Page images
PDF
EPUB
[blocks in formation]

« Les enrôlements pour Arles, dont j'ai eu l'honneur de vous rendre compte par une lettre du 14 de ce mois, viennent d'être constatés d'une manière qui ne doit plus laisser de doute. Les officiers de cette ville ont entendu plusieurs témoins et donné des mandats d'amener, qui ont procuré des lumières utiles.

« Enfin, le 16, un particulier a été arrêté au moment qu'il embauchait à prix d'argent des citoyens, et qu'il leur annonçait des projets de contre-révolution, une explosion éclatante et des désordres prochains. On l'a trouvé muni d'un portefeuille qui contenait un grand nombre d'engagements qui déjà avaient été signés. Il a été conduit à la maison d'arrêt, après avoir été heureusement garanti par les gardes nationales de la vengeance du peuple. On s'occupe de la poursuite de ce délit d'après les nouvelles formes de la procédure criminelle. L'instruction, qui en a été la suite, a donné lieu à plusieurs décrets d'amener dont on attend les plus grandes lu

mières.

[merged small][merged small][merged small][ocr errors]
[blocks in formation]

«En vertu de la loi du 15 décembre dernier, qui a accordé une amnistie générale à tout homme de guerre accusé ou convaincu de délits militaires, à compter du 1er juin 1789, tous les officiers et soldats qui avaient déserté de leur régiment depuis cette époque, qui n'avaient point encore subi leurs jugements, ont été admis à participer à cette grâce. Il est une autre classe de déserteurs, qui me paraît susceptible de la même indulgence; ce sont ceux qui ont abandonné leurs corps depuis l'amnistie accordée en 1784, et qui a commencé à avoir son exécution au mois de janvier 1785. Ces déserteurs, qui sont en grand nombre chez l'étranger, n'osent pas rentrer en France, dans la crainte d'être peine qu'ils ont encourue. poursuivis criminellement et condamnés à la

«Je pense qu'il serait possible de les rappeler et de les employer utilement dans nos armées, en faisant publier une loi qui leur accorderait le pardon de leurs délits, sous la condition expresse qu'ils rentreraient dans le royaume, à compter du jour de la publication de cette loi, et qu'ils complèteraient dans les troupes de ligne le temps de service fixé par leurs engagements. Je vous prie de vouloir bien soumettre cette idée aux lumières de l'Assemblée nationale, et de l'engager, si elle la juge digne de son attention, de vouloir bien s'occuper incessamment du décret qu'il lui paraîtra convenable de rendre à ce sujet.

« Je suis, avec respect, Monsieur le Président, etc.

[ocr errors][merged small]

militaire.) Paris, le 27 janvier 1792.

«Monsieur le Président,

"Dès que le décret de l'Assemblée nationale, du 9 de ce mois, concernant l'abus d'autorité imputé au sieur de Saint-Preux, capitaine au 84 régiment d'infanterie, ci-devant Rohan, m'est parvenu avec la copie des pièces contenant les réclamations du nommé Duplessis, soldat de ce corps, contre cet officier, je me suis empressé d'écrire au commandant du régiment. Comme il ne m'est encore parvenu aucun détail sur cette affaire, je le charge de me procurer tous ceux qui sont à sa connaissance. Dès qu'il m'aura envoyé les éclaircissements que je lui ai demandes,

(1) Voy. ci-dessus, séance du 9 janvier 1792, p. 168. (2) Voy. Archives parlementaires, 1 série t. XXXV, séance du 23 novembre 1791, page 376.

6 Lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, relative à l'affaire de la frégate l'Embuscade, qui faisait partie de la station des Iles du Vent, et dont l'équipage a exigé le retour en France; cette lettre est ainsi conçue:

Paris, le 28 janvier 1792.

« Monsieur le Président,

« J'ai eu l'honneur de rendre compte à l'Assemblée nationale, le 23 novembre dernier, de l'affaire relative à la frégate l'Embuscade, qui faisait partie de la station des Iles du Vent, et dont l'équipage a exigé le retour en France. L'Assemblée n'a pu s'occuper encore de cette affaire, ainsi que de la question de savoir s'il pouvait convenir d'assembler un juré pour juger la conduite de cet équipage.

