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[Chambre des Députés.]

tion toutes les observations qui ont été présentées par les honorables préopinants. Mais quant à la réduction de 200,000 francs proposée par M. de Las-Cases, je dois dire qu'elle serait la mort même du ThéâtreFrançais, et la Chambre ne voudra pas détruire le Théâtre-Français. Voilà par quel motif je m'oppose à la réduction.

M. Emmanuel de Las-Cases. L'amendedemande une ment qui diminution de 200,000 francs et que je propose, ne pèse pas uniquement sur le Théâtre-Français : c'est sur le chapitre. Je crois même que cette réduction devrait porter spécialement sur l'Académie royale de Musique. (C'est cela! c'est cela!)

M. Tanneguy-Duchâtel, ministre de l'intérieur. La Chambre a reconnu dans ses précédentes sessions qu'il y a des traités dont elle a elle-même accepté l'exécution; il est impossible de détruire ainsi les théâtres et de ne pas exécuter les traités. Je ne crois pas que la Chambre puisse consentir à la réduction de 200,000 francs.

M. Auguis. Je viens supplier la Chambre de vouloir bien ne pas voter le chiffre de 1,152,000 francs demandé pour subventions théâtrales.

Aujourd'hui je ne sache que Milan, que Venise et que Rome où il soit accordé des subventions.

M. Vatout. Et Naples!

M. Auguis. Il n'y en a plus. (On rit.) Quant à l'Angleterre, à l'Espagne, on y a complètement renoncé. Quant à Vienne et Berlin, on n'y paie pas de subventions dramatiques, parce qu'on en sent la complète inutilité. J'ai souvent dit à cette tribune, et je crois pouvoir le répéter encore une fois, qu'il est étonnant que le gouvernement d'une grande nation s'occupe à subventionner des théâtres, et qu'il fasse une répartition de ces subventions dans des proportions tout à fait extraordinaires, et qui sont établies dans le détail qui figure au budget.

Pour mon compte j'ai voulu examiner quelle était la situation financière de ces théâtres, et il est résulté de l'examen que j'en ai fait, que si l'administration en était bonne moralement, ils n'auraient pas besoin de subventions, mais qu'ils feraient des bénéfices assez considérables pour ne pas concourir à la générosité nationale.

L'honorable M. de Las-Cases a établi tout à l'heure à cette tribune quel était l'état financier de certains théâtres, et il est résulté des recherches que j'ai également faites de mon côté que ces théâtres avaient des bénéfices assez forts pour ne pas avoir recours aux subventions du Gouvernement.

D'un autre côté, si j'examine dans quel intérêt ces subventions sont accordées, que vois-je? Non pas qu'elles sont données dans l'intérêt du progrès de l'art, non pas pour encourager certaines productions, mais pour améliorer la position de certains entrepreneurs de théâtres.

Eh bien, je ne crois pas pour mon compte que nous sovons envoyés ici du fond de nos départements pour nous occuper de pareils détails. Je ne sache pas que nous ayons

mission de nos commettants de savoir si on donnera tant de représentations nouvelles à l'Opéra, à l'Opéra-Comique et à la Comédie-Française.

Si c'était dans l'intérêt du progrès, de la civilisation ou de l'instruction, je le comprendrais; mais ce n'est absolument que dans un intérêt particulier. Que voyez-vous? Vous voyez des théâtres, ou pour mieux dire des entrepreneurs de théâtres qui s'enrichissent, et l'administration de ces mêmes théâtres qui se ruine. Pourquoi? c'est qu'on établit entre les entrepreneurs et les théâtres une différence qui ne devrait pas exister. C'est pour l'art lui-même que nous devrions accorder des encouragements s'il y avait lieu, mais non pas pour les hommes qui l'exploitent.

Si pour réciter ou chanter des pièces qui ont plus ou moins de succès, nous accordons n'audes encouragements aussi forts, que ront pas le droit de venir demander les auteurs de ces tragédies, de ces comédies, de ces opéras.

Il faut que chaque chose soit récompensée dans la proportion de son mérite.

