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à cet ordre, n'ayant été réglé d'aucune manière, a toujours demeuré entre les mains d'un caissier particulier. Voici, Messieurs, ce qui est résulté de cet inconvénient, c'est que, depuis très peu de temps, des sommes considérables déposées dans cette caisse, ont passé à Coblentz entre les mains de Louis-Stanislas-Xavier. Il y a encore d'autre argent dans cette caisse qui vraisemblablement aura le même sort si vous n'y prenez garde.

Je demande, Messieurs, qu'en renvoyant aux comités diplomatique et militaire réunis l'examen des questions relatives à cet ordre, vous y joigniez le comité des domaines pour tout ce qui concerne les revenus, afin qu'il vous présente incessamment un projet de décret sur l'administration des biens des ordres supprimés. (Appuyé! appuyé!)

M. Vincens-Plauchut. Le comité des domaines est prêt sur cet objet. Il vous donnera des renseignements et des lumières quand vous voudrez l'entendre.

M. Grangeneuve. Je demande qu'en général vos comités vous présentent un projet de décret de séquestre et d'administration des biens, tant patrimoniaux qu'accessoires, des princes mis en état d'accusation. (Applaudissements.)

(L'Assemblée décide que le comité dés domaines lui fera mercredi prochain son rapport concernant l'administration des biens appartenant au ci-devant ordre de Saint-Lazare.)

M. Couthon. Messieurs, j'ai remarqué que, dans le premier projet de décret qui vous a été lu, il y est dit que les mesures que l'Assemblée nationale avait projetées au mois de novembre avaient été inutiles. Je dis, Messieurs, que ce mot projetées est peut-être très important à réformer, parce que vous semblez convenir que tout ce qui sort du Corps législatif n'est que projet, et, certes, vous donneriez en ce sens au veto une très grande étendue; il en a déjà assez. (Applaudissements.) Je demande donc que le mot projetées soit effacé et qu'il soit dit : « considérant que les mesures décrétées, etc. »>

(L'Assemblée adopte l'amendement de M. Cou

thon.)

En conséquence, le premier décret adopté précédemment est ainsi conçu :

L'Assemblée nationale, considérant que la notoriété publique et des actes extérieurs connus de l'Europe entière, ne permettent plus de douter que des Français fugitifs ont formé le coupable projet d'attenter à la liberté de leur patrie que des princes français se sont déclarés les chefs de cette conspiration; qu'ils ont calomnié la nation, ses représentants et son roi; tenté d'élever des doutes sur la sincérité de l'acceptation que Louis XVI a solennellement proclamée; appelé autour d'eux une foule de rebelles; fait des préparatifs hostiles, suivis de négociations auprès des puissances étrangères; sollicité d'elles des secours en hommes, en armes et en argent, ouvertement dirigés contre la France; fomenté dans le sein du royaume des divisions funestes; tenté d'ébranler la fidélité de plusieurs agents de la force publique; entretenu des relations suspectes dans l'intérieur et fait enrôler et recruter au nom du roi jusque dans le sein de la France;

"Considérant que les mesures décrétées par l'Assemblée nationale au commencement du mois de novembre dernier, et le délai qu'elle avait accordé, n'ont fait qu'accroître l'audace des rebelles, ont provoqué des réponses sédi

tieuses et insolentes aux exhortations fraternelles du roi, nécessité des armements considérables, et entretenu des inquiétudes funestes au crédit et une fermentation dangereuse pour la tranquillité publique.

« Décrète qu'il y a lieu à accusation contre Louis-Stanislas-Xavier, Charles-Philippe et Louis Joseph, princes français, N... Calonne, ci-devant contrôleur-général; N... Laqueuille l'aîné et Grégoire Riquetti, tous les deux ci-devant députés à l'Assemblée nationale constituante, comme prévenus d'attentats et de conspiration contre la sûreté générale de l'Etat et la Constitution. »

MM. DUPORT, ministre de la justice, DELESSART, ministre des affaires étrangères, TARBE, ministre des contributions publiques, CAHIER DE GERVILLE, ministre de l'intérieur et BERTRAND, ministre de la marine, viennent prendre séance.

