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mois; la Commission vous demande encore des modifications dans le tarif et dans le tracé du chemin de fer.

Je regrette de le dire, tout en rendant hommage aux intentions de la Commission, les moyens qu'elle propose n'aboutissent pas au but qu'elle recherche. Vous accordez neuf mois de délai: la compagnie a encore un an, mais elle se trouve sous le joug des obligations contractées au delà de ses 8 millions; elle est en présence de créanciers qui la pressent; lui accorder du temps, vous qui n'êtes pas ses créanciers, c'est ne rien lui accorder. On propose de lui accorder des modifications dans son tarif ; et, Messieurs, ce tarif est assez élevé, elle ne l'élèvera pas plus haut qu'il n'est fixé ; il a été fixé à 1 fr. 72 centimes, au moment où le tarif d'une compagnie rivale était de 98 centimes. Vous voyez si son tarif a besoin d'être augmenté. On demande d'autoriser le Gouvernement à modifier son tracé, ses pentes et ses courbes ; mais le chemin est tracé déjà dans presque toute son étendue ; ce n'est donc presque rien, ou rien, que vous lui accordez. (Mouvement.)

Je ne veux rien exagérer. Lorsque j'ai soutenu des projets de loi qui s'appliquaient à des chemins dont le tracé n'était pas encore fait, je vous l'ai dit, je crois, avec raison, que les modifications dans les pentes, dans les courbes et dans quelques autres conditions du chemin, étaient des choses importantes qui pouvaient diminuer les dépenses; mais pour un chemin qui est dans l'état où se trouve maintenant celui de Paris à Versailles, c'est peu de chose ; ce ne serait peutêtre rien. J'ajoute donc qu'accorder les avantages que la Commission propose, ce n'est pas mettre la compagnie en état de terminer son chemin; ce n'est donc pas faire ce que la Commission, comme nous, considère comme indispensable.

Maintenant, quelques mots sur les moyens que propose le Gouvernement. Le Gouvernement vous demande de faire à la compagnie un prêt de 5 millions; il prend des précautions en même temps pour utiliser les 2 millions d'actions de réserve.

Je ne rappelle pas toutes les dispositions secondaires du projet de loi; je m'arrête à celle-là.

:

Le Gouvernement va prêter 5 millions. Deux difficultés se sont présentées et devaient se présenter à l'esprit des membres de la Commission. La première consistait à dire à la compagnie avec ces 5 millions joints aux 2 millions d'actions réservées, terminerez-vous de chemin? Nous voulons voir terminer le chemin; il faut qu'il soit achevé pour l'honneur même de votre entreprise ; il faut qu'il soit achevé pour donner un gage suffisant à l'Etat.

La seconde difficulté est celle-ci : Vous voulez prêter; mais tout prêteur doit exiger un gage; ce gage sera-t-il suffisant pour répondre du capital prêté?

Voilà les deux questions sur lesquelles s'est exercée la délibération de la Commission.

Lorsque nous avons présenté le projet de loi à la Chambre, nous avons pris toutes les mesures possibles pour nous assurer que les 7 millions qui allaient être employés à l'achèvement du chemin pourraient suffire.

Nous avons nommé une Commission pour examiner l'état des travaux faits actuellement, et l'état auquel ils pouvaient être portés avec 7 millions.

Cette Commission a cru que la somme suffirait pour terminer le chemin. Votre Commission ne s'est pas contentée de cette assurance; je ne lui en fais pas un reproche. Dans une matière aussi délicate, lorsque nous avons vu déjà tant de mécomptes, et que tant de calculs faits par les hommes les plus habiles ont été démentis par les événements, je ne blâme pas la Commission de ne pas s'en être rapportée au calcul des ingénieurs divisionnaires qui avaient donné cet avis. Elle demandait autre chose; autre chose a été produit; des personnes honorables, capables de répondre, par leur fortune, de l'engagement qu'elles prennent, s'engagent formellement, personnellement à l'achèvement du chemin, si les 5 millions ne suffisent pas pour le terminer.