Eh bien! d'après la marche suivie jusqu'à ce jour, et que je crains bien que nous continuions de suivre, ce n'est que les récitateurs, les chanteurs, les gesticulateurs que nous encourageons. (Rire général.)

Quant aux auteurs, savez-vous quelle est la retraite qui trop souvent leur est réservée J'ai un relevé de ceux des auteurs qui sont morts à Bicêtre. Eh bien, j'ai trouyé des auteurs d'opéras, des auteurs de comédies; s'ils étaient venus vous tendre une main indigente, peut-être que leur sollicitation n'eût pas été accueillie avec la même faveur que vous accordez à des hommes qui, par leurs talents ou la faveur publique, trouvent des récompenses proportionnées au plaisir qu'ils donnent au public.

Eh bien! c'est dans cette comparaison que je trouve un motif de refuser l'allocation qui vous est demandée aujourd'hui; et vous verrez, dans les chapitres qui vont venir tout à l'heure en discussion, que, pour des établissements de charité, de bienfaisance de toute nature, qui s'étendent sur tous les n'accorderez points de la France, guère que le onzième de ce qu'on vient aujourd'hui demander pour subventionner des

acteurs.

Vous

Il y a, dans ce même budget, une liste de ceux qui sont admis à la retraite, et le fonds demandé pour payer ces retraites s'élève à 196,000 francs pour un seul théâtre, en attendant ce qui vous sera révélé plus tard par la demande de certains crédits supplémentaires. Eh bien! lorsque de braves militaires viennent solliciter une pension, estelle dans la proportion de celles établies dans la liste que je mentionnais tout à l'heure?

Le tambour qui battait la victoire et la mort au pont d'Arcole, qu'a-t-il reçu, qu'a reçu sa veuve après son trépas? L'aumône de quelques âmes généreuses; mais vous ne lui avez jamais donné de pension; et pourtant que vous demande-t-on aujourd'hui ? des subventions énormes: il y a tel artiste qui touche jusqu'à 40,000 francs de traitement pour les plaisirs du public.

M. Emmanuel de Las-Cases. Il y en a qui touchent 60, 80 et 100,000 francs!

M. Auguis. Soixante! quatre-vingt! et cent mille francs! Et vos généraux qui vont commander vos armées en Afrique, qui assurent votre domination sur différents points, touchent des traitements moins considérables.

Messieurs, je crois pour mon compte, je l'ai souvent dit, et je le répèterai jusqu'à ce que ce chiffre disparaisse du budget, qu'il n'est pas digne d'une grande nation d'accorder des encouragements pour l'art dramatique, ou plutôt pour les artistes dramatiques; car il n'y a pas, selon moi, la moindre analogie entre ces deux choses.

Savez-vous ce qu'il en faut conclure d'un autre côté? c'est que les théâtres de Paris sont divisés en deux catégories distinctes : les uns qui ont une part plus ou moins ample à la subvention, et les autres qui ne sont pas subventionnés pécuniairement par l'Etat. Je crois que ces petits théâtres, comme on est convenu de les appeler, méritaient plus que les grands théâtres une subvention (On rit), et je vais l'expliquer en deux mots : ils sont subventionnés aussi, mais ce n'est pas pécuniairement, ils sont subventionnés par les mauvaises passions. C'est là qu'on puise ces principes d'immoralité; c'est là qu'on met sous les yeux du peuple un spectacle qui, au lieu de le ramener à des idées saines, à des idées de conservation, à des idées d'ordre et de civilisation, le poussent à des idées de désordre dont vous voyez tous les jours la funeste application.

Eh bien! c'est dans un pareil ordre de choses, c'est quand nous sommes journellement témoins d'un pareil spectacle, qu'on n'attaque pas le mal dans sa racine, que vous ne vous occupez que de ce qui est de luxe, de ce qui ne peut être soutenu que par le luxe.

Eh bien! ce n'est pas sur ces théâtres-là que devraient être répandues vos générosités, c'est sur ces petits théâtres, obligés de flatter des passions misérables, parce que c'est le seul moyen d'attirer à ces écoles de dépravations dramatiques, pour ne pas me servir d'un autre terme, des hommes qui, s'ils n'avaient pas un spectacle dangereux, iraient puiser ailleurs des principes de morale dont ils ont si grand besoin.

