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elle le conduit à grands pas vers la ruine. (Applaudissements.)

Vos prédécesseurs ont créé pour les Français une Constitution libre, c'est à vous maintenant de former des hommes pour la liberté. Tous les moyens sont dans vos mains, vous saurez les employer. Vous échaufferez les cœurs, vous les remplirez d'une noble émulation. C'est par vos institutions qu'on verra se former et se perpétuer dans la nation ce courage, cette grandeur d'âme, cette ardeur pour la gloire, ce zèle et ce dévouement pour la patrie qui désormais doivent être le caractère distinctif du Français. Vous ferez oublier toutes ces futilités qui nous ont occupés si longtemps, vous rappellerez les vertus fortes et magnanimes qui semblent exilées de nos climats, car les grands hommes se forment où le mérite est le mieux récompensé. Alors la liberté française sera inébranlable, et la postérité, jouissant du fruit de vos institutions, se rappellera vos noms avec reconnaissance.

Et vous, braves guerriers (1), vous qui sentez combien il est beau de combattre pour la liberté, le Corps législatif, qui vous reçoit aujourd'hui dans cette enceinte, vous décernera peut-être bientôt des récompenses honorables. Et nous, nous périrons jusqu'au dernier, ou nous transmettrons à la seconde législature le dépôt que la nation nous a confié. (Applaudissements.) Voici le projet de décret:

Projet de décret.

« L'Assemblée nationale, voulant récompenser d'une manière digne d'un peuple libre tous les citoyens qui, par leurs vertus, leurs écrits, leurs talents ou leurs travaux, auront bien mérité de la patrie;

« Considérant néanmoins que les circonstances actuelles appellent principalement son attention sur les honneurs qui doivent être destinés à la guerre; voulant, au moment où tous les Français sont résolus de périr, plutôt que de composer avec leurs ennemis, sur la Constitution qu'ils ont juré de maintenir, célébrer dignement les victoires des armées qui vont combattre pour la liberté, décrète ce qui suit :

« Art. 1er. Lorsqu'une armée aura remporté des avantages signalés et décisifs, le Corps législatif pourra lui accorder les honneurs du triomphe.

« Art. 2. Le décret ne sera rendu définitivement qu'après trois délibérations, et à 8 jours au moins d'intervalle; il prescrira le temps et le lieu du triomphe.

« Art. 3. Le général recevra une épée, sur la garde de laquelle seront gravés ces mots : « Donnée par la patrie au général N... »

« Art. 4. Si le Corps législatif juge que le général a ménagé, par sa prudence et sa sagesse, le sang du soldat, le général recevra de plus la couronne civique.

«Art. 5. Il y aura un grand et un petit triomphe. « Art. 6. Dans le grand triomphe, le général et l'armée feront leur entrée dans la ville qui aura été désignée dans le décret. Le général sera sur un char orné des attributs de la victoire. Il portera, sur l'uniforme de son grade, un manteau aux couleurs nationales. (Applaudissements.)

« Art. 7. Dans le petit triomphe, le général fera

(1) Les officiers des troupes de ligne de la garde parisienne étaient présents à la séance.

son entrée à cheval, et ne sera point vêtu de l'habit de triomphateur.

« Art. 8. Les officiers municipaux de la ville où se fera le triomphe en régleront la marche et la pompe. Les canons, les drapeaux pris sur l'ennemi, précéderont le char du triomphateur. Jamais, et dans aucun cas, les prisonniers ne pourront faire partie du cortège. (Applaudissements.)

« Art. 9. Si les circonstances ne permettent pas que l'armée entière puisse être présente au triom

Phe, le Corps législatif réglera la manière dont les régiments y seront représentés.

« Art. 10. Si des officiers ou des soldats s'étaient distingués par une valeur ou une conduite éclatante, le Corps législatif, sur le compte qui lui en sera rendu, pourra leur accorder des couronnes de laurier.