Je ne reviendrai pas sur l'objection tirée de la solidarité. M. Fould vient d'y répondre; s'engager solidairement, c'est s'engager peut-être au delà de sa fortune; elles s'engagent personnellement, chacune pour un quatorzième ou pour un septième de la somme qui peut être nécessaire. C'est là prendre un engagement sérieux, parce qu'on est capable de le tenir.

Vous avez entendu les explications de votre Commission; l'engagement lui a paru suffisant pour assurer l'achèvement du chemin; elle l'a admis. Sur cette première difficulté, elle n'avait aucun motif pour refuser le projet de loi du Gouvernement; son rapport vous l'a déclaré.

Veuillez donc considérer que dans l'esprit de la Commission, à laquelle vous devez accorder d'autant plus de confiance qu'elle est revenue honorablement, au moyen de ce document nouveau, sur l'opinion qu'elle avait d'abord exprimée sur ce premier point; veuillez considérer qu'il y a garantie suffisante de l'achèvement du chemin.

Il ne reste donc plus que cette question : l'Etat est prêteur et il a besoin d'un gage pour son prêt; le gage est-il suffisant? C'est à ce seul point que tient l'adoption ou le rejet du projet de loi.

Nous vous demandons d'autoriser le Gouvernement à prêter 5 millions; nous ne nous dissimulons pas la gravité de la demande que nous faisons; nous savons quelles conséquences elle peut entraîner, mais nous nous rappelons en même temps, soit que dans d'autres circonstances vous avez consenti à employer le même moyen pour obtenir de grands travaux d'utilité publique, soit que dans un pays voisin, qui s'est honoré par de nombreu ses et admirables créations, le mode de prêt est le mode le plus habituellement employé. Prenez les chemins les plus riches de l'Angleterre, Vous verrez qu'avant d'arriver au point où ils sont maintenant, ils ont été arrêtés dans leur construction; les capitaux réunis d'abord pour les faire n'ont pas été suffisants; on s'est adressé au gouvernement, et le premier chemin fait en Angleterre, le chemin de Liverpool à Manchester, n'existerait pas si un prêt du gouvernement n'avait donné le moyen de le confectionner.

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C'est donc un moyen usité dans un pays voisin que nous demandons à la Chambre d'employer pour terminer le chemin de fer de Paris à Versailles, par la rive gauche de la Seine.

Mais, dit-on, tout prêteur exige un gage, avez-vous un gage suffisant du remboursement de votre prêt?

Messieurs, nous avons dû nous préoccuper, lorsque le projet de loi a été rédigé, des gages que le Gouvernement se procurerait pour le prêt qu'il opérerait au profit de la compagnie.

Voici quel a été le gage que nous avons demandé: Nous avions d'abord pour 8 millions de travaux exécutés, nous ajoutons 5 millions par notre prêt, nous exigeons l'addition de 2 millions d'actions de réserve. Il était prudent, pour grossir le gage qui nous était offert, de nous assurer que les 2 millions d'actions de réserve, que les 5 millions que nous prêtions, seraient employés à la confection du chemin. Par là, le gage de 8 millions deviendrait un gage de 15 millions employés à la confection du chemin.

S'il y avait quelque chose de spécieux lorsqu'on nous objectait que le chemin pourrait n'être pas achevé avec les 15 millions qui y seraient employés, et qu'un chemin inachevé serait un mauvais gage, cette objection a disparu. Si 15 millions ne suffisent pas, des garanties sont présentées, que la Commission a acceptées les signataires de ces garanties s'obligent à prêter à la compagnie les 2 ou 3 millions, la somme incertaine qui pourrait être nécessaire.

:

Ainsi nous aurons tout le chemin, nous aurons le chemin achevé, le chemin mis en rapport. Voilà le gage du Gouvernement.

On nous dit: Qu'est-ce que ce gage? qu'estce qu'un chemin de fer pour gage?

Messieurs, un chemin de fer pour gage nous paraît une valeur. Je ne dis pas qu'un capitaliste ordinaire ne pouvant pas, lui, devenir adjudicataire, propriétaire du chemin, se contentât d'un gage de cette nature; mais je dis qu'un gouvernement, pouvant devenir propriétaire du chemin de fer, doit considérer comme un gage suffisant d'un prêt de 5 millions un chemin de fer de 15 millions ou plus, qui lui est donné comme garantie. (Approbation.)