M. le Président. M. le ministre de la marine demande la parole; je la lui accorde.

M. Bertrand, ministre de la marine, fait lecture d'un mémoire justificatif des inculpations dirigées contre lui par des citoyens de Rochefort et de Brest (1) et sur lesquelles il a été fait un rapport par le comité de marine (2); il s'exprime ainsi :

Messieurs, lorsqu'au courage inséparable d'une conscience sans reproche, l'honnête homme réunit l'avantage de pouvoir manifester son innocence devant des hommes justes, ces puissants motifs de sécurité donnent à sa défense un caractère d'énergie qui, loin d'offenser ses juges, n'est qu'un hommage rendu à leur équité. C'est aussi, Messieurs, celui que je viens vous offrir, parce que c'est le seul digne de vous.

Deux pétitions de citoyens de Brest (3), et une pétition de citoyens de Rochefort, adressées à l'Assemblée nationale, et renvoyées au comité de marine, contiennent plusieurs inculpations dirigées contre moi; elles peuvent se réduire à cinq chefs principaux :

1o J'ai ordonné le désarmement des batteries et des vaisseaux qui étaient en commission dans le port de Brest, sous le spécieux prétexte de la conservation des effets. Un tel ordre, dans les circonstances où la patrie se trouve, peut bien se qualifier de trahison; c'est au moins un délit grave (4).

2o J'ai détourné l'emploi des fonds publics en faveur des ci-devant nobles, servant dans la marine, en leur faisant payer des appointements qu'ils méritaient de perdre pour cause d'émigration et d'absence illégitime.

3o J'ai accordé un rappel d'appointements au sieur Bouexic, lieutenant de vaisseau, absent du service depuis près de deux ans, sous prétexte que cet officier avait été contraint, par maladie, à la suite d'une campagne, de rester pendant deux ans aux eaux de Bagnères motif d'autant plus faux, qu'il est justifié par les registres des bureaux de la Marine, que lors du départ de cet officier, on ne lui a accordé qu'un

(1) Voy. Archives parlementaires, 1oo série, t. XXXV, séance du 5 décembre 1791, page 587, un premier discours du ministre de la marine à ce sujet.

(2) Voy. séance du jeudi 29 décembre 1791 au soir, t. XXXVI, page 637, le rapport de M. Cavellier à ce sujet.

(3) Voy. ci-après aux annexes de la séance, page 20, les pièces justificatives n° 1 et 2.

(4) Voir ci-après aux annexes de la séance, page 21, la pièce justificative n° 3.

congé de trois mois, sans appointements, et qu'un tel congé ne se délivre point à ceux qui désarment ou qui sont malades, parce qu'en pareil cas ils ne perdent jamais leurs appointements... Inculpation de même nature, relativement à M. Eschalard, major de la 2e division du corps des canonniers-matelots, absent du service depuis le 1er avril 1788, à qui j'ai fait obtenir un rappel d'appointements de 1,500 li

vres.

4o Des congés avec appointements ont été accordés par moi à d'autres officiers qui, comme les sieurs Hector et Soulanges, en jouissent en pays étranger.

5o La nouvelle organisation de la marine n'a pas été mise à exécution. Ce retard qu'on ne peut justifier, en détruisant l'espoir des braves marins restés à leur poste, fait naître des idées consolantes aux ennemis de la Révolution...

Ainsi donc, trahison ou délit grave, et très grave sans doute;... déprédations de fonds en faveur des ennemis publics;... rappel d'appointements à des officiers sur des motifs faux;... congés avec appointements pour en jouir en pays étrangers;... lenteur coupable à organiser le corps de la marine... détruire l'espoir des bons, être l'espoir des méchants... Voilà littéralement l'énoncé et la nature des inculpations dirigées contre moi.

Avant de répondre à ces divers chefs d'accusation, permettez-moi, Messieurs, de vous témoigner une surprise que vous partagerez sans doute, en voyant que tant de délits graves contenus dans les seules pièces livrées à l'examen de votre comité, ne soient presque point mentionnés dans ses deux rapports, et qu'il s'attache presque uniquement à examiner une lettre de moi, imprimée dans une gazette, et à m'inculper d'après une correspondance de la municipalité de Brest, dont je n'ai aucune connaissance. Ne croyez pas, Messieurs, que je veuille éviter la discussion du prétendu délit dont le comité pa raît s'être uniquement occupé, mais je dois examiner d'abord les objets des pétitions dont l'Assemblée a désiré qu'il lui fût rendu compte.