«Art. 11. Si leur conduite a contribué éminemment aux succès de la bataille, le Corps législatif pourra leur accorder la couronne civique, et l'honneur de triompher sur le même char que le général, et à côté de lui. (Applaudissements.)

« Art. 12. Tous les régiments de l'armée qui auront mérité le triomphe, ajouteront à la devise de leurs drapeaux une inscription qui désignera le jour et le lieu de leur triomphe.

« Art. 13. Le Corps législatif décernera aux officiers et soldats qui se seront distingués par des actions particulières dans la bataille, dans les sièges ou dans tout le cours de la campagne, des médailles, des couronnes, des anneaux d'or ou d'argent sur lesquels seront gravés les noms de ceux qui les auront obtenus et l'espèce d'actions qui les aura mérités.

Art. 14. Les trophées des guerriers morts les armes à la main accompagneront l'armée triomphante et leur éloge sera prononcé par un citoyen. (Applaudissements.)

Art. 15. Il sera fait aux frais du Trésor public un tableau représentant le triomphe, lequel sera placé dans le panthéon français. On élèvera dans le lieu désigné par le Corps législatif, un arc de triomphe sur lequel seront écrits les noms de tous les régiments qui auront triomphé. (Applaudissements.)

«Art. 16. Les décrets qui décerneront les triomphes et les autres récompenses, seront solennellement proclamés, à la tête de toutes les troupes de ligne, dans leurs garnisons ou à l'armée, et à la tête des gardes nationales et des volontaires.

Art. 17. Si un ou plusieurs corps de l'armée avaient été livrés à l'insubordination, le Corps législatif les priverait de l'honneur du triomphe. (Applaudissements.)

Art. 18. Lorsque l'armée sera rentrée dans le royaume et dans les garnisons et aussitôt que les circonstances permettront au général qui aura obtenu l'honneur du triomphe de se rendre dans la ville où le Corps législatif tiendra ses séances, il pourra venir dans l'Assemblée même des représentants de la nation recevoir des mains mêmes de leur président, l'épée et la couronne civique, qui lui auraient été accordées par le décret.

Art. 19. Dans les fêtes nationales, tout citoyen qui aura obtenu une des récompenses désignées dans le présent décret, serà toujours placé d'une manière honorable.

« Art. 20. Les marques d'honneur décernées par le Corps législatif ne pourront être portées que dans les fêtes nationales par les citoyens qui les auront obtenues. » (Vifs applaudissements.j

(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret présentés par M. ViénotVaublanc et ajourne à huitaine la seconde lecture du projet de décret.)

M. Fauchet, au nom du comité de surveillance. Messieurs, le 26 janvier, à 11 heures du soir, se sont présentés au comité de surveillance, MM. Deltufs, l'un des rédacteurs-traducteurs des décrets de l'Assemblée nationale et Sala, l'un de ses collaborateurs, lesquels nous ont présenté une lettre française qu'ils étaient chargés de traduire en espagnol. Cette lettre était adressée à la reine d'Espagne et on en faisait faire une seconde copie pour le ministre Florida-Blanca. Ils ont déclaré qu'un sieur Lemoine, demeurant rue Quincampoix, n° 39, leur avait remis cette lettre en les chargeant de la traduction et qu'il devait venir la chercher le lendemain matin à l'imprimerie polyglotte, rue des Filles-Dieu, porte Saint-Denis, n° 8. Ces messieurs nous ont laissé copie de la lettre française annexée au présent procès-verbal, ainsi que la copie de la traduction en espagnol, qui a été faite en leur présence et sur notre bureau. Voici la copie de la lettre française :

« A Sa Majesté la reine d'Espagne.

• Votre Majesté,

« Prévenu et chargé de dénoncer à Votre Majesté les intrigues, les faits et les calomnies qui se débitent, ils sont si abominables, que, si je remplis les devoirs de votre fidèle sujet, je ne désire réellement pas être connu pour être le dénonciateur des personnages ci-après nommés, comme méritant les punitions les plus exemplaires, les sieurs L..., commis du sieur B... qui demeure à... vis-à-vis de...