Ce chemin aura d'ailleurs des revenus, indépendamment de la valeur capitale qu'il représente; il fournira chaque année au paiement des intérêts et de l'amortissement du prêt que l'Etat lui a fait ; et maintenant, permettez-moi de le dire, nous sommes dans une situation singulière sur ce point; rien n'est éprouvé, le chemin n'a pas été mis en circulation, nous sommes au même point, quant à cela, que nous étions en 1836.

Et si vous prenez le rapport de votre Commission de 1836, vous y verrez appréciés avec soin, appréciés avec intelligence, les revenus que devait donner le chemin de fer de Paris à Versailles sur la rive gauche de la Seine ; vous y verrez calculés par chiffres, en ayant égard à la population qui circule de Paris à Versailles, tous les bénéfices qu'il devait procurer; car, à cette époque, tout nous paraissait bénéfices; aujourd'hui on ne veut

rien voir; on ne veut pas même voir dans l'exploitation d'un chemin de 15 millions l'intérêt d'un prêt de 5 millions.

Je ne veux pas produire des illusions r ce point, c'est très loin de ma pensée ; je me borne à dire que, lorsque les chemins de fer sont établis, les relations existantes sont considérablement multipliées; ce résultat s'est fait sentir partout où de nouvelles voies de communications ont été établies par terre comme par eau, par les chemins de fer comme par les bateaux à vapeur.

Je ne recherche pas le nombre des voyageurs, je ne veux pas calculer par livres, sous et deniers, le revenu du chemin de fer, mais je dis que ce chemin, dont l'achèvement est assuré, pourra donner des produits, et que l'Etat peut y trouver à peu près l'intérêt du prêt qu'on lui demande. (Interruption.) J'admets l'interruption.

Je suppose, avec l'honorable interrupteur, que mes calculs ne soient pas exacts; je suppose qu'il y ait des doutes sur les produits du chemin de fer, sur le remboursement du prêt je demande à la Chambre la permission de m'expliquer dans cette prévision.

Eh bien, soit cela est vrai, nous faisons un prêt, je le suppose, dont le remboursement n'est pas très assuré; peut-être que dans les quatre-vingt-dix-neuf années pendant lesquelles la compagnie doit conserver la propriété de son chemin, peut-être qu'elle aura de la peine à nous rembourser le capital que nous aurons prêté et les intérêts. Pour moi, je ne le crois pas, mais je le suppose. Je tiens beaucoup encore à ce que la Chambre ne veuille pas assimiler le Gouver nement prêteur à un prêteur ordinaire. Je crois que M. le rapporteur de la Commission, dans les paroles qu'il a prononcées au commencement de cette séance, a beaucoup trop établi cette assimilation, a beaucoup trop voulu astreindre le Gouvernement à suivre les règles de nos lois civiles pour faire un prêt à une compagnie, et dans une grande entreprise. Permettez-moi de développer les motifs de mon opinion.

Un prêteur ordinaire, un capitaliste, n'emploie jamais ses fonds qu'à la condition d'un intérêt régulier de ces mêmes fonds; je le conçois, je l'approuve, il le doit, il agit en père de famille. Mais il n'en est pas ainsi du Gouvernement. Nous n'employons pas toujours nos capitaux avec la perspective du revenu assuré de ces capitaux. Lorsque nous employons nos capitaux à une grande route, nous faisons cet emploi pour une grande utilité publique ; lorsque nous les employons à améliorer une rivière, cette rivière ne nous rapportera pas chaque année l'intérêt du capital que nous y avons mis. Pourquoi cela? C'est parce que le Gouvernement, quand il emploie ses fonds, avant le besoin de se procurer un intérêt, a le besoin de doter le pays de quelque moyen de bien-être et d'amélioration. C'est là surtout, c'est là qu'il tend, c'est là le but qu'il cherche à atteindre.