Je n'avais donc pas tort de vous dire que vous donniez une mauvaise destination aux deniers des contribuables: ce n'est pas à l'Opéra, au Théâtre-Français, à l'OpéraComique, qu'il faut accorder des subventions si vous voulez en donner, il faut les répartir là on elles sont nécessaires, pour qu'on fasse, pour les spectateurs avides d'un genre de spectacle, des pièces qui puissent les rappeler aux véritables principes de la morale.

M. de Vatry. J'ai demandé la parole, non pour revenir sur la question morale, traitée par l'honorable M. Auguis à la satisfaction de la Chambre, mais pour répondre à ce qu'a dit M. le ministre de l'intérieur sur la non-possibilité de diminuer le chiffre des subventions en cours d'exécution. Déjà il y a deux ans cette observation fut faite

quand je suis venu à cette tribune pour y proposer une diminution dans les subventions. On se trompait alors et on se trompe encore aujourd'hui.

Mais en juin 1837 je ne connaissais pas ces traités. Or, voici un article résolutoire, que tous ils contiennent. « La résiliation de l'entreprise concédée pourra avoir lieu sur le refus du vote total ou partiel de la subvention. >>>

M. le ministre de l'intérieur voit donc bien que ces traités peuvent être amendés et même résiliés. A ce sujet, j'aurai l'honneur de lui rappeler que si ma mémoire me sert bien, lors de la discussion du budget l'an passé, son honorable prédécesseur avait fait espérer la suppression totale de la subvention du théâtre Italien. Depuis lors, une offre appuyée sur des garanties considérables a été faite au Gouvernement. Si je suis bien informé, elle consisterait à bâtir une salle monumentale dans un beau quartier de Paris, moyennant un privilège de trente et un ans, sans aucune subvention. Ne serait-ce pas le cas de procurer une juste économie aux contribuables en rayant du budget celle de l'Opéra-Italien! Quant à celle de l'Académie royale de Musique, dès 1837, je la croyais, et je persiste, employée peu utilement dans l'intérêt de l'art et des artistes; mais je la croyais aussi beaucoup trop forte. On me répondit alors de ces mêmes bancs ministériels, que les bénéfices de l'entreprise n'étaient que de 11,000 francs. Je dus passer condamnation, en recevant cette déclaration d'une source respectable; mais depuis lors j'ai eu de nouveaux renseignements dont je rends hommage à M. le comte Duchâtel, qui a donné l'ordre à ses bureaux de me les communiquer. Ils portent le bénéfice annuel de la direction actuelle à environ 96,000 francs; et comme cette somme, quoique très considérable, ne me paraît pas exorbitante, en présence d'une exploitation dont le maté riel se monte à plusieurs millions, je ne m'élève pas cette année contre le chiffre de la subvention demandée; mais j'espère que M. le ministre aura égard aux graves observations faites par les orateurs auxquels j'ai succédé ici, et s'il est encore saisi de cette demande du privilège des Italiens, avec une salle bâfic aux frais de l'entrepreneur, sans subventions aucunes, il me semble que la Chambre agirait sagement en supprimant la totalité de la subvention.

Plusieurs voix Appuyé!

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M. Tanneguy-Duchâtel, ministre de l'intérieur. Je ferai observer à la Chambre que le vœu qui vient d'être exprimé par M. de Vatry est, au moins en partie, rempli par l'amendement qui a été rédigé de concert entre le ministre de l'intérieur et la Commission. En effet, la subvention n'est conservée que pour l'année théâtrale de 1839 à 1840; à l'expiration du traité actuel, pour les derniers mois de l'année 1840, la subvention est supprimée; il y a, à cet effet, une réduction proposée par la Commission du budget.

Ainsi donc, la subvention du ThéâtreItalien ne figurera plus dans les demandes de subventions faites à la Chambre. Quant

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au reste de la subvention, je crois inutile de répéter qu'elle est nécessaire à l'existence des théâtres, et je ne puis que m'opposer l'amendement proposé par M. de LasCases; il a commencé par critiquer la subvention accordée au Théâtre-Français. Je n'entrerai pas dans les détails, mais je dirai que si l'on refusait les 200,000 francs, ce théâtre tombeřait immédiatement.

