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nombreuses destinées à les repeupler et dont la conservation et la subsistance ne sont pas moins intéressantes. D'ailleurs, Messieurs, l'ouvrier des arsenaux ne reçoit le salaire d'un mois entier de travail que dans le premier ou le second mois qui le suit, au lieu que l'artisan et le cultivateur reçoivent le prix de leur journée à l'instant où elle finit, où pour le plus tard à la fin de chaque semaine. Le marin embarqué reçoit, à son départ, une avance de trois mois qu'il consomme par son équipement, et la solde de sa campagne n'est payée qu'à son retour et souvent plusieurs mois après son désarmement. Pendant son absence, la famille souffre ou sollicite des secours onéreux, et l'ouvrier réduit à un crédit d'un mois, ne le paye pas moins chèrement. Les billets d'apostilles, proposés par le ministre et donnés pour gage aux boulangers, auraient l'inconvénient d'autoriser un crédit souvent usuraire, et d'introduire un nouveau papier monétaire dans la circulation des villes maritimes, où le service des garnisons et des ports ne les fait que trop aborder au détriment de la classe industrieuse et pauvre.

Pour résumer ces motifs, votre comité vous observe: 1o que le marin et l'ouvrier des arsenaux étant à la solde de la nation, et la subsistance en nature faisant partie de la solde, il a droit, ainsi que le soldat des troupes de terre et de mer, à une distribution quotidienne de pain, de la part de la nation, par une retenue du prix sur son salaire; 2° que le renvoi du payenient, après l'expiration de chaque mois ou après le désarmement de la campagne, nécessite encore plus cette distribution soit aux ouvriers, soit aux familles des marins embarqués; 3° qu'en décrétant cette distribution dans les ports, vous assurerez d'autant plus la subsistance de leurs habitants, que les approvisionnements nationaux accroîtront leurs ressources en diminuant leurs besoins ; 4° enfin, que si jamais cette distribution a dû être continuée et étendue aux trois grands ports, c'est dans un instant où la rigueur de la saison diminue les occasions de travail, où la rareté du numéraire augmente le prix des denrées, où des obstacles de tout genre entravent la circulation des subsistances; c'est, en un mot, lorsque votre surveillance doit saisir tous les moyens de maintenir la tranquillité et par elle la discipline et la subordination dans les arsenaux, que vous devez consacrer par une loi un usage fondé sur la justice et sur le besoin. Ce premier pas, Messieurs, vous conduira à fixer l'état de nos marins et dé nos ouvriers sur des principes généraux que nous pourrons vous proposer, et qui les attacheront toujours davantage à la chose publique.

Nous vous observerons, en finissant, que l'opinion que nous vous présentons est conforme au vœu unanime des trois corps adininistratifs de la ville de Toulon la municipalité, le district et le département du Var se sont réunis à donner cette nouvelle preuve du zèle qui les anime pour les intérêts de leurs administrés.

En conséquence, votre comité vous propose le projet de décret suivant :

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«L'Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu de la demande des ouvriers de l'arsenal de Toulon, du 27 octobre dernier, et de la lettre du ministre de la marine, du 21 novembre suivant, considérant qu'il importe d'assurer la subsistance des ouvriers dont les salaires ne sont payés que de mois en mois, et qu'il est juste d'étendre aux ouvriers du port de Toulon la distribution du pain établie dans les ports de Brest et Rochefort, pour attacher, de plus travaux et à leurs devoirs, décrète qu'il y en plus, cette classe utile et précieuse à

a urgence. »>

Décret définitif.

« L'Assemblée nationale, après avoir ouï son comité de marine, et décrété l'urgence, décrète ce qui suit :

Art. 1er.

« Il sera continué dans les ports de Brest et de Rochefort, et il sera établi dans celui de Toulon une distribution journalière de pain aux ouvriers

de l'arsenal, proportionnellement à leurs besoins, et conformément à ce qui se pratique dans lesdits ports de Brest et de Rochefort.

Art. 2.