Eh bien avec les 5 millions que nous demandons à la Chambre d'accorder, nous ne nous procurerons peut-être pas 4 pour cent d'intérêt par an; mais nous nous procurerons un chemin de fer sur la rive gauche de la Seine, de Paris à Versailles. Ce chemin

existera pour tous. Vainement me dira-t-on qu'il sera la propriété d'une compagnie ; mais l'Etat, la civilisation, mais le mouvement social profiteront de l'activité qu'il donnera aux populations entre Paris et Versailles. (Très bien!)

Ainsi, aux revenus encore éventuels que le chemin pourra donner, j'ajoute un avantage incontestable, celui de relations plus actives établies entre deux grandes villes.

J'ajoute encore un autre avantage : je ne blâme pas ce qui a été fait en 1836, je ne l'examine pas ; mais, quelque opinion qu'on puisse en avoir, il est certain qu'à cette époque vous avez créé, parmi les populations que ce chemin doit desservir, ue attente, des désirs, des espérances qu'il est bon de ne pas démentir aujourd'hui. Trois arrondissements de Paris vous disaient :

Placés sur l'autre rive de la Seine, faisant comme une ville à part, différente de celle qui est placée sur la rive droite, nous aussi nous avons besoin de communications avec Versailles, et le chemin de fer qui part de la place de l'Europe est trop éloigné de nous pour pouvoir nous servir.

Les communes que ce chemin devait traverser ont conçu les mêmes espérances; elles les ont conçues surtout lorsqu'elles ont vu bouleverser tous leurs territoires pour la construction de ce chemin. Eh bien! je ne dis pas que vous êtes obligés rigoureusement à terminer le chemin envers les populations qui l'ont espéré, mais je dis que, politiquement, il est bon de ne pas leur retirer le bienfait sur lequel elles ont compté; je dis que vous faites une bonne chose en accomplissant cette œuvre; je dis que c'est un bien, un avantage moral qu'il faut ajouter aux avantages dont je parlais tout à l'heure.

Il en est un autre, Messieurs, et très important, c'est de vous éviter par là la nécessité dans laquelle vous vous trouveriez de détruire un capital de 8 millions accumulé sur ees localités. Vainement se persuaderait-on, soit que le chemin pourrait être achevé par une autre compagnie, soit qu'on pourrait le laisser dans l'état où il est. Non, ni l'un ni l'autre n'est possible. Si vous n'osez pas faire un prêt de 5 millions sur le gage du chemin tout entier, il n'est pas une compagnie qui veuille mettre 7 à 8 millions pour l'achever. (C'est évident!)

Je ne comprends pas que lorsque le Gouvernement qui, indépendamment de l'intérêt pécuniaire, a tant d'autres intérêts moraux à terminer ce chemin de fer, ne voudrait pas prêter 5 millions pour l'achever, une compagnie consentît à y consacrer 7 ou 8 millions.

Vous n'en trouveriez pas, et qu'arriveraitil alors? Ce chemin, peut-on le laisser dans l'état où il est? Il est possible que quelquesuns de nos collègues se persuadent qu'on peut laisser les choses en cet état, qu'on peut ne rien faire, d'un côté, parce que le moyen proposé par la Commission ne conduirait à rien; d'un autre côté, parce que le moyen que j'indique pourrait être trop onéreux. Non, il faudra faire quelque chose, et si vous ne voulez pas faire quelque chose pour achever le chemin, il faudra faire quelque chose pour le détruire. Comment! vous avez des monta

gnes élevées et des abîmes creusés, et vous croyez que cela peut rester dans cet état! Cela est impossible. Eh bien! à qui s'adressera-t-on pour réparer ces ruines, ces bouleversements? à quí? à la compagnie? La compagnie est incapable de le faire, elle a épuisé son capital et elle s'est engagée pour 15 ou 1,700,000 fr. au-dessus de son capital. Aux communes? Les communes n'y sont pas obligées. Aux propriétaires riverains? Ce sont eux qui pourraient se plaindre de ces ruines, mais ce ne sont pas eux qui pourraient être obligés de les réparer. Aux départements? Ils n'y sont pas davantage obligés; de manière que l'Etat serait seul appelé à cette indispensable réparation. (Rumeurs diverses.)