M. de Las-Cases a répondu qu'il faudrait appliquer la réduction à l'Opéra ou aux théâtres royaux en général; mais on ne peut faire ainsi des réductions en masse, il faudrait les justifier d'une manière plus satisfaisante il faut énoncer les motifs, les bases de la réduction.

Si la réduction, d'abord destinée au Théâtre-rrançais, mais plus tard appliquée à l'Opéra, enfin reportée sur tous les théâtres, était adoptée, ce serait un dommage considérable pour les théâtres qu'elle atteindrait; au lieu d'en détruire un seul, ce serait en compromettre plusieurs.

Voilà l'observation que je voulais faire, et je ne puis que persister à demander à la Chambre de rejeter l'amendement.

Quant à la distribution des fonds, je répondrai deux mots à l'honorable M. Auguis.

Il demande des subventions pour les théâtres qui, aujourd'hui, n'en ont pas, et d'en retrancher à ceux qui en jouissent. C'està-dire qu'il faudrait subventionner ceux que l'on dit être mauvais, et précisément parce qu'on les trouve mauvais.

Une voir C'est à condition qu'ils seraient bons.

M. Tanneguy-Duchâtel, ministre de l'intérieur. Alors, qui vous répondra que ceux que vous subventionnez aujourd'hui, et que Vous cesserez de subventionner, ne deviendraient pas mauvais à leur tour? (Très bien!)

M. Larabit. J'ajoute à ce que vient de dire M. le ministre de l'intérieur sur la subvention du Théâtre-Français, que, cette année surtout, les pouvoirs publics doivent à ce théâtre un témoignage de leur satisfaction, pour un retour au bon goût et à la représentation de nos chefs d'oeuvre dramatiques, auxquels la population parisienne applaudit avec tant d'enthousiasme. (Très bien! très bien!)

M. le Président. Un crédit de 1,152.000 fr. est demandé par le Gouvernement pour subvention aux théâtres royaux. Deux propositions de réduction sont faites, l'une de 21,000 francs, par M. de Las-Cases; l'autre de 17,500 francs par la Commission. Cette dernière est consentie par le Gouvernement. Je vais mettre aux voix la proposition de M. de Las-Cases comme étant la plus large. M. Emmanuel de Las-Cases. Je retire ma proposition.

M. le Président. Il reste la réduction de 17,500 francs proposée par la Commission, et consentie par le Gouvernement.

(La proposition est adoptée, et le chapitre XVI réduit à 1,134,500 francs, est adopté.)

Chap. XVII. Subvention à la caisse des pensions de l'Académie royale de musique, 196,000 francs. (Adopté.)

Secours généraux.

Chap. XVIII. Secours aux établissements généraux de bienfaisance, 501,000 francs. (Adopté.)

Chap. XIX. Secours généraux aux bureaux de charité et institution de bienfaisance, 500,000 francs.

M. le Président. Le Gouvernement demande 500,000 francs, mais la Commission a fractionné ce chapitre en deux parties, savoir :

Chap. XIX. Bureaux de charité, institutions de bienfaisance et autres, 320,000 fr.

Chap. XIX bis. Secours à des personnes dans l'indigence et qui ont des droits à la bienveillance du Gouvernement, 200,000 fr.

Il y a ici une augmentation de 60,000 fr., qui n'est qu'une transposition de l'un des éléments de la réduction de 307,000 francs, déjà votée par la Chambre, et ensuite une réduction de 40,000 francs proposée par la Commission et consentie par le Gouverne

ment.

(La transposition de 60,000 francs, la réduction de 40,000 fr. et les chapitres XIX et XIX bis ainsi modifiés, sont adoptés.)

Chap. XX (devenu XXI). Subvention aux compagnies pour exécution, par voie de concession de péage, de travaux de ponts sur les chemins communaux, 400,000 francs.

