Page images
PDF
EPUB

présente trois Projets de décret de liquidation (1) concernant :

Le premier, l'arriéré du département de la maison du roi, de la guerre, des finances et de la marine, les créances sur le ci-devant clergé, les jurandes et maîtrises, les domaines et les droits féodaux;

Le deuxième, les offices de judicature et ministériels ;

Le troisième, les offices de perruquiers. (L'Assemblée ajourne, à huitaine, la seconde lecture de ces projets de décret.)

M. Ramond, au nom du comité diplomatique, fait un rapport et présente un projet de décret sur la pétition de deux Français, les sieurs HuguesFrançois Bernard, contrôleur et ancien directeur d'hôpitaux à Cadix, et Jean Kiguès, maître perruquier établi en cette ville, qui, ayant refusé le serment prescrit par la cédule du roi d'Espagne, en date du 20 juillet dernier, ont été contraints d'abandonner précipitamment l'Espagne; il s'exprime ainsi :

Messieurs, dans le nombre des 2,000 Français au moins, qui, ayant refusé, en Espagne, le serment d'abandonner leur patrie, lui ont été rendus par les soins de nos consuls et aux frais de l'Etat, il en est deux qui sont arrivés jusqu'à Vous et qui vous demandent des secours.

L'Assemblée nationale ayant renvoyé leur pétition au comité diplomatique, le comité a fcru devoir consulter celui des secours publics, dont il a pris l'avis.

Vous savez, Messieurs, quelle espèce de Français peuplait l'Espagne. Des hommes amis du travail, et qui n'en trouvaient point chez eux; de petits propriétaires de fonds stériles de la haute-Auvergne et des Limousins surchargés d'impôts qui absorbaient le produit net de leurs maigres récoltes et qui allaient annuellement gagner en Espagne de quoi satisfaire le collecteur; de petits marchands dont l'estimable industrie cherchait ailleurs une moindre concurrence et des profits plus sûrs; des artisans qui trouvaient le juste salaire d'une vie laborieuse, au milieu d'un peuple oisif, telle est cette partie de nos concitoyens que l'Espagne repousse de son sein, en la plaçant entre le calcul de ses intérêts et l'amour de la patrie.

A l'instant où tant de riches et de ci-devant grands, où tant d'enfants gâtés de la patrie, la fuient et vont lui chercher des ennemis, tout en laissant leurs vastes propriétés sous la garde de leurs concitoyens, c'est un touchant spectacle de voir ces hommes laborieux auxquels elle refusait la subsistance, se presser vers elle, sans songer si elle leur rendra ce qu'ils laissent sur une terre étrangère. (Applaudissements.) Et si dans le nombre de ces bons Français, il en est quelquesuns qui tendent les bras vers nous, il est impossible qu'ils soient repoussés; car le devoir de compatir aux besoins de ceux qui viennent servir la cause commune, nait de la même forme que le droit de sévir contre ceux qui la trahissent, et vous ne pouvez, sans injustice, sommer les uns de se rendre à leur poste, si vous ne recevez pas avec générosité ceux qui s'y rendent volontairement.

C'est dans ces principes et dans ces sentiments, que votre comité diplomatique a jugé la pétition des sieurs Hugues-François Bernard et Jean

(1) Voy. ci-après, page 735 (annexe à la séance), le résultat général de ces projets de decret.

Kiguès, le premier, contrôleur et ancien directeur d'hôpitaux à Cadix; l'autre, maître perruquier établi en cette ville. Le refus du serment exigé par la cédule du roi d'Espagne, du 20 juil let dernier, les contraignant de quitter précipitamment les terres de sa domination, ils ont abandonné leurs affaires, des recouvrements désormais presque impossibles à opérer, et s'en sont remis de leur sort à la France, pour laquelle ils faisaient ces sacrifices. Le consul a justifié leurs premières espérances, par une disposition que l'Assemblée nationale a applaudie. Il a fait embarquer, pour le compte de la nation, ceux qui n'étaient pas en état de faire les frais du voyage. Les sieurs Bernard et Kiguès, profitant de cette munificence, ont été débarqués au Havre. Le premier retourne dans la ci-devant province de Bourgogne; le second à Pau: ils sont, l'un et l'autre, dénués et des moyens de faire le voyage et de ceux de recouvrer leur petit établissement; ils ont attendu longtemps ici, et dans la pauvreté, que ce rapport vous fut fait. L'un se regarde comme récompensé de son dévouement par une somme de 600 livres, et l'autre se contente de 400 livres. Votre comité s'étant assuré par les pièces à l'appui de la pétition et par les certificats dont ces citoyens sont pourvus, de l'intérêt qu'ils doivent inspirer, n'hésite point de mettre leur demande sous les yeux de l'Assemblée nationale.