L'Etat, je le répète, serait appelé à réparer ces ruines. Ceux qui se préoccupent d'une question de droit se demandent si l'Etat y est obligé légalement ; mais ce que je sais très bien, c'est que l'Etat, qui porte secours à toutes les populations qui réclament son assistance, qui fait des routes, qui creuse des canaux, serait obligé, au même titre, de faire disparaître de la route qui sépare Paris de Versailles les ruines qui y auraient été accumulées. (Mouvement.)

M. Berryer. C'est évident!

M. Dufaure, ministre des travaux publics. Ainsi, Messieurs, indépendamment de la valeur du chemin triple du prêt que nous vous demandons de faire, indépendamment du revenu du chemin, avantage moral et civilisateur à établir un grand mouvement de population entre Paris et Versailles, avantage de satisfaire à des espérances que la loi de 1836 a dû faire concevoir aux populations de la rive gauche de la Seine, avantage de ne pas obliger le Gouvernement à venir l'année prochaine vous demander un crédit, non plus pour achever, mais pour détruire ce qui se trouve sur cette ligne. (Nouveau mouvement.)

En présence de telles considérations, Messieurs, je ne puis croire que la Chambre consente à rejeter le projet de loi qui lui a été présenté. Je me borne simplement, comme vous l'avez vu, à examiner les deux questions sur lesquelles la Commission s'était prononcée. Je veux seulement dire un mot, en finissant, de quelques réflexions de l'honorable M. Lherbette.

Il a voulu vous faire croire qu'en favorisant une compagnie vous seriez injuste envers une autre ; que les tarifs de cette autre compagnie seraient beaucoup moins élevés que ceux de la compagnie de la rive gauche.

M. Lherbette. Je n'ai pas dit un mot de cela.

M. Dufaure, ministre des travaux publics. Je vous demande pardon! vous en avez parlé à la fin de votre discours.

M. Lherbette. Je ne vous ai pas accusé d'injustice, en ce que vous éléveriez les tarifs d'une compagnie en même temps que vous maintiendrez tels qu'ils sont ceux d'une autre. J'ai dit en faisant le calcul des revenus probables du chemin de fer de la rive gauche, que bien que ces tarifs soient portés

1

à 1 fr. 72 ou 75 centimes, lorsque M. Fould les réduisait lui-même à 1 fr. 20 c., ce chiffre était encore trop élevé, non en droit, mais en fait; parce qu'en fait, comme le tarif de la rive droite est à 98 c., force serait à la rive gauche de niveler son prix à celui de la rive droite.

M. Dufaure, ministre des travaux publics. Ce que je voulais répondre, c'est que je m'étais préoccupé moi-même de l'inégalité que l'honorable M. Lherbette vient encore de me rappeler; que je n'avais pas voulu accorder à une compagnie, même dans un intérêt public, une faveur dont une autre compagnie pourrait se plaindre, et j'ai proposé à la compagnie de la rive droite de demander par le projet de loi à la Chambre la faculté d'augmenter ses tarifs. Je voulais seulement montrer que le projet de loi avait été rédigé dans un esprit de justice que personne ne peut méconnaître. (Très bien!... Aux voix! aux voix!)

M. Remilly (de Versailles) et M. le rapporteur montent en même temps à la tribune. (Les cris aux voix! se font entendre avec plus de force.)

M. le Président. M. le rapporteur demande à être entendu ; cependant je dois consulter la Chambre pour savoir si elle entend prononcer la clôture de la discussion.

Plusieurs voix. Le rapporteur a le droit de parler.

M. de Vatry. On a toujours le droit de parler après un ministre. (Aux voix! aux voix!)

M. le Président. Je consulte la Chambre sur la clôture de la discussion, sauf à donner la parole à M. le rapporteur lorsque la discussion générale sera fermée.

M. Remilly (de Versailles). Je la demande aussi !

(La Chambre, consultée, prononce la clôture de la discussion générale. Une grande agitation règne dans l'Assemblée.)

M. le Président. Ainsi que je l'ai annoncé, je donne la parole à M. le rapporteur.

M. Cochin, rapporteur. Messieurs, après les paroles que M. le ministre des travaux publics vient de vous faire entendre, je dois, au nom de la Commission, soutenir l'avis qu'elle a émis, en faisant voir que la position de la question ne s'éloigne pas du point où l'a placée M. le ministre, mais que le point de vue sous lequel cette question est envisagée en diffère totalement.