Le premier chef d'accusation concerne le désarmement des batteries et des vaisseaux qui étaient en commission dans le port de Brest, etc. Les armements de l'Angleterre avaient déterminé à mettre en activité une partie de nos forces navales; mais cette puissance ayant ensuite désarmé entièrement, on se détermina, le 17 octobre, à faire démâter et dégréer nos vaisseaux, afin d'éviter une dépense considérable, ainsi que le dépérissement des agrès et de la mâture pendant la mauvaise saison dans laquelle on allait entrer. Cette mesure a été suspendue le 31 octobre; l'on a pensé que l'insurrection des nègres à Saint-Domingue pourrait obliger de mettre promptement en mer des forces considérables, et 15 vaisseaux ont été conservés mâtés, ainsi que deux frégates. Deux de ces vaisseaux ayant été expédiés depuis pour Saint-Domingue, il en reste 13 prêts à armer au premier ordre. L'on a eu, d'ailleurs, l'attention d'en disposer d'autres pour les remplacer dans le cas où l'on aurait ordonné un armement plus fort que celui des 13 vaisseaux conservés mâtés.

Les vues pacifiques de l'Angleterre, et la mauvaise saison qui rend presqu'impossible toute opération hostile sur Brest, ont déterminé également à désarmer, le 5 novembre dernier, les batteries qui avoisinent ce port, et dont la dépense était très considérable. Mais pour pouvoir

les mettre en activité au premier ordre, tout a été conservé sur les lieux; on y a laissé un gardien dépositaire, et la poudre des différentes batteries a été réunie sur chaque côte dans un entrepôt général auquel il a été affecté une garde. L'estimation nécessairement vague de la différence de dépense procurée par ces différentes mesures, présenterait une économie au moins de 160,000 livres par mois... Voilà, Messieurs, en quoi consiste la prétendue trahison qui forme le premier chef d'accusation.

Le second chef est relatif à une prétendue déprédation de fonds publics en faveur d'officiers à qui j'ai fait payer des appointements qu'ils méritaient de perdre, pour cause d'émigration, etc.

La réponse est courte et péremptoire. La loi est précise à cet égard; les trésoriers ne peuvent payer, malgré les ordres du ministre, que sur la présentation du certificat de résidence, sous peine de perdre eux-mêmes les sommes qu'ils auraient avancées; ainsi, en supposant qu'un ordre contraire eût été surpris au ministre, il ne serait pas exécuté. Il n'a pas été donné, il n'a pu l'être; d'ailleurs, on paye par quartier, et depuis le 4 octobre, époque de mon entrée dans le ministère, il n'y a pas encore un quartier échu.

Troisième chef d'accusation: Rappel d'appointements au sieur d'Eschalard. Cette inculpation ne pourrait être faite qu'à mes prédécesseurs, comme on peut en juger par les dates des pièces imprimées à la suite de ma réponse, et desquelles il résulte que les rappels d'appointements accordés à M. d'Eschalard, sont antérieurs à mon entrée dans le ministère (1).

Ma réponse à l'inculpation relative à M. Bouexic, est la même que celle que j'ai déjà faite dans ma lettre du 12 décembre dernier. Je ne m'étendrai pas davantage sur cette inculpation, puisqu'on n'y insiste pas dans le nouveau rapport.

Quatrième chef d'accusation: Des congés avec appointements ont été accordés par moi à d'autres officiers qui, comme les sieurs Hector et Soulanges, en jouissent en pays étranger. L'état que j'ai remis à l'Assemblée nationale, et dont je joins ici un relevé, prouvera qu'aucun de ceux que j'ai fait expédier ne l'ont été sans motifs, que presque tous sont limités jusqu'à la nouvelle formation. Il est fâcheux que votre comité n'ait pas eu le temps de donner à cette pièce importante l'attention qu'elle méritait; je ne me trouverais pas dans la nécessité pénible de relever dans un rapport fait à l'Assemblée nationale, une foule d'erreurs aussi graves.