«Depuis le commencement des troubles de France, ils n'ont cessé de faire venir tous les imprimés contraires aux instructions du gouvernement espagnol, et d'en envoyer à Cadix et autres villes d'Espagne, et même en Portugal. Ils ont toujours un dépôt de ces papiers chez MM......., leurs correspondants. >>

Il y avait les intervalles nécessaires pour qu'on pût mettre les noms qu'on ne voulait pas laisser connaître aux traducteurs.

« Ils ont envoyé en France des libelles calom. nieux contre Votre Majesté. Ils n'ont cessé de faire une contrebande considérable depuis près de quatre ans. Ils résident en Espagne, et depuis ce temps ils se sont coalisés avec S... M... et le sieur..., tous deux amis du sieur C... D..., lequel est le plus grand traître que la cour d'Espagne ait pu nourrir. Sa femme a jeté les hauts cris contre Votre Majesté, pour de prétendues injustices qu'elle disait avoir essuyées de la cour d'Espagne, jusqu'à même dire qu'elle et son mari feraient soulever toutes les puissances de l'Europe. Les sieurs B... et D... tous deux sujets de... sont associés du sieur B... pour la contrebande et faire entrer en Espagne les papiers français, ayant fait l'un et l'autre des voyages en France pour plus d'efficacité de leurs manoeuvres indignes. Le sieur M... et son épouse, marchands de modes, sont aussi accusés d'intrigues contre Votre Majesté et le gouvernement espagnol. Tous les dénommés ci-dessus sont des traîtres prouvés depuis longtemps. Il y en a d'autres qui sont désignés, mais jusqu'à présent il n'existe aucune preuve. Je remplís mon devoir en sujet fidèle de

Votre Majesté, qui ne cessera de lui être attaché jusqu'au dernier soupir. »

Plusieurs membres : La signature!

M. Fauchet, rapporteur. Voici les copies espagnoles; l'une est adressée à la reine et l'autre au ministre Florida-Blanca. Vous n'exigez pas que je lise la traduction espagnole; elle est fidèle. Le comité de surveillance, pour prévenir le sort fatal des personnes dénoncées, a jugé convenable d'en avertir M. le maire de París. En conséquence, nous nous rendîmes à une heure après minuit chez lui et nous lui laissâmes l'avis que je vais lire à l'Assemblée :

«Le comité de surveillance, instruit que plusieurs Français ont été immolés à Madrid, à raison de leur patriotisme, et qu'un sieur Lemoine, demeurant rue Quincampoix, no 39, a remis à MM. Deltufs et Sala, une lettre française pour la traduire en espagnol, de laquelle traduction deux copies doivent être livrées par le traducteur, l'une pour la reine d'Espagne et l'autre pour le ministre Florida-Blanca, à l'effet de dénoncer à la cour d'Espagne plusieurs citoyens Français actuellement à Cadix et dont la perte serait inévitable si cette lettre arrivait à sa destination, donne avis à M. le maire de Paris de ce fait important qui intéresse la conservation des patriotes français en Espagne. Le comité ne doute pas que M. le maire de Paris ne donne des ordres pour que le sieur Lemoine, qui doit se transporter demain, à huit heures, à l'imprimerie du Polyglotte, rue des Filles-Dieu, porte Saint-Denis, no 8, où M. Deltufs doit lui remettre la lettre et les deux copies de la traduction, soit saisi avec les pièces non encore cachetées et soit interrogé sur les auteurs et instigateurs d'une proscription si abominable. Il y va de la vie de nos concitoyens et de l'intérêt sacré de la liberté. »

M. le maire a en, conséquence, adressé l'ordre ci-joint à M. Laborde, officier de police:

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Veuillez bien vous rendre à la mairie pour affaire majeure qui ne peut pas se remettre et qui a besoin de se terminer indispensablement avant 7 heures du matin.