« Dans cet état j'ai cru devoir différer de don

ner des ordres, soit pour faire retourner cette frégate à son poste, soit pour la désarmer et la remplacer. Elle a demeuré armée dans le port de Rochefort; mais comme on a représenté que le délai serait très fâcheux pour plusieurs des gens de mer, qui faisaient partie de cet équipage et qui désiraient d'aller se reposer chez eux des fatigues de leur campagne, j'ai autorisé les administrateurs à congédier ceux qui le demanderaient et à les remplacer. Il devient cependant nécessaire de renvoyer sans délai cette frégate à sa station ou d'armer une autre frégate pour occuper son poste, et comme cette dernière mesure entraînerait des délais, et obligerait à une dépense assez considérable et qui me semble entièrement superflue, il me paraît bien plus convenable de faire repartir cette frégate le plus promptement possible, et je me dispose à envoyer des ordres pour cet objet à Rochefort, à moins que l'Assemblée nationale n'y trouve quelque inconvénient et ne veuille la retenir dans le port. J'aurai le temps d'arrêter son départ si l'Assemblée jugeait à propos de faire connaître bientôt ses intentions à cet égard. Je vous prie de vouloir bien présenter cette question à l'Assemblée, afin de l'engager à prendre, le plus tôt qu'il sera possible, une détermination décisive sur cet objet.

« Je suis, avec respect, etc.

[ocr errors][merged small]

M. Forfait. Les comités de marine et des colonies sont depuis longtemps saisis de cette affaire. Le rapport est prêt depuis un mois. Je demande qu'il soit mis à l'ordre du jour de la séance de ce soir.

(L'Assemblée renvoie la lettre du ministre de la marine aux comités de marine et des colonies et la charge d'en faire incessamment le rapport.)

7° Lettre de la municipalité d'Amiens qui fait part des troubles qui ont eu lieu dans cette ville à l'occasion du surhaussement du prix de différentes denrées et demande qu'il soit accordé une décharge de tous droits d'entrée sur l'importation des matières premières et que l'exportation des mêmes denrées hors du royaume soit prohibée; cette lettre est ainsi conçue :

[blocks in formation]

« Une sédition s'est élevée de la part du peuple de notre ville, à l'occasion du renchérissement subit de plusieurs denrées et marchandises, comme savon, huile, coton, chandelle, café et sucre. Le peuple a envoyé des députés à l'Hôtel de Ville, pour y exposer ses griefs et pour proposer un redressement à sa guise. ce redressement n'était autre chose qu'une violation du droit sacré de la propriété. On est parvenu à le lui faire comprendre; mais, pour le consoler, il lui a été dit que l'on rendrait compte à l'Assemblée nationale des circonstances du renchérissement dont il se plaignait.

«L'assemblée du conseil général est indiquée à ce jour. Des négociants et des fabricants y sont invités pour prendre en considération les moyens propres à rassurer les négociants et les ouvriers sur leurs craintes. Nous prévoyons que l'un de ces moyens sera de supplier le Corps législatif d'accorder toute décharge des droits d'en

trée sur l'imposition des matières premières et une prohibition d'en exporter hors du royaume. Nous vous adresserons demain le résultat de la délibération.

« Nous sommes, avec respect, etc.

(Suivent les signatures.)

M. Lagrévol. A la suite de la lettre dont on vient de vous donner lecture, je crois devoir lire à l'Assemblée une lettre que j'ai reçue d'un citoyen de Dunkerque; elle est datée du 24 janvier et consolante sur les dangers des colonies. La voici :

« J'habite une ville tranquille où tous les citoyens sont généralement patriotes, mais je crains quelque événement, comme à Paris, pour les sucres et les cafés, qui sont d'un si haut prix, et dont le peuple fait un usage journalier. Cette hausse est d'autant plus étonnante, qu'un navire, arrivé hier du Port-au-Prince, a apporté la nouvelle de la pacification des colonies. C'est un jeu de l'agiotage concerté entre quelques négociants des ports de mer et de l'intérieur. Puisset-on découvrir les coupables et les punir! »

(L'Assemblée renvoie la lettre de la municipalité d'Amiens au comité de commerce.)

M. le Président. Voici une lettre de M. Bécard, président du comité de la section de Popincourt, qui annonce qu'à la lecture de la lettre adresséé à l'Assemblée le 24 de ce mois (1), et signée Delbé, se disant citoyen actif de cette section et volontaire de la garde nationale, les citoyens de la section de Popincourt n'ont pu se défendre de l'indignation la plus vive contre les principes de l'auteur et ont manifesté leur douleur d'avoir un tel homme pour leur concitoyen; mais, que d'après les recherches les plus exactes et l'examen le plus scrupuleux des rôles des citoyens et des volontaires, ils ont reconnu avec plaisir que ce nom était supposé et qu'il n'existait aucun individu qui le portât dans l'étendue de la section. (Ah! ah !)

