Page images
PDF
EPUB

diqué des moyens très simples de vérification pour les aunages.

Je crois donc qu'en laissant aux chambres de commerce à s'occuper attentivement de cet objet, en leur annonçant l'intention de sanctionner toutes les mesures particulières qu'elles indiqueraient, et surtout établissant le principe que la vérification serait facultative, c'est-à-dire que tous les expéditeurs qui voudraient s'y soumettre trouveraient le moyen de donner une sanction en quelque sorte légale et authentique à leurs expéditions, toutes les fois que les négociants de bonne foi s'y seraient soumis, les autres ne pourraient pas reculer devant cette épreuve. Je recommande cet objet à l'attention de M. le ministre.

DISCUSSION DES CHAPITRES.

M. le Président. Je consulte la Chambre sur les chapitres.

Administration centrale.

Chapitre Ir. Traitement du ministre et personnel de l'Administration centrale, 722,000 francs (1). (Adopté.)

Chapitre II. Matériel et dépenses diverses des bureaux, 102,000 francs. (Adopté.)

Chapitre III. Subvention à la caisse des retraites de l'Administration centrale, 12,168 francs. (Adopté.)

Agriculture et haras.

Chapitre IV. Ecoles vétérinaires et bergeries, 625,000 francs. (Adopté.)

Chapitre V. Encouragements à l'agriculture, 800,000 francs.

Sur ce chapitre, M. de Beaumont à la parole.

M. de Beaumont. Je ne viens pas contester le chiffre de 800,000 francs que le chapitre V accorde à l'agriculture; je viens seulement soumettre quelques observations à la Chambre sur l'ensemble de l'agriculture; je serai très court.

Messieurs, je ne conçois les encouragements à l'agriculture que quand l'agriculture est déjà en voie de prospérité. La nôtre, au contraire, est en très grande souffrance. A quoi cela tient-il? Je crois que c'est à l'absence de plusieurs lois qu'il serait bon de faire pour lui venir en aide. Ces lois, entre autres choses, devraient avoir pour objet d'instituer des conseils d'agriculture à l'instar des conseils de commerce; par ce moyen, nous pourrions avoir tous les renseignements nécessaires sur ce qui concerne l'agriculture.

M. Fulchiron. Il existe : il y a trois conseils, d'agriculture, du commerce et des manufactures.

M. de Beaumont. Je sais très bien qu'il y a un conseil supérieur, mais ce que je de

(1) Le chiffre de 722.000 francs est mentionné au ProcèsVerbal, alors que le Moniteur porte seulement le chiffre de 465.300 francs.

mande, c'est un conseil d'agriculture par département.

Ce serait un moyen pour M. le ministre du commerce et de l'agriculture de se procurer tous les renseignements nécessaires sur l'industrie agricole; il pourrait aussi consulter ces conseils quand il s'agit d'une loi de douanes, car généralement les lois de douanes intéressent aussi bien l'agriculture que le commerce. Il pourrait, dans ces cas-là, consulter les conseils d'agriculture départementaux, et avoir de très bons documents.

Je sais qu'on s'en est déjà occupé dans une autre session; je sais que le ministre du commerce d'alors a trouvé des inconvénients très graves pour la composition de ces conseils.

Ces inconvénients, je ne les aperçois pas comme M. l'ancien ministre du commerce, et je crois qu'il serait facile de parvenir à la composition de ce conseil. Le mode à employer, ce serait, lorsque l'on fait des élections pour les conseils généraux, de donner aux mêmes électeurs la mission de nommer en même temps les membres du conseil d'agriculture. (Rumeurs diverses.)

Ce serait un moyen tout constitutionnel d'avoir un conseil d'agriculture dans chaque département.

Messieurs, ce qui manque surtout à l'agriculture, ce sont de bonnes lois. Le première de toutes, c'est un code rural qui est réclamé depuis fort longtemps par presque tous les conseils généraux, et jusqu'à présent le Gouvernement ne s'en est pas occupé.

M. Lanyer. Si, au contraire; il y a une Commission nommée.

M. de Beaumont. Une Commission ! mais quand une Commission ne fait rien, c'est comme si elle n'existait pas.

Si nous avions eu ces conseils que je viens d'indiquer tout à l'heure, je crois que le ministère de l'agriculture n'aurait point porté en 1837 une loi qui est venue jeter la pertur bation dans notre agriculture. C'est la loi qui a prononcé l'abaissement du droit sur les graines grasses.