« Signé PETION. »

Le sieur Laborde s'est rendu en effet à la mairie où il a reçu les ordres nécessaires pour faire arrêter le sieur Lemoine. Il s'est transporté à cet effet chez le sieur Deltufs où le sieur Lemoine devait se rendre; mais ledit sieur Lemoine n'y était point. Il fut arrêté par un autre officier de police à qui le sieur Laborde en avait fait part. Voici l'interrogatoire, qu'il a subi chez le juge de paix où il avait été conduit.

M. Fauchet, rapporteur, donne lecture de cet interrogatoire. Il en est résulté que le sieur Lemoine est né à Bar-le-Duc, près Châtillon; qu'il est domicilié à Paris depuis 1752, après 12 ans de services; que depuis son service, il a fait la commission des pays étrangers jusqu'en 1784; qu'il correspond en Espagne avec M. Jean Burlet, marchand de modes; que ce M. Jean Burlet est son créancier d'une somme de 48,000 livres, et que, quoiqu'il ne soit point en faillite ouverte, il ne le paye pas, parce que, dit-il, il veut auparavant se venger de plusieurs créanciers italiens qui lui ont enlevé des fonds; qu'en conséquence, ledit sieur Burlet a envoyé au sieur Lemoine l'original de la lettre dont il s'agit, pour la faire traduire en espagnol et en envoyer une copie à la reine d'Espagne et une autre à M. Florida

1

Blanca. Le juge de paix ayant témoigné sa surprise de ce qu'une personne résidant à Madrid envoyait faire une traduction espagnole à Paris et de ce que M. Lemoine s'était prêté à cela, ledit sieur Lemoine a répondu qu'il ne croyait nuire à personne puisqu'il s'agissait d'Italiens, et que si, malgré qu'il connut les motifs du sieur Burlet, il a consenti à l'aider dans l'exécution de ses projets, c'est qu'il avait lui-même l'intention et l'espérance de se faire payer, par cette complaisance, la somme de 48,000 livres qui lui est due par le sieur Burlet. Il n'était point joint de lettre d'envoi à la lettre principale, et le sieur Lemoine dit ne pas connaître ceux dont il s'agissait dans cette lettre.

L'interrogatoire fait aussi mention de deux pièces trouvées sur le sieur Lemoine et qui peuvent donner quelques renseignements. La première est une espèce d'enveloppe déchirée dont la suscription porte l'adresse de M. de Sauvigny, secrétaire de M. Fernand-Nuñez, ambassadeur d'Espagne à Paris, timbrée d'un timbre imperceptible et dans laquelle sont écrits ces mots: Le 22 octobre 1791, annoncez à B. T. que Brébant est dévoilé. » Sur la seconde sont écrits ces mots: " A la Chancellerie d'Etat à Madrid. » Après l'interrogatoire, le sieur Laborde s'est transporté au comité de surveillance, il n'y a trouvé personne. Il s'est ensuite rendu chez moi où il m'a donné lecture du procès-verbal. Je lui ai observé qu'étant seul, je ne pouvais prendre aucun parti sans avoir soumis la question au comité de surveillance, et je l'ai invité à garder ou à faire garder à vue le sieur Lemoine jusqu'au lendemain midi, heure à laquelle les membres composant le comité de surveillance s'assemblaient.

En conséquence, aujourd'hui à midi, le juge de paix et les officiers de police sont venus avec le sieur Lemoine au comité de surveillance. Plusieurs membres ont pensé dans le comité, après avoir réfléchi sur les faits, qu'il y allait de l'intérêt de la Constitution et de la sûreté publique, et qu'on ne pouvait tolérer que des Français fussent exposés en Espagne à des traitements qui pouvaient amener des mesures hostiles contre la nation espagnole et compromettre ses rapports avec la nation française. D'autres, ils composaient la majorité, n'ont vu en cela qu'une complicité d'assassinat pour exercer une vengeance particulière. Ce dernier avis à prévalu. En conséquence, voici le projet de décret que je suis chargé de vous présenter :

"L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de surveillance, décrète :

Art. 1er. Le délit dont le sieur Lemoine est prévenu, ayant le caractère d'un assassinat (Murmures prolongés.), la connaissance doit en être renvoyée aux tribunaux ordinaires. »>

Plusieurs membres: L'ordre du jour!

