que M. Lambert est singuliére-. ment blamable d'avoir fait imprimer le pamphlet en question; mais je suis éloigné de croire que. la punition pour laquelle il opine, en soit une pour le membre dont il s'agit., Un homme qui s'honore de la censure de l'assemblée nationale, qui écrit son sentiment & qui l'avoue aux yeux de l'assemblée , regardera comme le comble de l'honneur d'être déclaré coupable par son aveu même d'avoir manqué de respect à l'assemblée nationale. Si l'assemblée veut soutenir avec dignité le caractere auguste dont elle est investie, peut-elle, sans se déshonorer sans se déshonorer, ne pas sévir contre un de ses membres qui lui manque aussi essentiellement ?

En Angleterre, un membre qui manque au

parlement est mis à la Tour de Londres. Je voudrois savoir pourquoi nous n'aurions pas ce droit. La police intérieure de l'assemblée lui appartient. En vain veut-on prétendre que la loi n'est pas créée, qu'elle n'a point prévu le cas. L'assemblée n'a pas dû prévoir qu'on lui manqueroit à ce point; mais puisque ce grief existe elle peut & elle doit statuer sur un point essentiel de discipline.

Le membre inculpé est revêtu du caractere de magistrat; je lui demande si un homme qui auroit été blámé en cour de parlement, se seroit permis de dire qu'il en étoit honoré.

On voit visiblement un systême suivi qui ne tend à rien moins qu'à vilipender & à dégrader l'assemblée nationale. Le parti de l'opposition ne réussira pas sans doute dans ses vues; la masse des citoyens reconnoît combien elle est redevable aux opérations de l'assemblée nationale; mais on tente de lui ravir la considération dont elle jouit. On cherche à la couvrir de mépris, on emploie l'arme du ridicule, moyen tout puissant auprès de la nation françoise, si la vérité ne la rendoit pas nulle pour le moment; ce mal, quoiqu'il en soit, , peut faire des progrès; il y a long-tems qu'on auroit dû le couper dans sa racine. L'occasion se présente, si vous la laissez échapper vous paroîtrez échapper au manquement de respect. Je demande la question préalable sur l'amendement de M. de Bonnay, & que la motion, de M. Goupil soit mise aux voix.

M. Tabbé Maury, n'ayant rien de mieux à faire, a disputé sur les mots. Je demande, a-t-il dit, si l'on peut assimiler le blâme avec la censure: l'un est une peine infamante qui prive

un citoyen de tous ses droits; l'autre, au contraire, n'a rien de déshonorant.

On vient de vous parler, a continué l'opinant, de l'intérêt national: sans doute il est important que le corps législatif soit respecté; mais un autre intérêt qu'on semble laisser à l'écart, & qui est le premier de tous, c'est celui de la liberté.

On se targue ici de l'exemple du parlement d'Angleterre pour voter la prison contre un de vos membres. Je soutiens qu'il est sans exemple que ce parlement ait jamais sévi de cette maniere contre un de ses membres: s'il y en a eu d'envoyés à la Tour, c'est d'aprèsune procédure faite contre eux. Ici il n'y a ni décret, ni information : vous n'avez pas même de loi qui ait prévu la circonstance. Un corps délibérant, une assemblée constituante ne doit pas faire des loix pour le moment, & encore moins les diriger contre un individu. Sans doute M. de Frondeville est coupable: je ne prétends pas le justifier; mais son délit est-il de nature à demander qu'il soit emprisonné ? est-ce qu'il n'est pas permis à tout citoyen de blâmer vos décrets? (Oui, lui a-t-on répondu, mais c'est la loi; il faut au préalable s'y soumettre.) Combien de personnes ont fait une critique amere de vos opérations! les avez-vous punies? Non. Pourquoi donc invoquer ici toute votre sévérité sur un de vos membres ? Cette conduite n'aura-t-elle point un peu l'air de prévention? Votre censure est tombée sur M. de Frondeville, c'est à l'opinion publique à la ratifier ou à l'annihiler. Si elle est juste, comme je n'en doute pas, le membre censuré en portera toute la honte; si elle ne l'est pas, les décrets n'altéreront en rien à son égard les sentimens du pu

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