On lit dans ce rapport que la note des rappels et des congés, loin d'être une pièce justificative, prouve au contraire contre moi; qu'en effet, en examinant ces pièces, on trouve plusieurs rappels d'appointements qui ne sont pas suffisamment motivés. Mais en quoi pèchent ces motifs! en quoi sont-ils insuffisants? c'est ce que le comité ne dit pas. On voit (continue le rapport) que, du 15 octobre au 10 décembre, il a été accordé 106 congés; ce qui a fait dire avec fondement, à la municipalité de Brest, que le ministre faisait expédier jusqu'à 30 congés par le même courrier, afin de voiler la fausseté de ce qu'il avait publié dans sa lettre du 14 novembre, et de mettre à l'abri du blâme les officiers absents sans congé. Le ministre n'oserait nier que la

(1) Voy. ci-après aux annexes de la séance, page 23, la pièce justificative n° 5.

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à cet ordre, n'ayant été réglé d'aucune manière, a toujours demeuré entre les mains d'un caissier particulier. Voici, Messieurs, ce qui est résulté de cet inconvénient, c'est que, depuis très peu de temps, des sommes considérables déposées dans cette caisse, ont passé à Coblentz entre les mains de Louis-Stanislas-Xavier. Il y a encore d'autre argent dans cette caisse qui vraisemblablement aura le même sort si vous n'y prenez garde.

Je demande, Messieurs, qu'en renvoyant aux comités diplomatique et militaire réunis l'examen des questions relatives à cet ordre, vous y joigniez le comité des domaines pour tout ce qui concerne les revenus, afin qu'il vous présente incessamment un projet de décret sur l'administration des biens des ordres supprimés. (Appuyé ! appuyé!)

M. Vincens-Plauchut. Le comité des domaines est prêt sur cet objet. Il vous donnera des renseignements et des lumières quand vous voudrez l'entendre.

M. Grangeneuve. Je demande qu'en général vos comités vous présentent un projet de décret de séquestre et d'administration des biens, tant patrimoniaux qu'accessoires, des princes mis en état d'accusation. (Applaudissements.)

(L'Assemblée décide que le comité des domaines lui fera mercredi prochain son rapport concernant l'administration des biens appartenant au ci-devant ordre de Saint-Lazare.)

M. Couthon. Messieurs, j'ai remarqué que, dans le premier projet de décret qui vous a été lu, il y est dit que les mesures que l'Assemblée nationale avait projetées au mois de novembre avaient été inutiles. Je dis, Messieurs, que ce mot projetées est peut-être très important à réformer, parce que vous semblez convenir que tout ce qui sort du Corps législatif n'est que projet, et, certes, vous donneriez en ce sens au veto une très grande étendue; il en a déjà assez. (Applaudissements.) Je demande donc que le mot projetées soit effacé et qu'il soit dit : « considérant que les mesures décrétées, etc. »>

(L'Assemblée adopte l'amendement de M. Couthon.)

En conséquence, le premier décret adopté précédemment est ainsi conçu :

L'Assemblée nationale, considérant que la notoriété publique et des actes extérieurs connus de l'Europe entière, ne permettent plus de douter que des Français fugitifs ont formé le coupable projet d'attenter à la liberté de leur patrie que des princes français se sont déclarés les chefs de cette conspiration; qu'ils ont calomnié la nation, ses représentants et son roi; tenté d'élever des doutes sur la sincérité de l'acceptation que Louis XVI a solennellement proclamée; appelé autour d'eux une foule de rebelles; fait des préparatifs hostiles, suivis de négociations auprès des puissances étrangères; sollicité d'elles des secours en hommes, en armes et en argent, ouvertement dirigés contre la France; fomenté dans le sein du royaume des divisions funestes; tenté d'ébranler la fidélité de plusieurs agents de la force publique; entretenu des relations suspectes dans l'intérieur et fait enrôler et recruter au nom du roi jusque dans le sein de la France;

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Considérant que les mesures décrétées par l'Assemblée nationale au commencement du mois de novembre dernier, et le délai qu'elle avait accordé, n'ont fait qu'accroître l'audace des rebelles, ont provoqué des réponses sédi

tieuses et insolentes aux exhortations fraternelles du roi, nécessité des armements considérables, et entretenu des inquiétudes funestes au crédit et une fermentation dangereuse pour la tranquillité publique.

