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blic Réfléchissez, Messieurs, à ce que vous allez faire vous allez sévir ici contre un délit de la

presse, lorsque ce qu'il y a de plus sacré ( la reine sans doute ) n'a encore reçu aucune satisfaction, malgré tous les délits de ce genre qui ont été commis. Réfléchissez aux décrets de l'inviolabilité la nation vous écoute, l'Europe va vous juger.

M. Péthion a répondu en peu de mots à M. Maury, que ni les faits, ni les principes qu'il venoit d'alléguer n'étoient exacts. Il a avancé que la regle constante du parlement étoit d'envoyer à la Tour de Londres un de ses membres, lorsqu'il manquoit à l'assemblée; que l'orateur même avoit ce droit.

L'un & l'autre préopinant se sont trompés: l'orateur du parlement n'a pas le droit de faire renfermer un membre; il faut pour ce, qu'il soit fait une motion expresse, & que le parlement juge. Ainsi M. Péthion s'est trompé; il n'est pas vrai qu'il n'y ait pas d'exemple en Angleterre d'un membre du parlement envoyé à la Tour de Londres. Il y a seize ans que le lord Maire & deux autres membres y furent envoyés pour avoir soutenu & favorisé les imprimeurs de Londres dans l'impression & l'explosion d'un écrit contre le parlement. M. l'abbé Maury s'est donc trompé.

On va même plus loin on pourroit même citer un exemple plus frappant. Un membre des communes manqua un jour à l'assemblée, on le condamna à se mettre à genoux à la barre, & à faire réparation dans cette attitude. Cette punition même est assez fréquente. Le membre dont

:

je parle étoit un homme à bons mots, & c'est ce qui me rappele ce trait en se relevant, il se mit à secouer la poussiere de ses genoux, en disant Jamais je n'ai vu de maison aussi sale que celle-ci.

M. de Foucault a prétendu que M. l'abbé Maury avoit jeté un grand jour sur la question. Il a balbutié, quoique en criant fort haut, que la constitution étoit faite ; qu'il ne s'agissoit plus que de la fixation de l'impôt, & qu'il falloit bientôt s'en aller, parce que les choses prenoient une singuliere tournure. Cela est vrai, a-t-on répondu à l'opinant, mais à qui la faute, si ce n'est à vous ?

à

M. de Frondeville est monté à la tiibune: En faisant imprimer mon discours, mon intentention n'a point été de manquer de respect l'assemblée. Ce semi- désaveu est singulier de la part d'un homme qui; trois quarts d'heure auparavant, sembloit narguer l'assemblée par son sang froid, en professant hautement qu'il se croyoit honnoré d'avoir encouru sa censure.

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M. Malouet: C'est un devoir pour vous, Messieurs, de faire respecter la majesté de l'assemblée nationale; mais il faut craindre qu'on ne vous accusé de ressentiment en voulant redresser les torts d'un de vos membres. Je propose en conséquence le projet de décret suivant:

L'assemblée nationale, ouï la dénonciation qui lui a été faite d'un paragraphe d'un discours intitulé, &c., avoué par M. de Frondeville, déclare ledit sieur.. coupable d'avoir manqué de respect à l'assemblée nationale, & décrete qu'à l'avenir tout membre qui se mettra dans pareil cas, subira trois jours de prison.

M. Barnave

L'assemblée nationale a le droit de faire la police dans son sein; les membres qui la composent sont sujets à sa jurisdiction : s'il se commet un délit que le réglement n'ait pas prévu, on ne peut pas argumenter de son silence pour le laisser impuni. Quand elle porta pour la premiere fois la peine de la censure contre un de ses membres, (l'abbé Maury) le réglement n'en faisoit aucune mention : cependant elle prononça cette peine. Dans la circonstance actuelle, on vous a proposé la censure, mais puisque d'après les sentimens que vient de professer M. de Frondeville, il regarde cette punition comme un honneur: il faut lui en imposer une qui soit réellement une peine à ses yeux. J'opine donc pour que la motion de M. Goupil soit adoptée en son

entier.