M. le ministre vous a dit que le prêt demandé pouvait avoir des conséquences fâcheuses pour le Trésor, mais que c'était un sacrifice devenu nécessaire, parce qu'il était impossible de laisser un chemin de fer dans l'état où est celui de la rive gauche ; que, par conséquent, il fallait faire une nouvelle dépense pour l'établir dans un intérêt convenable; qu'il y avait un avantage moral d'intérêt public à retirer de cette dépense, et qu'il ne fallait pas restreindre aux proportions du

droit civil et du prêt ordinaire le prêt qui vous est demandé.

La Commission a cru devoir au contraire regarder le prêt proposé comme étant un dangereux précédent, parce que le Gouvernement a demandé, non pas un crédit pour faire une dépense indispensable, non pas une subvention pour encourager une entreprise, non pas un sacrifice à forfait pour procurer l'achèvement d'un chemin de fer, mais parce qu'il a demandé nettement un prêt au profit de la compagnie.

Or, l'essence du contrat de prêt est de promettre le remboursement, et ce remboursement, au dire même de M. le ministre, est bien chanceux. Or donc il fallait que la Chambre comprît que ce n'était pas un prêt qui lui était demandé, mais un sacrifice, mais une subvention. (Réclamations.)

Maintenant, la Chambre a compris le danger du prêt tel qu'il est demandé; la Chambre verra si, à l'instant où l'industrie des chemins de fer commence à se développer, elle doit donner des subventions à toutes les entreprises qui, n'ayant pas le moyen de se suffire à elles-mêmes, viendront dire comme celle-ci que l'état d'inachèvement présente de tels inconvénients, qu'il faut absolument les soutenir. (Bruit confus.)

La Commission a donc dû nous dire que ce n'était pas sous forme d'un prêt, mais sous forme de subvention, que les 5 millions devaient être donnés. (Aux voix! aux voix!)

(La Chambre, consultée, décide qu'elle passe à la discussion des articles.)

Art. 1er (du Gouvernement).

Le ministre des travaux publics est autorisé à consentir, au nom de l'Etat, un prêt de 5 millions de francs à la compagnie du chemin de fer de Versailles (rive gauche de la Seine).

« Cette somme sera exclusivement employée à terminer les travaux du chemin de fer et à compléter le matériel d'exploitation. »><

M. le Président. La Commission propose la suppression de cet article.

Amendement de MM. Pascalis et Toussin.

M. le Président. Sur cet article, M. Pascalis, réuni à M. Toussin, présente l'amendement suivant :

« L'entier achèvement du chemin et le complément du matériel nécessaire seront garantis, aux termes de l'acte déposé entre les mains de M. le ministre des travaux publics, le 5 juillet 1839.>>

M. Victor Grandin. Je demande la parole sur l'art. 1er.

M. le Président. La parole est à M. Pascalis pour développer son amendement. Plusieurs voix : C'est inutile!

M. Pascalis. Messieurs, je tiens à dire un mot sur mon amendement, de ma place.

M. Lherbette. Il faudrait d'abord savoir si le Gouvernement prêtera!

M. Victor Grandin (à la tribune). Messieurs... (Aux voix! aux voix!)

(M. Grandin quitte la tribune, que M. Pascalis vient aussitôt occuper.)

M. Pascalis. Messieurs, je n'ai qu'un mot à dire pour justifier l'amendement qui vous est présenté.

Cet amendement doit être le complément du projet dans la pensée de ceux qui veulent adopter l'opinion du Gouvernement; car vous êtes mémoratifs que la Commission a été divisée sur ce projet; cinq voix sur neuf ont été de l'avis de l'honorable rapporteur; quatre voix ont au contraire pensé que le projet du Gouvernement devait être adopté...

M. Lherbette. Non pas!

M. Pascalis. Devait être adopté sous cette condition qu'il existerait une garantie d'achèvement du chemin et des travaux entrepris. Cette garantie, d'après l'opinion de la Commission, résulte suffisamment de l'engagement qui a été pris. Eh bien! c'est cette opinion de la minorité qui a été formulée dans l'amendement qui vous a été présenté, et j'en demande l'adoption.