Un membre: Je demande que le comité de surveillance soit surveillé jusqu'à un très prochain changement.

M. Fauchet, rapporteur. Je vous observe que ce crime n'est pas défini par les lois. (Murmures.) Si nous avions mis la même insouciance que vous, dans huit jours ces gens-là auraient été égorgés à Madrid.

Art. 2. Le ministre des affaires étrangères donnera connaissance de cette affaire à M. l'ambassadeur de France en Espagne, et le chargera de veiller à ce que les Français ne puissent être, à Madrid, victimes des haines et des vengeances

particulières, sous prétexte de leur attachement à la Constitution, et des dénonciations que l'on pourrait faire contre eux sur l'introduction des papiers publics.

་་

Art. 3. Le ministre des affaires étrangères sera tenu de rendre compte, à l'Assemblée nationale, de la connaissance qu'il doit avoir des persécutions que les Français éprouvent en Espagne. »

M. Basire. Le juge de paix a très bien observé au comité de surveillance qu'il n'avait pas pu renvoyer ce particulier devant les tribunaux ordinaires, parce que la nature du délit dont il est prévenu n'est point indiquée dans le Code pénal, et ce devient en effet une question très délicate que celle de savoir comment on peut se conduire avec ce particulier. C'est une espèce d'assassinat; nous n'avons pas pu le qualifier autrement; mais comme il n'est pas défini par le Code pénal, nous avons cru que vous deviez le qualifier afin que les tribunaux ordinaires pussent informer.

M. Gensonné. J'observe à l'Assemblée que ce n'est ni aux juges de paix, ni à nous à qualifier ce délit. Il existe un délit quelconque; le comité de surveillance, ainsi que moi, ne voyons rien dans ce délit qui caractérise ceux qui doivent être portés à la haute-cour nationale. C'est un délit ordinaire, que le juré d'accusation ordinaire doit qualifier. Le juge de paix doit renvoyer le prévenu par devant le juré d'accusation."

Je demande donc que le projet de décret présenté par le comité de surveillance soit soumis à un changement bien simple c'est que l'Assemblée nationale déclare que le délit dont ce particulier est prévenu, n'étant point au nombre de ceux qui peuvent autoriser une poursuite devant la haute cour nationale, et qu'elle ordonne, à la diligence du juge de paix, que le prévenu sera traduit devant les tribunaux ordinaires.

M. Becquey. Messieurs, le comité de surveillance vous fait un rapport et vous ne reconnaissez pas dans ce rapport un délit qui soit de votre compétence; vous passez et devez passer à l'ordre du jour sur cette partie. Il en est une autre sur laquelle on ne doit pas passer à l'ordre du jour, et que j'appuie, c'est celle par laquelle le comité demande que le ministre des affaires étrangères corresponde avec l'ambassadeur pour qu'il prenne des mesures à l'effet d'éviter les persécutions dont on se plaint en Espagne. Voilà, Messieurs, l'article qui doit être adopté.

M. Vergniaud. Je demande, attendu que la connaissance du délit appartient aux tribunaux ordinaires, que l'Assemblée passe à l'ordre du jour.

Plusieurs membres : La discussion fermée ! (L'Assemblée ferme la discussion.)

M. Becquey. Je propose de motiver ainsi l'or dre du jour:

« L'Assemblée nationale, attendu que le fait dénoncé n'est pas de nature à donner lieu à un décret d'accusation, passe à l'ordre du jour.) »

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour, attendu que le fait dénoncé n'est pas de nature à donner lieu à un décret d'accusation.)

M. Fauchet, rapporteur. Je donne une nouvelle lecture de l'article 2 qui est ainsi conçu :

« Le ministre des affaires étrangères donnera connaissance de cette affaire à M. l'ambassadeur de France en Espagne, et le chargera de veiller

à ce que les Français ne puissent être, à Madrid, victimes des haines et des vengeances particulières, sous prétexte de leur attachement à la Constitution et des dénonciations que l'on pourrait faire contre eux sur l'introduction des papiers publics.» (Murmures.)