Craindrait-on que cet exemple n'eût des conséquences dangereuses pour le Trésor public? Votre comité répondra d'abord que sur 2,000 Français au moins, que les vaisseaux frétés pour le compte de l'Etat, ont remis dans nos ports, deux seulement se présentent. Il répondra ensuite, que l'examen des certificats met l'Assemblée nationale à l'abri des demandes formées par des vagabonds. Il répondra encore que la somme dont il croit que vous pouvez gratifier ces deux citoyens, ne peut tenter ceux qui auraient le projet de faire le voyage uniquement pour la venir chercher. Il répondra enfin, que s'il est vrai qu'il y a 40,000 Français en Espagne, qui y exercent une honnête industrie et qu'il fallut faire supporter au Trésor public une prime de 500 livres pour chacun, c'est-à-dire de 20 millions, pour les établir chez vous, cette spéculation serait encore digne d'une bonne administration. (Applaudissements.) Il en coute quatre fois autant à l'État pour chaque enfant trouvé, avant qu'il sache s'il a fait, où non, un bon citoyen.

Votre comité n'ignore point qu'aux termes de la Constitution, chapitre de l'exercice du pouvoir exécutif, c'est au roi à faire dresser la liste des pensions et gratifications pour être présentée au Corps législatif; mais, outre que cet article se rapporte littéralement aux fixations annuelles des pensions et gratifications, il parait que le ministre de l'intérieur a renvoyé les pétitionnaires à l'Assemblée nationale, et lui a ainsi transmis en quelque sorte l'initiative d'une proposition qui ne peut devenir loi que par le concours des deux autorités.

Votre comité vous propose donc le projet de décret suivant :

Décret d'urgence.

« L'Assemblée nationale, considérant que les sieurs Hugues-François Bernard et Jean Riguès, Français de naissance, le premier contrôleur et ancien directeur des hôpitaux à Cadix; le second, maître perruquier établi en cette ville, ayant refusé le serment prescrit par la cédule du roi

d'Espagne, en date du 20 juillet dernier, ont été contraints d'abandonner précipitamment l'Espagne;

«Considérant que les certificats dont ils sont porteurs, déposent de leur bonne conduite;

« Considérant qu'ayant été transportés en France aux frais de l'Etat, ils ont été débarqués à une grande distance de leur domicile;

« Voulant leur donner les moyens de s'y rendre, et d'y exercer leur industrie, décrète qu'il y a urgence. »

Décret définitif.

« L'Assemblée nationale, ayant décrété l'urgence, décrète qu'il sera délivré des fonds de la caisse de l'extraordinaire, savoir au sieur Jean Kiguès, la somme de 600 livres, et au sieur Hugues-François Bernard, celle de 400 livres, en forme de gratification une fois payée. »

Un membre appuie le projet du comité diplomatique.

M. Basire. Je demande la permission de faire au comité diplomatique une question bien simple. Je lui observe qu'il y a beaucoup moins loin de Paris en Bourgogne, que de Paris à Pau; et je ne conçois pas comment le comité donne à celui qui ne va que jusqu'en Bourgogne une somme de 600 livres, tandis qu'il n'accorde que 400 livres à celui qui va plus loin.

Ramond, rapporteur. J'ai eu l'honneur de dire à l'Assemblée que les pétitionnaires avaient été consultés sur leurs besoins. Ils étaient en présence l'un de l'autre; et c'est après avoir examiné ces besoins paternellement avec eux, que l'on est convenu, d'un commun accord avec eux-mêmes, des sommes que le comité vous présente.

Un membre: Vous en avez 40,000 qui vont vous tomber sur les bras. On reconnaît bien le caractère français à l'empressement que vous montrez pour délibérer; mais je demande l'ajournement.

Plusieurs membres : La question préalable sur l'ajournement!

(L'Assemblée rejette l'ajournement par la question préalable, puis, adopte le décret d'urgence et le décret définitif.)