(M Victor Grandin reparaît à la tribune, et les cris Aux voix! redoublent.)

M. le Président. Je consulte la Chambre sur l'art. 1°r.

M. Mauguin. Il faut faire voter l'amendement d'abord.

M. le Président. L'amendement n'est qu'un paragraphe additionnel; il ne peut être voté qu'après l'adoption de l'article.

M. Victor Grandin. (Aux voix! aux voix!) Je ne viens pas m'opposer à l'article 1er. M. Piscatory. Laissez-le voter alors!

M. Victor Grandin. Je viens, au contraire, appuyer la demande du prêt de 5 millions. J'ai parlé de solidarité, il y a un instant; il paraît que j'ai été mal compris. Je ne demande pas la solidarité pour le remboursement des 5 millions; mais comme je veux arriver à une conclusion, je demande la solidarité pour l'obligation d'achever le chemin.

Si, je suppose, un des emprunteurs obligé pour un quatorzième dans les 5 millions n'exécutait pas son engagement, ce seraient 350,000 fr. de perdus ; mais les autres obligés seraient toujours tenus de payer leur quote-part. Quant à la garantie d'achèvement, au contraire, il suffirait que le plus faible des obligés ne pût pas remplir son obligation, pour que tous les autres fussent déliés de la leur.

Je demande donc la solidarité pour l'achèvement; autrement, je ne voterai pas; car, suivant moi, nous n'aurions qu'une garantie illusoire.

(La Chambre, consultée sur l'art. 1er du projet du Gouvernement, se prononce pour l'adoption.)

M. le Président. L'article 1er étant adopté, la Chambre doit maintenant voter sur l'a

mendement de M. Pascalis, qui se placerait à la suite comme paragraphe additionnel.

M. Dufaure, ministre des travaux publics. J'y adhère, M. le président!

(Le paragraphe proposé par MM. Pascalis et Toussin est mis aux voix et adopté.)

(L'ensemble de l'article 1er est ensuite mis aux voix et adopté.)

Art. 2.

« Ladite somme de 5 millions sera versée par cinquième.

«Les deux premiers cinquièmes seront versés immédiatement après la convention qui sera passée pour l'exécution de la présente loi; deux autres cinquièmes, après que la compagnie aura réalisé et employé la moitié du fonds de réserve créé parl'article 7 des statuts, et le dernier cinquième, après réalisation et emploi de la seconde moitié du même fonds. » (Adopté.)

Art. 3.

« Le taux de l'intérêt sera réglé à raison de 4 pour cent par an.

«Le remboursement s'effectuera d'année en année par vingtième ; il ne commencera que trois ans après l'époque fixée pour l'achèvement du chemin de fer. » (Adopté.)

Art. 4.

« La compagnie affectera au paiement des intérêts et au remboursement de la somme empruntée, le chemin de fer et toutes ses dépendances, ainsi que le matériel d'exploitation.

«En cas de retard de la compagnie dans le paiement stipulé, le Gouvernement, indépendamment du droit qui résulte pour lui du paragraphe précédent, pourra mettre saisie et arrêt sur les revenus du chemin de fer. » (Adopté.)

Art. 5.

« La compagnie sera tenue de fournir une caution bonne et valable pour la réalisation de la première moitié du fonds de réserve créé par l'art. 7 des statuts, et dont il a été parlé ci-dessus.

"Si le fonds de réserve n'était pas réalisé dans les délais qui seront déterminés, la compagnie encourra la déchéance; le Gouvernement aura le droit de procéder administrativement, par la voie d'une adjudication publique, à la vente du chemin, de ses dépendances et de son matériel d'exploitation. L'adjudicataire sera tenu, avant toute autre condition, de rembourser à l'Etat la portion du prêt déjà effectué, ainsi que les arrérages dus, jusqu'à parfait paiement. »

De toutes parts: On n'a pas entendu ! (Vive agitation.)

M. le Président. Il est impossible que le président remplisse son mandat, si la Chambre ne consent pas à garder le silence. Tant que le silence ne sera pas rétabli, je ne met

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