Un membre. Messieurs, les Français sont persécutés en Espagne. Il y a dans ce moment, à Paris, deux citoyens de Pau qui ont été mis en prison pendant huit jours et ensuite chassés d'Espagne pour avoir uniquement causé entre eux de notre Constitution. Il faut bien nécessairement que vous preniez une mesure pour faire cesser les persécutions.

M. Ramond. J'ai à vous faire, au nom du comité diplomatique, un rapport sur des affaires qui ont pour objet les relations de divers Français avec le gouvernement espagnol. Si l'Assemblée veut m'accorder la parole, ce soir, je le ferai. Ainsi, on pourrait ajourner les deux derniers articles du projet de décret du comité de surveillance après ce rapport.

(L'Assemblée décide que le rapport du comité diplomatique lui sera fait ce soir et ajourne les deux derniers articles du projet de décret du comité de surveillance, au moment où elle aura entendu le rapport du comité diplomatique.)

(La séance est levée à quatre heures.),

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

Séance du samedi 28 janvier 1792, au soir. PRÉSIDENCE DE M. CONDORCET, vice-président.

La séance est ouverte à six heures du soir. M. Antonnelle, secrétaire. Messieurs, voici une lettre que l'accusateur public du département du Gard a adressée aux députés de ce même département. A cette lettre sont joints deux procès-verbaux et la copie d'une lettre du procureur général-syndic de ce département au ministre de l'intérieur. Cette députation a présumé qu'il était intéressant de vous faire connaître la lettre de l'accusateur public, afin que l'Assemblée se décide sur cette lecture. La voici :

« Nîmes, le 20 janvier 1792.

"Messieurs, ce n'est qu'aujourd'hui que j'ai pu parvenir à avoir les extraits en forme des pièces ou procédures faites par les juges de paix officiers de police de cette ville; vous y verrez : 1° la preuve bien précise d'une conspiration contre l'Etat; 2° que cette conspiration émane de la ville d'Arles; 3° que les nommés André, dit Faviau, originaire d'Avignon, et Roustan cadet, de la ville de Beaucaire, sont coupables d'enrôlement pour la contre-révolution; 4° que les citoyens patriotes, soit de la ville d'Arles, soit des villes voisines, sont insultés, et ne sont pas même en sûreté dans la ville d'Arles.

« Je suis occupé, dans cet instant, à faire informer par devant les juges de paix, officiers de police, des cantons de Saint-Gilles et Beaucaire, de divers délits commis à Arles, envers des citoyens patriotes, et, pour ainsi dire, au vu et su de la municipalité, ce qui, je pense, est propre

à démontrer la nécessité d'obliger le pouvoir exécutif à envoyer des troupes dans cette malheureuse ville, et à y faire faire un désarmement général. Cela mérite d'autant plus d'attention, que nous savons très positivement qu'on se dispose à faire revivre le camp de Jalès, que déjà il y a eu une insurrection à Chambonas, que deux gendarmes nationaux et deux soldats de Dauphiné ont été tués, que la ville des Vans est menacée, et que le directoire du département a été obligé d'y faire avancer hier même des troupes.

་་

André, dit Faviau, et Roustan cadet sont détenus en vertu d'un mandat d'arrêt du juge de paix; il n'en a pas donné connaissance au directeur du juré d'accusation, parce que le crime paraît être de la compétence de la haute-cour nationale, et il se trouve classé dans les articles 2 et 3, seconde section du titre Ier du Code pénal.

"

Il est instant d'en donner connaissance à l'Assemblée nationale, qui décidera si les prévenus doivent être envoyés à Orléans, ou jugés par le tribunal criminel du département du Gard. Si la loi peut se concilier avec le vœu public de cette contrée, le tribunal criminel du département pourrait être chargé de l'instruction cette affaire.