M. Ramond, au nom du comité diplomatique, fait un rapport et présente un projet de décret tendant à faire ordonner l'élargissement de recrues qui, ayant été embarquées à Ostende, pour étre transportées à Bilbao, avaient fait naufrage sur les côtes du département des Landes, et avaient paru assez suspectes pour que leur détention dût être prononcée (1); il s'exprime ainsi :

Messieurs, vous avez ordonné à votre comité diplomatique de prendre connaissance d'un considérable envoi de pièces fait par le département des Landes, à l'occasion du naufrage d'un bâtiment chargé de recrues faites pour le compte de l'Espagne et de l'état d'arrestation où ces recrues ont été mises dans la citadelle du Saint-Esprit. Quelque volumineuses que soient les pièces, l'affaire est fort simple; voici les faits :

Dans la nuit du 25 au 26 décembre dernier, un bâtiment naufragé dans le département des Landes, au territoire de Tarnos, a jeté à la côte une centaine de recrues faites pour le compte de l'Espagne par un sieur d'Eysus qui les commandait. Čes recrues se sont dispersées; le plus

(1) Voy. ci-dessus, seance du 21 janvier, page 573.

grand nombre est venu se réfugier au SaintEsprit; quelques-uns se sont rendus à Bayonne, d'autres se sont enfoncés dans les terres; tous ont témoigné entendre profiter du naufrage pour regarder leur engagement comme rompu et réclamer, disaient-ils, les droits d'une terre de liberté pour se dispenser d'achever la route.

Des soupçons se sont élevés, tant au SaintEsprit qu'à Bayonne, sur la nature et la destination de ces recrues. Les municipalités de Bayonne et du Saint-Esprit, le district de Dax, les départements des Landes et des Basses-Pyrénées ont concouru à s'assurer de ces hommes et du chef qui les commandait. Les premiers ont été déposés dans la citadelle du Saint-Esprit; le chef, le sieur d'Eysus, a été mis aux arrêts dans la ville même; de nombreux procès-verbaux ont été dressés; les recrues ont été interrogées, le sieur d'Eysus entendu et ses papiers visités.

Les soupçons n'ont pu être justifiés par ces différentes mesures, et la sagacité des administrateurs délégués à cet effet n'a pu découvrir ce que la méfiance publique cherchait dans ce transport d'hommes accidentellement jetés sur les côtes de France. C'est ce qui est constaté par la lettre même d'envoi du département des Landes et par le dernier extrait de ses délibérations compris dans cet envoi.

Les défiances étaient fondées sur ce que le sieur d'Eysus, né Français, à ce qu'il paraît, s'est dit de Cadix; sur ce que deux, des quatre-vingtseize recrues, Français de naissance comme plusieurs autres, avaient changé de nom dans plusieurs de ces

recrues ont dit que le sieur d'Eysus était un aristocrate, et que quelques-uns ont ajouté avoir entendu dire à Ostende qu'on les menait servir les aristocrates.

Le directoire du département des Landes a lui-même apprécié le peu de valeur de ces dépositions, très vagues en elles-mêmes et qui ont paru dictées par le désir naturel à ces recrues d'échapper à leur engagement.

Le sieur d'Eysus a produit de tout autres moyens de justification. Le consul d'Espagne, résidant à Bayonne, est intervenu pour réclamer ce chef et ses recrues. Le marquis Ricardo Carillos, lieutenant général, commandant pour le roi d'Espagne dans la province de Guipuzcoa, a réclamé de même ces recrues qu'un commissaire était chargé de recevoir à Bilbao. Le lieutenant général de l'amirauté française, ayant trouvé les papiers du sieur d'Eysus en règle, a réclamé l'exécution des lois et traités en sa faveur. Il est demeuré constant, par l'examen de ces papiers, qu'ils n'en renfermaient aucun suspect; que le sieur d'Eysus, originairement capitaine de grenadiers au service des patriotes hollandais, et, en cette qualité, pensionné de France, a réellement passé au service de l'Espagne; qu'il est commissionné du roi d'Espagne pour faire, dans le pays de Liège, des recrues destinées aux régiments étrangers de l'armée espagnole; que les hommes qu'il transporte ont tous été faits dans le pays de Liège et à Ostende; que leurs engagements sont en bonne forme, que leur destination est expresse, prouvée par pièces et attestée par le gouvernement espagnol.