M. le Président. La Commission propose une réduction de 100,000 francs.

M. Tessié de Lamotte. Messieurs, je viens m'opposer à la réduction des 100,000 fr. demandée par la Commission.

Vous comprendrez, Messieurs, que ce n'est pas à l'instant où toutes les communes de France travaillent avec ardeur aux chemins de grande vicinalité, s'imposent des sacrifices énormes pour leur prompt achèvement, que nous devons leur ôter l'espérance et les moyens de les finir bientôt.

En effet, Messieurs, la somme de 400,000 fr. demandée par M. le ministre de l'intérieur est, pour ainsi dire, le complément nécessaire à l'exécution de la loi de mai sur les cheming vicinaux.

Comme moi, Messieurs, vous savez combien en général nos communes sont pauvres. Cependant, vous le voyez malgré l'énormité de leurs impôts, presque toutes celles traversées par des chemins de grande vicinalité se sont imposé immédiatement et bénévolement de nouveaux et très grands sacrifices.

Et c'est dans de telles circonstances que vous voudriez leur refuser les fonds nécessaires à l'achèvement de leurs chemins!

Cela n'est pas possible, Messieurs; la Chambre n'adoptera pas cette réduction.

Songez-y bien, cette somme de 400,000 fr. n'est et ne peut être employée que pour des grands travaux d'art que pour la jonction des chemins de grande vicinalité séparés par des rivières, et dont l'exécution serait tou

jours impossible sans de très fortes subventions.

Il faut que vous le sachiez encore, Messieurs, le Gouvernement n'accorde jamais de subvention pour des travaux de ce genre que lorsqu'il est bien prouvé que les communes qui les réclament se sont imposé des sacrifices énormes en argent, qui, je le dirai, sont souvent au-dessus de leurs propres forces.

Considérons donc, Messieurs, cette somme de 400,000 francs comme une prime d'encouragement, nécessaire, indispensable pour amener à de prompts et bons résultats notre loi de 1834 sur les chemins vicinaux, et ne les refusons pas à M. le ministre de l'intérieur.

Pour mon compte, je repousse de toutes mes forces la réduction demandée par la Commission, et je vote pour le chiffre de 400,000 francs.

M. Gouin, rapporteur. Quelque peu de faveur qu'aient obtenues les faibles réductions qui ont été présentées par la Commission, je n'en viêns pas moins défendre celle qu'elle a proposée sur le chapitre en discussion.

Il vous sera facile de reconnaître, Messieurs, que la réduction que nous proposons est fondée; et qu'il me soit d'abord permis de faire remarquer que ce n'est pas une réduction, mais un refus d'augmentation au crédit de l'année précédente.

Ce crédit a été établi pour la première fois en 1835. Ce crédit était d'abord de 250,000 francs, et on vous propose de le porter à 400,000 francs. Eh bien! votre Commission n'a pas cru devoir l'accorder, parce qu'il est résulté des documents qui lui ont été fournis, que cette somme était répartie d'une manière tellement inégale, qu'il n'en résultait pas que ce fût un secours comme vous pouviez l'entendre. Nous pourrions vous citer tel département qui, en 1837, a reçu, pour deux ponts, une somme de 150,000 francs.

M. Dutier. Je demande la parole.

M. Gouin, rapporteur. Je demande si Vous avez entendu que ce fût pour créer intégralement des travaux qui sont communaux. Vous avez voulu venir au secours des communes; mais il faut qu'avant d'accorder ces secours, les communes fassent, de leur côté, des sacrifices proportionnels. Nous nous sommes plaints de ne pas avoir eu sous les yeux des documents qui nous missent à même d'apprécier ces différents sacrifices.

Non seulement nous avons refusé cette allocation nouvelle, mais, en accordant le chiffre primitif, nous avons invité le Gouvernement à vouloir bien s'assurer, avant d'accorder les secours demandés, que des sacrifices ont été faits par les communes, et de les répartir dans une plus juste proportion.

Je persiste dans la réduction.

M. Tanneguy Duchâtel, ministre de l'intérieur. Personne ne conteste l'utilité de la dépense. Il s'agit de compléter le système de nos voies vicinales. Il se rencontre souvent

des cas où il est impossible, avec les ressources affectées par la loi sur les chemins vicinaux de construire des ponts qui séparent des chemins de cet ordre. Dans ce cas, il est nécessaire, indispensable, que le Gouvernement intervienne.