Vous savez que dans beaucoup de départements on cultive l'œillette et le colza. Il y avait un droit protecteur de 12 fr. 50. Sans nécessité et sans transition, on est venu, en 1837, abaisser ce droit de 12 fr. 50 à 2 fr. 50.

M. Martin (du Nord). En 1836 c'est bien différent, c'est un fait dont je ne veux pas être responsable.

M. de Beaumont. J'ai fait erreur : oui en 1836.

Cette loi a eu pour effet de diminuer dans beaucoup de départements la culture de ces graines, et vous concevez quel a été l'effet de cette mesure dans le département du Nord, voisin de la Belgique, qui a la même culture que nous, mais qui n'a pas les mêmes débouchés, et qui, au moyen de cette loi, a inondé nos marchés, entre autres ceux de Lille et de Cambrai, d'une quantité énorme d'huile de colza et d'œillette et des graines mêmes. Cette importation a eu pour résultat de faire baisser considérablement les produits agricoles de nos départements du nord; à tel point qu'en 1836, avant la loi, le double hectolitre de graines grasses se payait 70 francs et que,

par l'effet de la loi, en 1837 et 1838, elles sont tombées immédiatement à 41 francs.

Eh bien! Messieurs, je le répète, si dans les départements dont je parle nous avions eu des conseils d'agriculture qui eussent éclairé le Gouvernement, la loi n'aurait pas été présentée à cette Chambre.

On donne des subventions, et je l'approuve très fort, aux société agricoles, aux comices agricoles. C'est une très bonne chose, mais ees divers conseils ou comices ne s'occupent que des écrits qui peuvent être publiés pour éclairer l'agriculture. Cela ne suffit pas. Nous avons bien des fermes modèles; elles sont très peu nombreuses; je crois que le Gouvernement devrait porter son attention sur ces fermes modèles et en placer sur plusieurs parties du pays. Ainsi, nous en avons bien une, celle de Rouille, qui est très bonne, mais qui est trop éloignée pour la plupart de nos départements, mais qui ne peut pas satisfaire à tous les besoins du pays. Si nous en avions dans les départements du nord, dans l'est et dans le midi, je crois que ce serait extrêmement utile.

[ocr errors]

Pour finir, Messieurs, j'ai à vous entretenir de deux objets qui, je crois, ont une très grande importance, et sur lesquels je désire appeler l'attention de la Chambre. Je veux parler de la loi sur l'expropriation forcée et de la loi sur les hypothèques.

L'agriculture manque de capitaux

voilà

son grand mal, sa grande plaie. (C'est vrai!) Elle ne peut les obtenir qu'à un prix extrêmement élevé. Vous savez que pour avoir des capitaux il faut présenter un gage, et un gage qui soit souvent triple de la somme à emprunter.

Eh bien! cette somme, vous ne pouvez l'obtenir qu'à 7 1/2 pour cent. Or, je vous le demande, l'agriculture qui ne peut produire au plus que 5 pour cent, n'est-il pas évident que lorsqu'elle est obligée d'emprunter à 7 1/2, elle court à sa ruine?

A quoi cela tient-il? Cela tient nécessairement au mode d'emprunter. Il faut faire l'emprunt par un contrat notarié, ce qui coûte déjà fort cher; il faut ensuite donner une hypothèque, ce qui vient encore augmenter les droits.

Si notre Code hypothécaire était modifié, nous arriverions à doter l'agriculture de capitaux qui seraient certainement à très bon marché; et certes le gage qu'elle offre au créancier est tellement palpable, qu'il ne peut pas disparaître, que rien ne peut le modifier. Ce gage-là vaut bien, je pense, soit une lettre de change, soit une inscription de rentes.

Pour arriver à ce résultat il faudrait commencer par supprimer l'hypothèque. Je ne puis pas concevoir que pour un produit très minime qui revient au Gouvernement, on ait fixé le terme hypothécaire à dix ans. Il y a de très graves inconvénients dans ce monde. D'abord il arrive très souvent que pendant neuf ans et quelques mois vous songez à renouveler votre titre hypothécaire; mais que par des accidents qu'on ne peut pas prévoir, lorsque l'époque de le renouveler est arrivée, vous ne pouvez pas le faire il y a des circonstances imprévues.