« Décrète qu'il y a lieu à accusation contre Louis-Stanislas-Xavier, Charles-Philippe et Louis Joseph, princes français, N... Calonne, ci-devant contrôleur-général; N... Laqueuille l'aîné et Grégoire Riquetti, tous les deux ci-devant députés à l'Assemblée nationale constituante, comme prévenus d'attentats et de conspiration contre la sûreté générale de l'Etat et la Constitution. >>

MM. DUPORT, ministre de la justice, DELESSART, ministre des affaires étrangères, TARBÉ, ministre des contributions publiques, CAHier de Gerville, ministre de l'intérieur et BERTRAND, ministre de la marine, viennent prendre séance.

M. le Président. M. le ministre de la marine demande la parole; je la lui accorde.

M. Bertrand, ministre de la marine, fait lecture d'un mémoire justificatif des inculpations dirigées contre lui par des citoyens de Rochefort et de Brest (1) et sur lesquelles il a été fait un rapport par le comité de marine (2); il s'exprime ainsi :

Messieurs, lorsqu'au courage inséparable d'une conscience sans reproche, l'honnête homme réunit l'avantage de pouvoir manifester son innocence devant des hommes justes, ces puissants motifs de sécurité donnent à sa défense un caractère d'énergie qui, loin d'offenser ses juges, n'est qu'un hommage rendu à leur équité. C'est aussi, Messieurs, celui que je viens vous offrir, parce que c'est le seul digne de vous.

Deux pétitions de citoyens de Brest (3), et une pétition de citoyens de Rochefort, adressées à l'Assemblée nationale, et renvoyées au comité de marine, contiennent plusieurs inculpations dirigées contre moi; elles peuvent se réduire à cinq chefs principaux :

1o J'ai ordonné le désarmement des batteries et des vaisseaux qui étaient en commission dans le port de Brest, sous le spécieux prétexte de la conservation des effets. Un tel ordre, dans les circonstances où la patrie se trouve, peut bien se qualifier de trahison; c'est au moins un délit grave (4).

2o J'ai détourné l'emploi des fonds publics en faveur des ci-devant nobles, servant dans la marine, en leur faisant payer des appointements qu'ils méritaient de perdre pour cause d'émigration et d'absence iflégitime.

3° J'ai accordé un rappel d'appointements au sieur Bouexic, lieutenant de vaisseau, absent du service depuis près de deux ans, sous prétexte que cet officier avait été contraint, par maladie, à la suite d'une campagne, de rester pendant deux ans aux eaux de Bagnères motif d'autant plus faux, qu'il est justifié par les registres des bureaux de la Marine, que lors du départ de cet officier, on ne lui a accordé qu'un

:

(1) Voy. Archives parlementaires, 1re série, t. XXXV, séance du 5 décembre 1791, page 587, un premier discours du ministre de la marine à ce sujet.

(2) Voy. séance du jeudi 29 décembre 1791 au soir, t. XXXVI, page 637, le rapport de M. Cavellier à ce sujet.

(3) Voy. ci-après aux annexes de la séance, page 20, les pièces justificatives n° 1 et 2.

(4) Voir ci-après aux annexes de la séance, page 21, la pièce justificative n° 3.

[Assemblée nationale législative.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 janvier 1792.]

congé de trois mois, sans appointements, et qu'un tel congé ne se délivre point à ceux qui désarment ou qui sont malades, parce qu'en pareil cas ils ne perdent jamais leurs appointements... Inculpation de même nature, relativement à M. Eschalard, major de la 2o division du corps des canonniers-matelots, absent du service depuis le 1er avril 1788, à qui j'ai fait obtenir un rappel d'appointements de 1,500 li

vres.

4o Des congés avec appointements ont été accordés par moi à d'autres officiers qui, comme les sieurs Hector et Soulanges, en jouissent en pays étranger.

5° La nouvelle organisation de la marine n'a pas été mise à exécution. Ce retard qu'on ne peut justifier, en détruisant l'espoir des braves marins restés à leur poste, fait naître des idées consolantes aux ennemis de la Révolution...

Ainsi donc, trahison ou délit grave, et très grave sans doute;... déprédations de fonds en faveur des ennemis publics;... rappel d'appointements à des officiers sur des motifs faux;... congés avec appointements pour en jouir en pays étrangers;... lenteur coupable à organiser le corps de la marine... détruire l'espoir des bons, être l'espoir des méchants... Voilà littéralement l'énoncé et la nature des inculpations dirigées contre moi.