« Cette distribution sera faite par le munitionnaire de la marine, sur des bons signés par les chefs des travaux, et d'après les états dressés chaque mois, et arrêtés par l'ordonnateur.

Art. 3.

« La valeur du pain livré à chaque ouvrier sera retenue tous les mois sur le montant de son salaire, suivant la fixation qui en sera faite et arrêtée entre le munitionnaire et les officiers d'administration de la marine, d'après le prix d'achat des grains, n'excédant pas le prix courant.

Art. 4.

« Le présent décret sera exécuté à compter du 1er janvier 1792, à l'effet de quoi il sera porté, dans le jour, à la sanction du roi, et envoyé sous trois jours, par le ministre de la marine, dans chacun des ports de Brest, Toulon et Rochefort. »

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettres M. de Bonneville, qui fait hommage à l'Assemblée de quelques exemplaires d'un ouvrage intitulé: «La chronique du mois ou les cahiers patriotiques. »

(L'Assemblée accepte l'offre qui lui est faite de cet ouvrage.)

M. Mathieu Damas, secrétaire. Ce matin, à la lecture du procès-verbal, j'avais ainsi énoncé la date: « le premier janvier 1792, l'an quatrième de la liberté. » Plusieurs membres ont observé qu'en comptant l'ère de la liberté du 14 juillet 1789, la troisième année de la liberté devait durer jusqu'au 14 juillet prochain. D'autres membres, craignant que ce changement de date ne causât des méprises et n'embarrassât les calculs chronologiques, ont proposé de décréter que l'ère de la liberté suivrait l'ère vulgaire. L'Assemblée n'était pas encore assez nombreuse, M. le Président n'a pu mettre aux voix; je demande que l'Assemblée prononce.

M. Dorizy. Je vais expliquer à l'Assemblée les motifs qui ont déterminé les secrétaires à énoncer la formule de l'an quatrième de la liberté.

L'Assemblée constituante, en décrétant les nouvelles monnaies, a décidé qu'elles porteraient, à la suite du millésime de l'ère chrétienne, l'année de la liberté française. La commission des monnaies, arrêtée par la difficulté de concilier ces deux époques, la dernière ayant été fixée au 14 juillet 1789, a consulté le comité des assignats et monnaies. Il s'agissait de savoir si, pour mettre sur les monnaies l'inscription de l'an I, II ou III de la liberté, les coins devaient être renouvelés au mois de juillet, ou si l'on devait suivre l'usage adopté en France et dans la majeure partie de l'Europe de faire commencer l'année au 1er jan

vier.

Le comité des assignats et monnaies a longtemps discuté la question : le ministre des contributions publiques a été entendu et le résultat de nos observations a été que, autant pour la régularité de la computation que pour éviter les inconvénients qui surviendraient continuellement aux monnaies, il fallait compter l'année

de la liberté du 1er janvier 1789, bien qu'en réalité, nous n'ayions commencé à dater qu'à partir du 14 juillet. De cette manière, il n'y aura pas de différence dans les computations et l'ère de la liberté correspondra avec l'ère chrétienne. Je propose le projet de décret suivant :

"

L'Assemblée nationale décrète que, soit pour les monnaies, soit pour les procès-verbaux, la computation de l'ère de la liberté suivra celle qui est d'usage dans la plus grande partie de l'Europe pour le renouvellement de l'année. En conséquence, elle déclare que l'an quatrième de la liberté a commencé hier 1er janvier 1792. »

M. Ramond. Je suis d'autant plus convaincu que le projet de décret présenté par M. Dorizy doit être adopté par l'Assemblée, qu'il est bien certain que plusieurs époques mémorables de la Révolution, celles mêmes qui l'ont déterminé, sont antérieures au 14 juillet 1789. Dès les premiers jours de janvier, les Français avaient rédigé leurs cahiers. La constitution des représentants de la nation en Assemblée nationale constituante date du mois de juin; la double représentation de ce que l'on appelait alors le Tiers-Etat, qui constitue véritablement l'origine de la liberté, date d'une époque antérieure. Il n'est personne de nous qui, dans les mois de mai, juin et juillet 1789, n'ait travaillé, dans son département à préparer la liberté : c'est le rôle que j'ai joué, moi, dans le département du Bas-Rhin. Enfin, n'y eût-il que les 6 derniers mois de 1789 qui appartinssent à la liberté, ces 6 derniers mois sont remplis de telles merveilles qu'ils valent bien une année entière. (Applaudissements.)