A la suite d'un décès les scellés peuvent être mis sur une succession; ils peuvent y rester fongtemps, parce que des débats peuvent

s'élever, et que des créanciers veulent empêcher qu'on ne le prive de pièces qu'ils trouveront dans la succession. Eh bien! si dans cet intervalle l'hypothèque est à renouveler, souvent les héritiers ne peuvent pas le faire parce qu'ils l'ignorent, et plus tard, lorsque les scellés sont levés, le terme se trouve passé.

C'est là un inconvénient extrêmement grave, c'est un inconvénient qui porte encore sur le prêt que l'on fait. On calcule toutes les éventualités, et, en définitive, on prête son argent fort chèrement.

Voilà les observations que j'avais à soumettre à la Chambre.

M. Cunin-Gridaine, ministre de l'agriculture et du commerce. La Chambre comprendra qu'à l'occasion du chapitre en discussion: Encouragements à l'agriculture, je ne m'occupe pas du régime hypothécaire. Je m'associe seulement à la pensée de l'orateur, et j'appelle de tous mes vœux les changements et les modifications que réclame le système hypothécaire. Les observations qu'on vous a présentées sont justes, et j'aime à penser que le Gouvernement, dans la session prochaine, pourra s'en occuper.

Je ne veux que répondre à un seul vœu émis par l'orateur. Il a pensé que des conseils d'agriculture seraient une institution bonne, et il la réclame. Déjà mon honorable prédécesseur avait consulté à cet égard les conseils généraux, et leur avait soumis la question d'utilité. Dix-huit seulement ont pensé que cela pourrait être utile, les autres ont pensé, au contraire, que les conseils d'agriculture n'auraient aucune utilité, et quelques-uns ge sont abstenus de répondre. Ainsi je pourrais conclure des réponses négatives des conseils généraux consultés sur cette grave question, que ce ne serait pas une très utile création que celle de ces conseils d'agriculture. A cette occasion je ferai une remarque. L'agriculture a aussi ses représentants naturels, il y a un conseil général de l'agriculture, il y a des conseils généraux dans le sein desquels toutes les questions d'agriculture sont également discutées; les conseils d'arrondissement s'en occupent, et transmettent leurs vœux aux conseils généraux; mais indépendamment de cela, je dois signaler à la Chambre que l'intérêt qu'on porte à l'agriculture a fait dans tous les départements d'immenses progrès. C'est à ce point que depuis deux ans le nombre des comices agricoles s'est augmenté dans une proportion admirable.

Ainsi, aujourd'hui il y a cent cinquantequatre sociétés d'agriculture qui sont instituées dans l'intérêt de l'agriculture; cent soixante-dix comices se sont également formés depuis deux ans. Le nombre s'en accroît. Quant aux fermes modèles, il y en a déjà neuf qui existent dans nos départements, et le Gouvernement ne croit pas pouvoir mieux employer les fonds votés par les Chambres à titre d'encouragement à l'agriculture, que de donner des subventions à ces fermes modèles. Neuf sont fondées, trois se fondent dans ce moment; ainsi, vous voyez que partout l'intérêt de l'agriculture préoccupe vivement les esprits. Le Gouvernement s'y associe en encourageant par des subventions la direction des fermes modèles.

Le Gouvernement pense aussi qu'un des

plus grands services qu'on puisse rendre à l'agriculture, c'est de propager ce que j'appellerai l'enseignement élémentaire agricole. Les fermes modèles nous fourniraient l'occasion de répandre cette éducation élémentaire. Dans ma pensée, les mots éducation élémentaire veulent dire qu'il faut enseigner l'agriculture pratique et théorique. Il ne faut pas porter la démonstration scientifique dans nos villages, mais il faut y porter la démonstration pratique et théorique, qui est à la portée de l'intelligence de tous enfants.

Par là nous parviendrons, dans un temps qui, j'espère, n'est pas très éloigné, à faire que le maître d'école d'un village enseigne également l'agriculture.

Là, l'agriculture sera enseignée théoriquement et pratiquement, et il en résultera un grand bienfait. Il ne dépendra pas de moi que cette pensée, qui ne rencontrera pas, je pense, de contradiction dans cette Chambre, ne reçoive une pleine et entière exécution. (Très bien! Aux voix!)