M. le Président. Voici une lettre de M. Sillery, membre de l'Assemblée nationale constituante, qui prie l'Assemblée de renvoyer à son comité militaire la question de son activité au service. Il expose que la seule difficulté dans son affaire est de juger si la démission qu'il a donnée d'une commission qu'il exerçait momentanément dans le département de la guerre, où il ne pouvait obtenir aucun avancement, entraîne sa démission totale du service. Il prie l'Assemblée de vouloir bien lever les obstacles qui l'empêchent d'être employé dans le département de la guerre et rendent ainsi sans effet le désir qu'il a de combattre pour soutenir les droits du peuple contre les ennemis de l'Etat, comme il les a défendus dans l'Assemblée constituante, contre les ennemis de la chose publique.

M. Jaucourt. Le comité militaire s'occupe de tous les officiers de l'armée qui sont dans le même état que M. Sillery.

(L'Assemblée renvoie la lettre de M. Sillery et les diverses pièces qui y sont jointes au comité militaire.)

M. Cambon. J'ai déjà demandé qu'en exécution du décret du 18 septembre 1790, et confor

(1) Voy. ci-dessus, séance du mardi 24 janvier 1792, au matin, page 611, la lettre signée Delbé.

mément au décret du 1er décembre 1791, le ministre de la guerre et celui de la marine envoient à l'Assemblée les états de radiation des officiers de tous grades qui ont, ou abandonné leur poste, ou refusé de prêter le serment civique, ou qui l'ont retracté. Chaque jour on demande une augmentation des officiers généraux, nous ne devons pas l'accorder avant qu'on nous ait présenté ces états. Il y a déjà eu trois décrets rendus pour les demander; pourtant c'est une affaire de plusieurs millions et une question de cette importance mérite toute notre attention. Je demande que les ministres se conforment enfin à cette loi et qu'ils Vous envoient, sous trois jours, les états de radiation.

Plusieurs membres: Appuyé! appuyé!

M. Delacroix. J'observe à l'Assemblée et à M. Cambon que le compte qu'il demande ne peut être rendu que lorsque les commissaires-auditeurs des guerres auront fait parvenir tous les états des revues qu'ils doivent passer en présence de 2 officiers municipaux, aux termes de votre dernier décret.

M. Delmas. J'observe que M. Delacroix n'a point saisi l'objection. L'Assemblée constituante avait ordonné que tout militaire qui avait protesté contre les décrets de l'Assemblée, ou qui avait abandonné son poste, était censé avoir renoncé à son emploi. Cet état n'a pas encore été mis sous les yeux de l'Assemblée, et je demande qu'il le soit.

(L'Assemblée décrète que les ministres de la guerre et de la marine feront passer, sous 3 jours, à l'Assemblée, les états de radiation demandés.)

M. Prouveur, au nom des comités de législation et des assignats et monnaies réunis, soumet à la discussion un projet de décret (1) sur la réunion de toutes les procédures relatives aux fabricateurs de faux assignats au tribunal du premier arrondissement de Paris. Ce projet de décret est ainsí conçu :

[merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small]

« Art. 2. Les prévenus de ces délits seront transférés et gardés dans des prisons particulières d'un même emplacement qui sera désigné par le directoire du département de Paris.

« Art 3. Ces procédures criminelles seront jugées même sur appel et en cassation, aussitôt que leur instruction sera terminée et sans attendre le tour de rôle réglé pour les autres procédures. >>

M. Regnault-Beaucaron. Lorsque l'on soumet à votre discussion un projet de décret sur quelque matière que ce soit, la première chose à examiner est si vous pouvez porter le décret qui vous est proposé sans heurter de près ou de loin la Constitution que vous avez jure de maintenir en son entier. Il vaudrait mieux que le crédit, les changes, nos transactions les plus favorables s'évanouissent entre nos mains, que de prendre un principe, que de laisser s'affaiblir ce respect religieux que nous devons au code sacré de notre liberté.