Avant de répondre à ces divers chefs d'accusation, permettez-moi, Messieurs, de vous témoigner une surprise que vous partagerez sans doute, en voyant que tant de délits graves contenus dans les seules pièces livrées à l'examen de votre comité, ne soient presque point mentionnés dans ses deux rapports, et qu'il s'attache presque uniquement à examiner une lettre de moi, imprimée dans une gazette, et à m'inculper d'après une correspondance de la municipalité de Brest, dont je n'ai aucune connaissance. Ne croyez pas, Messieurs, que je veuille éviter la discussion du prétendu délit dont le comité pa raît s'être uniquement occupé, mais je dois examiner d'abord les objets des pétitions dont l'Assemblée a désiré qu'il lui fût rendu compte.

Le premier chef d'accusation concerné le désarmement des batteries et des vaisseaux qui étaient en commission dans le port de Brest, etc.

Les armements de l'Angleterre avaient déterminé à mettre en activité une partie de nos forces navales; mais cette puissance ayant ensuite désarmé entièrement, on se détermina, le 17 octobre, à faire démâter et dégréer nos vaisseaux, afin d'éviter une dépense considérable, ainsi que le dépérissement des agrès et de la mâture pendant la mauvaise saison dans laquelle on allait entrer. Cette mesure a été suspendue le 31 octobre; l'on a pensé que l'insurrection des nègres à Saint-Domingue pourrait obliger de mettre promptement en mer des forces considérables, et 15 vaisseaux ont été conservés mâtés, ainsi que deux frégates. Deux de ces vaisseaux ayant été expédiés depuis pour Saint-Domingue, il en reste 13 prêts à armer au premier ordre. L'on a eu, d'ailleurs, l'attention d'en disposer d'autres pour les remplacer dans le cas où l'on aurait ordonné un armement plus fort que celui des 13 vaisseaux conservés mâtés.

Les vues pacifiques de l'Angleterre, et la mauvaise saison qui rend presqu'impossible toute opération hostile sur Brest, ont déterminé également à désarmer, le 5 novembre dernier, les batteries qui avoisinent ce port, et dont la dépense était très considérable. Mais pour pouvoir

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les mettre en activité au premier ordre, tout a été conservé sur les lieux; on y a laissé un gardien dépositaire, et la poudre des différentes batteries a été réunie sur chaque côte dans un entrepôt général auquel il a été affecté une garde. L'estimation nécessairement vague de la différence de dépense procurée par ces différentes mesures, présenterait une économie au moins de 160,000 livres par mois... Voilà, Messieurs, en quoi consiste la prétendue trahison qui forme le premier chef d'accusation.

Le second chef est relatif à une prétendue déprédation de fonds publics en faveur d'officiers à qui j'ai fait payer des appointements qu'ils méritaient de perdre, pour cause d'émigration, etc.

La réponse est courte et péremptoire. La loi est précise à cet égard; les trésoriers ne peuvent payer, malgré les ordres du ministre, que sur la présentation du certificat de résidence, sous peine de perdre eux-mêmes les sommes qu'ils auraient avancées; ainsi, en supposant qu'un ordre contraire eût été surpris au ministre, il ne serait pas exécuté. Il n'a pas été donné, il n'a pu l'être; d'ailleurs, on paye par quartier, et depuis le 4 octobre, époque de mon entrée dans le ministère, il n'y a pas encore un quartier échu.

Troisième chef d'accusation: Rappel d'appointements au sieur d'Eschalard. Cette inculpation ne pourrait être faite qu'à mes prédécesseurs, comme on peut en juger par les dates des pièces imprimées à la suite de ma réponse, et desquelles il résulte que les rappels d'appointements accordés à M. d'Eschalard, sont antérieurs à mon entrée dans le ministère (1).

Ma réponse à l'inculpation relative à M. Bouexic, est la même que celle que j'ai déjà faite dans ma lettre du 12 décembre dernier. Je ne m'étendrai pas davantage sur cette inculpation, puisqu'on n'y insiste pas dans le nouveau rapport.