M. Lanyer. Messieurs, je ne veux dire qu'un mot à la Chambre. J'avais demandé la parole au moment où l'honorable M. de Beaumont était à la tribune, et je voulais faire la réponse que vient de faire M. le ministre du commerce. Je voulais dire que l'agriculture n'était pas abandonnée et qu'elle ne s'abandonnait pas elle-même.

Je voulais, comme membre du conseil général des manufactures, rappeler à la Chambre ce qui s'est passé à différentes époques sous ce point de vue.

Les trois conseils, quelle que soit leur formation, délibèrent isolément, avec les mêmes droits, et transmettent leurs délibérations à M. le ministre du commerce, qui les consulte, le cas échéant.

Il y a mieux : c'est que le conseil de commerce, qui, dans ces derniers temps, a été saisi de si grandes questions, est composé, en grande partie, des membres du conseil général de l'agriculture. Il en résulte que l'agriculture, le commerce, l'industrie sont appelés à donner au ministre les renseignements dont il peut avoir besoin.

L'agriculture est loin d'être abandonnée, et la Chambre en a donné la preuve dans plusieurs occasions, et notamment l'année dernière, quand elle a voté l'augmentation proposée par M. le général Bugeaud.

Ce qui prouve que l'agriculture n'a pas été négligée, c'est que tous les tarifs de 1822 existent encore, et c'est sous ce point de vue que je demande la permission d'adresser une observation notamment dans l'intérêt des villes manufacturières.

Nous vivons, quant à la protection, sous le régime des tarifs de 1822, faits à une époque que je ne caractériserai pas, mais dans laquelle les idées d'agriculture étaient trop fortement représentées dans la Chambre. (Murmures.)

Je serais désolé de donner lieu aux murmures et à l'impatience de la Chambre; mais l'observation me paraît utile, et je prie la Chambre de vouloir bien l'écouter avec bienveillance.

Depuis la révolution de Juillet, les lois de douanes, en ce qui concerne les tarifs des fers, des houilles et des matières premières,

ont subi une réduction considérable. Eh bien le droit de 55 francs par tête de bœuf établi par les tarifs de 1822 existe encore aujourd'hui. Je n'insiste pas sur les raisons qu'il y aurait de le réduire à 50 francs.

Si je pouvais mettre sous les yeux de la Chambre les états officiels dont nous avons été saisis dans le conseil général de l'agriculture et du commerce par l'Administration, je prouverais que la hausse du prix de la viande, indépendamment de l'action produite par les octrois, a suivi le cours de ce changement. Avec l'expérience que nous avons de la nécessité pour les olasses laborieuses de se nourrir avec des aliments substantiels, principalement avec de la viande de boucherie, ce droit n'est plus en rapport avec ce qui a été fait à cette époque.

Malgré les lois présentées et repoussées, ou dont les rapports n'ont pas été suivis depuis la révolution de Juillet, j'adjure M. le ministre de s'occuper de cette question et de nous présenter un projet de loi à la prochaine session.

M. Anisson-Duperron. Messieurs, dans l'intérêt de l'agriculture, qui mérite toute notre sollicitude, l'avant-dernier opinant vous demandait la répulsion des graines que nous cultivons pour l'huile.

Dans le même intérêt, il eût pu vous demander pour être conséquent, l'abolition de la prime à la pêche de la baleine, dont l'huile vient faire concurrence à l'huile de nos graines oléagineuses.

Une voix Ce n'est pas la même chose.

M. Anisson-Duperron. Je sais bien qu'il faut protéger la navigation. Mais voyez dans quelle position on se place à la suite d'un mauvais principe: c'est que les résultats se trouvent en désaccord nécessaire les uns à l'égard des autres. Ainsi pour protéger la navigation, on emploie des moyens qui nuisent à l'agriculture qu'on veut aussi protéger. Il y aurait, Messieurs, un puissant secours à accorder à l'agriculture, si vous vouliez y consentir.

J'ai eu souvent l'occasion de le dire à la Chambre, le prix excessif du fer en France, par le fait des droits prohibitifs sur le fer étranger, coûte 40 millions par an à l'agriculture. La difficulté des débouchés pour l'agriculture tient essentiellement au prix élevé du fret dont on parlait tout à l'heure : eh bien, l'une des causes de la cherté du fret, qui, quoi qu'en dise l'honorable M. Toussaint, est peut-être le plus élevé de toute l'Europe; l'une de ces causes, dis-je, est la cherté relative du fer nécessaire à la construction de nos navires; mais il faut protéger les bois et les forges, et vous ne pouvz allouer de privilège à une industrie sans porter du dommage à une autre.