Nos pouvoirs mêmes ne s'étendent pas plus loin; et tout puissants avec la loi, nous ne pouvons plus rien quand nous nous en écartons. Or, l'une de ces lois les plus fortement demandées, les plus expressément prononcées par la Constitution, c'est que des citoyens ne pourront jamais être distraits des juges que la loi leur donne par aucune commission, et c'est une vérité palpable que le tribunal dont on vous propose l'établissement en serait réellement une. Je dis qu'il serait une commission. Effectivement, Messieurs, toutes les fois que l'on soustrait un citoyen aux juges que lui accorde son domicile ou la nature de son délit, ce citoyen peut invoquer la loi que je viens de citer, et il n'y a pas de rai-on pour qu'on le prive du droit qu'elle lui donne de ne reconnaître que ses juges naturels pour l'instruction et le jugement des procédures auxquelles il est exposé. Si ce principe est rigoureux en matière civile, il l'est, j'ose le dire, bien davantage en matière criminelle, où l'état du citoyen est compromis. Il l'est bien davantage encore lorsqu'il s'agit de la poursuite d'une action en faux; action qui, comme vous le savez, est la plus délicate de toutes, puisque le juge est presque toujours obligé de prendre des vraisemblances pour des moyens d'arriver à la vérité, et quelquefois de se contenter des autres aux dépens de celle-ci.

Commettre un tribunal pour juger des faits dont la connaissance ne lui appartient ni naturellement ni légalement; évoquer différentes affaires pardevant cette commission nouvellement créée, voilà un de ces raffinements de procédure que l'on peut appeler un vrai machiavélisme en législation, un de ces raffinements de procédure dont le despotisme s'est servi si souvent, mais que l'on ne peut déployer chez un peuple libre. Un homme est arrêté comme suspect de contrefaçon d'assignats: quelle que soit la gravité du délit qui lui est imputé, on ne peut me nier que cet accusé, tant qu'il n'est pas condamné, ne peut être regardé comme coupable. Pourquoi donc vouloir recourir à un moyen extraordinaire et réprouvé par la loi pour trouver, à quelque prix que ce soit, un coupable? pourquoi rechercher, par une voie que rejette la Constitution, une connexité qui d'ailleurs peut être idéale, puisqu'il est dans l'ordre des choses possibles, qu'il existe plus d'un atelier de contrefaçon.

Le bien de la justice n'exige pas davantage

716 [Assemblée nationale législative.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 janvier 1792.]

cette exception, puisqu'il est possible qu'avec
une surveillance active, elle soit rendue aussi
promptement, aussi efficacement dans 6 tribu-
naux que dans un seul.

Je dirai plus, et pourquoi ne dirais-je pas ce
que je crois être la vérité? La demande qui vous

été faite, par le ministre de la justice, d'un tribunal unique, me paraît n'être autre chose, sinon une excuse adroitement déguisée en faveur de ceux des tribunaux de Paris qui, étant chargés de ces affaires, ont mis, dans la poursuite et dans l'instruction, une lenteur si extraordinaire, qu'elle ne peut plus être légitimée que par le décret qui vous est proposé.

L'organisation de l'ordre judiciaire doit suffire à la poursuite de tous les délits. Il ne s'agit que de réveiller les juges en les tirant de leur inaction, que de leur imposer enfin aussi un genre de responsabilité; car, si les tribunaux laissent des crimes impunis, ou tardent trop longtemps à les punir, le peuple entrainé par des idées de justice, qui ressemblent à des idées de vengeance, peut être tenté de suppléer au sommeil de la loi; et, s'il commettait alors des excès, en ce cas, ce ne serait point à lui qu'il faudrait s'en prendre, mais au magistrat négligent qui a provoqué ces voies de fait, en oubliant et ses devoirs et les besoins de la société.

Ne souffrez donc pas que l'on dise, Messieurs, que la fabrication des faux assignats est un des crimes qui ne trouvent point leur peine au milieu de nous. N'exposez pas le peuple à désespérer de la justice des tribunaux, et, sans créer des commissions extraordinaires qui rappelleat des idées de despotisme, enjoignez au ministre de la justice de vous rendre un compte exact et à des époques peu distantes et déterminées, de l'état des procédures sur la fabrication des faux assignats. Enjoignez-lui de presser les tribunaux qui en sont saisis. Ces moyens sont seuls en votre pouvoir; car il n'y aurait plus confusion déplorable, si, pour chaque délit un peu caractérisé, il fallait employer le moyen qu'une extrême d'une commission extraordinaire.

Je conclus donc à ce que vous prononciez qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le projet de vos comités de législation et des assignats. Je vous propose de décréter, à la place, que le ministre de la justice, à qui il sera expressément recommandé, sous sa responsabilité, de donner les ordres les plus précis pour que les procédures intentées contre les prévenus de contrefaçon d'assignats soient poursuivies avec exactitude, et jugées dans le plus court délai, dans les différents tribunaux qui en ont été saisis aux termes de la loi, rendra compte chaque semaine à l'Assemblée nationale de la suite et de l'état de ces procédures.