M. Rouyer. Je suis d'un avis contraire à celui du préopinant, car je soutiens que la computation de l'ère de la liberté ne doit avoir lieu que depuis le moment de'son impulsion, et cette impulsion n'a' réellement eu lieu que le 14 juillet 1789. (Applaudissements.) C'est peut-être pour oublier un jour aussi mémorable qu'on veut le confondre dans le reste de l'année. (Murmures.)

C'est dans ce jour que les cœurs vraiment libres se renouvellent... (Murmures. — Aux voix ! aux voix!) Il est étonnant, Messieurs, que dans un seul jour, on veuille détruire une époque aussi mémorable. Je soutiens que ce jour doit être mémoré et qu'il doit purement fixer l'époque de chaque renouvellement d'année de la liberté.

M. Reboul. L'époque du 14 juillet est sans doute la plus glorieuse de notre Révolution; mais j'observe qu'il a fallu un espace de 200 ans pour que toutes les nations de l'Europe adoptassent le même calendrier, le calendrier Grégorien. Il ne faudrait pas, par un enthousiasme mal entendu, troubler l'ordre établi depuis longtemps et qui est commun à presque toutes les nations. (Applaudissements.)

Plusieurs membres : La discussion fermée!

(L'Assemblée ferme la discussion et décrète que l'ère de la liberté sera au 1er janvier 1789.)

Un membre: Je demande que l'on ajoute au projet de décret que tous les actes publics porteront, à l'avenir, immédiatement après la date de l'ère vulgaire, celle de notre liberté. (Appuyé! appuyé !)

M. Mathieu Dumas. J'appuie cet amendement par l'exemple des Etats-Unis, où tous les actes portent la date de l'indépendance, et où l'on compte, comme nous, par année et non par mois.

Un membre: Les rois eux-mêmes rappellent

l'époque de leur règne; rappelons aussi l'époque de notre liberté qui est celle de notre règne. (L'Assemblée décrète que les actes publics porteront à l'avenir, immédiatement après la date de l'ère vulgaire, celle de la liberté.)

M. Rouyer. Je demande, en ce cas, le décret d'urgence; il est nécessaire.

(L'Assemblée décrète l'urgence.)

M. Mathieu Dumas. Je demande que la rédaction du considérant, qui est très intéressant, soit renvoyée au comité de législation.

(L'Assemblée renvoie la rédaction du considérant au comité de législation.)

M. Dorizy. Voici, en tenant compte de l'amendement adopté, comment je propose de rédiger le décret :

« L'Assemblée nationale décrète que, soit pour les monnaies, soit pour les procès-verbaux et autres actes publics où l'ère de la liberté est rappelée, la computation de l'ère de la liberté suivra celle qui est d'usage dans la plus grande partie de l'Europe pour le renouvellement de l'année.

«En conséquence elle déclare que l'an quatrième de la liberté a commencé hier 1er janvier 1792. »

(L'Assemblée adopte le projet de décret de M. Dorizy, sauf rédaction.)

M. Basire. Je demande que tous les actes officiels de notre correspondance diplomatique portent aussi les deux dates.

M. Ramond. Vous pouvez décréter que tous les actes publics diplomatiques seront soumis à cette formalité, mais les lettres ne sont pas des actes publics, et on n'a rien à prescrire à cet égard. Quant au considérant, j'observe qu'il est très urgent qu'il soit apporté à l'Assemblée, parce que le décret que vous venez de rendre a une influence sur la confection des assignats.