L'agriculture n'est-elle pas intéressée aux chemins de fer? Eh bien! les chemins de fer s'établiront difficilement en France, à cause du monopole des maîtres de forge, qui, dégagés de toute concurrence extérieure, se coaliseront pour la fourniture des rails, sauf à se diviser peut-être au partage, et abandonner l'entreprise. Ainsi, à travers ce conflit de privilèges qui se combattent, permettez-moi de le dire, j'en ai l'intime con

viction, vous croyez servir des intérêts publics et vous assistez à une véritable curée. Tant que vous ne sortirez pas de cette ornière, vous ne réaliserez pas le but que vous vous proposez, et qui est aussi le mien.

La navigation, dont on vous parlait tout à l'heure, n'importe-t-elle pas éminemment aussi à l'agriculture? Eh bien! voyez les progrès que les peuples voisins ont faits autour de vous à cet égard. M. le ministre du commerce vous dit que votre navigation est plus considérable cette année que l'année précédente; cela est possible. Mais considérez les progrès bien plus importants des peuples nos voisins, qui nous laissent dans une infériorité relative, dont vous ne sortirez pas si vous ne changez pas de système, si Vous ne quittez par cette mauvaise théorie. C'est là l'encouragement que je vous demande pour notre agriculture, et je réclame toute votre attention sur cet important objet.

M. Cunin-Gridaine, ministre de l'agricul ture et du commerce. La Chambre me permettra de ne pas suivre l'honorable orateur et d'engager avec lui une discussion de douanes; ce n'est pas le moment je me renfermerai dans la discussion du chapitre qui est soumis à la Chambre.

Je crois que nous ne devons pas attribuer précisément aux droits élevés qui pèsent sur la tête des bestiaux à leur entrée en France, l'état actuel des choses. Il y a deux causes : le droit d'entrée peut y être pour quelque chose, mais les droits d'octroi sont la cause la plus puissante qui influe sur cet état de choses, et c'est par les droits d'octroi, qui sont trop élevés, que la réforme devrait

commencer.

:

Je crois qu'une autre amélioration à introduire dans le régime actuel, ce serait de changer la forme de la perception de l'impôt au lieu de percevoir par tête, il faudrait, dans l'intérêt de l'agriculture, qu'on perçût l'impôt au poids. Je crois qu'il y aurait avantage pour l'agriculture, sans qu'il en résultât de dommage pour le Trésor. C'est une combinaison qui me semble heureuse et digne de fixer l'attention du Gouvernement, et je m'en occuperai.

Déjà un projet de loi a été proposé dans ce but; le rapport en a été fait, mais la discussion n'a pu avoir lieu. C'est en 1834, je crois, et ce projet n'a pas été représenté depuis, parce qu'on a eu beaucoup de peine à se mettre d'accord sur le chiffre de la perception. On variait de 8, de 10 ou de 5 centimes par kilogramme sur la perception des droits.

On peut consulter sur ce point les personnes qui peuvent éclairer la difficulté ; mais, je le répète, cette difficulté ne doit pas arrêter le Gouvernement, s'il croit que ce système de perception est préférable à un autre. Pour mon compte, je pense qu'il aurait avantage très grand pour l'agriculture, sans, je le répète, que le Trésor y perdît aucune partie de ses revenus.

M. le Président. Je mets aux voix le chapitre V (Encouragements à l'agriculture), 800,000 francs. (Adopté.)

Chap. VI (Haras, dépôts d'étalons, primes, achat d'étalons), 2 millions.

M. le général Subervie a la parole.

M. le général Subervie. M. le ministre du commerce vous demande cette année une augmentation de 80,000 francs sur le chapitre des haras. Je ne viens point m'opposer à cette dépense, je crois qu'elle est essentielle, et je serai toujours prêt à protéger une industrie qui est si utile à la France; mais je demanderai à M. le ministre du commerce s'il est dans l'intention de réaliser les promesses qui m'avaient été faites, il y deux ans, relativement aux établissements de dépôts d'étalons qui ont été supprimés dans certains départements.