M. Bigot de Préameneu. Il ne s'agit point d'une nouvelle attribution, mais de l'explication d'un décret de l'Assemblée constituante du 8 août 1791. Il y avait alors au tribunal du premier arrondissement un procès criminel pour fabrication de faux assignats. Deux hommes furent ensuite accusés d'en avoir distribué. L'Assemblée constituante sentit que ces différents procès avaient des rapports tels qu'il était impossible de remonter à la source de la fabrication si les mêmes juges n'instruisaient pas en même temps les procès pour distribution. Elle rendit le décret du 8 août qui renvoie au tribunal du premier arrondissement les deux accusations de distribution qui avaient été portées à un autre tribunal. Ce décret n'étant pas formel pour les

accusations de fabrication ou de distribution qui ont succédé, il en est résulté une incertitude de savoir si le même tribunal devait en connaître. Tels sont les faits qui rendent nécessaires le renvoi que l'on vous propose, et qui même, vu la connexité, n'est pas à proprement parler une attribution.

M. Thuriot. J'ai un fait à rappeler à l'Assemblée c'est que, pendant la session de l'Assem blée constituante, on s'est plaint de ce que le tribunal du premier arrondissement ne mettait point dans les affaires criminelles relatives aux assignats, toute l'activité dont il était susceptible, et que depuis ces plaintes, l'instruction ne me paraît pas avoir été plus vive et que le tribunal n'a point statué.

Un second fait, que je dois rappeler à l'Assemblée, c'est l'existence d'un décret qu'elle a rendu et avec lequel on veut la mettre en contradiction.

Lorsqu'il a été question de savoir si les 6 tribunaux criminels qu'on a établis dans la capitale, continueraient de prononcer pendant l'existence du tribunal criminel qui devait s'établir, on a demandé, par exception, que les 6 tribunaux connussent des affaires qui naîtraient jusqu'au 1er janvier et jusqu'au moment de l'installation du tribunal criminel. Il semblerait bien plus naturel, en maintenant le décret que vous avez rendu, de charger les tribunaux criminels qui ont été créés pour expédier promptement les affaires à Paris, de prononcer sur les affaires relatives aux assignats. J'insiste d'autant plus qu'il y a des tribunaux criminels qui ont donné des renseignements particuliers qui intéressent la nation, et que, je ne sais pas pourquoi, ces renseignements particuliers ne sont pas parvenus jusqu'à l'Assemblée nationale. J'insiste, enfin, parce que ces tribunaux ont parfaitement rempli leur devoir, que rien ne peut les en distraire et que nous sommes parfaitement sûrs qu'ils iront bien plus rapidement au but que nous devons nous proposer, qu'en surchargeant un tribunal qui ne peut déjà point terminer les affaires dont il est chargé.

Je demande donc, après vous avoir rendu compte des faits, que l'Assemblée, se renfermant dans le décret qu'elle a rendu sur la motion de M. Bigot, décrète formellement que les tribunaux criminels, établis à Paris par l'Assemblée constituante, seront seuls saisis de l'instruction des affaires relatives aux assignats.

M. Prouveur, rapporteur. Je réponds que le tribunal du premier arrondissement auquel on propose de retirer toutes les affaires commencées objet: Il a déjà jugé deux procès, deux autres contre les fabricateurs de faux assignats, est celui qui a eu le plus de connaissance sur cet sont prêts à l'être et quantité d'autres sont réglés à l'extraordinaire. J'observe que le bien de la justice exige que ces procédures soient réunies dans un seul tribunal. Il est sensible que dans un crime de cette nature, il faut avoir connaissance de tous les faits, sinon la procédure ne pourra parvenir à la découverte des coupables. J'observe, de plus, que la Constitution ne s'oppose pas à la réunion, parce que la Constitution permet des attributions suivant les lois.

Je demande donc qu'on aille aux voix sur le
projet du comité.

Plusieurs membres : La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion.)