M. Grangeneuve. M. Ramond vient de dire que les lettres ne sont pas des actes publics, les lettres de cabinet sont des actes publics; le ministre n'écrit point en son nom, il écrit comme agent, comme homme public en France. Il est nécessaire que les princes étrangers, ennemis de notre Révolution, voient quelquefois, dans notre correspondance avec eux, l'époque mémorable où le plus puissant peuple de l'univers a brisé le joug de la tyrannie. Je demande, en conséquence, que les lettres y soient comprises. (Murmures.)

M. Albitte. Vous entendez tous les jours, avec patience, les noms de comte et de marquis dans les lettres des ambassadeurs des puissances étrangéres; les puissances étrangères liront aussi, avec patience, l'an de la liberté.

M. Gérardin. Je demande le renvoi de la disposition de M. Basire et des autres dispositions additionnelles aux comités diplomatiques et de législation réunis qui, dans la séance de demain, en feront leur rapport et présenteront une nouvelle rédaction du décret entier, et que l'on passe à l'ordre du jour.

(L'Assemblée décrète la motion de M. Gérardin.) M. Mathieu Dumas, secrétaire. Voici une lettre de M. le maréchal de Rochambeau.

Verdun, le 31 décembre 1791.

« Monsieur le Président,

« Le service de l'Etat m'obligeant à retourner directement à Valenciennes, je vous prie de bien

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Décret d'urgence.

L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des secours publics, considérant que le soulagement de la pauvreté est le devoir le plus sacré d'une Constitution qui repose sur les droits imprescriptibles des hommes et qui veut assurer sa durée sur la tranquillité et le bonheur de tous les individus; attentive à pourvoir aux besoins des départements qui ont éprouvé des pertes, des événements fâcheux et imprévus; considérant, en outre, que la suppression de plusieurs droits et privilèges dont jouissaient les hôpitaux du royaume, a prodigieusement diminué des revenus si précieux; voulant enfin pourvoir à l'état de détresse momentanée qu'éprouvent les divers établissements de charité, décrète qu'il y a urgence.

Décret définitif.

« L'Assemblée nationale, après avoir décrété qu'il y a urgence, a décrété ce qui suit:

« Art. 1er. Il sera fourni par la caisse de l'extraordinaire au ministère de l'intérieur, et sous sa responsabilité, jusqu'à la concurrence de 15 millions, pour être employés, ainsi qu'il suit, à subvenir aux dépenses de secours habituels aux pauvres valides et invalides, aux enfants trouvés, aux maisons de correction, et aux avances et prêts à faire aux hôpitaux du royaume.

་་ Art. 2. II sera assigné une somme de 5,300,000 livres, pour ouvrir des communications dans les différents départements, ou pour autres ouvrages utiles; les seuls indigents seront admis à ces travaux sur les certificats des municipalités, visés par les districts.

« Art. 3. Il sera destiné aux dépenses des 34 dépôts de mendicité, la somme de 13 millions de livres.

« Art. 4. Les fonds pour l'entretien des enfants trouvés seront portés provisoirement à la somme de 2,400,000 livres.

« Art. 5. Les secours accordés par l'Assemblée constituante, aux hôpitaux du royaume, auront leur entier effet; il leur sera en outre assigné une somme de 6 millions, et ce, à titre d'avances sur

(1) Voy. ci-dessus, séance du 26 décembre 1791, p. 407, le rapport de M. Deperet.

les sols additionnels, et le seizième des biens nationaux. Les rentes qu'ils avaient sur ces biens continueront à leur être payées jusqu'en 1793.

«Art. 6. Toutes les applications de secours indiqués par les articles ci-dessus pourront néanmoins être changées dans le courant de l'année, suivant les circonstances et les besoins, et d'après le compte qui en sera rendu à l'Assemblée nationale.

« Art. 7. Les départements ne pourront toucher aucunes sommes, qu'ils n'aient rempli toutes les conditions prescrites par les lois des 25 juillet, 9 octobre derniers et autres antérieures.