Je vois M. l'ancien ministre du commerce qui sourit c'est lui qui m'avait fait la promesse, il l'a oubliée, et j'en suis bien fâché.

M. Martin (du Nord). Je crois que l'honorable orateur se trompe, je ne lui avais pas fait de promesse; je crois qu'il y a plus de dépôts qu'il n'en faut.

M. le général Subervie. Je croyais que vous m'aviez fait une promesse; du reste, ce n'est pas un grand reproche que je vous adresse.

Le midi de la France est le pays qui produit le véritable cheval de selle. Eh bien! dans ce pays nous n'en trouvons plus ni pour les particuliers, ni pour l'armée. Marques de dénégation.) C'est un point qui n'est pas douteux; j'ai les chiffres là, je vous donnerai le nombre des chevaux qu'on peut acheter pour la cavalerie; et vous savez tous que si nous avons une brave cavalerie, elle est, en général, très mal montée; je suis fâché d'être obligé de le dire ici.

Il y avait autrefois dans le midi de la France, à Perpignan, un dépôt d'étalons, qui donnait une espèce de chevaux excellents; ce dépôt a été supprimé. Ainsi on se borne à faire venir des mulets, et nous ne trouverions plus un seul cheval dans ᏟᎾ pays-là. Il y avait également des dépôts à Auch, à Villeneuve-d'Agen, à Libourne et Rodez. Ces deux dernières n'avaient que de vieux chevaux qui ne produisaient pas de poulains.

J'avais prié M. le ministre du commerce de cette époque de porter son attention sur le dépôt de Tarbes, qui est peut-être le plus bel établissement de la France. Tous les ans ce dépôt faisait élever de quinze à vingt poulains; les particuliers allaient savoir le résultat de la production, et pouvaient croiser les races mieux que cela n'était fait dans ce dépôt, en supposant que les poulains ne répondissent pas à ce qu'on en espérait. Eh bien! au lieu d'apporter des améliorations à ce dépôt, qu'a-t-on fait? On a transporté ces poulains à Pompadour, c'est-à-dire qu'on a sacrifié tout pour un seul établissement; et cette partie du midi de la France se trouve dénuée de toutes les ressources qu'elle possédait sous ce rapport. L'établissement est resté le même; les écuries existent encore; il n'y aurait aucune dépense à faire; il faudrait seulement dire que le dépôt de Tarbes conservera ses étalons comme autrefois, et qu'il conservera aussi les poulains, afin qu'on puisse voir les

avantages qu'on peut tirer des croisements qui se font dans ce pays-là.

Je ne voudrais pas trop attaquer l'administration des haras; je lui ai donné des éloges il y a deux ans; ils étaient prématurés. Aujourd'hui l'administration des haras est tout anglomane. On ne cherche qu'à faire des chevaux de course, et non des chevaux qui soient utiles au pays et surtout à l'armée. On transporta dans le midi de la France des chevaux anglais dont nous ne pourrons jamais rien faire... (M. Boulay de la Meurthe, secrétaire général du ministère du commerce, sourit.)

Monsieur le secrétaire général, je vous vois désapprouver ce que je dis; mais je vous prie de croire que je connais cette partie tout aussi bien que vous pouvez la con

naître.

Je dis que le cheval anglais du midi de la France ne produit rien, et qu'il vaudrait mieux le transporter ailleurs que dans ce pays. C'est avec la race arabe que vous ferez quelque chose; c'est avec la race arabe, que vous ferez prendre en Afrique ou à Alep, que vous régénérerez vos races.

On a dit : Nous ne trouvons pas assez de chevaux, parce que nous ne payons pas. Le tarif a été augmenté, et l'on ne peut dépenser l'argent que donne le ministère de la guerre. L'on ne peut trouver des chevaux pour la cavalerie, et surtout pour la cavalerie légère; et l'on sera bientôt obligé d'avoir recours à l'étranger si l'administration des haras ne change pas son système, et si l'on ne s'occupe pas de faire en France une race chevaline propre à la cavalerie.

M. Martin (du Nord). L'honorable préopinant est dans une erreur complète lorsqu'il dit que nos races de chevaux décroissent au lieu de faire des progrès. Il est de fait que l'an dernier une remonte de dix mille chevaux a été faite pour le service de la cavalerie c'est en France qu'ils ont été trouvés; et M. le ministre de la guerre m'a déclaré que jamais, à aucune époque, on n'avait fait une aussi belle remonte.