M. Prouveur, rapporteur, donne successivement lecture du décret d'urgence et des divers articles du décret définitif qui sont adoptés, après quelques débats, dans les termes suivants :

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités réunis, de législation et des assignats et monnaies, considérant que l'intérêt de la nation et le bien de la justice exigent que les fabricateurs des faux assignats soient promptement connus et punis; informée qu'il s'instruit sur cette sorte de délit différentes procédures par devant les tribunaux criminels de Paris, et considérant qu'on pourra plus aisément découvrir la vérité en réunissant toutes ces procédures à un seul tribunal, décrète qu'il y a urgence.

« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit:

[blocks in formation]

« Ces procédures criminelles seront jugées, même sur appel et en cassation, aussitôt que leur instruction sera terminée, et sans attendre le tour de rôle réglé pour les autres procès.

Un membre: Je demande qu'il soit décrété, comme article additionnel, que les juges suppléants du tribunal du 1er arrondissement du département de Paris, qui seraient appelés pour suppléer les juges de ce tribunal, pourront concourir à l'instruction des procès criminels concernant les fabricateurs de faux assignats.

Plusieurs membres demandent la question préalable sur cet amendement, en observant que les suppléants peuvent remplir toutes les fonctions des juges.

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu a délibérer sur l'amendement.)

Un membre demande, vu que le terme des fonctions des membres du comité des assignats et monnaies est expiré, que les suppléants de ce comité soient chargés de la surveillance de la fabrication des assignats.

(L'Assemblée décrète cette proposition.)

M. le Président. J'annonce à l'Assemblée que les ministres chargés d'un message du roi, demandent à être introduits. (Oui! oui!)

MM. Duport, ministre de la justice, Bertrand, ministre de la marine, de Narbonne, ministre de la guerre et Delessart, ministre des affaires étrangères, sont introduits."

M. Duport, ministre de la justice. Le roi nous a chargés de remettre cette lettre à l'Assemblée nationale. Je prie M. le Président de vouloir bien en donner lecture.

[blocks in formation]

« Paris, le 28 janvier 1792.

« J'ai examiné, Messieurs, l'invitation, en forme de décret, que vous m'avez fait présenter le 25 de ce mois. Vous savez que, par la Constitution, c'est à moi seul qu'il appartient d'entretenir les relations politiques au dehors, de conduire les négociations, et que le Corps législatif ne peut délibérer sur la guerre que sur ma proposition formelle et nécessaire. Sans doute, vous pouvez me demander de prendre en considération tout ce qui intéresse la sùreté et la dignité nationales; mais la forme que vous avez adoptée est susceptible d'observations importantes: je ne les développerai point aujourd'hui; la gravité des circonstances exige que je m'occupe encore plus de maintenir l'accord de nos sentiments que de discuter constitutionnellement mes droits. Je dois donc vous faire connaître que j'ai demandé à l'empereur, depuis plus de 15 jours, une explication positive sur les principaux articles qui font l'objet de votre invitation; j'ai conservé avec lui les égards que se doivent respectivement les puissances. Si nous avons la guerre, n'ayons à nous reprocher aucun tort qui l'ait provoquée; cette certitude peut seule aider à soutenir les maux inévitables qu'elle entraîne.

« Je sens qu'il est glorieux pour moi de parler au nom d'une nation qui montre un si grand courage, et je sais faire valoir cet incalculable moyen de force. Mais quelles preuves plus sincères puis-je donner de mon attachement à la Constitution, que de mettre autant de mesure dans les négociations qui tendent à la paix, que de célérité dans les préparatifs qui permettront, s'il le faut, d'entrer en campagne avant 6 semaines! La plus inquiète défiance ne peut trouver, dans cette conduite, que la conciliation de tous mes devoirs. Je le rappelle à l'Assemblée : l'humanité défend de mêler aucun mouvement d'enthousiasme à la décision de la guerre; une telle détermination doit être l'acte le plus mûrement réfléchi, car c'est prononcer, au nom de la patrie, que son intérêt exige d'elle le sacrifice d'un grand nombre de ses enfants. Je veille cependant à l'honneur et à la sûreté de la nation, et je hâterai, de tout mon pouvoir, le moment de faire connaître à l'Assemblée nationale si elle peut compter sur la paix, ou si je dois lui proposer la guerre. Signé : LOUIS. Et plus bas : M.-L.-F. DUPORT. »

Plusieurs membres : L'ordre du jour!

Un membre, au nom du comité des assignats et monnaies, fait un rapport et présente un projet de décret relatif aux récompenses à accorder aux personnes qui ont découvert, dans les pays étrangers, des fabricateurs de faux assignals.

(L'Assemblée ajourne à huitaine la seconde lecture de ce projet de décret.)

« PreviousContinue »