Dans cet état de choses, il n'y a plus lieu qu'à l'exécution des traités et usages convenus entre les deux nations. Différentes considérations secondaires concourent à hâter l'adoption de cette mesure. L'arrestation de ce convoi occasionne des frais, dont les premiers doivent être suppor

tés par l'Espagne, mais dont l'accroissement arbitraire va tomber à la charge du Trésor public. Ces hommes, d'ailleurs, déjà malades en partie, sont dans un état de souffrance, et il est convenable de donner au gouvernement espagnol une prompte leçon de cette fidélité aux traités et aux principes du droit des gens, que nous sommes dans le cas de réclamer à son égard avec tant de force et tant de justice.

Votre comité diplomatique croit donc devoir vous proposer le projet de décret suivant :

Décret d'urgence.

« L'Assemblée nationale, instruite qu'un convoi de recrues, jeté à la côte, au territoire de Tarnos, ayant d'abord été l'objet de la surveillance des corps municipaux et administratifs, paraît régulièrement fait pour le compte du roi d'Espagne, et destiné au recrutement des régiments étrangers à son service, décrète qu'il y a urgence.

Décret définitif.

"L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, applaudit à la vigilance et au zèle des municipalités de Bayonne et du Saint-Esprit, ainsi que des administrateurs du district de Dax, et des départements des Landes et des BassesPyrénées, décrète qu'il n'y a lieu toutefois à prolonger l'état d'arrestation du sieur Bois-d'Eysus et des recrues qu'il commande, et renvoie au pouvoir exécutif à exécuter à son égard les traités et usages existant entre la nation française et la nation espagnole. »

Un membre: M. d'Eysus n'est point Espagnol; il est de l'île d'Oléron. Il passa à Bruxelles il y a plusieurs années; c'est un aristocrate décidé. Plusieurs membres : Qu'est-ce que cela fait ? Aux voix le décret!

[blocks in formation]

...

pour lui faire décréter l'urgence et adopter un décret pour rendre à l'Espagne des recrues, et peut-être même des ennemis, tandis que les Espagnols ne cessent d'écraser les Français qui sont dans leur pays. (Applaudissements dans les tribunes.) Le préopinant vous dit que la raison, qui devrait déterminer l'Assemblée à rendre ce décret, était que le Trésor national serait peut-être dans le cas de payer une indemnité à l'Espagne en retenant ces recrues. C'est une raison dilatoire, car vous ne devez aucune espèce d'indemnité à l'Espagne, lorsque vous avez vous-mêmes des réclamations à faire pour les persécutions exercées contre les Français...

[blocks in formation]

M. Louis Hébert. J'ai l'honneur d'observer à l'Assemblée que, depuis plus de 40 ans, les Espagnols sont en droit de recruter leurs Wallonnes dans la Flandre française et étrangère. Les officiers de ces corps-là sont presque tous de la Flandre. Je demande que l'on aille aux voix sur le projet de décret.

M. Basire. Puisqu'on est si pressé d'aller aux voix, je demande la question préalable sur le projet de décret.

Plusieurs membres: La question préalable sur l'ajournement!

(L'Assemblée rejette l'ajournement par la question préalable, puis adopte le décret d'urgence et le décret définitif.)

M. Calvet, au nom du comité militaire. Je demande la parole pour une motion d'ordre tendant à prolonger jusqu'au 1er avril prochain l'existence et le service des ci-devant gardes des ports de la ville de Paris. Vous aviez chargé votre comité militaire de vous présenter, avant le 1er février, un rapport à leur sujet. Le comité n'a pu s'en occuper. Comme ce corps est très utile, indispensable même pour la garde des ports, je suis chargé de vous proposer d'en prolonger provisoirement l'existence jusqu'au 1er avril prochain, sans rien préjuger sur leur rétablissement effectif, ni sur la confirmation de leur suppression, qui, aux termes d'un précédent décret, aurait été consommée le premier de ce mois.

Plusieurs membres s'opposent à cette proposition.

M. Mathieu Dumas. J'observe à l'Assemblée que le comité ne fait cette proposition que sur celle du maire de Paris et de la commune.

(L'Assemblée, après avoir décrété l'urgence, accorde la prolongation demandée.)