M. le général Subervie. Il ne l'a pas vue, et je l'ai vue, moi!

M. Martin (du Nord). L'administration des haras, en favorisant l'élève des chevaux de race pure, arrive donc beaucoup mieux à donner des chevaux à notre armée qu'elle ne le faisait lorsqu'on se bornait à entretenir des étalons moins distingués, et ce sont les faits qui le prouvent.

L'honorable général Subervie se plaint de ce que j'aurais manqué à ma promesse en ne rétablissant pas des dépôts supprimés. Je ne crois pas qu'une pareille promesse ait jamais été faite par moi. D'ailleurs, je ne pourrais pas la faire; car, dans ma pensée, à l'heure qu'il est, il y a encore un trop grand nombre de dépôts; et, loin de rétablir ceux qui ont été supprimés, je pense que l'administration pourrait en supprimer quelques autres, mais en augmentant l'importance des dépôts qui resteraient et en multipliant les stations. Il y aurait là, suivant moi, une sage économie à faire, en même temps que l'on donnerait satisfaction aux véritables intérêts du pays.

L'honorable général a critiqué une autre mesure de l'administration des haras, la suppression des dépôts de poulains. Je crois encore en cela avoir sagement agi. Il est d'une bonne administration de réduire les dépenses autant qu'il est possible, lorsqu'on peut le faire sans compromettre aucun intérêt. C'est ce que l'on a fait en transférant à Pompadour ou dans les deux autres haras les poulains jusque là répartis dans quelques dépôts. Là, d'ailleurs, se trouvent réunis les hommes les plus capables de donner une bonne direction à l'élève des poulains; et sous ce rapport encore la mesure offrait un véritable avantage dont l'administration se félicite déjà, et qui a obtenu l'assentiment de la Chambre.

En résumé, Messieurs, on marche dans une bonne voie. Le système que l'on suit n'est pas complètement le système anglais; on en a pris ce qui était applicable à notre pays. Le système de l'administration des haras consiste à laisser à l'industrie particulière la reproduction des chevaux que l'industrie particulière peut reproduire, et à ne s'occuper que de l'amélioration et du perfectionnement des races pour lesquelles l'industrie privée ne saurait suffire.

Voilà, Messieurs le but que l'administration s'est proposé et qu'elle a atteint. On a obtenu, par le système suivi, des résultats meilleurs que tous ceux qu'on avait obtenus auparavant; et je vous déclare que je ne puis que me féliciter d'avoir encouragé cette administration dans cette direction, tant que j'ai eu l'honneur d'être placé à sa tête.

M. de Marmier. L'administration des haras, comme vient de le dire M. Martin (du Nord), est dans la véritable voie des améliorations. On l'accuse de s'être trop servie de chevaux anglais. Peut-être quelques membres ne savent-ils pas comme je le sais, par expérience, que la race pur sang anglais n'est que la race arabe, que le changement de nourriture et de climat a rendue plus forte et plus grande. Cette race vient très bien en Normandie et dans le Limousin. Cela n'empêche pas d'essayer de la race arabe, dans les pays où les juments sont plus petites. Mais tous les efforts de l'administration doivent se concentrer sur ces deux races la race anglaise et la race arabe.

Mais je voudrais qu'elle n'oubliât pas que, pour arriver à un croisement utile, qui nous donnerait les chevaux dont a besoin notre cavalerie, et particulièrement notre grosse cavalerie, on continuât à donner un faible encouragement, si on veut le considérer par rapport à la somme qui est attribuée au budget, à la race des chevaux de gros trait, race si nécessaire pour le croisement que je viens d'indiquer tout à l'heure. Il y a des provinces où on ne doit rien faire pour cette race de chevaux de gros trait, l'industrie particulière y suffit; mais il y en a d'autres, comme la Franche-Comté, où l'on doit faire quelque chose.

Je voudrais que sur ce budget de 2 millions, 1,850,000 ou 1,860,000 francs fussent affectés aux grandes améliorations dont le Gouvernement se charge, et que 30,000 ou 40,000 francs (je n'en demande modestement que 30,000 ou 40,000 fr.) fussent consacrés à

« PreviousContinue »