« Art. 8. Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction du roi. »

Un membre: J'observe qu'il y a, dans ce projet de décret, des sommes qui sont portées comme extraordinaires et qui sont cependant comprises dans le projet du comité de l'ordinaire des finances comme devant faire une dépense de l'Etat; cela fait des doubles emplois. Je demande que tous les projets de décret qui seront présentés par quelque comité que ce soit, pour un des objets de dépense, ne puissent être soumis à la discussion sans avoir été auparavant communiqués au comité de l'ordinaire des finances pour qu'il en prenne connaissance.

(L'Assemblée décrète cette motion.)

Un membre: Je demande que le projet de décret que vient de vous présenter le comité des secours publics soit communiqué aux comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances et ajourné à jeudi matin.

(L'Assemblée décrète cette motion.)

Un membre: Je demande que les écoles vétérinaires soient comprises parmi les établissements publics auxquels il sera accordé des secours. (L'Assemblée renvoie cette proposition au comité des secours publics.)

Un membre: Je demande que le comité des secours publics s'occupe de même de la distribution et répartition des secours entre les différents départements.

(L'Assemblée décrète cette motion.)

M. Bouestard, au nom du comité des secours publics. Je demande au moins que vous accordiez la somme de 600,000 livres nécessaire à la continuation des travaux du canal de Bourgogne, les travaux cesseront jeudi si les ouvriers ne sont pas payés. Or, vous venez de décréter l'adjonction du comité de l'ordinaire des finances au comité des secours publics. Avant qu'il ait examiné la question, celà demandera un certain temps. Les ouvriers manqueront d'ouvrage et reflueront vers la capitale d'où ils sont partis pour aller travailler au canal de Bourgogne. Voici le décret (1):

"L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité des secours publics, considérant qu'il est de l'utilité générale du royaume de continuer l'ouverture du canal de Bourgogne; qu'il est indispensable de pourvoir au payement des ouvriers employés à ce canal; que ce payement ne peut plus s'effectuer puisque les fonds appliqués à cette entreprise sont absorbés; après avoir, pour les causes ci-dessus, décrété l'urgence, decrète ce qui suit :

"L'Assemblée nationale décrète qu'il sera fait fonds, par la caisse de l'extraordinaire, d'une

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somme de 600,000 livres, pour être, sous la responsabilité du ministre de l'intérieur, employée à la continuation des travaux du canal de Bourgogne.

"

Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction. »

(L'Assemblée adopte ce projet de décret, sauf rédaction et le renvoie, pour être rédigé, au comité de l'ordinaire des finances.)

M. Gensonné, au nom du comité diplomatique. Messieurs, voici la rédaction des deux décrets que vous avez renvoyés hier à votre comité diplomatique (1) et qui ont pour but de mettre en accusation les princes français et autres chefs des émigrés. Voici le premier projet de décret

« L'Assemblée nationale, considérant que la notoriété publique et des actes extérieurs connus de l'Europe entière ne permettent plus de douter que des Français fugitifs ont formé le coupable projet d'attenter à la liberté de leur patrie; que des princes français se sont déclarés les chefs de cette conspiration; qu'ils ont calomnié la nation, ses représentants et son roi; tenté d'élever des doutes sur la sincérité de l'acceptation que Louis XVI a solennellement proclamée; appelé autour d'eux une foule de rebelles; fait des préparatifs hostiles, suivis de négociations auprès des puissances étrangères; sollicité d'elles des secours en hommes, en armes et en argent, ouvertement dirigés contre la France; fomenté dans le sein du royaume des divisions funestes; tenté d'ébranler la fidélité de plusieurs agents de la force publique; entretenu des relations suspectes dans l'intérieur et fait enrôler et recruter, au nom du roi, jusque dans le sein de la France;

« Considérant que les mesures projetées par l'Assemblée nationale au commencement du mois de novembre dernier, et le délai qu'elle avait accordé n'ont fait qu'accroître l'audace des rebelles, ont provoqué des réponses séditieuses et insolentes aux exhortations fraternelles du roi, nécessité des armements considérables et entretenu des inquiétudes funestes au crédit et une fermentation dangereuse pour la tranquillité publique,