Quatrième chef d'accusation: Des congés avec appointements ont été accordés par moi à d'autres officiers qui, comme les sieurs Hector et Soulanges, en jouissent en pays étranger. L'état que j'ai remis à l'Assemblée nationale, et dont je joins ici un relevé, prouvera qu'aucun de ceux que j'ai fait expédier ne l'ont été sans motifs, que presque tous sont limités jusqu'à la nouvelle formation. Il est fâcheux que votre comité n'ait pas eu le temps de donner à cette pièce importante l'attention qu'elle méritait; je ne me trouverais pas dans la nécessité pénible de relever dans un rapport fait à l'Assemblée nationale, une foule d'erreurs aussi graves.

On lit dans ce rapport que la note des rappels et des congés, loin d'être une pièce justificative, prouve au contraire contre moi; qu'en effet, en examinant ces pièces, on trouve plusieurs rappels d'appointements qui ne sont pas suffisamment motivés. Mais en quoi pèchent ces motifs! en quoi sont-ils insuffisants? c'est ce que le comité ne dit pas. On voit (continue le rapport) que, du 15 octobre au 10 décembre, il a été accordé 106 congés; ce qui a fait dire avec fondement, à la municipalité de Brest, que le ministre faisait expédier jusqu'à 30 congés par le même courrier, afin de voiler la fausseté de ce qu'il avait publié dans sa lettre du 14 novembre, et de mettre à l'abri du blâme les officiers absents sans congé. Le ministre n'oserait nier que la

(1) Voy. ci-après aux annexes de la séance, page 23, la pièce justificative n° 5.

plupart des officiers auxquels il vient de permettre, par une prétendue prolongation, de rester chez eux, ne fussent absents sans congé.

Voilà sans doute des assertions bien positives. Eh bien, Messieurs, il n'y a pas un seul fait dans ce récit, dont la fausseté ne soit constatée par l'état des congés (1) qui était ou devait être sous les yeux de M. le rapporteur cet état prouve que depuis le 14 novembre, je n'ai expédié que 17 congés pour les officiers du département de Brest; c'est donc sans fondement que la municipalité de Brest a dit que j'en faisais expédier jusqu'à 30 par chaque courrier, ce qui aurait fait 90 par semaine. La vérité est que, depuis mon entrée dans le ministère jusqu'à ce jour, il a été accordé 113 congés, dont 93 aux officiers de la marine, et 20 aux élèves; que, dans ce nombre, il n'y en a que 42 en tout pour les officiers du département de Brest; que, parmi ces 42, il n'y en a que 4 qui aient obtenu des prolongations de congé, et que, parmi ces 4, il n'y en pas un seul qui fùt absent sans congé.

Tels sont, Messieurs, les faits constatés par cet état dressé avec l'exactitude la plus scrupuleuse, par le chef du bureau des officiers, et dont je garantis l'exactitude en ce qui me concerne sur ma responsabilité.

Si le nombre de 93 congés accordés dans l'espace de 2 mois 1/2, à tout le corps des officiers de la marine, paraissait trop considérable, il suffisait d'observer qu'ils ont été accordés à l'époque de l'entrée de l'hiver, et du désarmement des vaisseaux; que la plupart de ceux qui les ont obtenus revenaient de la mer, et avaient droit, par conséquent, à un congé de la moitié du temps de leur dernière campagne, comme les officiers de terre ont droit au semestre après un certain temps de service. Plusieurs autres en ont obtenu pour cause de maladie, et les congés, ainsi motivés, ne le sont que d'après des certificats de gens de l'art... Enfin, on ne peut pas se dissimuler qu'il est impossible de refuser, dans certaines circonstances, des permissions d'absence pour un temps limité, et pour des affaires importantes. Ainsi, plusieurs officiers, victimes des désastres de SaintDomingue, ont demandé et obtenu la permission d'aller recueillir les débris de leur fortune; étaitil raisonnable, était-il possible de rejeter ces demandes? D'autres, pleins de zèle, ont demandé à aller à la recherche de M. de La Pérouse, et ces congés qu'on leur a donnés, portent avec eux leur louable excuse; d'autres, également en très petit nombre, dont la présence dans les ports aurait pu être un sujet de trouble, ont obtenu aussi des permissions de s'absenter. J'en ai refusé, au contraire, en assez grand nombre, à ceux dont les demandes ne m'ont pas paru aussi légitimes.. Quant aux rappels d'appointements accordés à des officiers, et qu'on porte à un nombre si considérable (l'état motivé qui fait partie des pièces qui seront imprimées, en réduit le nombre à 10) (2), j'ai dù me décider à les accorder d'après des motifs que j'ai cru et que je crois encore si légitimes, que je n'hésiterais pas à les accorder aujourd'hui avec la même sécurité s'ils m'étaient demandés. J'observe, au surplus, que ces appointements rappelés n'ont pas pu être payés aux officiers absents, et que ma responsabilité garantirait le remboursement de ce qui peut avoir été

(1) Voy. ci-après aux annexes de la séance, page 23, la pièce justificative no 6.