En conséquence, le décret suivant est rendu :

[ocr errors][merged small][merged small][merged small]

« L'Assemblée nationale, ouï son comité militaire, après avoir déclaré qu'il y a urgence, décrète que les ci-devant gardes des ports de la ville de Paris continueront provisoirement leur service jusqu'au 1er avril prochain et charge son comité militaire de lui présenter incessamment son travail sur cet objet. »

M. Broussonnet. Je rappelle à l'Assemblée les deux articles présentés ce matin par M. Fauchet, au nom du comité de surveillance (2). Ces deux articles n'ont été ajournés à la séance de ce soir, que parce que M. Ramond, au nom du

(1) Voy. Archives parlementaires, 1re série, t. XXXVI, séance du 29 décembre 1791, page 635. (2) Voy. ci-dessus, séance du 28 janvier 1792, au matin, page 724.

comité diplomatique, avait annoncé un rapport qui traiterait le même objet. Or, vous venez d'entendre deux rapports du comité diplomatique, et il n'a rien dit sur ce que vous attendiez. J'observe pourtant qu'il est saisi de plusieurs pièces relatives aux persécutions qu'éprouvent les Français en Espagne, et il est essentiel de rappeler, au moment où l'on vient de vous faire rendre un décret en faveur de recrues espagnoles qui avaient échoué sur les côtes de France, qu'un équipage français, échoué à Tortose, est retenu prisonnier. Je demande que le comité diplomatique soit tenu de faire, fundi soir, à la séance extraordinaire qui doit avoir lieu, son rapport sur les vexations que les Français éprouvent en Espagne et qu'à cette séance soit renvoyée la discussion des deux articles proposés par M. Fauchet.

M. Ramond. Le comité diplomatique a fait un rapport très étendu sur cet objet; mais il ne peut le montrer. Deux seuls faits peuvent en être détachés, et, sur le tout, il ne prendra que le temps nécessaire pour vous soumettre ses vues.

M. Basire. Je demande que l'Assemblée discute de suite les deux articles présentés ce matin par M. Fauchet.

M. Fauchet, rapporteur. Je les ai remis sur le bureau, et d'après cela je me crois quitte.

M. Ronyer. Je demande la parole pour faire une observation contre le comité diplomatique ; c'est relatif à la question.

(Quelques débats ont suivi. Il a paru que M. Fauchet ne voulait pas reprendre son rapport. Il s'y est décidé cependant, et comme il avançait vers la tribune, il a reçu beaucoup d'applaudissements.)

M. Fauchet, rapporteur (au nom du comité de surveillance), donne lecture du second article de son projet de décret qui est ainsi conçu :

« Le ministre des affaires étrangères donnera connaissance de cet affaire à M. l'ambassadeur de France en Espagne et le chargera de veiller à ce que les Français ne puissent être, à Madrid, victimes des haines et des vengeances particulières, sous prétexte de leur attachement à la Constitution et des dénonciations que l'on pourrait faire contre eux sur l'introduction des papiers publics. »

Un membre: Je m'étonne que sur les lettres initiales des noms de quelques Italiens compromis dans une lettre, on tire la conséquence que les Français sont persécutés.

M. Fauchet, rapporteur. Tous les hommes, de quelque pays qu'ils soient, sont Français où doivent être regardés comme tels, lorsqu'ils sont persécutés pour aimer la Révolution française.

M. Brissot de Warville. Le pacte de famille, entre la France et l'Espagne, a été violé de la manière la plus scandaleuse, tant par la cédule publiée par la cour d'Espagne, que par les vexations qu'on a fait éprouver aux Français. Il a été violé d'une manière encore plus ouverte par les deux lettres que le roi d'Espagne a écrites au roi des Français et qui attaquent notre Constitution. Le comité diplomatique se propose de vous faire, la semaine prochaine, un rapport qui embrassera tous les griefs que nous avons à élever contre la cour d'Espagne; et il sera temps que la nation française se venge d'une manière convenable à sa dignité et à sa majesté, des insultes qui lui ont été faites par le gouvernement espagnol et non

par les Espagnols. La mesure que l'on vient vous proposer ici ne vous mènera qu'à un concert de têtes entre votre ministère et la cour d'Espagne. Je demande, en conséquence, qu'on l'ajourne jusqu'au moment où le comité diplomatique vous fera son rapport. (Applaudissements.)

Un membre: Je propose de rapporter le décret rendu sur les recrues et d'ajourner le tout.