« Décrète qu'il y a lieu à accusation contre Louis-Stanislas-Xavier,Charles-Philippe et LouisJoseph, princes français, N.... Calonne, ci-devant contrôleur général; N... Laqueuille l'aîné, et Grégoire Riquetti, tous les deux ci-devant députés à l'Assemblée nationale constituante, comme prévenus d'attentats et de conspiration contre la sûreté générale de l'Etat et de la Constitution. »

M. Cambon. Je crois que le décret d'accusation que nous portons doit servir d'exemple pour toutes les déclarations d'accusations que nous aurons à porter dans la suite. Il faut donc que nous observions les formes que la loi nous a indiquées, ou que nous en établissions d'invariables.

Je reviens sur le considérant et j'observe à l'Assemblée que le juré ne prononce le décret d'accusation que par l'intime conviction où il est que l'accusé est prévenu de tel ou tel délit. Le directeur du juré fait ensuite, sur la déclaration des jurés, l'acte d'accusation, et il le motive, mais les jurés doivent déclarer purement et simplement qu'il y a lieu à accusation. La loi a voulu que nous fissions d'abord les

(1) Voy. ci-dessus, séance du dimanche 1 janvier 1792, page 728.

fonctions de juré en rendant le décret d'accusation, ensuite celles de directeur de juré en rédigeant l'acte d'accusation. Il faut donc d'abord, aux termes de la loi, nous borner purement et simplement à déclarer qu'il y a lieu à accusation; ensuite, lorsque nous rédigerons l'acte d'accusation, le considérant trouvera alors sa place. Nous n'en sommes pas encore à cet acte; quand nous y serons, nous devrons libeller nos griefs contre les princes, parce que cet acte d'accusation servira de base à la procédure. Pour le moment, il ne s'agit que de rendre le décret d'accusation, et si nous mettions nos motifs dans un considérant, au lieu de juré d'accusation, nous deviendrions, pour ainsi dire, partie. N'attaquons pas dans sa naissance la forme du juré. Si l'Assemblée veut, dans ce moment, un considérant, je crois qu'il doit être borné à la simple déclaration qu'elle est intimement convaincue que les accusés sont prévenus d'attentats contre la Constitution. Je demande que le considérant soit rédigé dans ce sens et que nous rendions un décret pur et simple.

Un membre: L'acte d'accusation doit contenir les faits; mais un décret d'accusation est un acte beaucoup plus solennel qui doit contenir l'énonciation générale des motifs qui le déterminent. Plusieurs membres Aux voix! aux voix! la rédaction du comité.

:

:

(L'Assemblée adopte la rédaction du comité.) Un membre Je demanderai pourquoi M. Breteuil, notre agent auprès de la maison d'Autriche et l'un des chefs de cette ligue nobiliaire, n'est pas décrété ?

(Cette motion n'a pas de suite.)

M. Gensonné, rapporteur. Voici le deuxième projet de décret:

«L'Assemblée nationale, considérant qu'il importe à la tranquillité publique de prendre, sans délai, les mesures les plus propres pour déjouer les projets des conspirateurs, et hâter l'exécution du décret d'accusation qu'elle a rendu;

Que les agents du pouvoir exécutif lui doivent compte de tous les éclaircissements qu'ils ont dù se procurer sur les démarches officielles des révoltés auprès des cours étrangères, sur les circonstances qui ont accompagné et suivi leurs complots, la désignation de leurs principaux agents, l'état et le nombre de leurs complices:

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Décrète que ses comités diplomatique et de législation réunis lui présenteront, dans le délai detrois jours, un projet d'acte d'accusation contre Louis-Stanislas-Xavier, Charles-Philippe et LouisJoseph, princes français; et contre N... Calonne, cidevant contrôleur-général, N... Laqueuille l'aîné, et Grégoire Riquetti, tous les deux ci-devant députés à l'Assemblée nationale constituante;