(2) Voy. ci-après aux annexes de la séance, page 25, la piece justificative no 7.

payé aux officiers présents, si l'Assemblée jugeait insuffisants les motifs qui m'ont déterminé.

Je viens au cinquième chef d'accusation, auquel le comité paraît attacher une grande importance dans la note qui termine son second rapport.

On y expose que la nouvelle formation, qui avait été fixée au 15 septembre, a toujours été différée sous le spécieux prétexte que le Corps législatif n'avait pas déterminé le nombre d'officiers qui seraient en activité dans les ports; et en effet, parce qu'on voulait donner le temps aux émigrés de rentrer. Ainsi, comme on ne peut m'accuser sur des faits, c'est toujours en me supposant des intentions secrètes, qu'on cherche à m'inculper. Certainement je ne désavouerais pas le motif de tâcher de faire rentrer les émigrés; et je croirais, au contraire, avoir rempli un devoir, en m'occupant des moyens de ramener des hommes égarés, en leur laissant le temps de reconnaître leur erreur, de rentrer dans le sein de leur patrie, et de venir remplir leurs devoirs de citoyens et de militaires. Mais ce motif n'a pas influé sur le délai de la nouvelle formation; j'en ai fait connaître les causes d'une manière trop précise et trop publique, pour qu'il soit possible de conserver à cet égard le moindre doute.

Lorsque j'ai rendu compte à l'Assemblée nationale, le 31 octobre dernier, de l'état du département dont je venais d'être chargé, j'ai représenté les inconvénients qui résulteraient d'une organisation partielle, et j'ai exposé combien il serait nécessaire qu'au moment où les officiers qui doivent composer le nouveau corps, seraient mis en activité, leurs services, leurs fonctions, leurs rapports avec les administrateurs civils fussent déterminés avec précision. J'ai présenté l'aperçu des lois qui restaient à faire pour cet objet; et j'ai remis des mémoires particuliers sur ceux de ces détails qui me paraissaient les plus pressants. J'ai propose de renvoyer au 1er janvier la nouvelle organisation générale de la marine, parce que j'espérais qu'alors plusieurs de ces lois pourraient être rendues, et qu'ainsi l'ordre du nouveau service serait réglé avec la précision nécessaire. L'Assemblée nationale a paru, jusqu'à présent, approuver cette proposition, et j'ai dû croire qu'elle l'avait adoptée, puisqu'elle n'a encore manifesté aucune opinion, aucun désir contraire. J'ai différé, en conséquence, jusqu'à ce moment, à publier la liste de la nouvelle formation, qui était faite en grande partie le 31 octobre, et qui a été terminée depuis. L'époque à laquelle j'avais proposé de renvoyer cette publication est arrivée; et quoique la multiplicité des travaux de l'Assemblée nationale, ne lui ait pas permis de s'occuper encore de ceux qui concernent la marine, et qu'aucun des objets dont j'avais eu l'honneur de lui parler le 31 octobre, et sur lesquels je lui ai remis des mémoires, ne soit encore réglé, je suis prêt à publier cette liste. Je vais faire partir les lettres d'avis aux officiers qui y sont compris; j'y joindrai aussi l'ordre de se rendre dans un des ports à l'époque qui sera fixée pour la revue de formation; car, comme il a été présenté à l'Assemblée un projet de décret à cet égard, et qu'elle en a renvoyé la discussion à un terme très court, il ne m'appartient pas de rien statuer sur un objet que l'Assemblée paraît s'être réservé de déterminer elle-même, et je me réduirai, quant à présent, à publier la liste et à prescrire aux officiers de se tenir prêts à exécuter les ordres que les commandants des ports leur feront passer, à moins que l'Assemblée ne

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