«Il y a encore deux accusés, Pierre Auras fils, et Merie fils; l'un et l'autre ont été engagés à Arles; et une lettre de Pierre Auras à son père, transcrite dans la procédure, établit que son engagement était fait à l'inspiration de l'abbé Castan, pour la garde aristocrate d'Arles. Ces deux accusés doivent-ils être classés comme les précédents? Je crois essentiel de le faire décider aussi par l'Assemblée nationale. Cependant, si vous pensiez qu'elle ne doit pas en prendre connaissance et que le tribunal criminel du département doit prendre connaissance du tout, sur votre avis, je ferai renvoyer les accusés au directeur du juré d'accusation. Cela n'empêchera pas que les pièces que je vous envoie et que je vous enverrai encore ne pussent servir pour l'instruction de la procédure relative aux Arlésiens. « Je suis, avec respect, etc.

Signé BLANC PASCAL, accusateur public du département du Gard.

M. Vincens-Plauchut. Je demande le renvoi aux comités des pétitions et de surveillance réunis, déjà saisis de l'affaire d'Arles.

Un membre, député du département de l'Ardèche, appuie cette motion en annonçant qu'il y a aussi, dans le département de l'Ardèche, une coalition des ennemis de la chose publique.

M. Rouyer. On vous a annoncé, à la dernière séance du soir, qu'il y avait une conspiration aristocratique qui s'étendait depuis Perpignan jusqu'à Avignon. Le fait n'est malheureusement que trop vrai. J'ai reçu aujourd'hui une lettre d'un des lieutenants-colonels de la garde nationale qui annonce le départ d'une douzaine de recrues faites par l'Espagne. L'Assemblée nationale a cru, jusqu'ici, que tous les embaucheurs s'étaient bornés à recruter pour Coblentz. Cependant, aujourd'hui, ils s'avisent de faire une diversion et d'envoyer aussi du côté du midi des contre-révolutionnaires, afin de diviser les forces de la France de tous côtés. Vous sentez, Messieurs, combien il est essentiel de réprimer toutes ces entreprises. Tout le pays du midi est

entouré d'aristocrates calotins et d'aristocrates parcheminés. (Rires dans les tribunes.) Je dis, Messieurs, que dans le moment où vous vous occupez de former une grande armée, pour l'envoyer contre vos ennemis du dehors, vous ne devez pas perdre de vue un seul instant les ennemis du dedans qui vous fatiguent encore plus et ne cessent de vous harceler.

Je fais donc la motion que toutes les municipalités du royaume soient tenues de faire un recensement général de tous les habitants de chaque ville, qu'ils s'informent exactement de toutes les familles qui ont eu l'infamie d'envoyer à Coblentz ou en Espagne leurs enfants ou leurs neveux pour prendre les armes contre la France, afin que si jamais la guerre civile venait à s'allumer dans quelque ville du royaume, les magistrats de peuple puissent connaître parfaitement les familles qui ont été dans ce cas, soit pour se prémunir contre elles, soit enfin pour prendre des mesures fermes et solides qui nous mettent à l'abri de leurs perfides manoeuvres. (Applaudissements dans les tribunes.)

M. Charlier. En appuyant la motion du préopinant, je demande que le comité de législation nous fasse, lundi, son rapport sur le mode de recensement général. On vient de vous lire une dénonciation importante, il faut qu'elle soit renvoyée à un comité pour être promptement examinée.

(L'Assemblée ordonne que le comité de législation lui présentera incessamment son travail sur le mode de recensement général.)

M. Cambon. Permettez que je rappelle à l'Assemblée qu'il y a 5 jours, il a été décrété que le ministre de l'Intérieur lui rendrait compte de la situation de la ville d'Arles. Par quelle fatalité n'avons-nous jamais de réponse quand il s'agit d'un compte à rendre par un ministre ? Je demande que le décret soit exécuté. (Applaudissements dans les tribunes.)

Un membre: Je demande que les commissaires civils, qui ont été envoyés à Arles et qui sont de retour à Paris, soient mandés à la barre.