L'opinion de M. Barnave a fait quelque sensation dans l'assemblée: la majorité penchoit pour la motion. La tête de M. de Faucigny s'est montée: il a quitté le cul-de-sac des noirs, & s'est avancé jusques vis-à-vis le fauteuil du président; & là, apostrophant la gauche, il s'est écrié : Ón voit bien que c'est une guerre ouverte entre la majorité & la minorité de l'assemblée; il faut tomber, le sabre à la main, sur tous ces gaillards-là. Un tel propos, que je ne qualifie pas ici, parce qu'il faudroit une expression nouvelle pour qualifier un délit nouveau, a excité la plus vive indignation à la gauche, & consterné la droite.

M. de Frondeville, levant les mains au ciel, est monté à la tribune, où il a dit: Dès le moment où j'ai pu être cause d'un pareil tumulte, & qu'un de mes collégues tombât dans un pareil excès, je me suis cru coupable. Je viens moi-même

provoquer la punition que vous voulez m'imposer ordonnez, je vais me rendre en prison; mais je vous supplie, je vous en conjure, que la peine porte toute entiere sur moi; qu'il ne soit plus question de ce qui vient de se passer sous vos yeux; je sens que c'est moi qui dois porter toute la peine. N'imputez point, de grace, au cœur du préopinant ce qu'il vient de dire. Il est incapable d'une pareille atrocité. Il faudroit être un tigre ou un antropophage pour le mettre en exécution. Songez qu'une délibération sur une pareille matiere peut avoir les suites les plus graves; songez aussi que c'est un François qui vient de parler, & n'attribuez ce propos qu'à la vivacité de son caractere & à l'exaltation de sa tête. En grace, je le répete, pardonnez lui, & punissez-moi seul. Je ne saurois vous rendre tous les mouvemens tumultueux de mon cœur; tout ce que je puis vous dire, c'est que je suis déjà bien puni d'avoir été l'occasion d'une pareille scene, & que je le serai doublement si M. de Faucigny encourt une punition.

Ce discours de M. de Frondeville lui a attiré la faveur de beaucoup de monde. On a aimé à croire qu'il y avoit plus de morgue dans son fait que de méchanceté. On a fait la motion de changer les huit jours de prison en huit jours d'arrêts Cet amendement à été adopté, & le décret suivant rendu en ces termes :

Décret sur M. de Frondeville.

<< L'assemblée nationale, après avoir entendu la lecture d'un paragraphe d'un imprimé ayant pour titre Discours prononcé à l'assemblée nationale, par le président de Frondeville, dans

l'affaire de M. de Barmont, & pour lequel il a été censuré; & après que ledit sieur Lambert de Frondeville a fait l'aveu qu'il étoit l'auteur de cet ouvrage, ainsi que de l'avant-propos, qu'il l'avoit fait imprimer, que même il l'avoit fait distribuer dans la salle sans aucune autre 'distribution, déclare que ledit sieur Lambert a manqué gravement de respect à l'assemblée nationale en conséquence décrete que, par forme de punition correctionelle, ledit sieur Lambert se rendra aux arrêts, & les tiendra pendant huit jours dans sa maison. »

M. de Faucigny, revenu à lui-même, pénétré de repentir, s'est rendu à la barre : comme il n'y avoit point de décret prononcé sur cela on l'a fait remonter à la tribune, où il a dit: Je viens désavouer formellement ce que j'ai dit j'avois perdu la tête; l'excès de ma sensibilité m'a fait prononcer cette extravagance que mon cœur désavoue totalement.

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M. de Bonnay: L'opinant vient de faire une amende honorable. Cette phrase a déplu à quelques membres de la droite; mais M. de Faucigny a eu le courage & la prudence d'avouer M. de Bonnay, & de dire hautement: Oui je fais amende honorable. Un pareil trait fait honneur à son cœur ; mais cela n'empêche pas qu'on dira toujours que c'est une mauvaise tête.

M. de Mirabeau demandoit la parole, lorsque M. l'abbé Maury l'a interpelé pour déclarer s'il n'avoit point dit: Allez avertir le peuple. Plein du sang-froid de l'innocence, a répondu M. de Mirabeau, je ne m'abaisserai point à relever une pareille inculpation si l'assemblée nationale ne veut l'élever jusqu'à moi.

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