M. Rouyer. J'avais demandé la parole là-dessus et je voulais parler aussi contre le comité diplomatique.....

Plusieurs membres: Il n'est pas question de cela !

M. Rouyer. Je n'ai que deux mots à dire... Un grand nombre de membres: L'ajournement! M. Rouyer. Il est étonnant, Messieurs, que je ne puisse me faire entendre. Je dis que votre comité diplomatique... (Le bruit couvre la voix de l'orateur.)

(L'Assemblée, consultée, adopte la motion de M. Brissot de Warville.)

Un de MM. le secrétaires fait lecture d'une lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, sur divers objets relatifs au traitement des officiers.

(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de marine, qui fera un rapport sur cet objet, mardi prochain.)

M. Lafon-Ladebat, au nom du comité de l'ordinaire des finances, fait un rapport et présente un projet de décret sur l'acompte demandé par les entrepreneurs des églises de Saint-Sulpice Saint-Philippe-du-Roule et des Capucins de la Chaussée-d'Antin. Il demande que l'Assemblée ajourne à huitaine la seconde lecture et la discussion de ce projet de décret qui est ainsi conçu :

Projet de décret (1).

L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de l'ordinaire des finances, sur les sommes dues aux entrepreneurs, constructeurs et ouvriers des églises de SaintSulpice, Saint-Philippe-du-Roule et des Capucins de la Chaussée-d'Antin et l'aperçu de leurs créances remis par le directoire du département de Paris, en exécution du décret de l'Assemblée constituante du 3 septembre dernier, qui charge ce corps administratif de vérifier les sommes dues aux entrepreneurs, constructeurs et ouvriers, lequel aperçu de créance s'élève 892,413 1. 19 s. 2 d.

à..

Savoir :

Pour Saint-Sulpice...... 401,530 1. 8 s. 9 d.
6 10
Pour St.-Philippe-du-Roule. 446,653
Pour les Capucins..... 44,230 3 7
Total 892,413 l. 19 s. 2 d.

Décrète :

« Art. 1er. Que la Trésorerie nationale paiera auxdits entrepreneurs, constructeurs et ouvriers le tiers de leurs créances respectives, sur les mandats du directoire du département de Paris, d'après les ordonnances qui seront délivrées par le ministre de l'intérieur, jusqu'à concur

(1) Bibliothèque nationale. Assemblée législative, Dette publique, tome II, S.

rence de la somme de 297,471 1. 6 s. 5 d., qui sera versée à la Trésorerie nationale par la caisse de l'extraordinaire.

« Art. 2. Que conformément au décret du 3 septembre de l'Assemblée constituante, le directoire du département de Paris vérifiera, dans le plus court délai possible, le compte définitif de chacun desdits entrepreneurs, constructeurs et ouvriers et en rendrà compte à l'Assemblée nationale. »

M. Duhem. Il est dangereux de faire une loi particulière. Il y a, dans tous les départements, des ouvriers qui, pour de très petites sommes, sont obligés d'attendre le très long période de la liquidation. J'ai porté moi-même au comité les titres de 150 livres de créances à partager entre une trentaine de parties prenantes. Je demande la question préalable sur le projet du comité, et qu'il fasse un rapport général où il s'occupe surtout de faire acquitter ces dettes criardes.

M. Lequinio. Il y a, dans la ci-devant province de Bretagne, plusieurs gendarmes nationaux qui, depuis 3 ans, sont en avance, envers l'Etat, d'argent tiré de leur poche, et qui ne peuvent obtenir leur liquidation. Je réclame pour eux la sollicitude de l'Assemblée et l'attention du comité.

M. Charlier. Il est bien important que le comité de liquidation présente un projet qui coule bien vite à fond toutes les créances pour fait de bâtiments; car les bâtiments ont toujours été une source de déprédations.

Un membre: Je connais quelques-uns des entrepreneurs qui réclament le remboursement de leurs avances; je sais que si on ne les paie pas, ils ne pourront plus faire travailler; et j'assuré que s'ils demandent de grosses masses, c'est pour les répartir entre un grand nombré d'ouvriers.

M. Dorizy. Il est inutile d'entreprendre aujourd'hui de faire des motions sur un nouveau mode de liquidation. Je sais qu'on peut en établir un meilleur; mais le comité a dù suivre la marche prescrite par les décrets. Je ne vois pas d'inconvénients à l'ajournement du projet du comité; vous aurez plus de temps pour y réfléchir.