M. Basire. L'Assemblée a déjà considérablement divagué. Vous avez déjà renvoyé des pièces concernant la ville d'Arles aux comités réunis de surveillance et des pétitions; il suffit de lui renvoyer les nouvelles pièces pour les joindre à son rapport.

(L'Assemblée renvoie les pièces aux comités des pétitions et de surveillance réunis, avec ordre de presser leur rapport, et décrète, en outre, que le ministre de l'intérieur lui rendra compte, mardi prochain, des troubles survenus dans les départements du midi.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une très courte adresse des citoyens de Boulogne-surMer, relative au serment de la séance du 14 de ce mois. Cette adresse a pour épigraphe : « La Constitution tout entière ou la mort. »

M. Chéron-La-Bruyère. Mention honorable au procès-verbal.

M. Gossuin. Je ne m'oppose pas à la mention honorable, mais je demande que toutes les adresses soient renvoyées au comité des pétitions, afin de ne pas faire de jaloux.

Un membre propose de ne plus lire à l'Assemblée que les adresses des directoires et des conseils généraux de département.

M. Chéron-La-Bruyère appuie cette dernière motion et insiste pour la mention honorable.

de cette adresse au procès-verbal.) (L'Assemblée ordonne la mention honorable

M. Merlin. Dans le moment où l'Assemblée nationale s'occupe, de concert avec le pouvoir exécutif, des moyens de faire la guerre, et de la faire avec avantage, je crois qu'il faut s'occuper des finances, qui seules peuvent concourir à la réussite de cette grande affaire. En conséquence, comme j'ai trouvé, dans certains arsenaux du royaume, de quoi fournir à cette guerre, je demande que l'Assemblée veuille bien s'occuper du projet de décret en deux lignes que je vais lui lire :

« L'Assemblée nationale décrète que le ministre de la guerre est autorisé à faire vendre à l'enchère les vieux affùts, mortiers, canons et autres objets hors d'usage qui existent dans les arsenaux du royaume, d'après une visite des officiers généraux d'artillerie, pour, le prix à en provenir, être employé, sous sa responsabilité, aux dépenses de la guerre. »

Messieurs, je dois vous dire qu'il y a au moins pour un million de ces objets dans les arsenaux. M. Chéron-La-Bruyère. La question préalable!

M. Rouyer. J'appuie la question préalable. Les vieux mortiers et les vieux canons ne peuvent pas être vendus, car la plupart doivent être fondus pour en faire de nouveaux. Il serait d'ailleurs très dangereux de les vendre dans ce moment-ci. Nous n'avons pas assez de confiance dans les agents subalternes et même dans les premiers agents du pouvoir exécutif pour être bien tranquilles sur l'usage qu'on pourrait en faire et pour croire qu'ils seraient vendus à des mains pures.

M. Merlin insiste pour que l'on mette aux voix sa proposition.

Un grand nombre de membres: La question préalable!

D'autres membres: Non! non ! L'ordre dujour! (L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Merlin.)

M. Vincens-Plauchut. Le comité des domaines vous a fait un rapport, et proposé un projet de décret relativement aux biens possédés par le ci-devant ordre de Saint-Lazare et du Mont-Carmel. Il s'agit de rentrer dans la propriété de 5 à 6 millions qu'il est inutile de laisser entre des mains ennemies. Je demande que vous ajourniez la discussion de ce projet de décret å jour fixe.

M. Charlier. Cet ordre n'est pas le seul qui se trouve supprimé par la Constitution. En adoptant des mesures partielles, nous allons, comme l'a éprouvé l'Assemblée constituante, exposer les biens de ces ordres au gaspillage. Je demande que le comité des domaines fasse, mardi soir, un rapport sur toutes les congrégations séculières.

Un membre: Je demande que l'on passe à l'ordre du jour, attendu que cette question est ajournée à séance fixe par un décret et doit être discutée jeudi prochain.

(L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du

jour.)

M. Pyrot, au nom du comité de liquidation,

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