M. Gauguier. Je demande la parole.

M. Tanneguy Duchâtel, ministre de l'intérieur. Il intervient par des subventions dont il est question en ce moment, et qui sont affectées aux ponts soutenus par un péage. Le préage se trouvant insuffisant, la subvention permet de construire le pont, elle s'ajoute au péage. Voilà l'objet de la dépense; personne n'en conteste l'utilité.

Quant à la répartition, si elle n'est pas bien faite, il faut la faire convenablement; il ne faut accorder de subvention que pour les travaux de véritable utilité publique; mais ce n'est pas une raison de refuser le crédit. Quant à moi, mon intention, pour l'exercice prochain, est de n'accorder les subventions qu'après avoir consulté les conseils généraux, et après avoir établi un ordre d'instruction pour ces sortes d'affaires : mais je demande à la Chambre de ne pas refuser à l'Administration les moyens nécessaires pour assurer le perfectionnement de nos voies de communication.

Le chiffre n'est pas trop considérable : s'il est voté, je m'engage à en opérer la répartition de manière à ce qu'aucun abus ne puisse s'introduire; mais je demande à la Chambre de voter le crédit.

M. Gauguier. Messieurs, je ne blâme

pas...

M. Dutier. J'ai demandé la parole.

M. Gaugnier. Je n'ai qu'une observation à faire.

Je blâme certainement les abus, et malheureusement il y en a beaucoup dans l'ordonnance. On accorde 600 millions aux grands travaux publics, et il me semble qu'on pourrait bien accorder 100 millions de subvention extraordinaire pour l'amélioration de tous les chemins vicinaux de la France. M. le ministre de l'intérieur devrait s'occuper sérieusement de cette importante question. Vous voulez établir de grandes lignes de chemins de fer, vous avez déjà ouvert beaucoup de canaux, et pour que les grandes lignes de chemins de fer et ces canaux profitent aux grands intérêts du pays, il faut aussi que les chemins vicinaux puissent être en bon état, afin que la France soit prospère dans toutes ses parties; c'est ainsi qu'il faut faire de l'économie politique pratique. (Très bien! très bien!)

M. le Président. La Commission propose sur ce chapitre une réduction de 100,000 fr. Je mets la réduction aux voix.

Un membre: Ce n'est pas une réduction, mais une augmentation.

M. le Président. Il est bien entendu que le chiffre de 100,000 francs est une augmentation eu égard au chiffre de l'année dernière; mais quand je parle de réduction, je la rapporte au projet du Gouvernement. Le Gouvernement demande 400,000 francs; la

Commission propose de n'en allouer que 300,000 francs; c'est donc une réduction de 100,000 francs sur le chiffre du Gouvernement, qui est lui-même une augmentation sur la somme de l'année dernière.

Je mets la réduction aux voix.

(Une première épreuve est déclarée douteuse. L'épreuve est renouvelée, et la réduction rejetée.)

(Le chapitre XXI est adopté.)

Chap. XXII. Secours aux étrangers réfugiés en France, 2,350,000 francs.

M. de Golbéry. J'ai une observation à faire sur les réfugiés.

Je ne remarque nulle différence entre le chiffre demandé par le Gouvernement et le chiffre adopté par la Commission; mais j'ai à faire une observation qui sera très courte; la Chambre voudra sans doute me prêter un moment d'attention.

Des remarques fort sages sont consignées dans le rapport au roi. On y dit avec raison que la subvention qui était autrefois ordinairement de 50 francs par chaque réfugié, et qui a été successivement réduite de plusieurs dixièmes, ne doit et ne peut plus l'être à l'avenir; et l'on remarquera aussi qu'on n'a pas fait porter cette réduction sur les étudiants, sur les malades ou sur les personnes infirmes, etc. Certes, on ne peut qu'applaudir à cette sage exception. Il est une autre classe de réfugiés que je recommande à l'Administration, et particulièrement à la sollicitude de M. le ministre.