(L'Assemblée ordonne l'impression du projet de décret et ajourne, à huitaine, la seconde lecture et la discussion.)

M. Vivier. L'Assemblée constituante a ordonné, par différents décrets, que les agents du pouvoir exécutif prendraient des mesures pour faire rentrer au Trésor public les sommes dont il a été lésé, et par M. de Calonne, et par la famille Polignac, et par M. d'Espagnac, relativement à l'aliénation de la baronnie de Fenestrange et à l'échange du comité de Sancerre. Ces deux créances forment une somme de 1,960,753 livres. Dans le moment où l'Assemblée décrète des dépenses extraordinaires, il n'est point indifférent qu'elle fasse payer ce qui est dû à la nation. En conséquence, je demande :

1° Que l'Assemblée charge son comité de l'ordinaire des finances, de lui rendre compte, sous trois jours, des poursuites qu'a dù faire l'agent du Trésor national, pour l'exécution des décrets des 14 février et 17 juillet derniers, concernant l'aliénation de la baronnie de Fenestrange et l'échange du comté de Sancerre ;

2o Que le comité de l'examen des comptes fasse,

mardi matin, un rapport sur l'organisation du bureau de comptabilité;

3° Qu'il soit donné incessamment un état des dépenses faites par le canal de Bourgogne.

(L'Assemblée décrète les différentes motions de M. Vivier.)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de décret des comités d'agriculture et de commerce réunis, sur les subsistances (1).

M. Mosneron aîné, rapporteur. Vous avez déjà décrété les trois premiers articles d'un projet de décret relatif aux formalités à remplir par les municipalités des ports où il se fait des expéditions et chargements de grains. Le quatrième article a été lu à la dernière séance du soir. I tend à borner la faculté des transports des grains aux seuls ports de Toulon et la Ciotat. Les réflexions qui vous ont été développées par M. Tarbé, contre les dangers d'établir des commis des douanes dans les ports francs de Dunkerque, Bayonne et Marseille, ont engagé votre comité à supprimer cet article, et à y substituer les suivants :

«Art. 4. Dans les temps où la sortie des grains est prohibée, il ne pourra en être introduit dans les ports de Dunkerque et de Bayonne, que la

deux nécessaire à la consommation de ces

villes.

« Art. 5. Cette introduction ne pourra être faite que sous l'inspection de commissaires placés à l'entrée extérieure de ces ports francs. Attendu que la franchise de Marseille n'est que partielle, les articles 1, 2 et 3 de ce décret seront exécutés dans les ville et port de Marseille. »

M. Tarbé. Le projet du comité ne présente des mesures de précaution que pour le port de Marseille. Je crois avoir démontré au comité, que ces mesures étaient imparfaites, qu'elles laissaient la porte ouverte aux abus, et que, lorsqu'il existait une loi ayant pour but d'empêcher l'exportation, il serait contradictoire, avec cette loi, de laisser subsister des moyens d'exportation par d'autres ports. Par le décret du Corps constituant, du mois de juillet 1790, il y a, à Marseille, une douane organisée comme toutes douanes des autres ports du royaume. Les denrées les moins intéressantes ne peuvent être embarquées qu'en vertu d'un permis de la douane de Marseille. Si toutes les marchandises possibles sont assujetties, à Marseille, à la formalité d'un permis de douane, j'ai pensé qu'on pourrait exiger que la circulation des grains fùt assujettie, dans cette ville, aux mêmes formalités que dans les autres ports du royaume. Le comité paraît avoir adopté cette mesure-là; mais au lieu de faire un article additionnel, je me contenterais de dire que la ville de Marseille sera assujettie à toutes les formalités prescrites pour tous les autres ports du

royaume.

Restent donc les villes de Dunkerque et de Bayonne. La mesure proposée pour la ville de Bayonne, particulièrement, me parait insuffisante. Il faut d'abord se faire une idée du local de la franchise de Bayonne. La franchise de Bayonne est sur une des rives de la rivière seulement; le faubourg qui est sur l'autre rive est assujetti au régime des autres douanes du royaume. Ce faubourg s'appelle le Saint-Esprit. Lorsque les Français veulent faire passer des

(1) Voy. ci-dessus, séance du jeudi 26 janvier 1792, au soir, page 688.

« PreviousContinue »