Décrète que le ministre des affaires étrangères sera tenu de remettre au comité diplomatique, dans le même délai, toutes les notes et les éclaircissements relatifs auxdits complots, et aux circonstances qui les ont accompagnés ou suivis, que les agents de la nation auprès des puissances étrangères ont dù lui faire parvenir; comme aussi de dénoncer à l'Assemblée nationale ceux d'entre lesdits agents qui peuvent s'être rendus coupables de connivence avec les révoltés, soit en favorisant ouvertement leurs projets, soit en négligeant d'instruire le gouvernement des dispositions hostiles qu'ils ont manifestées, et des négociations qu'ils ont préparées et suivies sous leurs yeux dans les cours étrangères. »

(L'Assemblée adopte ce projet de décret.)

M. Gensonné, rapporteur. Je suis encore chargé, par le comité diplomatique, de vous demander l'ajournement à mercredi des mesures accessoires qui ont été proposées par M. Brissot et d'autres membres contre les princes et citoyens français fugitifs. Il vous sera fait, mercredi prochain, un rapport et sur ces mesures accessoires et sur l'office de l'empereur qui a été présenté à l'Assemblée par le ministre des affaires étrangères.

(L'Assemblée décrète la motion de M. Gensonné.)

M. Leremboure. Vous venez de rendre un décret d'accusation contre les chefs des rebelles. La haute cour nationale va juger incessamment ceux de ces chefs qui sont coupables du crime de trahison. D'un autre côté, la nation reconnaissante a consacré aux grands hommes qui ont illustré ou servi leur patrie, un monument digne d'eux. M. Vaublanc a fait, l'autre jour, la motion, que vous avez renvoyée à votre comité d'instruction publique, d'instituer, à l'exemple des Romains, des fêtes civiques, des pompes triomphales qui propageraient partout l'amour de la patrie et rendraient ce sentiment la première des vertus. C'est à de telles institutions que Rome a dù les Brutus et les Scevola. Il me semble, Messieurs, que l'on pourrait encore ajouter à ces grands moyens employés par les peuples libres, d'autres moyens destinés à flétrir le crime.

Nous perpétuons la gloire des grands hommes, nous la fixons, nous la présentons sans cesse aux regards des citoyens, et le châtiment des traîtres ne serait transmis à la postérité que par l'histoire que tous les hommes ne lisent pas. Leurs agents subalternes tomberaient sous le glaive de la loi, et les chefs qui outragent la nation vivraient dans l'opulence, dans les cours des princes étrangers. Non, Messieurs, il faut les atteindre jusque dans leur retraite. Il ne suffit pas d'accuser, de poursuivre les chefs des rebelles, il faut les punir. J'ose vous en présenter un moyen, avec ce sentiment qu'éprouve un homme délicat lorsqu'il présente une idée neuve à des législateurs assemblés...

M. Thuriot. Je demande qu'on ne fasse jamais son éloge à la tribune.

M. Leremboure. Ce moyen, Messieurs, serait de consacrer à la vindicte nationale un édifice où les noms des traîtres à la patrie seraient gravés sur des tables d'airain pour être transmis à la postérité. (Murmures.) Je demanderais que les arts se réunissent pour rendre encore plus terribles les images du crime qui serait représenté sur ce monument. (Murmures prolongés.)

Plusieurs membres : L'ordre du jour!

M. Leremboure. Messieurs... (Murmures.) Je vous demande 10 minutes... (Non! non!)... 5 minutes... (Non! non! L'ordre du jour !)

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

M. Mouysset. J'ai eu l'honneur de vous demander hier la parole pour ajouter une nouvelle preuve aux actes multipliés de révolte qui vous ont été dénoncés contre Louis-Stanislas-Xavier. Vous savez que l'Assemblée nationale constituante a abrogé tous le sordres de chevalerie, et Vous savez qu'en même temps elle ne statuait rien relativement à l'administration des biens appartenant aux différents ordres. Le ci-devant Monsieur était grand-maître de l'ordre de SaintLazare. L'administration des biens appartenant

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