Parmi les Polonais qui ont soutenu si résolument la cause de la liberté de leur patrie, se trouvaient des ecclésiastiques que leur patriotisme rendait dignes de leur pays. Ils ont trouvé un asile sur la terre de France, mais on leur a fait supporter cette réduction fatale, et cependant ils ne peuvent point gagner leur pain le travail leur est impossible; ils ne peuvent prendre de service; ils sont dans la même position que les vieillards, et je les recommande à la sollicitude de l'Administration afin qu'elle veuille bien reporter leur subside à la somme de 50 francs qu'ils touchaient autrefois.

(Le chapitre XXII est mis aux voix et adopté.)

Chap. XXIII. Secours aux condamnés politiques, 270,000 francs. (Adopté.)

Chap. XXIV. Secours aux orphelins et aux combattants de juillet et de juin, 22,000 francs. (Adopté.)

Services départementaux à la charge des fonds généraux de l'Etat.

Chap. XXV. Traitements et indemnités aux fonctionnaires administratifs des départements.

Le Gouvernement propose 3,210,600 francs. La Commission propose une augmentation de 20,000 francs, qui n'est qu'une transposition; et, d'autre part, une réduction de 186,200 francs relative aux secrétaires généraux des préfectures.

M. de Ladoucette a la parole.

M. de Ladoucette. Messieurs, je viens parler du désir témoigné par le Gouverne

ment de rétablir les places de secrétaires généraux de préfecture. Vers la fin du siècle. dernier, les administrateurs départementaux étant en nombre collectif et fréquemment renouvelés, un secrétaire général permanent était devenu indispensable, pour la marche et la tradition orale des affaires.

La loi du 28 pluviôse an VIII, ne lui remit que la signature des expéditions et la garde des archives. Dans plusieurs départements, cette dernière tâche lui parut lourde et désagréable, et l'on ne peut se dissimuler qu'en France ces archives sont généralement en très mauvais état. Dans d'autres départements, le laisser aller des préfets, où le peu de capacité des chefs, lui donna une influence souvent utile, parfois dangereuse.

Sous la Restauration, on supprima, puis on rétablit cet emploi; une seconde fois aboli, en 1832, excepté dans six départements; on l'a reproduit dans le projet de budget de 1840; mais il aurait fallu vous faire juger de ses avantages en formulant ses attributions nouvelles, qui me paraissent être bornées à celles de l'an VIII, et qui dans tous les cas ne peuvent être du domaine de l'ordonnance, jusqu'à la promulgation de cette loi. Messieurs, nous devons nous abstenir, quoiqu'il y ait de l'inconvénient dans le mode actuel de délégation de l'un des conseillers de préfecture, surtout là où ils sont réduits au minimum de trois membres.

Le Gouvernement aura à examiner s'il convient, qu'outre la direction et l'arrangement des archives, la tenue à jour des registres spécialement de ceux d'arrêtés et la signature des expéditions, un secrétaire général fasse l'intérim des intendants militaires, débarrasse le préfet d'une foule de signatures sans conséquence; qu'il puisse gérer la sous-préfecture de l'arrondissement, chef-lieu, ou du moins y faire le tirage du recrutement, remplacer le préfet dans ses tournées et lors de ses congés, ou seul ou concurremment avec un conseiller de préfecture. Je crois que, dans aucun cas, il ne peut suppléer le préfet dans les, con seils de revision, et notamment dans ceux de préfectures, sur lesquels je vous prie, Messieurs, de me permettre quelques mots; car si l'Administration succombe sous le poids de la paperasserie qu'enfante, chaque année, l'exécution des lois, des ordonnances et instructions, les attributions des conseils de préfecture ont reçu de grandes extensions depuis leur institution en l'an VIII. Outre les réductions ou décharges des contributions directes, le contentieux des domaines nationaux, demandes des communes en autorisation de plaider, ils connaissent des contraventions sur la police du roulage, et de la grande voirie, et d'une partie de celle des chemins vicinaux; sur celle des digues et canaux, sur les poids et mesures, les rétributions universitaires, et rétributions mensuelles des instituteurs; ils apurent les comptes des receveurs communaux, hospices et bureaux de bienfaisance, prononcent sur la tenue des assemblées municipales, des élections d'arrondissement et de département; ils ont voix consultative dans tous les actes du nonçant en conseil de préfect r de préfecture

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